Je vous trouve très optimistes, chers collègues ! Vous nous invitez à voter une loi qui deviendra un contentieux juridique international : avec des pays qui croient plutôt en la personnalité active des lois, c'est-à-dire que les lois s'appliquent à leurs ressortissants de manière active ; avec des pays qui ont plutôt des systèmes reposant sur la personnalité passive des lois, c'est-à-dire dont les victimes peuvent être leurs ressortissants ; avec des pays dont les systèmes juridiques sont basés sur la territorialité des lois ; avec des pays qui combinent personnalité active, personnalité passive et territorialité – sans compter ceux qui font un peu d'extraterritorialité.
Je suis frappé par l'écart entre l'objectif que vous visez, qui est de ne pas désavantager les femmes – et avec lequel nous sommes tous d'accord – et ce que vous faites ! Je suis favorable à la réserve héréditaire, mais ce n'est pas le sujet. Vous entendez ne pas déshériter les femmes – très bien – et à la fin, l'article ne fait pas référence au genre et il s'appliquera à tous les pays – ce qui nous écarte un peu du sujet du projet de loi. Vous aurez des contentieux avec des pays anglo-saxons, avec des ressortissants franco-japonais, etc. Cela va devenir un vrai nid à contentieux !
Enfin, vous allez provoquer des heurts entre la conception juridique de chaque pays et la nôtre, ce qui conduira à conclure des conventions bilatérales pays par pays, pour essayer de clarifier les choses. Sans compter que les biens peuvent être mobiles : ce ne sont pas uniquement des biens immobiliers. Par conséquent, certains vont se mettre à vider leurs comptes pour éviter ou contourner la loi française.
Je ne dis pas que tous ces sujets sont des obstacles dirimants ; néanmoins, nous pourrions y réfléchir avant de voter un projet de loi qui risque de nourrir beaucoup d'avocats et assez peu d'héritières, malheureusement.