Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du lundi 8 février 2021 à 16h00
Respect des principes de la république — Article 10

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

L'article L. 10 porte sur le contrôle des impositions, que vous connaissez bien, monsieur de Courson. Or il ne s'agit pas de contrôler les impositions des associations, mais la délivrance des reçus fiscaux : ce n'est pas tout à fait le même sujet. Votre amendement me semble introduire plus de confusion qu'autre chose : mon avis sera donc défavorable.

Par ailleurs, monsieur Breton, il n'est pas raisonnable de réagir comme vous le faites et de suggérer que l'administration n'aurait pas assez de moyens, qu'elle ferait mal son travail ou encore que les politiques manqueraient de volonté. En réalité, cette affaire de reçus fiscaux et d'associations pose de nombreuses questions depuis très longtemps, M. de Courson le sait bien : contrairement aux partis politiques ou aux organisations syndicales, les associations qui délivrent des reçus fiscaux ne sont soumises à aucun agrément a priori. Une masse très importante de reçus fiscaux est donc établie, et ils sont d'autant plus difficiles à contrôler que les dons sont anonymisés.

En effet, lorsque vous remplissez votre déclaration, vous n'indiquez pas le bénéficiaire de votre don. C'est bien normal : le contrôleur des impôts n'a pas à savoir à quel parti politique ou à quel culte vous décidez d'adresser votre don en fonction de vos orientations et de vos opinions. Les contrôles n'ont pas à être réalisés en fonction de données tout à fait personnelles. L'anonymisation est donc la règle. Ainsi, ceux d'entre vous qui ont effectué des dons – vous en avez quasiment tous fait pendant les campagnes électorales – ont obtenu de la part de la CNCCFP, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, un reçu fiscal qui ne mentionne pas le bénéficiaire du don.

En l'absence d'agrément pour les associations d'un côté, et de mention de la personne qui a effectué le don de l'autre, les contrôles sont rendus difficiles. Ce n'est pas une question de manque de moyens : il faudrait des dizaines de milliers d'agents de la direction générale des finances publiques pour contrôler une par une les associations, ce qui ne serait pas de bonne politique. Il s'agit donc de remettre un peu de bon sens dans notre droit : des démarches pourront désormais être entamées afin de mieux contrôler, en plus des contribuables qui déclarent les reçus fiscaux, les associations qui les émettent.

Généralement, on pense – et c'est peut-être le cas d'une partie des parlementaires ou des personnes qui nous écoutent – que seules les associations reconnues d'utilité publique ont le droit d'établir un reçu fiscal. Ce n'est pas vrai : une association quelconque peut tout à fait émettre des reçus fiscaux. La situation est d'autant plus complexe qu'une association culturelle ayant par ailleurs des activités cultuelles peut bénéficier de déductions fiscales au titre d'actions de solidarité et récupérer une partie de l'argent public – puisqu'il s'agit bien d'argent public dès lors qu'il est question de reçus fiscaux – pour financer ses activités cultuelles et, par exemple, la construction d'un lieu de culte. Cela vous est peut-être déjà arrivé : on se retrouve parfois, à la lecture d'un prospectus, à se demander comment il est possible d'obtenir un reçu fiscal de la part d'une association oeuvrant pour la construction d'un lieu de culte : mettant à profit les incertitudes de la loi, c'est à bon droit qu'elle peut le faire.

Monsieur le député Breton, il y a quelques temps, j'ai proposé en conseil des ministres la dissolution du CCIF et un grand nombre d'entre vous avaient eu la gentillesse de souligner à quel point c'était une mesure courageuse et attendue. Sachez que, jusqu'au jour de sa dissolution, cette association émettait des reçus fiscaux : c'est, avouons-le, un peu contradictoire.

Il est donc nécessaire de redresser le droit des reçus fiscaux, non pas pour les limiter, mais pour mieux les contrôler. Monsieur de Courson, il ne s'agit pas de contrôler les impositions, comme le permet l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, mais bien la délivrance des reçus fiscaux. C'est un travail complexe, vous le savez. Pour répondre à M. Breton, il n'est pas question de mettre toute notre énergie dans une sorte de flicage général : il s'agit de faire en sorte que les contrôles puissent dérouler sur de bonnes bases, en permettant à chacun de savoir ce sur quoi il pourra être contrôlé.

Nous aurons peut-être l'occasion, avant l'examen du texte au Sénat, de travailler encore un peu plus sur cette question avec la direction générale des finances publiques. M. le ministre délégué chargé des comptes publics n'a pas pu venir aux bancs, mais je sais qu'il a prévu de venir au Sénat. En tout cas, nous travaillons beaucoup avec ses services, afin de mettre en place ces contrôles qui sont nécessaires. En effet, on a du mal à imaginer comment on pourrait poursuivre en justice des associations, les dissoudre ou les suspendre et les laisser continuer dans le même temps à émettre des reçus fiscaux sans aucun contrôle.

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