J'entends la demande de M. Ravier. Si j'ai bien compris l'amendement et si je devais le résumer, cela revient à obliger le Gouvernement à dissoudre au bout de trois mois.
Il faut bien sûr se servir de toutes les ressources du droit pour que cette dissolution ait lieu le plus rapidement possible afin que les moyens administratifs ne soient pas utilisés de façon disproportionnée mais aussi dans le cas où nous aurions affaire à une association particulièrement véhémente envers la République.
Cependant, le délai de trois mois n'est pas toujours tenable. Je vais vous donner des exemples précis : parfois nous avons simplement des suspicions, parfois nous nous appuyons sur de « petits faits ». Ce n'est pas parce qu'on peut invoquer un des motifs prévus par le code de la sécurité intérieure que tous les motifs rendant possible la dissolution sont réunis.
Parfois encore il est nécessaire de consulter les services de renseignements – cela m'est arrivé – , comme la DGSI, la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSE, la Direction générale de la sécurité extérieure ou encore TRACFIN, traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins. Nous leur demandons d'étayer ses hypothèses en nous fournissant notamment des notes blanches, c'est-à-dire des documents qui ne mentionnent pas forcément les sources utilisées. L'existence et la validité de ces notes sont reconnues par le Conseil d'État mais ce type d'échanges avec les services de renseignement, notamment dans le domaine financier, demande du temps, parfois davantage que trois mois.
Le type de contrainte que vous proposez aurait des conséquences négatives selon moi. En effet, si le délai était dépassé, cela pourrait laisser entendre que la République n'a pas été capable de fournir dans le temps imparti les preuves justifiant une dissolution, qu'elle n'a pas su en tirer la substantifique moelle.
C'est pourquoi, sans vouloir briser un suspense insoutenable, et si M. le rapporteur Éric Poulliat me le permet, je peux dévoiler le scénario qui se profile. Nous envisageons de donner un avis positif à un amendement déposé par M. de Courson et qui vise à permettre un renouvellement de la durée de suspension de trois mois. Cette piste est peut-être la bonne.
Je comprends bien la volonté du parlementaire de réduire la marge de manoeuvre du Gouvernement afin qu'il n'utilise pas le recours à la suspension à l'infini pour éviter de procéder à la dissolution – mais de toute façon, si tel était le cas, le Conseil constitutionnel jugerait qu'un tel usage est disproportionné.