Nous ouvrons à présent un chapitre important du projet de loi, le chapitre IV, qui contient les dispositions relatives à la lutte contre les discours de haine et les contenus illicites en ligne. Les différents articles de ce chapitre répondent à des motifs sérieux, sur lesquels je veux dire quelques mots. Pour ne pas abuser du temps restreint qui nous est malheureusement imparti, je m'exprimerai sur l'ensemble de ces articles.
Chacun de nous constate la prolifération de contenus incitant à la haine et à la violence sur les réseaux sociaux. En témoignent l'augmentation exponentielle des signalements sur la plateforme PHAROS – plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements – l'année dernière et le nombre des atteintes graves à l'intégrité physique des personnes qui en découlent. Il apparaît évidemment nécessaire de renforcer notre arsenal pénal pour prévenir la divulgation d'informations à caractère personnel.
Au cours des nombreuses auditions menées par la commission spéciale, l'ensemble des intervenants ont affirmé la nécessité de renforcer notre droit pour mieux nous protéger face aux discours de haine et aux contenus illicites. Pour lutter contre ces phénomènes, l'instauration, à l'article 18, d'un nouveau délit visant à réprimer la divulgation d'informations personnelles et à muscler le code pénal nous est proposée pour prévenir les violences graves. Ce nouveau délit est souhaitable, mais il crée une insécurité juridique dont nos débats, je l'espère, permettront de lever les zones d'ombre.
Vous rattachez ce délit à un article du code pénal qui traite de la mise en danger de la vie d'autrui et dont le juge pourrait appliquer l'ensemble des conditions caractérisant cette mise en danger : la violation de l'obligation particulière de prudence, l'exposition directe d'autrui à un risque immédiat de mort et le caractère intentionnel de la violation de l'obligation. Les conséquences du nouveau délit créé par l'article 18 pourraient donc être amenuisées et il sera essentiel, au cours de nos travaux, de préciser davantage le texte.
Force est de le constater, notre code pénal prévoit déjà des dispositions législatives et des infractions qui pourraient englober sans difficulté les comportements visés à l'article 18, aujourd'hui peu réprimés par manque de signalements et parfois par manque de courage des institutions. Ces dispositions sont en outre peu utilisées par les victimes, qui n'ont pas toujours connaissance de leurs droits. En tout état de cause, au lieu de renforcer le brouillard législatif, il aurait été plus judicieux de faire appliquer les textes en vigueur et de s'assurer de leur lisibilité afin que leur application par le juge ne soit pas dévoyée.
Permettez-moi de dire un mot des articles 19 et 20. Le premier propose des solutions et des moyens d'action pour faire disparaître les contenus d'un site internet interdit qui se retrouvent sur un site miroir ou sur le site d'un autre prestataire. Il convient bien sûr de supprimer les contenus illicites, mais il nous faut aller plus loin sur ce sujet. Je proposerai donc de créer une plateforme des contre-discours pour sensibiliser aux bonnes pratiques en matière de lutte contre les discours de haine.
À la suite des travaux que nous avons menés avec de nombreux collègues, notamment ma collègue de la majorité Caroline Abadie, dans le cadre de la mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme, nous nous sommes battus pour que soit créée une attestation certifiant la sensibilisation au bon usage des outils numériques et des réseaux sociaux, en particulier auprès des jeunes. Nous avons proposé que cette sensibilisation prenne la forme d'un permis internet.
S'agissant, enfin, de l'article 20, qui adapte la répression des abus de la liberté d'expression d'une particulière gravité en ligne, son objectif est avant tout de mettre fin à des agissements inacceptables. Quand on tague des croix gammées, on ne dégrade pas les biens publics, on incite ouvertement à la haine. Quand on prend à partie un grand intellectuel français, quand on l'insulte et on le violente, notamment au titre de sa religion, la réponse judiciaire doit être immédiate. Le respect de la liberté de la presse ne doit pas nous rendre faibles face au racisme et à l'antisémitisme, a fortiori dans une société dans laquelle les réseaux sociaux renforcent la violence et l'instantanéité. Cette nouvelle disposition constitue une chance de renforcer notre arsenal juridique et de le rendre plus efficace.
Ainsi, chers collègues, durant nos débats, de nombreuses améliorations devront encore être apportées aux articles 18, 19 et 20 pour qu'ils puissent apporter la meilleure sécurité juridique afin de réprimer des agissements dont les conséquences sont de plus en plus lourdes et durables pour nos concitoyens qui en sont les victimes. Il s'agit d'éviter les drames qui volent les vies et qui meurtrissent les coeurs.