Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du lundi 8 février 2021 à 16h00
Respect des principes de la république — Article 8

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

Monsieur Vallaud, admettons, comme vous semblez le suggérer, qu'il y ait un conflit entre un membre et l'association, et que le membre continue à se prévaloir de l'association sans le soutien de celle-ci. Le principe du contradictoire serait alors de mise : quand l'association apprendrait qu'on lui impute les propos de cet individu, elle répondrait que celui-ci ne fait pas partie de l'association, qu'il ne paie plus ses cotisations, qu'elle est en procès pour diffamation avec lui et qu'elle lui a déjà envoyé trois lettres pour exiger qu'il arrête de s'en réclamer. Cela suffirait : au terme de la procédure contradictoire, pas de doute, on distinguerait le membre et l'association.

Monsieur de Courson, la voix de la défenseure des droits est respectable, mais le conseil juridique du Gouvernement, qui nous aide à rédiger les textes pour que les choses se passent le mieux possible au Conseil constitutionnel, c'est le Conseil d'État que vous citez allègrement – sauf dans ce cas ! C'est lui qui nous a proposé la précision que vous combattez. Serait-il un ennemi des libertés ? Ce serait au moins un scoop dans notre échange !

Je me permets de vous renvoyer au considérant 30, page 17, de l'avis du Conseil d'État : « Le Conseil d'État suggère de préciser dans le projet que sont imputables à l'association ou au groupement de fait soit les agissements des membres qui se prévalent de leur appartenance à cette association, soit ceux qui sont directement liés à son activité. » On ne peut pas être plus clair ! « Ainsi précisées, ces dispositions qui s'inspirent, d'une part, de la jurisprudence du Conseil d'État » – qui, à vous suivre, serait donc liberticide depuis quelques siècles ! – « (CE, 30 juillet 2014 no 370306 Association « Envie de rêver » ; ordonnance du 25 novembre 2020 nos 445774, 445984 Association Barakacity) et, d'autre part, des dispositions permettant sur le fondement de l'article L. 332-18 du code du sport et pour des motifs voisins de ceux mentionnés au 6° de l'article L. 212-1 du CSI [le code de la sécurité intérieure] de prononcer la dissolution ou la suspension d'associations ou groupement de fait à raison des agissements de leurs membres. » C'est le Conseil d'État lui-même qui le suggère, quelles que soient vos difficultés d'interprétation.

Oui, les dispositions que nous prenons sont fermes mais je rassure M. Vallaud : si l'association est capable de démontrer que la personne responsable n'en est pas membre et qu'ils sont en conflit, il n'y a aucune raison de lui imputer les agissements de l'individu. Après, il y a quand même des « petits faits vrais », comme dirait Stendhal : relayer sans cesse la parole d'une personne ou continuer à l'inviter sur sa chaîne YouTube ou dans ses conférences sont des indices d'un lien fort. En revanche, s'il s'agit d'un individu qui n'est plus membre de l'association, avec lequel celle-ci est en conflit, mais qui s'en réclame pour je ne sais quelle raison sociale, il ne sera évidemment pas possible, je le répète, d'imputer ses agissements à l'association. Voilà l'avis du Conseil d'État ; je ne peux pas faire mieux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.