Ma réponse sera longue et explicative. Il me semble inopportun de supprimer les dispositions qui complètent l'article 913 du code civil, puisqu'elles permettront aux enfants évincés d'une succession, pour quelque motif que ce soit, de récupérer leur part successorale sur des biens situés en France. Il faut mettre fin à la possibilité pour le testateur d'établir des discriminations entre ses enfants en raison de leur sexe, de leur ordre de naissance, de leur filiation, de leur religion ou encore de leur orientation sexuelle.
Ce dispositif paraît conforme au règlement européen relatif aux successions, comme l'indique l'avis du Conseil d'État, qui y était favorable. Ce règlement prévoit des exceptions dans lesquelles la loi interne peut contrarier l'application de la loi étrangère désignée par la règle de conflit. Parmi elles, figure l'exception d'ordre public international prévue par l'article 35 du règlement. La Cour de justice de l'Union européenne laisse une certaine marge d'appréciation aux États membres pour définir les contours de leur propre ordre public international. Il ressort de sa jurisprudence plusieurs conditions pour qu'une disposition nationale puisse être considérée par l'État membre comme d'ordre public international. La règle interne doit correspondre à des valeurs partagées par l'ensemble des États membres et constituer pour l'État considéré un élément essentiel de son ordre juridique, social, économique ou culturel. La réserve héréditaire remplit ces conditions ; elle est un principe commun à l'ensemble des États membres de l'Union européenne liés par le règlement et elle exprime des valeurs politiques et culturelles fortes, puisqu'elle traduit notamment les principes républicains français que sont la liberté, l'égalité et la fraternité.
L'article 13 ne dit pas que la loi étrangère doit être écartée lorsqu'elle prévoit une réserve différente ou moindre. Il ne permet le prélèvement compensatoire que si cette loi étrangère ne connaît aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants. Il serait donc excessif d'exiger de la loi étrangère qu'elle prévoie une règle équivalente à celle de la loi française. L'essentiel est que la loi étrangère accorde une protection minimale à l'enfant. Avis défavorable.