La discussion sur les textes relatifs à l'organisation des scrutins est fondamentale pour l'exercice du droit de vote, droit essentiel dans toute démocratie. Le présent projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux et des conseils régionaux, s'inscrit dans la logique des conclusions de la mission confiée à l'ancien président de notre assemblée, M. Jean-Louis Debré.
L'« option raisonnable » – pour reprendre les termes de son rapport– d'un report des élections précitées de mars à juin 2021 nous paraît effectivement souhaitable. La situation sanitaire de notre pays étant toujours incertaine, il est important de veiller à ce que l'organisation des élections se fasse dans des conditions permettant de concilier les principes constitutionnels de sincérité et de périodicité du scrutin avec celui de la préservation de la santé de nos compatriotes.
Nul ne souhaite en effet revivre l'épisode du premier tour des élections municipales, marquées par une abstention record, due en grande partie à la peur du virus. Cependant, nul ne saurait tolérer que le calendrier électoral soit régulièrement modifié sans que cela soit justifié par un motif impérieux d'intérêt général. Selon certaines rumeurs, ces échéances électorales pourraient être reportées après les prochaines élections présidentielles et législatives. Outre le signal négatif que constituerait cette solution en matière de respect des règles démocratiques, elle serait exposée à un risque d'inconstitutionnalité pour méconnaissance du principe de périodicité raisonnable du scrutin. Le risque d'une crise politique majeure ne serait alors pas à exclure.
L'argument sanitaire, s'il est fondamental, ne peut servir d'unique base à une décision politique. D'autres élections, notamment la récente élection présidentielle au Portugal, ont d'ailleurs pu se tenir en dépit d'une situation sanitaire encore aléatoire. Dans ces conditions, nous réaffirmons la nécessité que les rendez-vous démocratiques fondamentaux que sont les élections puissent se tenir en juin prochain.
Cependant, le texte qui nous est soumis suscite certaines inquiétudes, notamment quant au contenu de l'article 4 ter. Cet article, introduit par amendement, fait ressurgir, sous couvert de la simple présentation d'un rapport au Parlement, le spectre de la généralisation du recours aux machines à voter. La date butoir du 1er octobre 2021 choisie pour la remise de ce rapport illustre la volonté des promoteurs de ces dispositions de permettre une utilisation plus massive des machines à voter dès les prochaines élections présidentielle et législatives.
Si un moratoire sur le déploiement des machines à voter a été décidé en 2008, avec pour effet de geler le périmètre des communes autorisées à se doter de ces outils de vote, c'est précisément parce que ce type de matériel peut poser de sérieuses difficultés. Leur inconvénient majeur réside dans le fait que les électeurs se retrouvent dans l'impossibilité de procéder à un contrôle de la légalité du suffrage. On pourrait également évoquer la question du vote par correspondance qui, s'il devait être adopté, faciliterait grandement la fraude. À l'heure où une part croissante de nos compatriotes se détournent du vote, comme en témoigne l'augmentation constante du taux d'abstention, il est totalement déraisonnable d'accentuer cette crise de confiance démocratique en recourant massivement à un dispositif de vote présentant un risque accru de fraude et susceptible de mettre à mal le principe sacré du caractère secret du vote.
Comme l'histoire nous l'a montré à plusieurs reprises, nos institutions sont fragiles. La confiance ne se décrète pas, elle se mérite. Pour redonner confiance à nos concitoyens dans nos institutions, nous devons avant tout les respecter. Sur ce point comme sur d'autres, le Parlement doit être le garant du respect de notre vie démocratique.