La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi confortant le respect des principes de la République (nos 3649 rectifié, 3797).
Lundi soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 2260 portant article additionnel après l'article 16.
Le premier de ces amendements répond à une recommandation du Comité national contre les violences intrafamiliales. Le certificat de virginité, n'étant pas considéré comme un certificat médical, tombe sous le coup du code pénal et non du code de la santé : il constitue donc une violence. À ce titre, quelques collègues et moi-même estimons qu'il conviendrait, si la victime est mineure, de signaler les faits à la protection de l'enfance, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Le second, madame la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, est un amendement d'appel. Ce week-end, à l'occasion de la Journée internationale de tolérance zéro à l'égard des mutilations génitales féminines, l'ONU – Organisation des Nations unies – a fait savoir que 2 millions de femmes et de filles pourraient être excisées au cours de la prochaine décennie, en plus des 4 millions qui risquent déjà cette mutilation chaque année. Et l'association Les Orchidées rouges, qui prend en charge des victimes de cette pratique, met en garde contre la tentation de considérer que l'excision n'est pas une affaire française : il y aurait dans notre pays 60 000 femmes excisées, et même 125 000 selon Santé publique France.
Notre idée d'un certificat de non-excision pour les mineures à risque quittant le territoire national, très simple à exposer, serait certes compliquée à concrétiser. Je comprends donc que la commission ait rejeté cet amendement. Cependant, j'aimerais entendre Mme la ministre déléguée nous détailler l'arsenal des mesures prises contre l'excision. Face aux chiffres que je viens de citer, comment faire ?
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure de la commission spéciale pour le chapitre III du titre Ier, pour donner l'avis de la commission sur ces deux amendements.
S'agissant du premier amendement, le dernier alinéa de l'article 16 est ainsi rédigé : « Toute personne informée de la réalisation d'un tel acte en vue d'établir un certificat de virginité et qui ne dénonce pas sa réalisation aux autorités encourt la peine pour non-dénonciation de crime ou de délit prévue aux articles 434-1 à 434-4 du code pénal. » En outre, le juge des enfants peut être saisi lorsque la santé d'un mineur se trouve menacée. Enfin, l'adoption de votre amendement écraserait l'article L. 112-5 du code de l'action sociale et des familles, relatif au protocole établi par le président du conseil départemental, en lien avec les responsables institutionnels et associatifs, afin de mener « des actions de prévention en direction de l'enfant et de sa famille, notamment avec les caisses d'allocations familiales, les services de l'État et les communes ». Par conséquent, cet amendement est satisfait et l'avis est défavorable.
Quant au second amendement, nous sommes d'accord concernant la nécessité de lutter contre l'excision, pratique barbare et atteinte inacceptable à l'intégrité du corps des femmes, qui est d'ailleurs interdite en France depuis 2006. À cet égard, je salue cet amendement, comme ceux qui vont suivre. Toutefois, votre proposition est peu opérationnelle : comment détecter les mineures qui risquent une mutilation sexuelle ? comment s'assurer qu'elles ne la subiront pas à l'étranger ? comment les empêcher de sortir du territoire si elles ne détiennent pas de certificat de non-excision, sachant que celui-ci ne serait pas forcément conservé ou remis en mains propres ? De plus, un tel certificat n'aurait en fait aucune utilité : en tout état de cause, la seule protection effective contre le risque d'une excision lors d'un voyage à l'étranger est l'interdiction de sortie du territoire, délivrée aussitôt que la demande en est faite, que prévoit l'article 375-5 du code civil. Je demande donc le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, pour donner l'avis du Gouvernement.
Comme vous le savez, madame Krimi, je partage l'objectif de vos amendements mais nous considérons qu'ils sont déjà satisfaits, et je vais vous expliquer pourquoi.
D'abord, l'excision préoccupe fortement plusieurs ministères, dont nous avons déjà parlé lors de plusieurs débats. Lors de la Journée internationale de tolérance zéro à l'égard des mutilations génitales féminines, j'ai eu l'occasion de faire le point avec M. Julien Boucher, le directeur général de l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et nous avons détaillé la manière dont les jeunes filles exposées à ce risque sont accueillies et protégées en France, car notre pays est le premier protecteur des victimes ou victimes potentielles d'excision ou d'autres mutilations génitales.
Concernant l'idée d'un certificat de non-excision, j'ajouterai que l'OFPRA ne protège pas seulement les victimes potentielles à leur arrivée en France, mais dans la durée. En d'autres termes, ses services ne se contentent pas d'accorder le droit d'asile à ces jeunes filles, de régulariser leur situation. Ils procèdent également à des vérifications et à un suivi : à intervalles réguliers, la famille doit fournir à l'OFPRA un certificat de non-mutilation. Le dispositif que vous proposez existe donc dans les textes, au niveau réglementaire, et sur le terrain, où il se révèle efficace.
Je demande donc le retrait des deux amendements.
Conciliabules.
Mes chers collègues, je vous invite à bien vouloir tenir vos conversations particulières en dehors de l'hémicycle.
Je remercie Mme la rapporteure et Mme la ministre déléguée. Je retire mes deux amendements.
Cet amendement dû à ma collègue Emmanuelle Anthoine vise à donner au juge judiciaire la possibilité d'interdire temporairement la sortie du territoire aux jeunes filles qui se trouveraient exposées au risque de mutilation, afin de les protéger.
Cet amendement est satisfait puisque l'article 16-2 du code civil dispose : « Le juge peut prendre toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite au corps humain », et le dernier alinéa de l'article 375-5 du code civil : « En cas d'urgence, dès lors qu'il existe des éléments sérieux laissant supposer que l'enfant s'apprête à quitter le territoire national dans des conditions qui le mettraient en danger et que l'un des détenteurs au moins de l'autorité parentale ne prend pas de mesure pour l'en protéger, le procureur de la République du lieu où demeure le mineur peut, par décision motivée, interdire la sortie du territoire de l'enfant. » Ces dispositions sont applicables aux mineures menacées de mutilation sexuelle. Par conséquent, je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, je donnerai un avis défavorable.
L'amendement no 8 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Comme les suivants, ils sont dûs à Sereine Mauborgne. Ils portent sur des violences malheureusement subies par beaucoup de femmes, en France comme dans le reste du monde : les mutilations génitales. Excision, infibulation, réinfibulation : vous voyez le niveau de barbarie ! Nous devons y mettre un terme, défendre la cause des femmes.
Le premier amendement vise à modifier l'article 222-9 du code pénal, qui prévoit de punir de dix ans de prison et de 150 000 euros d'amende les auteurs de « violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente », en y faisant figurer l'excision et la réinfibulation. Ces pratiques barbares connaissent en effet une recrudescence depuis une dizaine d'années, alors qu'elles se raréfiaient auparavant, et donnent lieu à très peu de condamnations.
Le second amendement prévoit la modification de l'article 222-10 du code pénal, qui porte à quinze ans la peine figurant à l'article précédent dans un certain nombre de circonstances aggravantes, par exemple lorsque la victime est mineure ou les faits commis sur un ascendant. Nous voulons ainsi ajouter à cette liste : « Par plusieurs personnes agissant en groupement formé ou d'entente ».
Encore une fois, nous sommes d'accord concernant la nécessité de lutter contre l'excision. En l'espèce, le premier amendement est satisfait par l'article même du code pénal qu'il vise à modifier, puisque l'excision, l'infibulation et la réinfibulation sont autant de mutilations et de causes d'infirmité permanente ; énumérer ces pratiques ne conduirait qu'à risquer d'en oublier certaines.
Quant au second amendement, la précision qu'il vise à apporter serait, elle aussi, légitime mais inutile. L'article 222-10 du code pénal prévoit déjà une peine de quinze ans lorsque les faits ont été commis « par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ». L'article 450-1 du code pénal dispose : « Constitue une association de malfaiteurs tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. » Et il s'ensuit une aggravation des peines originellement prévues.
Par conséquent, je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, j'émets un avis défavorable.
Je vais retirer ces amendements, tout en répétant que très peu de condamnations sont prononcées sur ce fondement. Nous courons le risque de voir prospérer dans notre pays une chirurgie communautaire, comme il en existe déjà au Portugal, en Grande-Bretagne, en Italie ou en Suisse. Il nous faut donc faire preuve de la plus grande vigilance concernant ce sujet, qui continue de tenir à coeur à Mme la ministre déléguée, à son poste actuel comme dans ses fonctions antérieures.
Mme la ministre déléguée acquiesce.
Nous avons déposé, avec notre collègue Sereine Mauborgne, trois amendements visant à modifier l'article 227-24-1 du code pénal, selon lequel le fait de faire à un mineur des offres ou des promesses, ou de lui proposer des dons ou avantages quelconques, ou d'user contre lui de pressions ou de contraintes de toute nature, afin qu'il se soumette à une mutilation sexuelle, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
L'amendement no 2596 tend à y intégrer la notion de commission en groupement formé ou en entente.
L'amendement no 2602 a pour but de doubler la peine, pour la porter à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.
Enfin, l'amendement no 2643 a pour objet de supprimer le mot « directement » à l'alinéa 2, afin que l'ensemble des auteurs puissent être visés.
J'ai déjà répondu tout à l'heure au sujet de l'entente et des groupements.
Quant au quantum de la peine, il semble équilibré car il répond de façon proportionnée aux délits et crimes commis : il ne serait donc pas judicieux de l'augmenter. L'avis est défavorable.
Nous considérons que l'amendement no 2596 est satisfait et en demandons donc le retrait.
Nous émettrons plutôt un avis de sagesse sur l'amendement no 2602 . Comme l'a dit Mme la rapporteure, il conduirait à augmenter considérablement la peine prévue, jusqu'à dix ans d'emprisonnement pour des faits d'incitation et quinze ans lorsque la mutilation a été réalisée : le quantum prévu pour l'incitation serait, nous semble-t-il, trop élevé par rapport à celui prévu pour la commission de l'acte en lui-même. Néanmoins, comme vous l'avez rappelé monsieur Cormier-Bouligeon, les condamnations pour mutilations génitales sont très peu fréquentes. Les peines ont donc sans doute aussi une portée symbolique. C'est pourquoi un juriste vous dirait que le quantum de la peine risque d'être trop élevé, …
… quand une personne militant contre l'excision vous dirait qu'il s'agit d'une avancée symbolique. Cela explique l'avis de sagesse di Gouvernement.
Je retire l'amendement no 2596 et je retirerai le no 2643 à venir.
En revanche, je maintiens l'amendement no 2602 , qui vise à modifier le quantum de la peine, pour la raison invoquée à l'instant par madame la ministre déléguée : la menace de la peine doit avoir un effet dissuasif. Cette modification rapprocherait d'ailleurs le quantum de la peine de celui prévu à l'article 222-9 du code pénal, au sujet duquel j'ai défendu un amendement précédent. Je précise que nous avons déposé le présent amendement après l'audition de responsables d'associations et de groupements défendant des femmes mutilées, qui nous ont demandé d'alourdir la menace pesant sur les actes de mutilation, afin de la rendre dissuasive. Il me semble donc important de le voter.
L'amendement no 2596 est retiré.
L'amendement no 2602 est adopté.
Il a également pour objectif de renforcer la protection des mineurs contre les mutilations sexuelles, au premier rang desquelles l'excision. Il vise plus particulièrement à renforcer les sanctions prévues à l'article 227-24-1 du code pénal à l'encontre de tout individu qui, par des promesses, des offres ou des dons, présents ou avantages, voudrait soumettre un mineur à une mutilation sexuelle. Nous proposons aussi de compléter la liste des incitations répréhensibles à la mutilation sexuelle en affirmant que « les pressions ou contraintes de toute nature » exercées sur un mineur afin qu'il se soumette à une mutilation sexuelle, ou sur autrui afin qu'il exerce sur la personne d'un mineur une mutilation sexuelle, devraient être aussi sévèrement sanctionnées. En effet, madame la ministre déléguée, comment comprendre qu'une offre avantageuse, incitant à la pratique d'une mutilation sexuelle sur un mineur, soit condamnée mais que des menaces et des pressions – que l'on pourrait qualifier d'offre désavantageuse – incitant à la même pratique ne soient pas condamnables ? Il s'agit à mon avis d'une incohérence majeure.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l'amendement identique no 1420 .
Je souhaite moi aussi, au travers du présent amendement, aborder le sujet des mutilations sexuelles féminines. Nous sommes assez nombreux sur plusieurs bancs de l'hémicycle – la défense de plusieurs amendements par notre collègue Cormier-Bouligeon en atteste – à regretter que le chapitre du projet de loi consacré à la dignité de la personne humaine n'ait été l'occasion de réaffirmer la condamnation totale et définitive, par notre République, des mutilations sexuelles féminines, et de renforcer le dispositif législatif, notamment les sanctions pénales. Il existe dans le présent projet de loi, concernant ces pratiques barbares contraires à la dignité de la personne humaine et donc à nos principes républicains, une lacune qui nous semble préjudiciable.
Je souhaite, au travers de l'amendement no 1420 , que nous renforcions la protection des mineurs contre les mutilations sexuelles féminines en complétant la liste des incitations répréhensibles à ces pratiques barbares, pour y mentionner les « pressions ou contraintes de toute nature. » Notre assemblée s'honorerait en affirmant sa préoccupation très vive au sujet de ces pratiques et en les intégrant au chapitre consacré aux atteintes à la dignité de la personne humaine. Cela a été dit : ces pratiques se développent, y compris sur le territoire de la République, et aboutissent très rarement à des procès et à des condamnations.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Je comprends et partage le souci de protéger les mineurs des mutilations sexuelles et de lutter contre ceux qui usent de pressions ou de contraintes pour forcer les mineurs à se soumettre à de telles pratiques. Cependant…
… le quantum de la peine en vigueur, fixé à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, paraît équilibré pour des faits de pression et d'incitation. L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 2643 est retiré.
Dans la droite ligne de l'interdiction des tests de virginité, cet amendement vise à interdire le rétablissement de l'hymen chez les jeunes filles de moins de 18 ans, qui s'inscrit dans la même démarche de recherche de sainteté vis-à-vis de leur futur homme – ou de leur future femme, que sais-je. Il s'agit d'un amendement d'appel au sujet duquel j'ai beaucoup discuté avec vos services, madame la ministre déléguée ; je remercie vivement votre cabinet d'avoir pris le temps d'échanger avec nous à ce sujet. On peut considérer que le lien est direct entre les deux sujets, et j'aimerais connaître votre avis.
Votre amendement est déjà satisfait par les dispositions prévues à l'article 16-3 du code civil, qui dispose : « Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. » je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Même avis.
Oui, je le retire. Je conclus de vos propos, madame la rapporteure, qu'aucune opération de réparation d'hymen n'est réalisée de nos jours en France sur des jeunes filles de moins de 18 ans. Il est intéressant de le souligner dans l'enceinte de notre assemblée.
L'amendement no 2261 est retiré.
La parole est à Mme Aurore Bergé, pour soutenir l'amendement no 2576 rectifié .
Déposé à l'initiative de notre collègue Stéphanie Rist, il porte sur l'exercice illégal de la médecine. On constate malheureusement la multiplication, sous couvert d'exorcisme ou de purification, d'actes prétendument médicaux réalisés par des individus qui ne possèdent évidemment pas la qualité de médecin. Cet amendement a pour objet de créer une nouvelle infraction dans le cas où une personne incite ou contraint une autre à se soumettre à de tels actes qui relèvent de l'exercice illégal de la médecine. Il est important de mettre un terme le plus rapidement possible à ces pratiques qui se développent sur nos territoires.
La volonté de condamner l'entourage d'une jeune femme qui exercerait des pressions sur elle me semble être satisfaite par l'adoption en commission de l'article 16 ter que nous examinerons tout à l'heure et qui fait l'objet d'amendements pour en améliorer la rédaction. Quant aux personnes qui exercent illégalement la médecine, elles sont déjà susceptibles de condamnation. C'est le cas pour les actes d'exorcisme, qui peuvent être commis par des religieux…
… ou par d'autres personnes, et qui doivent faire l'objet de plaintes. Quant aux purifications, elles donnent déjà lieu à des peines, qu'elles soient réalisées par des médecins ou par des non-médecins – au titre, dans ce cas, de l'exercice illégal de la médecine. L'avis est défavorable.
Nous considérons, comme la rapporteure, que l'amendement est déjà en partie satisfait, s'agissant de l'exercice illégal de la médecine.
Le sujet que vous soulevez est néanmoins fondamental. Il relève notamment de la lutte contre les dérives sectaires, sur laquelle mon ministère travaille actuellement. Nous présenterons un premier rapport fin février ou début mars portant notamment sur les pratiques que vous évoquez, qui sont réelles et auxquelles il est urgent, à mon humble avis, d'apporter des réponses. Celles-ci doivent surtout être apportées par les politiques publiques ; un travail doit être mené pour mieux connaître et cartographier les sectes qui pratiquent ce type d'actes, afin de mieux lutter très concrètement, pied à pied, contre toutes les dérives sectaires.
L'amendement no 2576 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement no 1085 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Laurence Gayte, pour soutenir l'amendement no 2577 .
Il vise à interdire les pratiques coutumières dégradantes, appelées aussi pratiques traditionnelles néfastes, qui constituent des violations des droits humains, en particulier des droits des femmes. Il s'appuie sur la définition retenue par le protocole de Maputo et reprise par l'ONU, selon laquelle une pratique néfaste consiste en « tout comportement, attitude ou pratique qui affecte négativement les droits fondamentaux des femmes tels que le droit à la vie, à la santé, à l'éducation, à la dignité et à l'intégrité physique ». Ces pratiques coutumières peuvent constituer des violences physiques ou psychiques. Elles dévalorisent les personnes qui en sont victimes, favorisent leur aliénation, visent à les écarter de la vie en société et bafouent leur liberté de disposer de leur avenir. Cet amendement répond aussi à la demande de plusieurs traités internationaux et conventions qui mentionnent la nécessité pour les États de prendre des mesures visant à en finir avec ces pratiques néfastes.
Je vous remercie, chère collègue, pour votre amendement. Les recommandations de traités et conventions internationales proposent effectivement aux différents États de traduire ceux-ci dans la loi, mais les articles du code pénal cités dans votre amendement s'appliquent d'ores et déjà à l'ensemble des violences physiques et psychiques, aux pratiques dégradantes et aux violations des droits humains, y compris à celles qui résultent de pratiques coutumières. Il n'est donc pas nécessaire d'ajouter de nouveaux éléments dans la loi. Je demande donc le retrait ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Il est identique à celui de Mme la rapporteure. Lorsque nous avions échangé sur ce sujet en commission spéciale, vous nous aviez dit être attachée à ce que les lois votées en France soient audibles et compréhensibles et à ce qu'elles retiennent notamment le vocabulaire des ONG ainsi que celui utilisé dans la loi et par les groupes locaux, notamment ceux des pays africains.
À cette occasion, je m'étais engagée à ce que le guide relatif à ces différentes pratiques, que nous allons probablement évoquer en abordant la question des mariages forcés, mette en évidence la question des pratiques traditionnelles néfastes. Nous avons confié à une ONG, le GAMS – Groupe pour l'abolition des mutilations sexuelles féminines, des mariages forcés et autres pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants – , la responsabilité d'éditer un guide, en collaboration avec le ministère de l'intérieur. En cours de rédaction, il sera finalisé au moment du vote de la loi, ce qui permettra de faire de la pédagogie. Conformément à votre proposition, il sera intitulé « Protéger les femmes des pratiques traditionnelles néfastes ». Comme vous le voyez, l'engagement que j'avais pris sur ce point en commission spéciale est respecté.
M. Gaël Le Bohec applaudit.
L'amendement no 2577 est retiré.
L'article 16 bis, ajouté au texte en commission, inquiète beaucoup de professionnels, car il semble s'être trompé de cible. Sous couvert de lutter contre les mutilations sexuelles, sa rédaction beaucoup plus large vise à interdire également les interventions précoces sur des enfants présentant des malformations des organes génitaux. Or les médecins sont nombreux à nous alerter sur les risques de cette rédaction pour les enfants présentant une anomalie de différenciation génitale. Il faudrait revoir cette rédaction trop générale et trop vague. Si nous sommes tous d'accord, bien sûr, pour lutter contre les mutilations sexuelles, l'article 16 bis tel qu'il est rédigé couvre d'autres réalités.
Il faut aborder avec beaucoup de délicatesse la prise en charge des variations génitales, déjà traitée à l'article 21 bis du projet de loi relatif à la bioéthique. Celui-ci prévoit des dispositions équilibrées et proportionnées, une concertation avec les équipes pluridisciplinaires et les centres de référence des maladies rares afin d'établir le diagnostic et les propositions thérapeutiques possibles – y compris l'abstention thérapeutique – , ainsi que leurs conséquences prévisibles, en application du principe de proportionnalité. Il prévoit également que le consentement du mineur doit être systématiquement recherché si celui-ci est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Il ne faut pas interdire aux médecins d'intervenir auprès des enfants qui en auraient besoin. Je rappelle que cette position d'équilibre a recueilli le vote conforme de l'Assemblée et du Sénat. Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à revoir la rédaction de l'article 16 bis.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'intervention de notre collègue Thibault Bazin est édifiante puisqu'elle reprend des arguments publiés dans une tribune signée par une centaine de médecins il y a quelques jours.
Or ceux qui connaissent bien le sujet auront noté qu'aucun des directeurs de centres de référence n'était cosignataire de cette tribune. L'objet de l'article 21 bis du projet de loi relatif à la bioéthique, qui a effectivement été voté conforme, est de rappeler le cadre législatif en vigueur. Préalablement à toute intervention, les médecins sont censés présenter le dossier de chaque enfant lors d'une RCP – réunion de concertation pluridisciplinaire. En réalité, les médecins contournent chaque jour cette obligation en organisant des RCP dans leur centre de référence plutôt qu'au niveau national : ce sera le cas demain pour une intervention sur une petite fille souffrant d'hyperplasie des surrénales. L'article 21 bis ne fixe pas le cadre national de la RCP, ce que l'on peut reprocher au ministère de la santé. De ce fait, les RCP ne sont pas contradictoires, ce qui revient à ce que le médecin chargé de l'intervention sur un enfant prenne lui-même la décision de l'effectuer ou non. L'article 21 bis visait à y remédier, mais on constate que des stratégies d'évitement se sont mises en place, comme en témoigne cette tribune récente.
Nous parlons ici d'opérations non nécessaires. Vous dites que le cadre est trop large, mais il est au contraire extrêmement restrictif, au point que les associations de personnes intersexuées protestent contre le cadre trop limitatif de l'intervention. En sa rédaction actuelle, l'article 16 bis continue de permettre les interventions hormonales, ce qui est condamné par les personnes concernées. Les interventions dont il est ici question concernent essentiellement des enfants de sexe féminin qui ne sont pas en âge de se prononcer et pour lesquels on a décidé qu'il fallait réduire la taille du clitoris ou élargir le vagin. Ce que les médecins oublient très souvent de préciser aux parents, c'est que cela ne se fait pas en une intervention unique : si la première intervention se fait dès le plus jeune âge de l'enfant, souvent avant trois ans, les petites filles vont ensuite être régulièrement soumises à des séances de bougirage : en France, sous couvert de nécessité médicale, on va introduire dans le vagin des petites filles des objets destinés à dilater le vagin, afin que, devenues adultes, elles puissent avoir une sexualité épanouie et être pénétrables par leurs maris. Chacun doit être conscient que c'est cela qu'on défend en réclamant de supprimer l'article 16 bis !
Nous venons d'avoir un débat très intéressant sur l'incitation aux mutilations, notamment à l'excision. En supprimant l'article 16 bis, nous enverrons aux médecins un signal par lequel nous les autoriserons à continuer ces pratiques. Une expérience consistant à stimuler électriquement le clitoris des petites filles pour vérifier qu'elles n'ont pas perdu de sensibilité va prochainement être mise en place. Si vous voulez autoriser cela, si vous voulez donner un blanc-seing à ces médecins aux pratiques inacceptables, alors vous devez effectivement voter les amendements de suppression. Il est question qu'en deçà de 15 ans, tout acte de pénétration sexuelle commis par un adulte soit automatiquement considéré comme un viol ; mais des petites filles qui n'ont parfois que 3 ans, 6 ans ou 10 ans sont régulièrement violées sous couvert de nécessité médicale. Si c'est vraiment ce que vous voulez, alors je vous invite à voter les amendements de suppressions. Pour ma part, je pense qu'il est temps de mettre un terme à ces pratiques.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame la rapporteure, l'intervention de notre collègue Raphaël Gérard me conforte dans l'idée qu'il est nécessaire de voter les amendements de suppression. Si ce qu'il décrit correspond à une réalité pouvant légitimement susciter un débat, je ne vois absolument pas ce que cette question vient faire dans nos débats relatifs à la lutte contre les séparatismes. L'article 16 avait pour objet de lutter contre les certificats de virginité. Par voie d'amendement, nous en sommes venus à examiner des dispositions visant à lutter contre les excisions, pratiques de nature plus culturelle que religieuse, mais qui attentent à la dignité de la personne humaine, en particulier de la femme, ce qui permet de faire le lien avec la lutte contre les séparatismes. En revanche, ce que vous décrivez, ce sont des pratiques à caractère exclusivement médical, relevant par conséquent d'un débat de bioéthique – un débat qui a d'ailleurs déjà eu lieu lors des premières navettes du projet de loi relatif à la bioéthique.
Ce projet de loi va revenir à l'Assemblée dans quelque temps, monsieur Gérard, et vous aurez tout loisir de défendre à nouveau votre point de vue. Pour ma part, je considère que je n'ai pas à prendre parti pour ou contre les professionnels de santé qui ont signé une tribune, ni à juger de leur compétence ou de leur incompétence. Ce que je sais, c'est que des médecins s'inquiètent des dispositions contenues à l'article 16 bis. Je rappelle que celles-ci ont été introduites contre l'avis de la rapporteure et du Gouvernement, et je me demande encore comment l'amendement en question a pu être déclaré recevable au titre de l'article 45. Par pitié, renvoyons cette question au débat sur le projet de loi relatif à la bioéthique et supprimons l'article 16 bis d'un projet de loi où il n'a rien à faire !
Je vais essayer d'éclairer un peu nos débats en rappelant ce qui s'est passé le 30 juillet dernier vers une heure et demie du matin, au terme de l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique. Nous avions alors réussi à trouver un équilibre collectivement, c'est-à-dire sur tous les bancs de notre assemblée, puisque même nos collègues du groupe FI s'étaient ralliés au consensus grâce auquel le texte a été voté par l'Assemblée nationale, avant d'être adopté conforme – j'insiste sur ce point – par le Sénat.
En tant que rapporteur, j'ai alors affirmé, et je le répète, que sont pratiquées en France des mutilations sous couvert d'indications médicales parfois un peu exagérées, voire très exagérées… J'ai moi-même auditionné des représentants d'associations faisant état d'une souffrance énorme chez les personnes concernées. Je suis d'accord avec vous, monsieur Gérard, pour estimer que nous devons lutter contre ces dérives et, à cet égard, l'équilibre que nous avons obtenu à l'article 21 bis du projet de loi relatif à la bioéthique me semble satisfaisant. J'avoue que votre intervention m'a un peu gêné car vous vous êtes focalisé sur certaines pratiques, certes répréhensibles, mais qu'on ne peut considérer comme généralisées. Je connais des médecins, y compris en dehors de mon département, qui poussent justement à favoriser la non-intervention, qui est un acte médical à part entière – les cas les plus graves devant, eux, être examinés dans le cadre de réunions de concertation pluridisciplinaire.
Enfin, j'appelle l'attention de nos collègues sur la rédaction actuelle de l'article 16 bis. Il y est question de « l'intégrité corporelle d'un mineur dans le but de conformer l'apparence de ses organes génitaux au sexe masculin ou féminin que si l'intéressé exprime personnellement sa volonté de subir une telle intervention », mais aussi et surtout du fait de « porter atteinte à l'intégrité corporelle d'un mineur dans le but de conformer l'apparence de ses organes génitaux au sexe masculin ou féminin ». Comme vous le voyez, de telles dispositions n'ont rien à voir avec la loi que nous discutons actuellement, c'est pourquoi je voterai également pour les amendements de suppression.
Les amendements identiques nos 1939 de M. Pascal Brindeau, 2124 de Mme Emmanuelle Ménard et 2178 de M. Dino Cinieri, visant à la suppression de l'article 16 bis, sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
L'article 16 bis me semble effectivement situé à une place qu'il ne devrait pas occuper. L'article 21 bis du projet de loi relatif à la bioéthique – un texte qui, je le rappelle, reviendra avant l'été – répond de façon plus adaptée et plus large aux questions qui viennent d'être évoquées, tout en étant très bien rédigé, ce qui lui a permis d'être adopté par notre assemblée avant d'être voté conforme au Sénat. Cet article répond à la demande de M. Gérard de façon plus adaptée que l'article 16 bis du présent texte, en respectant l'avis du mineur quand c'est possible, mais aussi en tenant compte de l'accord des parents, de la position de l'équipe médicale pluridisciplinaire et des possibilités ou des propositions thérapeutiques, et en laissant la possibilité de réaliser certaines interventions lorsqu'elles sont nécessaires, en cas d'urgence ou en cas de conséquences trop pénibles à vivre pour l'enfant.
Certains médecins ne sont pas favorables à une telle mesure. Pour ma part, durant les quarante années où j'ai exercé en tant que professionnelle de santé, sur les cas difficiles, j'ai toujours constaté la mise en place d'une instance de collégialité médicale avant de décider d'une thérapie ou, au contraire, de l'absence d'intervention jusqu'à la majorité. Une telle procédure est toujours possible et toujours nécessaire. C'est pourquoi j'émets un avis favorable sur les amendements de suppression.
Je partage évidemment la préoccupation de M. Raphaël Gérard, qui veut mieux protéger les enfants intersexes. J'entends dire que cela concerne peu de cas ; sans doute, mais ce n'est pas une raison pour ne pas avancer et travailler sur la question.
Je suis en revanche préoccupée par l'équilibre de ce sujet délicat, discuté par ailleurs dans le cadre du projet de loi relatif à la bioéthique. Cette question mérite d'être éclairée par les débats en cours en matière de bioéthique et par les ministres concernés, au premier rang desquels le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran. L'équilibre entre les différents textes doit être préservé, et c'est bien dans le cadre du projet de loi relatif à la bioéthique que la discussion de ces amendements doit prendre place.
Par ailleurs, les médecins auditionnés, ceux qui nous ont contactés et avec qui nous avons échangé après les réunions de la commission spéciale, nous ont alertés sur le risque que l'article 16 bis ne conduise à interdire toute intervention sur un enfant atteint d'une malformation génitale et ne pouvant, de ce fait, pas être opéré avant d'avoir atteint l'âge de 18 ans.
Enfin, M. le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, a beaucoup échangé avec nous sur cette question. Il est très attaché à ce que la discussion ait lieu dans le cadre du projet de loi relatif à la bioéthique. L'avis du Gouvernement à cet égard est très clair : la réflexion doit se poursuivre, comme elle a déjà commencé, à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique, afin de préserver l'équilibre et de ne pas déstabiliser deux lois qui, à défaut, se retrouveraient avec deux articles portant sur le même sujet. Par conséquent, je suis favorable à la suppression de l'article.
La question des deux articles ne se pose pas, de mon point de vue, parce qu'ils sont complémentaires : ils instaurent des dispositifs permettant de mettre fin à ces pratiques. De quoi parlons-nous ? Quelle est la définition de l'excision ? Si vous consultez un dictionnaire classique, vous verrez qu'il s'agit de couper une partie d'un organe. En l'occurrence, couper le clitoris d'une petite fille, c'est bien procéder à une excision, que celle-ci soit à vocation médicale ou qu'elle relève de pratiques rituelles traditionnelles ; il s'agit de la même opération.
Quant à la nécessité médicale, je ne suis pas d'accord avec votre interprétation, madame la ministre déléguée. Nous ne parlons pas de l'âge de 18 ans, mais du moment où l'enfant est capable d'exprimer son mal-être. En outre, cela concerne un nombre limité d'interventions, essentiellement des excisions. La place de cet article au sein du présent projet de loi me paraît donc tout à fait appropriée puisque, depuis deux jours, il est question de respect de la dignité humaine et de respect du corps des femmes.
En supprimant cet article, nous laisserions penser que si l'intervention relève d'un conseil de médecins décidant qu'une petite fille peut être excisée, eh bien, on peut le faire. Et demain, on dira peut-être que si un conseil de sages considère qu'on peut battre sa femme, battons-la !
Ils visent le même objet : lutter plus efficacement contre les mutilations sexuelles dont sont victimes nos enfants, en particulier nos filles, en élargissant la formation des enseignants, déjà prévue dans le code de l'éducation. Vous avez permis, madame la ministre déléguée, par votre engagement, que soit instaurée une meilleure formation sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Je souhaite que l'on aille plus loin en intégrant un second enjeu, avec la sensibilisation des enseignants aux risques de mutilations sexuelles. C'est l'objet de l'amendement no 2088 .
L'amendement no 2089 tend à sensibiliser aux risques des mutilations sexuelles féminines. L'idée est de renforcer notre arsenal juridique car nous voulons tous – je réponds en cela à ce qui vient d'être dit – lutter avec force contre toutes les pratiques coutumières dégradantes, contre les mutilations sexuelles féminines, contre l'excision bien évidemment. Cela passe aussi par le renforcement de l'éducation et nous devons l'inscrire clairement, je crois, dans le code de l'éducation.
Effectivement, ces éléments sont déjà évoqués dans le cadre de la formation des enseignants, mais nécessitent d'être renforcés. Au-delà de la formation initiale, il faut également agir sur la formation continue, car c'est souvent lorsque les enseignants se trouvent face aux difficultés qu'une sensibilisation est nécessaire.
S'agissant des élèves, ces sujets sont abordés au cours des trois séances annuelles d'EMC – éducation morale et civique – , même si elles nécessitent aussi d'être renforcés dans ces domaines précis. Nous donnerons donc un avis favorable sur les deux amendements.
Je partage l'engagement de la députée Aurore Bergé. Il est fondamental qu'à l'école, au collège et au lycée, tout au long du parcours scolaire, les jeunes filles et les jeunes garçons bénéficient de véritables séances d'éducation à la vie affective et sexuelle. Ces séances existent de longue date dans la loi, mais n'étaient pas, ou peu, appliquées. Il y a maintenant deux ans, avec Jean-Michel Blanquer, nous avons décidé de passer des consignes pour que ces trois séances d'éducation à la vie affective et sexuelle dans le cadre scolaire soient véritablement effectuées, partout sur le territoire, permettant ainsi de lutter contre certaines violences.
Votre argumentaire, madame la députée, est très juste sur la nécessité de mieux appréhender cette question, notamment avec les petites filles, à l'approche de l'été, quand elles sont susceptibles de repartir dans leur pays d'origine et d'être victimes de mutilations génitales graves, dont elles n'ont parfois jamais entendu parler et dont elles peuvent alors prendre connaissance. Je partage complètement votre avis sur la nécessité de mieux diffuser cette connaissance à travers les séances d'éducation à la vie affective et sexuelle.
Néanmoins, sur le fond, le Gouvernement considère que votre demande est déjà satisfaite, précisément grâce à ces séances, et que le programme ne relève pas forcément de la loi. Même si je vous rejoins sur la nécessité d'avancer sur ces questions et émets un accord sur le fond, je formulerai une demande de retrait.
Mme la ministre déléguée venant de dresser un plaidoyer qui va dans le sens de nos amendements, nous les soutiendrons jusqu'au bout.
L'amendement no 2246 rectifié de Mme Sonia Krimi est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Il est satisfait par les amendements de Mme Aurore Bergé que nous venons d'adopter. Je demande son retrait.
L'amendement no 2246 rectifié , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
Le groupe Agir ensemble se réjouit de l'insertion dans le présent projet de loi de l'article 16 ter, qui prévoit de pénaliser le fait d'inciter ou de contraindre, par un coup de force, une personne à solliciter l'obtention d'un certificat de virginité. Sur le fond, c'est une excellente idée. Nous discutons depuis plusieurs jours d'actes qui doivent être combattus et qui ont assez duré ; il faut montrer les dents, si je peux m'exprimer ainsi, pour dire que la société n'accepte plus ces pratiques.
Sur la forme, cela implique de se montrer dissuasif. Le dispositif prévoit en l'état actuel deux ans d'emprisonnement et 60 000 euros d'amende maximum lorsque cette demande s'adresse à un mineur. Nous considérons que c'est peu et nous défendrons des amendements proposant des peines plus lourdes.
Nous savons par ailleurs que des amendements qui visent, au contraire, à réduire le dispositif initialement programmé en les alignant sur la peine du médecin qui établit un certificat de virginité, seront soutenus ultérieurement. À ce sujet, je regrette que l'amendement qui avait obtenu un avis de sagesse du Gouvernement sur la saisie obligatoire du Conseil national de l'Ordre des médecins, vis-à-vis d'un praticien déjà condamné pour avoir établi ce type de certificats, ait été rejeté. Ce serait un deuxième mauvais signal que de réduire les peines encourues. C'est en ce sens que nous défendrons plusieurs amendements dans un instant.
Sur l'amendement no 2058 , je suis saisi par le groupe Agir ensemble d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Christophe Euzet, pour soutenir cet amendement.
Dans la droite ligne de ce que je viens d'évoquer, je pense que le dispositif doit présenter le mérite d'être suffisamment dissuasif, de sorte que des personnes ne se sentent pas habilitées à faire pression sur des individus pour leur demander d'obtenir un certificat de virginité. C'est pourquoi nous proposons de porter la peine à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende et de l'élever, lorsque la pression s'exerce sur une personne mineure, à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.
Le quantum de peine que vous demandez semble disproportionné. Nous parlons d'un délit : une pression ou une incitation. J'émets donc un avis défavorable au profit de l'amendement qui sera défendu ultérieurement, proposant un quantum de peine plus proportionné.
Même avis.
Nous maintenons notre amendement parce que nous considérons que les signaux envoyés doivent être suffisamment significatifs. En l'occurrence, la réduction des peines prévue par plusieurs amendements à venir nous paraît tout à fait inopportune.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 124
Nombre de suffrages exprimés 123
Majorité absolue 62
Pour l'adoption 30
Contre 93
L'amendement no 2058 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-François Eliaou, pour soutenir l'amendement no 1065 .
Comme vient de l'annoncer Mme la rapporteure, il s'agit d'une mise en cohérence juridique, si je puis dire. L'amendement vise à modifier le nouvel article 225-4-11, qui crée une infraction pour un commanditaire – j'insiste sur ce mot – de certificat de virginité par proposition de dons, de présents, d'avantage ou par pression ou contrainte, au sein d'une nouvelle section 1 quater, dans le chapitre V du titre II du livre II du code pénal, relatif aux atteintes à la dignité de la personne. Il aligne la peine prévue pour la nouvelle infraction consacrée à l'article 16 du projet de loi, relative à l'établissement du certificat de virginité par un professionnel de santé, dans un but de mise en cohérence juridique avec l'ensemble du titre II du code pénal.
Il est vrai que la demande de pénaliser les commanditaires, parallèlement aux médecins qui établissent des certificats de virginité, est montée de tous les bancs. Les nombreuses discussions et négociations sur la rédaction de cet amendement apportent un plus, avec une peine proportionnée. Nous donnons donc un avis favorable.
C'est le même : avis favorable. J'en profite pour saluer le travail mené par M. Eliaou, Mme la rapporteure et l'ensemble des députés qui ont travaillé pour trouver une rédaction la plus efficace possible.
Ils visent à retenir la fragilité des personnes comme circonstance aggravante, notamment lorsqu'elles sont en situation de handicap ou de dépendance.
Il est défavorable car je trouve que l'aggravation du quantum de peine proposée est disproportionnée par rapport aux peines existantes, soit un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. En outre, le code pénal fait référence à la déficience physique ou psychique, mais ni au handicap ni à la dépendance.
Conciliabules.
Sur l'article 16 ter, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je répète à tous ceux qui souhaitent avoir une conversation privée qu'ils sont invités à le faire en dehors de l'hémicycle.
L'amendement no 2136 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
L'amendement no 2136 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Catherine Fabre, pour soutenir l'amendement no 2615 .
Son objectif est simple : protéger les femmes incitées ou contraintes à demander un certificat de virginité. Les auteurs de telles pressions physiques ou morales seront désormais pénalisés – c'était indispensable, et nous pouvons nous en féliciter. Toutefois, pour lutter efficacement contre ces pratiques, nous devons également, à mon sens, renforcer l'information, l'accompagnement et la protection des femmes qui en sont victimes. Par cet amendement, je propose qu'elles se voient accorder une ordonnance de protection de la part du juge, qui leur permettra notamment de recevoir une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique adaptée à leur situation personnelle, dans des délais courts.
Un tel dispositif présenterait un intérêt majeur : assurer une protection rapide et adaptée aux femmes qui n'ont pas encore engagé de poursuites pénales. Actuellement, les ordonnances de protection sont accessibles aux victimes de violences conjugales menacées de mariage forcé. En écrivant dans la loi que les femmes contraintes à demander un certificat de virginité peuvent recourir à ce dispositif, nous leur garantirons un accès effectif aux ordonnances de protection.
Puisque vous visez les cas où il existe un lien entre la demande de certificat de virginité et le mariage forcé, votre amendement me semble satisfait par l'article 515-13 du code civil, prévoyant qu'une ordonnance de protection peut être délivrée en urgence par le juge à une personne majeure menacée de mariage forcé. Le juge peut également ordonner une interdiction temporaire de sortie du territoire de la personne menacée, inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République. Avis est donc défavorable.
L'amendement no 2615 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 142
Nombre de suffrages exprimés 136
Majorité absolue 69
Pour l'adoption 136
Contre 0
L'article 16 ter, amendé, est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à Mme Catherine Fabre, pour soutenir l'amendement no 2612 .
Dans la lignée de mon amendement précédent, il vise à permettre aux femmes ayant été contraintes d'établir un certificat de virginité d'accéder à un logement social, si elles encourent un risque de violence imminent.
Je partage votre souci de protéger les femmes contraintes de demander un certificat de virginité, mais il me semble que cette protection doit plutôt passer par un accompagnement renforcé de la part des associations et des structures d'aide, ce qui existe déjà. Par ailleurs, le fait de demander une ordonnance de protection permet déjà aux femmes d'accéder à un logement et à des aides sociales. Il est vrai que les juges reçoivent très peu de demandes de cette nature et que les ordonnances pourraient être sollicitées beaucoup plus souvent. Quoi qu'il en soit, la délivrance d'une ordonnance de protection, déjà possible pour ces femmes, et répond à votre objectif de leur dispenser une aide. L'avis est défavorable.
Même avis, monsieur le président.
Je remercie Mme la rapporteure pour sa réponse. L'ordonnance de protection est effectivement peu sollicitée. Il me semblait donc important d'en parler dans l'hémicycle et de faire connaître cette possibilité, notamment pour les femmes soumises à un certificat de virginité ou à un mariage forcé. Je retire l'amendement.
L'amendement no 2612 est retiré.
Il vise à permettre d'interdire la délivrance de titres de séjour, d'obliger à quitter le territoire français ou d'expulser les étrangers condamnés pour le nouveau délit que nous venons de créer à l'article 16 ter : l'incitation ou la contrainte à solliciter un certificat de virginité. Ce serait la simple transposition des modalités prévues par l'article 14 concernant l'état de polygamie.
Comme nous l'avons déjà expliqué à l'occasion de l'article 14, le concept de dignité humaine est trop large et trop flou pour être retenu. Je donne donc un avis défavorable.
Je partage l'objectif de cet amendement…
… mais je considère qu'il est déjà rempli : lorsqu'il y a condamnation pour ce délit, la sentence est prise en considération dans l'examen du droit au séjour. Cette condamnation constitue une atteinte à l'ordre public, qui justifie le refus, le non-renouvellement ou le retrait du titre de séjour. L'avis sera donc défavorable.
L'amendement no 1460 n'est pas adopté.
L'amendement no 631 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Afin de lutter contre les mariages forcés, lorsque l'officier d'état civil conçoit un doute sur la sincérité du consentement des futurs époux lors des actes préparatoires à la célébration d'un mariage, et qu'il pressent que l'un d'entre eux est probablement contraint de s'engager, il peut désormais les recevoir séparément après les avoir reçus conjointement. Nous nous en réjouissons : de même qu'il est important de passer dans l'isoloir avant de voter, il est important de se trouver seul face à l'officier d'état civil quand on s'apprête à se marier. À la suite de l'audition, l'officier peut saisir le procureur de la République si le doute persiste, au vu des informations dont il dispose. Nous sommes très favorables à cette disposition.
À titre personnel, il me paraîtrait également important que, durant l'entretien individuel – moment privilégié pour les victimes de menaces ou de contraintes – , l'officier d'état civil dispense des informations relatives à la nature du mariage forcé, pour bien expliquer ce dont il est question, ainsi qu'aux peines qu'il fait encourir. Cette disposition, qui relève davantage du champ réglementaire que législatif, permettrait aux victimes – des jeunes filles, dans la plupart des cas – de prendre une décision éclairée et d'accéder à des informations qui échappent à la procédure formelle.
L'article 17, qui renforce la lutte contre les mariages forcés, va dans le bon sens. Il permet de clarifier le fonctionnement des services d'état civil dans les mairies. Néanmoins, j'y vois deux faiblesses importantes. Premièrement, il n'aborde pas les mariages frauduleux contractés en vue d'obtenir la nationalité française – situations que les services d'état civil des communes m'ont souvent signalées. Deuxièmement, il exposera les officiers d'état civil ; il aurait fallu prévoir des mesures de protection ou de sauvegarde de ces derniers, car, vu les sujets en jeu, ils se trouveront en difficulté lorsqu'ils auront communiqué leurs doutes au procureur de la République, à la suite des entretiens individuels.
Quand j'étais maire, chaque fois que j'ai eu à célébrer un mariage qui impliquait une personne étrangère, j'ai procédé à des entretiens individuels. Des formulaires administratifs sont même prévus pour cela ! Votre disposition n'apporte donc pas grand-chose ; elle institutionnalise une pratique qui a déjà cours.
La vraie question, selon moi, est celle que vient de soulever M. Pauget : il y a souvent des mariages de régularisation, on le sait ! D'où ma question, madame la ministre déléguée : quand une personne est en situation irrégulière, le mariage est-il possible ou non ? Si oui, souhaitez-vous prendre des dispositions pour qu'il ne le soit plus ? Ce serait la meilleure façon d'empêcher les mariages de complaisance visant uniquement à régulariser des situations administratives. Je peux témoigner qu'il est difficile de faire aboutir les signalements au procureur : pour le convaincre qu'il s'agit d'un mariage frauduleux, il faut vraiment…
… lui fournir des preuves compliquées à collecter. Somme toute, cet article…
Exactement : il fait plaisir, mais il ne changera pas les choses – à l'image, d'ailleurs, du projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Cette intervention courte fera également office de présentation de l'amendement no 1908 . Nous sommes favorables à veiller à ce qu'il n'y ait pas de mariages dits « forcés » en France, même si nous regrettons une fois de plus qu'à l'occasion des auditions, nous ne soyons pas parvenus à quantifier le phénomène. Il est vrai que l'exercice est difficile.
Les associations ont fourni des chiffres !
Des chiffres ont été avancés, mais ils ne correspondent pas à d'autres chiffres fournis par des associations qui suivent le sujet de près.
Rappelons aussi que le mariage forcé est déjà interdit par la loi et qu'il incombe à l'élu ou à l'officier d'état civil d'apprécier la situation – tel est bien son rôle. En cas de doute, peut-il ou doit-il saisir le procureur ? S'il le doit, pourra-t-on lui reprocher de n'avoir pas identifié un mariage dit « forcé » ? Je n'ai jamais obtenu de réponse précise à ce sujet ; pourtant, une telle obligation implique une chaîne de responsabilité.
Au reste, l'élu n'a pas toujours les moyens d'apprécier la situation. L'exercice est difficile et ne se limite pas à un entretien : ce n'est pas parce qu'on parle avec deux personnes qu'on décèle leur sincérité ! Pour avoir été adjoint au maire – comme beaucoup d'entre vous – pendant quatorze ans, j'ai vu parfois de futurs époux qui ne se montraient pas spécialement joyeux. Pour de nombreuses raisons, nous n'avons pas toujours sous les yeux l'image classique du mariage ; et pourtant, c'est un mariage. La République n'a pas à apprécier les degrés d'affection et d'expression des sentiments. Ces sujets sont très délicats.
Madame Genevard, alors qu'il s'agit dans cet article du mariage forcé, vous parlez d'autre chose, ce que je trouve presque choquant. On peut se marier pour de multiples raisons, y compris, de manière sincère, dans un but autre que d'avoir des relations intimes avec quelqu'un, et que cela ait pour conséquence une régularisation. Bref.
Pas nécessairement ! Vous appelez cela ainsi, mais cela peut aussi être un projet de vie commune ! La République n'a pas à se mêler de ce qui se passe dans la chambre à coucher ! C'est pour moi un principe. On ne se marie pas nécessairement pour faire des enfants ou avoir une vie commune.
Cela vous choque peut-être mais, du point de vue républicain, on n'a pas à regarder par le trou de la serrure !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Pour moi, la seule question à se poser est celle-ci : y a-t-il contrainte ? Telle est mon opinion.
Je défendrai un amendement visant à créer les conditions d'un entretien préalable afin d'expliquer le droit aux gens. Nous avions déjà proposé qu'à l'occasion du mariage, on ne cite pas uniquement les articles 214, 215 et 216 du code civil, c'est-à-dire les articles natalistes, mais aussi ceux qui rappellent que le mariage forcé est interdit. On pourrait imaginer quelque chose de plus pédagogique qui explique le droit aux gens et ne soit pas seulement une surveillance à l'occasion du mariage, parfois très difficile à assurer.
Nous sommes favorables à l'esprit de cet article, qui mérite de meilleurs outils pour que l'officier d'état civil puisse juger de situations très difficiles.
Il est le fruit d'une concertation lancée dans ma circonscription du Tarn et est également issu de mon expérience d'élue locale. Il a pour but de renforcer le dispositif prévu à l'article 17 en systématisant les rendez-vous individuels entre l'officier d'état civil et chacun des futurs époux à la suite du rendez-vous commun. Cette systématisation a deux objectifs.
Premièrement, il s'agit d'éviter de faire porter le poids de la décision d'organiser deux rendez-vous individuels sur les épaules de l'officier d'état civil. En effet, dans les petites communes ou les villes de taille moyenne, il pourrait se sentir éventuellement mis sous pression. Mon expérience d'élue locale – car j'ai eu, moi aussi, l'occasion de célébrer quelques mariages – m'a appris que face à de telles situations, il peut être difficile de prendre une décision. Cela peut comporter quelques craintes.
Deuxièmement, il s'agit de protéger principalement la future épouse, qui, dans une situation de fragilité, pourrait être mise sous pression psychologique afin de se taire lors du deuxième rendez-vous organisé ultérieurement.
Pour atteindre ces objectifs, il faut donner des moyens aux officiers d'état civil. Pour les accompagner, une formation pourrait être prévue dans le cadre du plan obligatoire de la collectivité territoriale. Elle permettrait d'apprendre aux officiers d'état civil à détecter les signes et signaux faibles en cas de mariage forcé ou éventuellement de mariage blanc mais aussi des violences intrafamiliales et fournir des informations adaptées aux futurs époux. Nous pourrions ainsi faire autant de la prévention que de la détection.
L'amendement no 1908 de M. Alexis Corbière est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?
Madame Genevard, l'entretien individuel n'est pas une pratique commune dans toutes les collectivités locales. L'inscrire comme une obligation en cas de doute et non de façon systématique, …
… afin de ne pas alourdir la charge des élus, permettra cependant d'essayer de repérer les éléments conduisant à accepter ou non le mariage ou d'effectuer un signalement. Les signalements sont déjà réalisés auprès du procureur de la République par les élus, et la réponse doit être motivée.
Quant à la formation des officiers d'état civil, une ordonnance parue le 20 janvier 2021 donne aux conseils municipaux la possibilité d'aménager la formation des élus pour les accompagner selon les besoins. Ils peuvent donc choisir s'ils en ont besoin ou pas, sachant que ce sont souvent des élus, dans les conseils municipaux importants, qui choisissent d'organiser ces types d'entretien, tout de même spécifiques. La formation est déjà prévue pour les élus et, si besoin, elle peut aussi être assurée par l'AMF – Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité – ou le CNFPT – Centre national de la fonction publique territoriale. L'avis est donc défavorable.
Même avis.
Cet amendement de ma collègue Amélia Lakrafi, députée des Français établis à l'étranger, prévoit que l'entretien individuel soit assuré aussi dans les consulats. C'est pourquoi elle propose d'ajouter, après le mot « civil », les mots « ou l'autorité diplomatique ou consulaire du pays de résidence du ou des deux futurs époux ».
Actuellement, à l'étranger, il n'y a pas que des mariages forcés ; il y a aussi des histoires de femmes et d'hommes d'âge avancé, si je puis dire, qui vont tomber sur des femmes et des hommes beaucoup plus jeunes et être dupés par eux. Vous savez à quel point je défends les immigrés dans notre pays. En revanche, il est important de dénoncer ici des actions frauduleuses qui s'apparentent à de la prostitution. Je souhaite que nos autorités consulaires soient vigilantes et essaient de mettre fin à ces pratiques.
Votre amendement, madame Krimi, est satisfait par l'article 63 du code civil. L'autorité diplomatique ou consulaire peut déléguer à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires chargés de l'état civil ou aux hauts fonctionnaires dirigeant une chancellerie détachée ou au consul honoraire de nationalité française compétent, la réalisation de l'audition commune ou d'entretiens séparés. Lorsque les futurs époux résident dans un pays autre que celui de la célébration, l'autorité diplomatique ou consulaire peut demander à l'officier d'état civil territorialement compétent de procéder à son audition. Des auditions se pratiquent aussi en simultané quand l'un des futurs époux est résident français et l'autre habite à l'étranger, sur le territoire de son pays de résidence. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Même avis.
Comme c'est l'amendement de Mme Lakrafi et non le mien, je ne peux pas le retirer.
L'amendement no 1402 n'est pas adopté.
Conciliabule sur les bancs du groupe LR.
Nos amis du groupe Les Républicains sont assez dissipés cet après-midi. Pour la troisième fois, je leur demande d'interrompre leurs conversations personnelles.
Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Nous pouvons tenir et pourrir toute votre séance ! Attention, monsieur le président !
Les amendements identiques nos 1083 de Mme Nathalie Porte et 2543 de M. Sébastien Huyghe sont défendus.
Monsieur le président, l'accès aux amendements sur nos tablettes ne fonctionnent plus. Je demande une suspension de séance, le temps que la connexion soit rétablie.
N'ayant pas connaissance du problème, je ne peux pas vous indiquer s'il peut être résolu en quelques instants. Je vais suspendre la séance pour cinq minutes afin que nous puissions faire un point sur cette difficulté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq.
Mes chers collègues, l'incident qui nous avait été signalé ayant été réparé, la séance peut reprendre et la discussion se poursuivre.
L'amendement no 664 de Mme Albane Gaillot est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Vous nous demandez quels critères doivent conduire l'officier de l'état civil à s'entretenir individuellement avec chacun des futurs époux. Certains sont déjà repérés : ce sont les retards répétés, les projets de mariage reportés ou annulés, un dossier de mariage incomplet, l'état ou le comportement des futurs époux ou une association qui accompagne les époux de façon systématique, mais aussi le fait que les époux ne parlent pas la même langue, ou un écart d'âge, ou une rapidité du mariage. Tous ces critères peuvent aider les élus à dépister l'absence de consentement. L'avis est donc défavorable.
Même avis.
L'amendement no 664 n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel, pour soutenir l'amendement no 2080 .
Cet amendement est important pour nous en ce qu'il traduit une certaine vision de la société.
Nous sommes évidemment attachés à cet article et à la volonté du Gouvernement de lutter contre les mariages blancs et forcés, mais nous voulons éviter les dénonciations anonymes, même circonstanciées. Nous souhaitons qu'elles ne soient pas prises en compte.
Ces dénonciations ne sont pas nécessairement anonymes pour l'officier d'état civil, à qui on peut apporter des éléments tendant à prouver que le mariage est forcé ou blanc. Il s'agit là de ne pas accepter les dénonciations anonymes pour la personne qui en est l'objet, parce que ce serait ouvrir la porte à la délation et que nous sommes farouchement opposés à ce type de société.
L'officier d'état civil décide d'un entretien individuel au vu des pièces remises, d'éléments recueillis lors de l'audition commune et d'éléments extérieurs : cela peut être des courriers ou des témoignages physiques ou moraux ayant trait à la situation particulière des époux. Ces éléments doivent être circonstanciés. L'officier d'état civil devra se fonder sur ce que l'on peut qualifier de faisceau d'indices en recoupant les éléments d'information pour déterminer s'il y a ou non consentement.
Votre amendement est donc satisfait, mais je donnerai quand même un avis favorable.
La question de l'anonymat des signalements est importante, mais le signalement peut provenir de la famille, et dans ce cas il est difficile de le faire en son nom. Il peut aussi être le fait d'une ONG – c'est d'ailleurs ce qui se passe en général. Les maires que nous avons auditionnés nous disent que les signalements concernent en général des jeunes filles qui sont accompagnées par des associations, et que ce sont elles qui s'adressent à l'officier d'état civil.
J'ai cependant conscience du problème que vous soulevez et j'entends votre volonté de faire en sorte que tout un chacun ne puisse pas faire des signalements de manière anonyme pour interrompre le processus de mariage. Ce sera donc un avis de sagesse.
L'amendement no 2080 est adopté.
Je me réjouis des avancées obtenues en commission au travers de la pénalisation de toute contrainte ou incitation à solliciter un certificat de virginité, mais je pense que si l'on souhaite faire cesser concrètement cette pratique, il faut aller encore plus loin.
Comme vous le savez, mariage et certificat de virginité sont intimement liés. Il faut donc rendre ce certificat, qui n'est pas un simple bout de papier mais une pratique barbare, le plus inutile possible, et même considérer qu'il entraîne l'annulation du mariage.
Je vous propose donc, par l'amendement no 2310 , de permettre à l'officier d'état civil qui constaterait en amont du mariage, à la suite de ses entretiens individuels et de son enquête, l'existence d'un certificat de virginité, d'agir en prévoyant que le certificat de virginité est une cause de nullité du mariage. Le risque de nullité n'est pas anodin, mes chers collègues, et il me semble qu'une telle conséquence fera véritablement passer l'envie à quiconque de faire établir un tel certificat, tant le risque sera important.
Le second amendement complète le dispositif a priori que je viens de défendre par un dispositif a posteriori. Je souhaite en effet que la personne qui aurait été contrainte à un mariage sous la condition d'un certificat de virginité puisse bénéficier du délai prévu en cas de mariage forcé, c'est-à-dire cinq ans, pour demander la nullité du mariage. Cela permettrait à cette personne, soit parce qu'elle aurait été embrigadée sans discernement dans cette pratique, soit sous le coup d'une pression qui l'empêchait de faire savoir à l'officier d'état civil que son mariage était conditionné par le certificat, de disposer de suffisamment de temps pour dénoncer le mariage.
Le premier amendement semble difficile à mettre en oeuvre. Comment établir l'existence d'un certificat de virginité ? Et quand bien même on le demanderait, qui le fournirait ? J'y suis donc défavorable.
Quant au second, il est satisfait par le code civil, qui prévoit que le consentement au mariage doit être exempt de vices, c'est-à-dire qu'il doit être exprimé en toute liberté et donné en connaissance de cause. L'article 180 du code civil précise bien que le consentement ne doit pas être forcé ni déterminé par des menaces ou des violences physiques. L'erreur ou la violence sont des causes de nullité du mariage, et le mariage forcé fait partie des violences au sens psychologique du terme. Le consentement doit exister et être intègre. Je suis donc également défavorable à cet amendement.
Même avis.
Cet amendement fait suite à la discussion dont cet article a fait l'objet – je ne reviendrai pas sur les propos de M. Corbière, dont la conception du mariage en a stupéfié plus d'un sur les bancs de cet hémicycle.
L'article 17 prévoit une saisine du procureur de la République par l'officier d'état civil dans le cas de mariages forcés, qui n'auraient pas été contractés librement, mais il est regrettable que cette saisine ne soit pas étendue aux mariages blancs – qui sont eux aussi, monsieur Corbière, une entorse grave à nos principes républicains et à notre loi. En effet, l'union entre deux personnes se faisant au nom de la loi de la République, une entente des futurs époux en vue de la violer afin de permettre à l'un d'entre eux d'obtenir la nationalité française ne saurait être compatible avec nos valeurs – et je suis certaine, monsieur le ministre de l'intérieur, que vous ne me contredirez pas.
Ces pratiques témoignent de la volonté de certains étrangers peu scrupuleux, avant même l'obtention de la nationalité française, de contourner nos lois. Il convient dès lors de mieux lutter contre elles et de prévoir des poursuites judiciaires systématiques.
L'amendement tend donc à compléter l'article 17 en ajoutant les mariages blancs à la liste des suspicions d'infraction donnant lieu à une saisine du procureur de la République par l'officier d'état civil.
L'amendement no 1421 de Mme Constance Le Grip est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
Même avis.
Je m'étonne de n'entendre, sur un tel sujet, ni la rapporteure ni le ministre. Monsieur le ministre de l'intérieur, nous avons la chance de vous avoir parmi nous. Si je suis consciente que vous ne siégez plus ici sur nos bancs, je ne peux pas imaginer pour autant que vous ne soyez pas d'accord avec ce que je viens de dire – ou alors les textes n'ont plus de sens ! On ne peut continuer à laisser se faire des mariages blancs sans donner les moyens d'agir d'une manière plus volontaire et en amont. Cette question est importante et je regrette que, sur le banc des ministres comme sur celui des rapporteurs, personne ne prenne la peine de nous apporter une réponse argumentée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Dans les débats, nous prenons le temps de répondre longuement à toutes les questions des orateurs. Cependant, pour nous efforcer de maintenir un équilibre du temps de parole, nos réponses sont parfois raccourcies. C'est le cas ici, où il me semblait que chacun pouvait savoir que cette question avait déjà donné lieu à une jurisprudence abondante et que des textes lui avaient déjà été consacrés. Bien évidemment, personne ici ne dit qu'il est permis d'arranger des mariages pour obtenir des papiers.
Je réponds pour ce qui me concerne. Quant à M. Corbière, il pourra le faire au nom du Gouvernement lorsqu'il siégera à ce banc et qu'il sera interpellé à ce titre.
Voilà, en tout cas, pourquoi les avis de la rapporteure et du Gouvernement sont défavorables.
Monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, je vous poserai une question simple : un maire peut-il refuser de célébrer un mariage lorsque l'un des deux époux est en situation irrégulière ?
Le mariage est une liberté fondamentale, que chacun a le droit d'exercer en se rendant à la mairie pour demander à se marier.
Mes chers collègues, la ministre est en train de vous apporter les éléments de réponse que vous demandiez. Accordez au moins à cette question et à la réponse qui vous est faite l'intérêt que vous avez vous-même exprimé.
Monsieur le député, je souhaite répondre et je me suis levée pour prendre le micro. Je ne suis aucunement gênée, sinon par ces interruptions sempiternelles.
J'étais donc en train de vous dire que le mariage est une liberté fondamentale que chacun est fondé à exercer, mais que lorsque le maire conçoit un doute, il peut saisir le procureur.
Nous renforçons ce droit dans les dispositifs existants. C'est d'ailleurs aussi la raison pour laquelle, après nous être entretenus avec les maires et les avoir auditionnés, nous avons décidé d'éditer le guide que j'évoquais précédemment, …
… qui mentionne notamment les dispositions légales permettant d'aider les élus et les officiers d'état civil en cas de doute, lorsqu'ils doivent procéder à un signalement auprès du procureur de la République – ce qui sera, je l'espère, voté avec cet article.
Une situation problématique de cette nature a été évoquée lors des travaux de la commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de Paris le jeudi 3 octobre 2019 : l'imam d'une mosquée chère à notre collègue Pupponi, bien que faisant l'objet d'une OQTF, ou obligation de quitter le territoire français, s'est marié et a eu un enfant, de telle sorte qu'il n'était plus sous le coup de cette OQTF. Il a ainsi pu se marier alors qu'il était en situation irrégulière. Il s'est ensuite révélé que le mariage ne se passait pas très bien, l'épouse déclarant qu'elle avait épousé cet homme sous l'effet de pressions qu'elle avait subies et qu'il s'agissait d'un mariage arrangé. Par la suite, l'homme a épousé une personne qui n'était pas originaire de notre pays, mais marocaine, et est resté en France. Un fonctionnaire du renseignement territorial que nous auditionnions, et à qui je demandais comment cette personne en situation irrégulière et faisant l'objet d'une OQTF pouvait rester sur le sol français et se remarier à l'issue d'un mariage arrangé, m'a répondu qu'on n'avait pas de preuve que le mariage avait été arrangé. Je tenais à raconter cette anecdote importante.
Dans la vraie vie, le procureur répond au maire qu'il ou elle a l'obligation de célébrer ce mariage…
M. Julien Aubert applaudit.
La réponse est évidente : le maire ne peut pas s'opposer à un tel mariage. Il peut certes, madame la rapporteure, faire un signalement au procureur, mais dans notre droit, le mariage n'emporte pas droit automatique au séjour. De la même manière, l'absence de titre de séjour n'emporte pas l'impossibilité de se marier. C'est l'état de notre droit positif, …
… et c'est bien là la difficulté, car on pourrait multiplier à loisir l'exemple cité par M. Diard. Tous ceux d'entre nous qui ont été maire ou élu local ont été confrontés à ces questions de mariage arrangé ou de mariage blanc – ou pas, car, cher collègue Corbière, l'amour intervient dans certains cas et pas dans d'autres, …
… où il ne s'agit que de la poursuite d'un intérêt, et c'est de cela qu'il nous faut traiter ici. Peut-être les dispositions proposées ne sont-elles pas idéales, mais cela n'en reste pas moins un vrai problème posé à notre société.
Monsieur le ministre de l'intérieur, vous souhaitez intervenir ? L'article 31 de la Constitution vous y autorise.
Vous avez la parole.
L'article 56, alinéa 1er, du règlement de l'Assemblée nationale m'y autorise également, monsieur le président.
Sourires.
J'évoquerai quatre points. Tout d'abord, madame Genevard, il n'y a pas d'un côté la vraie vie que vous vivez, et de l'autre la fausse vie que je pourrais vivre. J'ai été maire, comme vous…
Il est vrai que ce n'est pas le cas de tout le monde ici, pas même celui de tous les membres du groupe Les Républicains – et parfois, ce n'est pas faute d'avoir essayé ! La difficulté tient à ce qu'un maire ne marie pas en tant qu'élu, mais en tant que représentant de l'État.
C'est la raison pour laquelle il se ceint de son écharpe pour célébrer un mariage, mais ne le fait pas lorsqu'il préside le conseil municipal.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
C'est important, car on a l'impression que les maires pourraient s'opposer à un mariage comme si leurs décisions étaient prises en pleine indépendance. Or, lorsqu'ils sont officiers d'état civil, ils sont agents de l'État.
Cela vous avait en partie échappé ! Dans cette fonction, ils sont tenus au devoir de neutralité – je vous renvoie à ce propos à la discussion que nous avons eue au début de la semaine ou à la fin de la semaine dernière – , mais ils ne le sont pas en qualité de président d'organe délibérant.
Dès lors qu'ils sont officiers d'état civil, leur travail n'est pas d'agir en fonction de leurs convictions politiques, …
… mais d'appliquer sans opportunité la loi de la République. Le maire a le droit de ne pas célébrer un mariage s'il considère, en tant qu'agent représentant de l'État, qu'il n'y a pas de consentement entre les deux personnes. Ce peut être le cas durant la procédure, s'il constate que le « oui » n'est pas prononcé d'une manière évidente devant les personnes présentes – et il m'est déjà arrivé, en pareil cas, de ne pas célébrer certains mariages. Que ce soit, donc, en amont ou pendant la cérémonie, un maire a le droit de refuser de célébrer un mariage et de se tourner vers le procureur de la République – puisque la question relève de l'autorité du garde des sceaux – , et il recevra – ou non – injonction de le faire, comme tout agent de l'État. Lorsque le maire, dans ses fonctions d'officier d'état civil, demande à la personne qui a autorité s'il peut ou non célébrer ce mariage, il doit se conformer à la décision que prendra le procureur de la République. Qu'il faille, du reste, améliorer les informations dont dispose l'état civil, nous en convenons, et c'est ce que nous faisons précisément, comme en témoigne le fait que de nombreux articles visent à éviter les mariages forcés, les mariages arrangés et les mariages blancs.
Monsieur Brindeau, sans vouloir relancer le débat précédent, que j'ai suivi depuis le Sénat, où je me trouvais, je rappelle que l'amour ne fait pas partie des articles du code civil lus aux époux.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Cependant, la communauté de vie et certains engagements, comme la fidélité et le respect, y figurent, mais on ne demande pas aux gens s'ils s'aiment.
On ne demande pas aux gens s'ils s'aiment, mais s'ils sont d'accord pour vivre ensemble sous un contrat conclu devant la République.
Troisième élément : vous avez parfaitement le droit de considérer qu'une personne qui ne serait pas en situation régulière sur le territoire national ne devrait pas pouvoir bénéficier du mariage. C'est une opinion politique, mais ce n'est pas la loi de la République.
On a en effet le droit de la changer, surtout quand on est majoritaire !
Exclamations sur divers bancs.
En l'occurrence, monsieur Aubert, la loi de la République est aujourd'hui telle que vous ne pouvez pas vous opposer, sauf pour des motifs liés au fait que le but du mariage ne serait pas la communauté de vie mais, par exemple, l'obtention de papiers. Nous connaissons tous, à cet égard, des anecdotes telles que celles que M. Diard vient de raconter, et nous ne prétendons pas que tout fonctionne parfaitement et qu'il n'y a pas besoin d'améliorer certaines choses, mais on a le droit de se marier, et il faut d'ailleurs avouer que ce n'est pas toujours pour avoir des papiers. En effet, des personnes en situation irrégulière peuvent vouloir se marier pour d'autres raisons, notamment la communauté de vie.
Madame Genevard, le débat est le même qu'à propos de l'inscription des enfants à l'école : même si une personne est en situation irrégulière ou une famille sous le coup d'une OQTF, un maire ne peut pas refuser l'inscription de ses enfants à l'école de la République. C'est une obligation, car cela fait partie des libertés. Si vous refusez le droit au mariage, qui est pourtant une liberté reconnue par l'intégralité des conventions internationales – et vous avez parfaitement le droit de porter ce projet, même si ce n'est pas tout à fait ce que vous évoquez – , irez-vous jusqu'à affirmer que les enfants d'un étranger en situation irrégulière n'ont pas droit à l'éducation et ne peuvent pas être instruits à l'école,
Murmures sur les bancs du groupe LR
alors que vous savez que ce n'est jamais un motif de refus d'expulsion, ni pour l'autorité préfectorale ni pour le juge ?
Monsieur Diard, en tant que ministre de l'intérieur, je fais prononcer par les préfets des OQTF et des interdictions de retour sur le territoire national à l'encontre de personnes qui viennent de se marier ou qui ont des enfants dans les écoles publiques. Il est vrai, et vous avez raison de le souligner, que cela dépend beaucoup de la politique menée et de ce que le ministre de l'intérieur dit aux préfets. Du point de vue de l'autorité judiciaire, cela dépend également des peines prononcées, car il existe en effet une peine complémentaire d'interdiction de rester sur le territoire national. Si la personne qui fait l'objet de l'OQTF est expulsée et formule un recours, il appartient au tribunal, qu'il soit national ou européen, de considérer s'il y a lieu d'expulser ou non.
Personnellement, je déplore que dans de nombreux cas, et souvent à cause de la jurisprudence européenne, on ne puisse expulser certaines personnes qui ont fait leur vie en France – le mariage n'étant du reste, dans ces cas, pas le seul élément pris en compte. De fait, la décision peut aussi se fonder sur le fait d'avoir eu un enfant avec une personne qui se trouve sur le territoire national depuis un certain temps, car cet élément peut prouver une communauté de vie indépendamment même du mariage, le juge s'intéressant le plus souvent davantage à l'ancienneté de la relation qu'à l'acte juridique que constitue le mariage. Ainsi, on expulse plus souvent des gens qui viennent de se marier sur le territoire national que des gens qui y sont restés dix ans sans être mariés. C'est mon travail quotidien que de le constater.
Il n'y a pas de différence entre nos positions. Votre amendement, dont nous nous sommes un peu éloignés, madame Kuster, est pleinement satisfait par les textes. Savoir si le mariage est possible pour des gens qui n'ont pas de papiers ou qui sont en situation irrégulière est une autre question. Pour la loi de la République, la réponse est oui. On a le droit de la changer, mais ce n'est pas l'objet de votre amendement.
Je voudrais vraiment avoir l'avis de la rapporteure sur l'amendement no 2256 , qui propose que les rapports des entretiens réalisés avec les deux époux soient établis en suivant une charte commune. Cela permettra que tous les rapports établis par les officiers d'état civil suivent le même standard.
Les modalités de déroulement de l'entretien relèvent du domaine réglementaire. Une circulaire du 22 juin 2010 précise les éléments significatifs qui peuvent être recensés, comme le refus de répondre ou l'avis des différentes parties.
Il serait effectivement intéressant de disposer d'une trame commune : en Seine-Saint-Denis, par exemple, les élus ont établi un document permettant à tous les officiers d'état civil de recenser et retranscrire les mêmes informations, afin que ces éléments puissent être transmis au procureur de la République en cas de signalement.
Ce travail pourrait être réalisé conjointement avec l'association des maires de France – AMF – ou être mené à l'issue de la formation des élus. Rédiger une trame commune pourrait les aider à conduire l'entretien pour qu'apparaissent dans les comptes rendus les mêmes éléments, ceux qui sont les plus significatifs pour statuer sur le consentement des futurs époux.
Même avis.
Je n'ai pas bien compris la réponse : l'avis est-il favorable ou défavorable ? Vous dites, madame la rapporteure, qu'il faut absolument établir une charte, car un tel document n'existe pas, puis que la charte existe, sous la forme d'une circulaire datant de 2010, mais qu'elle n'est pas généralisée.
Si la rapporteure et la ministre déléguée me confirment qu'un travail sera mené sur ce sujet, je retire mes amendements.
L'amendement no 2544 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2251 et 2569 .
L'amendement no 2251 de Mme Sonia Krimi est défendu.
Sur l'amendement no 1261 , je suis saisi par le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Laurence Gayte, pour soutenir l'amendement no 2569 .
Il propose de supprimer les dérogations possibles à l'interdiction du mariage des mineurs, afin de lutter contre les mariages forcés de mineurs. Actuellement, les mariages de mineurs sont autorisés avec l'accord des parents pour des motifs graves, celui le plus souvent invoqué étant une grossesse. Selon les associations, environ 400 dérogations seraient accordées chaque année pour ce motif. Ce chiffre énorme démontre à lui seul qu'il existe un fort risque de contournement de la loi interdisant le mariage des mineurs.
De plus, lier une grossesse à une obligation de mariage est un principe d'un autre temps, qui ne devrait plus avoir cours de nos jours. Le mariage ne peut plus être considéré comme une protection pour la mineure enceinte. La loi doit protéger les mineurs – tous les mineurs ; elle ne doit pas autoriser leur mariage, car le risque qu'il s'agisse d'un mariage forcé est très élevé. Cet amendement propose donc d'interdire toute dérogation à l'interdiction du mariage des mineurs.
En 2006, le choix a été fait de relever l'âge matrimonial des jeunes filles de quinze à dix-huit ans. Néanmoins, l'article 145 du code civil, qui prévoit qu'une dispense peut être accordée par le procureur de la République pour motif grave, a été maintenu. C'est le procureur de la République qui décide d'ouvrir une enquête familiale. Or, les procureurs sont peu sollicités aujourd'hui sur ce sujet, et les demandes n'atteignent pas le chiffre de 400 dérogations que vous évoquez.
Lorsque l'article 145 du code civil trouve à s'appliquer, le motif prioritairement invoqué est effectivement souvent la grossesse de la jeune femme. Mais si le mariage n'est pas autorisé, quels sont alors les risques encourus par la jeune femme en termes d'exclusion de sa famille ? Ce refus entraîne-t-il une mise sous protection par l'ASE – aide sociale à l'enfance ?
La différence d'âge matrimonial qui prévalait auparavant introduisait une inégalité entre les hommes et les femmes. Or la mesure que vous proposez de supprimer ne crée pas d'inégalité, et peut même trouver des cas d'application. Par conséquent, avis défavorable.
Il est important de rappeler que plusieurs garde-fous sont déjà prévus par la loi en ce qui concerne le mariage des mineurs. Tout d'abord, le procureur de la République doit autoriser expressément le mariage. Il ne peut le faire que pour des motifs dits graves – vous en avez évoqué, mais il en existe d'autres – et doit motiver sa décision. Pour ce faire, il faut qu'il puisse connaître la situation individuelle et particulière de chaque couple. Le mineur est donc entendu seul par l'officier d'état civil, en dehors de la présence du futur conjoint, des parents ou de la famille. Cela permet au mineur de signaler d'éventuelles pressions et à l'officier d'état civil de les détecter.
Nous pensons qu'il est important de ne pas supprimer des possibilités, même si une attention particulière doit être portée au cas des mineurs. Des préconisations spécifiques figureront ainsi dans le guide que j'évoquais tout à l'heure ; vous avez d'ailleurs, madame la députée, choisi le titre et le sous-titre de la partie du guide traitant des pratiques traditionnelles néfastes. Ce guide, que nous établissons avec le GAMS, des mariages forcés et autres pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants – , sera notamment adressé aux élus, aux préfets, aux ONG et aux associations. Il y sera fait mention de l'attention particulière devant être portée à la question du mariage des mineurs.
Nous partageons votre objectif, mais nous pensons qu'il est important de maintenir toutes les possibilités offertes dans la loi. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
Je suis désolée, mais cette fois, je ne retire pas mon amendement. 400 dérogations par an est un chiffre vraiment trop élevé. Le sujet mériterait qu'on lui consacre un rapport ; si le chiffre est inexact, il faut qu'une étude nous le démontre. Je remercie Mme la ministre déléguée d'être très attentive à ce sujet, mais je maintiens mon amendement.
La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour soutenir l'amendement no 1261 .
Je défends cet amendement au nom de ma collègue Perrine Goulet, qui l'avait déjà déposé en commission. Lors des auditions menées dans le cadre de l'examen du projet de loi, il est apparu que les entretiens individuels avec chacun des futurs époux, qui visent notamment à détecter les mariages forcés, étaient menés différemment suivant les collectivités.
Cette absence d'harmonisation est apparue de manière évidente comme une faiblesse, ce qui nous a été confirmé par les élus que nous avons interrogés. Cette faiblesse pourrait être utilisée par ceux qui souhaiteraient détourner ou fausser un consentement. Les officiers d'état civil ont donc souhaité qu'un document d'information unique, commun à toutes les collectivités, soit établi afin de lutter plus efficacement contre ces pratiques.
Pour ceux qui s'interrogeraient, je tiens à rappeler que les dispositions de l'article 17 conviennent au groupe Dem, mais que nous souhaitons les amender pour les améliorer.
Même si votre proposition semble plutôt relever du domaine réglementaire, nous sommes favorables à cet amendement, qui permet de répondre à la demande des élus de disposer d'un document unique. Cela existe déjà dans certains territoires, mais le document est alors spécifique à chaque commune. Disposer d'un document commun est important. Avis favorable.
Votre argumentaire est tout à fait convaincant. Suite aux échanges que nous avons eus à l'issue de la commission spéciale avec vous et votre collègue Perrine Goulet, qui arrive à l'instant dans l'hémicycle, nous avons estimé qu'il était important de rédiger un document pour harmoniser les entretiens. Nous l'avons d'ailleurs déjà fait en matière de violences conjugales avec la grille d'évaluation du danger utilisée au moment du dépôt de plainte au commissariat. Disposer d'un guide d'entretien concret et harmonisé sur l'ensemble du territoire soulagera les élus et officiers d'état civil, qui n'auront pas à le bâtir eux-mêmes. Avis favorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 149
Nombre de suffrages exprimés 130
Majorité absolue 66
Pour l'adoption 127
Contre 3
L'amendement no 1261 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 743 de M. Robin Reda est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement no 743 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1594 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'article 17, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l'amendement no 1422 .
Notre assemblée vient d'adopter l'amendement de notre collègue Goulet, qui prévoit que l'entretien individuel est mené selon un document unique et commun à toutes les collectivités : il est donc jugé suffisamment important pour faire l'objet d'un document unique et pour que nous l'inscrivions dans ce qui deviendra peut-être une loi de la République.
Par cet amendement, je souhaite donc majorer le montant de l'amende pouvant être infligée à un officier d'état civil qui n'aurait pas mené cet entretien préalable à la publication des bans, comme le prévoit l'article 63 du chapitre III – relatif aux actes de mariage – du titre II du livre Ier du code civil, pour la porter à 750 euros. Cela permettrait de rendre cette amende pleinement dissuasive et de l'aligner sur le montant des contraventions de quatrième classe.
La mission n'étant déjà pas facile, je ne pense pas qu'il faille augmenter le niveau des amendes. Avis défavorable.
Défavorable.
L'amendement no 1422 n'est pas adopté.
Par cohérence avec les amendements et les articles ayant déjà traité de l'interdiction du certificat de virginité, je propose qu'il soit inscrit dans la loi que la virginité ne peut être considérée comme une condition substantielle du mariage, et que son absence ne puisse donc constituer un motif d'annulation du mariage.
La loi n'a pas pour objet de dresser une liste de toutes les qualités pouvant entraîner la nullité du mariage. En l'espèce, il existe une procédure d'annulation en cas d'erreur, de violence ou de mariage frauduleux, qu'il s'agisse d'un mariage blanc ou d'un mariage gris. Avis défavorable.
L'amendement no 1005 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit de renforcer les sanctions contre le complice d'un mariage forcé.
Votre amendement semble déjà satisfait par le 6 bis des articles 222-3, 222-10 et 222-13 du code pénal, qui prévoit que les violences, les actes de torture et barbarie et le meurtre font l'objet d'une répression aggravée lorsqu'ils sont commis contre une personne afin de la contraindre à contracter un mariage ou à conclure une union, ou contre une personne en raison de son refus de contracter un mariage ou de conclure une union. Avis défavorable.
Même avis.
L'idée est de l'ajouter à l'article 222-14-4 pour sanctionner la complicité, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Je maintiens donc l'amendement.
L'amendement no 2254 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Cormier-Bouligeon, pour soutenir l'amendement no 2312 .
L'amendement no 2312 est retiré.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 148
Nombre de suffrages exprimés 137
Majorité absolue 69
Pour l'adoption 135
Contre 2
L'article 17, amendé, est adopté.
Je défendrai en même temps l'amendement no 2384 , qui porte sur le même sujet.
Ces amendements portent sur les articles du code civil lus par les officiers d'état civil lors de la cérémonie de mariage. Après l'audition des associations féministes pendant nos travaux, j'ai relu ces articles et j'ai pu constater combien certains d'entre eux étaient désuets…
… et surtout incomplets. La plupart des articles du code civil consacrés au mariage datent de 1803 ; depuis lors, les choses ont évidemment beaucoup évolué, avec des modifications en 1966 pour intégrer les droits nouveaux des femmes en matière d'activité professionnelle et de détention d'un compte bancaire, en 1971 pour consacrer l'égalité des deux parents en matière d'éducation en supprimant la notion de chef de famille, par exemple.
Le contexte actuel, l'évolution du regard de la société sur les rapports entre les femmes et les hommes, les nouveaux droits conquis par les femmes, mais aussi les nombreuses menaces qui pèsent encore sur elles, m'ont conduite à déposer cet amendement qui propose de compléter et de dépoussiérer certains articles du code civil lus pendant la cérémonie du mariage.
Il s'agit de reconnaître à la fois le libre consentement au mariage, dont nous avons longuement parlé, l'égalité entre les sexes, qui, à ma grande surprise, ne figure pas dans le code civil actuellement, la liberté des femmes et la condamnation de toute forme de violence au sein du couple. C'est l'objet de la modification des articles 212 et 215 du code civil, qui doivent être lus devant les époux et l'assistance rassemblée pendant la cérémonie de mariage, à un moment toujours empreint d'une certaine solennité.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement no 1565 .
L'article 212 du code civil prévoit déjà que les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance : il couvre donc largement la totalité des possibilités. La notion de respect a justement été introduite par la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, afin de lutter contre toute forme de violence physique ou psychologique. Il serait par conséquent inutile et redondant d'ajouter que les époux s'abstiennent de toute violence physique ou psychologique. Quant à la communauté de vie mentionnée à l'article 215, notion introduite dans le code civil par la loi du 4 juin 1970 relative à l'autorité parentale, elle a surtout des conséquences en matière de divorce, en particulier pour l'altération définitive du lien conjugal. Avis défavorable.
Je tiens à saluer l'engagement de longue date de Mme Lang en faveur des droits des femmes et je sais le travail remarquable qu'elle a conduit dans le cadre du présent projet de loi, notamment lors des auditions et en permettant d'en améliorer un certain nombre de dispositions.
Je partage l'objectif qui est le vôtre, madame la députée, mais ce sera une demande de retrait car, à mon humble avis, le moment d'évoquer ces questions est plutôt l'entretien avec l'officier d'état civil ou le dépôt des dossiers pour se marier. Les dispositions du code civil lues au moment du mariage sont toutes formulées positivement ; il nous semble lourd et pas forcément opportun, au moment de célébrer le mariage, qui reste théoriquement un événement positif et joyeux, de commencer par énumérer cette liste de possibilités.
Par ailleurs, d'un point de vue juridique, la modification du code civil à cet endroit nous semble difficile, notamment celle du second amendement qui propose d'introduire dans le code civil des éléments du code pénal.
Je ne partage pas totalement cet avis. Il me semble important de lire ces articles devant les époux et l'assistance réunie au moment de la cérémonie, car cela aurait une forte valeur symbolique. Par ailleurs, je le redis, l'égalité entre les sexes ne figure pas dans le code civil et cette modification me semble nécessaire. Je maintiens l'amendement.
Votre amendement plein de bonnes intentions n'est pas d'un romantisme absolu,
Sourires
… d'autres dispositions que nous devrions supprimer, par exemple les articles sur la responsabilité des dettes, que je ne trouve pas non plus d'un romantisme absolu. Certains maires, entre parenthèses, ne les lisent pas.
Rires sur quelques bancs.
Après la formule sacramentelle, après la mention des enfants, on doit lire un passage interminable sur les dettes.
Ne pourrions-nous pas déjà supprimer cela ?
L'amendement no 7 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2384 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement no 1564 .
Le présent amendement vise à créer les conditions pour que l'époux au préjudice duquel a été contracté le mariage annulé pour vice de consentement ne fasse pas l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
J'imagine les réactions que cela va provoquer en face, mais si nous voulons que les femmes parlent librement, quelle est la principale contrainte, le danger ressenti par une femme qui subit un mariage forcé si ce n'est que si elle parle et révèle la contrainte qu'elle a subie, elle risque de se retrouver dans une situation administrative difficile et de devoir quitter le territoire ? Si l'on est conséquent dans la volonté de créer les conditions d'un climat rassurant pour la personne qui a le courage de s'arracher du domicile dans lequel elle vit, d'aller s'exprimer devant une autorité pour dire que le mariage a été contraint, ce ne peut pas être sous la menace d'une possible expulsion. Je vous invite vraiment à réfléchir à la pertinence de cet amendement. Si nous sommes tous réellement, et je le crois, engagés sur le fait que nous voulons créer les conditions pour que celles qui subissent un mariage forcé parlent enfin, il faut les aider et ne pas les menacer d'une potentielle expulsion.
Je confirme ce que disait tout à l'heure M. le ministre, à savoir que toute personne peut faire l'objet d'un examen de sa situation qui tient compte de sa durée de résidence sur le territoire, de son intégration, de la présence d'enfants. Il existe un certain nombre de critères, on ne procède pas systématiquement à l'éloignement. Avis défavorable.
Même avis.
J'ai du mal à voir la cohérence. Sur la polygamie, vous avez expliqué qu'il fallait absolument reconduire les titres de séjour, considérant que la personne était victime. Nous vous avons expliqué que c'était différent du mariage forcé. Là, vous avez, pour le coup, un problème de consentement, une personne dont on pourrait penser qu'elle a été victime, mais vous refusez de donner raison à l'extrême gauche. Je ne vois pas la cohérence entre vos deux positions.
L'amendement no 1564 n'est pas adopté.
L'article 18 est à mettre en perspective avec l'article 4, qui a permis de créer le délit de séparatisme. Ce sont deux articles qui, d'une certaine manière, vont ensemble, sont complémentaires. Leur objectif à l'un et à l'autre est d'apporter à l'État de nouveaux moyens juridiques et administratifs afin d'intervenir en cas de menace directe à l'égard d'une personne assurant une mission de service public. Ces menaces, qui peuvent conduire au passage à l'acte, utilisent aujourd'hui le biais des réseaux sociaux. Ce sont des pressions, des intimidations, des appels à la haine à l'égard d'un professeur, d'un agent du service public ou même d'un élu, et qui arment intellectuellement et psychologiquement des individus radicalisés. C'est ce dont a été victime Samuel Paty. Comment mieux prévenir ce type de situation ? Comment permettre à l'État d'intervenir plus efficacement et de sanctionner les individus déterminés à utiliser les réseaux sociaux dans l'intention de porter atteinte physiquement à autrui ? C'est à cela que tentent de répondre l'article 4 et l'article 18.
Notre groupe Agir ensemble tient à souligner les apports de la commission spéciale, dus notamment à l'initiative de Mme la rapporteure Laetitia Avia, qui ont permis de préciser le régime juridique du nouveau délit de mise en danger de la vie d'autrui par la divulgation d'informations personnelles. Nous sommes également satisfaits de l'ajout de nouvelles circonstances aggravantes, tout d'abord lorsque le délit est commis à l'encontre d'une personne titulaire d'un mandat électif public, ensuite lorsque il est commis à l'encontre des mineurs. Pour être complet, il me faut ajouter que l'infraction ne pourra être retenue que si est prouvée une intention particulière de l'auteur des faits de porter atteinte à l'intégrité physique ou aux biens de la personne.
Cet article 18 vient combler un vide juridique. Il donne enfin les moyens à l'État d'agir de manière précise, circonscrite et efficace. Notre groupe le votera donc.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous ouvrons à présent un chapitre important du projet de loi, le chapitre IV, qui contient les dispositions relatives à la lutte contre les discours de haine et les contenus illicites en ligne. Les différents articles de ce chapitre répondent à des motifs sérieux, sur lesquels je veux dire quelques mots. Pour ne pas abuser du temps restreint qui nous est malheureusement imparti, je m'exprimerai sur l'ensemble de ces articles.
Chacun de nous constate la prolifération de contenus incitant à la haine et à la violence sur les réseaux sociaux. En témoignent l'augmentation exponentielle des signalements sur la plateforme PHAROS – plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements – l'année dernière et le nombre des atteintes graves à l'intégrité physique des personnes qui en découlent. Il apparaît évidemment nécessaire de renforcer notre arsenal pénal pour prévenir la divulgation d'informations à caractère personnel.
Au cours des nombreuses auditions menées par la commission spéciale, l'ensemble des intervenants ont affirmé la nécessité de renforcer notre droit pour mieux nous protéger face aux discours de haine et aux contenus illicites. Pour lutter contre ces phénomènes, l'instauration, à l'article 18, d'un nouveau délit visant à réprimer la divulgation d'informations personnelles et à muscler le code pénal nous est proposée pour prévenir les violences graves. Ce nouveau délit est souhaitable, mais il crée une insécurité juridique dont nos débats, je l'espère, permettront de lever les zones d'ombre.
Vous rattachez ce délit à un article du code pénal qui traite de la mise en danger de la vie d'autrui et dont le juge pourrait appliquer l'ensemble des conditions caractérisant cette mise en danger : la violation de l'obligation particulière de prudence, l'exposition directe d'autrui à un risque immédiat de mort et le caractère intentionnel de la violation de l'obligation. Les conséquences du nouveau délit créé par l'article 18 pourraient donc être amenuisées et il sera essentiel, au cours de nos travaux, de préciser davantage le texte.
Force est de le constater, notre code pénal prévoit déjà des dispositions législatives et des infractions qui pourraient englober sans difficulté les comportements visés à l'article 18, aujourd'hui peu réprimés par manque de signalements et parfois par manque de courage des institutions. Ces dispositions sont en outre peu utilisées par les victimes, qui n'ont pas toujours connaissance de leurs droits. En tout état de cause, au lieu de renforcer le brouillard législatif, il aurait été plus judicieux de faire appliquer les textes en vigueur et de s'assurer de leur lisibilité afin que leur application par le juge ne soit pas dévoyée.
Permettez-moi de dire un mot des articles 19 et 20. Le premier propose des solutions et des moyens d'action pour faire disparaître les contenus d'un site internet interdit qui se retrouvent sur un site miroir ou sur le site d'un autre prestataire. Il convient bien sûr de supprimer les contenus illicites, mais il nous faut aller plus loin sur ce sujet. Je proposerai donc de créer une plateforme des contre-discours pour sensibiliser aux bonnes pratiques en matière de lutte contre les discours de haine.
À la suite des travaux que nous avons menés avec de nombreux collègues, notamment ma collègue de la majorité Caroline Abadie, dans le cadre de la mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme, nous nous sommes battus pour que soit créée une attestation certifiant la sensibilisation au bon usage des outils numériques et des réseaux sociaux, en particulier auprès des jeunes. Nous avons proposé que cette sensibilisation prenne la forme d'un permis internet.
S'agissant, enfin, de l'article 20, qui adapte la répression des abus de la liberté d'expression d'une particulière gravité en ligne, son objectif est avant tout de mettre fin à des agissements inacceptables. Quand on tague des croix gammées, on ne dégrade pas les biens publics, on incite ouvertement à la haine. Quand on prend à partie un grand intellectuel français, quand on l'insulte et on le violente, notamment au titre de sa religion, la réponse judiciaire doit être immédiate. Le respect de la liberté de la presse ne doit pas nous rendre faibles face au racisme et à l'antisémitisme, a fortiori dans une société dans laquelle les réseaux sociaux renforcent la violence et l'instantanéité. Cette nouvelle disposition constitue une chance de renforcer notre arsenal juridique et de le rendre plus efficace.
Ainsi, chers collègues, durant nos débats, de nombreuses améliorations devront encore être apportées aux articles 18, 19 et 20 pour qu'ils puissent apporter la meilleure sécurité juridique afin de réprimer des agissements dont les conséquences sont de plus en plus lourdes et durables pour nos concitoyens qui en sont les victimes. Il s'agit d'éviter les drames qui volent les vies et qui meurtrissent les coeurs.
L'article 18 est présenté comme une réponse à l'assassinat de Samuel Paty et aux actes qui l'ont précédé. S'agissant de la nécessité d'anticiper un processus meurtrier tel que celui qui a été à l'oeuvre ici, nous l'approuvons bien évidemment. Nous contestons, en revanche, la manière dont le Gouvernement entend y répondre. Pardonnez-moi de le formuler ainsi, mais l'article 18 s'appuie sur une seule étude d'impact, le meurtre de Samuel Paty, et résulte d'une réaction à chaud. Nous craignons, dans ces conditions, qu'il ait des conséquences négatives non anticipées.
En réalité, l'article 18, qui vise à prévenir la localisation d'un enseignant sur les réseaux sociaux et sa mise en danger, a les mêmes défauts, du point de vue du droit d'information, que l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale. Nous avons bien noté que cet article vise à modifier le code pénal et non la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, comme l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale, mais nous craignons, à la lecture de l'exposé des motifs du projet de loi, que l'application de cet article ait des conséquences plus importantes.
Tout d'abord, l'article 18 ne concerne pas seulement les personnes, mais également les biens. En outre, il ne s'agit pas seulement ici de diffuser, mais également de révéler et de transmettre. Certes, la commission spéciale a adopté un amendement supprimant la caractérisation psychique, trop large, mais certaines formules restent floues, s'agissant notamment de l'intention de nuire ou de la vie professionnelle.
Dans sa rédaction actuelle, l'article punit la diffusion « d'informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d'une personne permettant de l'identifier ou de la localiser ». Par conséquent, la diffusion en direct sur internet d'une vidéo d'un policier ou d'un gendarmé filmé dans la rue pourrait être sanctionnée. L'article 18 aurait donc les mêmes conséquences que l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale.
Pour le groupe La France insoumise, il aurait été préférable, avant d'envisager une modification du code pénal, d'examiner si ses dispositions actuelles auraient permis d'agir dans le cas de Samuel Paty. Je n'entrerai pas dans des considérations juridiques trop approfondies, car je ne les maîtrise pas entièrement, mais on aurait ainsi pu recourir aux articles 222-33-2-2 et 226-4-1 du code pénal. L'article 226-4-1 est ainsi rédigé : « Le fait d'usurper l'identité d'un tiers ou de faire usage d'une ou plusieurs données de toute nature permettant de l'identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d'autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »
J'ajoute que si la justice et la police manquent de moyens en matière de renseignement, à la plateforme PHAROS ou à la direction générale de la sécurité intérieure – DGSI – , pour qualifier des faits, ce n'est pas en additionnant les réponses pénales que l'on réglera le problème. Si ma mémoire est bonne, l'assassin de Samuel Paty avait proféré des menaces claires, qui auraient dû appeler l'attention des forces de l'ordre et conduire à protéger l'enseignant, ce qui n'a pas été fait, par manque de moyens. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cet événement a eu pour première conséquence de nouvelles embauches à la plateforme PHAROS.
Nous proposons de supprimer l'article 18 et de réfléchir à un nouvel article répondant à la même ambition, mais sans nuire au droit d'information. À tout le moins, nous appelons l'Assemblée à soutenir l'amendement no 1007 déposé par le groupe Socialistes et apparentés, qui reprend la réserve du Conseil d'État dans son avis sur le texte et propose de modifier l'article afin d'éviter que le nouveau délit qu'il crée ne porte atteinte à la liberté d'informer. En soutenant l'amendement de nos collègues socialistes, qui constituerait un moindre mal, le Gouvernement nous démontrerait que sa volonté est uniquement de prévenir des événements tels que l'assassinat de Samuel Paty, et non de reproduire les dispositions de l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale.
La circulation des contenus haineux sur internet a significativement augmenté ces dernières années, avec des dérives inacceptables – conséquence, sans aucun doute, de la généralisation des réseaux sociaux. Pourquoi de nouvelles dispositions contre les discours de haine et les contenus illicites apparaissent-elles dans le projet de loi ? Visiblement, le Gouvernement ne veut pas rester sur l'échec de la loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite loi Avia, largement retoquée par le Conseil constitutionnel, et tente d'apporter une réponse à l'assassinat atroce de Samuel Paty.
Le sujet est d'une telle importance qu'il ne devrait pas être noyé dans une loi appelant au respect des principes de la République, qui plus est débattu dans le cadre du temps législatif programmé et d'une procédure accélérée. Il méritait un projet de loi à part entière, tout en s'inscrivant dans le respect des droits de l'homme et du citoyen. Il méritait davantage qu'une réponse pénale française et devrait faire l'objet d'une concertation avec nos partenaires européens.
Au total, le délai de vingt-quatre heures a disparu et le rôle des GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – apparaît maintenant aux articles 19 et 19 bis. Certes, un parquet numérique a été mis en place le 4 janvier dernier, de même qu'un observatoire de la haine en ligne depuis juillet dernier, mais nous savons que le temps de la justice n'est pas celui des malfaiteurs et des terroristes.
Monsieur le garde des sceaux, je vous sais attaché aux libertés fondamentales, mais le nouveau délit prévu à l'article 18 ne fait-il pas courir un risque de détournement de certaines procédures ? La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sanctionne les incitations au crime, à la haine, à la discrimination, à la violence et à l'apologie qui en est faite. Son article 23 est très explicite et son article 24 prévoit déjà des peines de cinq ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende pour ceux qui auront provoqué des atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité d'une personne, des agressions sexuelles ou encore des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Pour toutes ces raisons, je suis plus que réservé sur l'article 18.
M. Marc Le Fur applaudit.
Nous comprenons parfaitement l'intention du Gouvernement avec cet article après l'assassinat de Samuel Paty. Vous ne nous en voudrez pas, néanmoins, de chercher à comprendre dans le détail les dispositions que nous votons et leurs implications.
Je salue les améliorations apportées à la rédaction initiale de l'article lors des travaux de la commission spéciale, qui ont permis de préciser les notions d'intentionnalité, de risque, désormais qualifié de « direct », et d'atteinte à la personne – plutôt que d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique. Certaines difficultés subsistent néanmoins lorsque l'on examine le texte dans le détail ; elles appellent des éclaircissements de votre part.
Tout d'abord, vous créez une nouvelle infraction d'intention, qui vise non pas des faits commis, mais une intention prêtée aux fins d'exposer une personne à un risque. Vous conviendrez avec moi que l'intention délictuelle peut faire l'objet de larges marges d'interprétation. De quelle manière la chancellerie entend-elle qualifier l'intention délictuelle dans l'instruction de politique pénale qu'elle adressera aux procureurs généraux ? La précaution à laquelle j'appelle ici est légitime, me semble-t-il, puisqu'il s'agit d'éviter le risque d'une justice prédictive. Il n'est pas nécessaire, en effet, que le risque ait été vérifié pour que l'intention soit jugée délictuelle.
Vous ne hiérarchisez pas les risques auxquels serait exposée une personne dont on révélerait les informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle. Dans ces conditions, le juge ne sera-t-il pas tenté de toujours s'aligner sur le risque maximum ? Il s'agit, selon moi, d'une question importante. Pourquoi, en outre, n'avez-vous pas distingué les atteintes aux personnes et les atteintes aux biens ? Comment justifiez-vous ce choix ? Nous pourrions désormais nous retrouver dans une situation dans laquelle l'intention délictuelle serait plus sévèrement punie que le délit s'il était commis.
Prenons un exemple. Dans le code pénal, la destruction, la dégradation et la détérioration d'un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, sauf s'il n'en est résulté qu'un dommage léger. Il existe une possibilité que le risque le plus grave ne soit pas accompli – au lieu d'un meurtre, seule une boîte aux lettres a été brûlée. Dès lors, il y a une disproportion entre l'intention et le risque réalisé. Je vous remercie de bien vouloir m'apporter des précisions à ce sujet.
Enfin, chacun est ici attaché – vous l'avez souligné, monsieur le garde des sceaux – à la liberté de la presse. Vous nous avez fait part, en commission spéciale, des précautions dont vous avez souhaité entourer l'article 18, mais nous avons tous besoin d'être certains que la liberté de la presse ne sera pas d'une manière ou d'une autre atteinte.
La question de la flagrance risque de poser problème, par exemple quand des captations d'images seront réalisées au moment d'une manifestation. Il nous semble donc nécessaire de reprendre à notre compte ce qui a été suggéré par le Conseil d'État dans son avis – ce sera l'objet d'un de nos amendements : « la caractérisation de l'infraction [… ] n'a pas pour objet et ne peut avoir pour effet de réprimer la révélation ou la diffusion de faits, de messages, de données, de sons ou d'images qui ont pour but d'informer le public alors même que ces informations pourraient ensuite être reprises et retransmises par des tiers dans le but de nuire à la personne qu'elles permettent d'identifier ou de localiser. »
Ces quelques questions précises visent à mieux comprendre les dispositions que vous soumettez à notre vote, car nous voulons être certains qu'elles sont bien proportionnées au but recherché.
L'article 18 vise en effet à créer un nouveau délit que nous appelons « mise en danger de la vie d'autrui par la diffusion d'informations » et qui consiste en « le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre [… ] des informations relatives à la vie privée [… ] d'une personne permettant de l'identifier ou de la localiser aux fins de l'exposer [… ] à un risque direct ». Il se distingue du délit de mise en danger de la vie d'autrui, qui ne sanctionnait pas la divulgation d'informations, mais aussi du délit de divulgation, qui ne punissait pas l'atteinte à l'intégrité physique de la personne ; il y avait donc un trou dans la raquette.
En commission, nous avons complété l'article en introduisant une circonstance aggravante lorsque les faits sont commis au préjudice d'un mineur ; elle s'ajoute à celle prévue pour des faits commis envers une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public. Nous avons également précisé l'intention délictuelle : pour être sanctionné, l'auteur du délit doit avoir connaissance du risque – qui doit être « direct » – auquel il expose la victime.
C'est bien parce qu'il a été nommément désigné sur les réseaux sociaux que Samuel Paty a été assassiné ; l'article 18 vise à répondre à ce crime.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous avons évidemment tous été saisis d'effroi lorsque nous avons appris comment la diffusion de certaines informations avait permis l'assassinat de Samuel Paty ; nous le sommes également lorsque la diffusion de messages haineux sur les réseaux sociaux conduit à devoir mettre sous protection une adolescente comme Mila, et je pourrais multiplier de tels exemples. Ces situations inacceptables ont trait à l'essence même des réseaux sociaux, caractérisés à la fois par l'absence de contrôle – en vertu d'une liberté d'expression de principe – et par la règle de l'anonymat, derrière laquelle celles et ceux qui ont l'intention de diffuser des messages haineux ont la possibilité de se retrancher.
L'article 18 a un mérite : en créant le délit de mise en danger d'autrui par la diffusion d'informations, il essaie de traiter en amont ce type de comportements. L'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale nous avait déjà permis d'en débattre, mais il avait trait à la liberté de la presse et ne permettait donc pas de poursuivre cet objectif.
Cependant, nous nous demandons toujours si l'article 223-1 du code pénal est le mieux à même de traiter ce problème, qui est bien réel. En effet, la mise en danger d'autrui pourra être considérée comme un délit et sanctionnée à ce titre même sans avoir eu de conséquences sur l'intégrité physique de la personne ou sur ses biens. Comme l'a relevé notre collègue Boris Vallaud, il risque d'y avoir une disproportion entre l'intention de départ et la condamnation pour diffusion d'informations.
Par ailleurs, nous n'aurons atteint notre objectif que lorsque nous nous serons réellement attaqués au problème de l'anonymat sur les réseaux sociaux, faute de quoi l'article 18 ne pourra être opérationnel. Pour cela, une loi uniquement française ne suffira pas : le groupe UDI et indépendants milite pour que des initiatives soient prises par le Gouvernement auprès de nos collègues européens, afin qu'une réglementation nouvelle soit envisagée pour protéger de manière automatique et absolue l'anonymat des personnes sur les réseaux sociaux.
L'article 18 du présent projet de loi reprend l'objectif de l'article 24 de la future défunte – on peut le dire – proposition de loi relative à la sécurité globale, en élargissant considérablement son champ d'application.
Dans sa version initiale, il prévoyait de punir les faits réalisés « dans le but [d'] exposer » la future victime « ou les membres de sa famille, à un risque immédiat d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique, ou aux biens ». La nouvelle rédaction de l'article, issue des travaux de la commission spéciale, a quelque peu atténué les critiques qui pouvaient lui être adressées, mais elle ne les a pas rendues caduques.
En effet, même dans sa nouvelle version, il fait courir un grand risque, celui de porter une atteinte manifeste à l'exercice du droit à l'information et de la liberté d'expression.
D'une part, du fait d'une rédaction imprécise – même dans la nouvelle version – , l'infraction définie par l'article est difficilement caractérisable, ce qui est susceptible de remettre en question sa conformité non seulement à la Constitution, mais aussi à la Convention européenne des droits de l'homme, en particulier les dispositions de ses articles 7 et 10.
D'autre part, l'article conduit à introduire un délit d'intention, en ce que la diffusion d'informations doit intervenir dans le but – selon la version initiale – de produire « un risque immédiat d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique, ou aux biens » d'une personne. La commission spéciale a modifié cette rédaction, mais la nouvelle version vise elle aussi « un risque direct d'atteinte à la personne ou aux biens ». La recherche de l'intention, qui, je le rappelle, ne sera pas contrôlée par la Cour de cassation, conduira à une inefficacité du délit car tout doute doit profiter au prévenu. Cet écueil a notamment été souligné dans l'avis du Conseil d'État.
Dans la version de la commission spéciale, l'expression « que l'auteur ne pouvait ignorer » – qui vient qualifier le risque créé par la diffusion d'informations – ne peut être acceptée : ce n'est pas du droit pénal !
Il existe ensuite un danger sérieux résidant dans les pouvoirs du parquet qui, pour mettre fin à la commission de l'infraction, notamment en flagrance, se verrait attribuer par le jeu des règles procédurales du droit commun des pouvoirs très larges de censure. En l'état actuel du droit commun, il aurait la faculté d'user de tout moyen pour mettre un terme immédiat à l'infraction qu'il aurait constatée, portant de ce fait une atteinte directe à la liberté d'expression, à sa seule initiative et sans intervention préalable du juge, en particulier le juge des libertés et de la détention, dont la saisine n'est pas envisagée par le texte.
Enfin, l'article 18 fait courir le risque d'une judiciarisation excessive, du fait de la multiplication des affaires pouvant entrer dans le cadre de ce nouveau délit. Il faut rappeler qu'outre l'atteinte à la vie privée, qui était couverte par l'article 9 du code civil, de nombreuses dispositions existent d'ores et déjà dans le code pénal pour lutter contre ce type de comportements, en particulier les articles 223-1, 226-4-1 et 226-22 – qui pourraient d'ailleurs, le cas échéant, être aménagés à la marge afin de poursuivre plus efficacement l'objectif affiché par le Gouvernement.
Pour toutes ces raisons, une très large majorité des membres du groupe Libertés et territoires s'opposera à cet article 18.
Je trouve pour ma part que la rédaction de l'article 18 est plutôt bien ciselée. Grâce aux améliorations apportées par la commission spéciale, nous ne sommes pas loin d'une rédaction à la fois utile et juridiquement solide.
Je relève en particulier qu'elle additionne bien la mention d'un élément matériel et celle d'une intention : les deux éléments sont bien caractérisés.
En outre, dans son avis, le Conseil d'État souligne à raison que l'article ne peut avoir « pour objet et ne peut avoir pour effet de réprimer la révélation ou la diffusion » – en aval – « de faits, de messages, de données, de sons ou d'images qui ont pour but d'informer le public alors même que ces informations pourraient ensuite être reprises et retransmises par des tiers dans le but de nuire à la personne qu'elles permettent d'identifier ou de localiser. » Ce faisant, je le dis à notre collègue Boris Vallaud, je pense que le Conseil d'État n'appelle pas à amender l'article ; au contraire, il affirme que telle qu'il l'interprète, la rédaction actuelle ne porte pas atteinte – pour le dire de manière directe – à la liberté de la presse.
Je crois donc que les services de la chancellerie ont fait ce qu'ils devaient faire, et la rédaction de l'article 18 me convient. Par conséquent, puisque nous avons la chance d'intervenir en présence des deux ministres concernés, le garde des sceaux et le ministre de l'intérieur, je voudrais que l'on poursuive – et peut-être que l'on finisse – le débat que nous avons commencé il y a quelques semaines, au cours d'un très long après-midi, à propos de l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale.
En effet, si je trouve l'article 18 du présent projet de loi très bien ciselé, cet article 24 m'avait semblé écrit avec les pieds et même avec deux pieds gauches, si vous me permettez cette expression familière. Peut-être pourrions-nous considérer que ces deux débats sont parvenus à un point d'aboutissement et que l'article 18 recouvre les velléités de rédaction de l'article 24. Cela nous permettrait à la fois de sortir de l'ornière politique dans laquelle nous étions enlisés et d'aboutir à une solution juridique solide, qui satisfasse au respect de la liberté de la presse, mais aussi à la nécessité de protéger les agents publics, notamment les policiers et les gendarmes.
Je serai un petit peu plus critique que mon collègue Guillaume Larrivé, même si je ne sais pas si le pied gauche qui a rédigé la proposition de loi relative à la sécurité globale est présent dans l'hémicycle.
La rédaction de l'article 18 soulève à mon sens deux questions principales.
Premièrement, il évoque des informations permettant d'« identifier » ou de « localiser » une personne. On voit bien l'effort qui a été fourni pour contourner l'ornière où nous nous étions embourbés à l'occasion de cette fameuse loi relative à la sécurité globale.
On comprend qu'il soit fait mention de la localisation, car elle permet de porter atteinte aux biens, aux personnes et à la vie privée. « Identifier », en revanche, c'est large ! Une simple photo est une forme d'identification. Le fait de mettre la photo d'un policier sur internet entrera-t-il à l'avenir dans le champ d'application de l'article 18 ?
Deuxièmement, cela a été dit avant moi, la rédaction mélange les atteintes aux biens et les atteintes aux personnes. Viser le domicile d'une personne en vue d'attenter à ses biens, ce n'est pas bien, mais ce n'est pas tout à fait la même chose que viser la famille de quelqu'un en l'exposant à un risque pesant directement sur la vie de ses membres. Ces deux types d'actes ne doivent pas être mis sur le même plan.
Au-delà des problèmes qui nous occupent aujourd'hui, cet article sera certainement utilisé pour traiter d'autres sujets ; il me semblerait donc pertinent d'introduire une précision pour différencier les atteintes aux biens des atteintes aux personnes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix.
La séance est reprise.
Vous souhaitez prendre la parole, monsieur le ministre ?
En effet, monsieur le président, j'aimerais réagir aux propos de M. Coquerel – qui n'est plus là, mais il pourra lire le compte rendu – sur PHAROS. L'assassinat ignoble de M. Samuel Paty n'a pas été précédé d'un signalement sur cette plateforme dans les circonstances qu'il a évoquées. Nulle part, sur Twitter ou ailleurs, le terroriste n'a-t-il annoncé qu'il attaquerait Samuel Paty, professeur dans tel collège. Certes, une référence a été faite au massacre des Ouïghours, mais il existe malheureusement des dizaines de milliers de messages de même nature. Les soupçons que ce message pouvait susciter sont sans aucun lien direct avec l'assassinat. M. Coquerel prétend qu'il y a eu un et même plusieurs messages, et que l'absence d'intervention s'explique par le manque de moyens accordés à PHAROS. Ce n'est pas vrai.
Ils ont été augmentés. Précisons qu'à l'origine, cette plateforme a été créée non pas pour signaler des faits de terrorisme ou de radicalisation mais pour lutter contre les violences sexuelles à l'égard des enfants et contre la pédopornographie. Pour 250 000 signalements reçus, 150 000 relèvent du domaine des escroqueries et extorsions, et 33 000 concernent des mineurs. S'ils sont importants, les signalements liés au terrorisme ou à la radicalisation sont loin d'atteindre ces chiffres.
Les signalements ayant augmenté d'environ 30 % par an depuis 2016, il faut évidemment donner à PHAROS les moyens de travailler sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La ministre déléguée, Marlène Schiappa, a eu raison d'insister pour obtenir les dizaines d'emplois supplémentaires affectés à cette plateforme.
Quoi qu'il en soit, il serait bon, pour les agents de la police nationale et de la gendarmerie qui y travaillent, de ne pas laisser figurer au compte rendu, sans la contester, l'affirmation selon laquelle l'attentat a été précédé d'un signalement et qu'il n'a pas été évité en raison d'un manque de moyens et de professionnalisme.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je voudrais rappeler que l'article 18 résulte de l'examen factuel des éléments de l'affaire Samuel Paty. On constate, pour évidemment le déplorer, qu'on n'a pas pu judiciariser le coupable plus tôt. D'où l'article 4, que vous avez adopté, et l'article 18, que, je l'espère, vous adopterez. En réalité, nous nous servons de ce qui s'est passé pour anticiper des situations qui pourraient, hélas, de nouveau nous affecter.
Comme vient de le rappeler le ministre de l'intérieur, il est faux de prétendre que nous avions les outils juridiques pour réagir. L'article 222-33-2-2 du code pénal, cité par M. Coquerel, vise le harcèlement moral provoquant une dégradation des conditions de vie ; il n'a donc strictement rien à voir avec l'affaire qui nous occupe.
Ensuite, d'aucuns redoutent que la mesure puisse être utilisée pour poursuivre des journalistes en fonction des informations qu'ils relaient. À ceux-là, je répondrais que l'intentionnalité se résume en quelques mots aussi simples que clairs : l'intention de nuire. Contrairement à ce que prétendent les députés de la France insoumise, ce n'est pas flou : l'intention de nuire n'est pas celle d'informer.
Dans une construction qui mérite que l'on s'y arrête, monsieur le député Vallaud, vous nous dites que les faits réprimés à l'article 18 sont punis de trois ans d'emprisonnement, alors que la dégradation simple d'un bien mobilier est punie de deux ans d'emprisonnement. Peu importe, vous répondrai-je, parce que celui qui lance cette espèce de bulle – parfois mortifère, toujours délétère – n'en connaît pas forcément le résultat. Il écrit par exemple que le professeur Durand, qui enseigne la liberté de caricaturer, exerce son activité au lycée Montaigne.
La première difficulté est celle de la preuve, et il appartiendra naturellement au procureur de la République de faire son travail : la démonstration probatoire. S'il a la preuve, l'affaire franchit le cap de la condamnation ; s'il ne l'a pas, elle s'arrête immédiatement.
Deuxième élément : vous dites qu'il n'est pas logique que ce délit soit puni de trois ans d'emprisonnement alors que la dégradation elle-même est punie de deux ans seulement. Mais quand l'auteur de la révélation lance son affaire sur les réseaux, il ne sait pas ce que les différents récepteurs vont en faire. À ce propos, l'article 24 – non pas celui qui vous taraude, mais l'article 24 de la loi de 1881 – suit la même logique puisque la provocation à commettre un vol est punie de cinq ans d'emprisonnement, alors que le vol lui-même n'est puni que de trois ans. Le quantum de trois ans prévu à l'article 18 est proportionné étant donné qu'il ne s'agit pas d'une provocation, mais d'une intention de nuire – la provocation, je le rappelle, étant punie de cinq ans d'emprisonnement.
Enfin, certains souhaiteraient rallumer l'incendie de l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale. Soyons clairs : l'article 18, c'est l'article 18, et le 24 c'est le 24. Vous ne le souhaitez pas mais c'est ainsi.
Exclamations sur les bancs du groupe UDI-I.
Quoi que vous disiez, les choses sont claires et nous n'allons pas relancer ce débat.
Si vous estimez que dans l'affaire Paty – car c'est là que notre travail trouve son origine – , on disposait de tous les outils nécessaires pour réagir, refusez donc de voter le texte. Mais comprendre qu'il nous manquait cette judiciarisation pour, peut-être, éviter ce malheureux assassinat devrait vous amener à regarder ce texte d'un regard différent.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je serai bref car le temps nous est compté.
Je fais partie de ceux qui hésitent sur le vote de l'article 18. Dans ma circonscription, je suis confronté à une forme de délinquance très particulière, celle d'associations – Direct Action Everywhere France, L214 éthique et animaux – qui pénètrent dans des élevages et diffusent les images qu'elles y réalisent. Ces délinquants qui portent préjudice à des personnes et à leurs familles seront-ils susceptibles d'être poursuivis si nous adoptons cet article ? Je le souhaite et je me dis que c'est possible : il s'agit bien du fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit – on pense aux réseaux sociaux – , des informations relatives à la vie professionnelle, en l'occurrence celle des agriculteurs, qui porte préjudice à des individus et à leurs familles. Ces agissements devraient donc être poursuivis et condamnés.
Ma question est simple et j'attends une réponse qui le soit également : si cet article est adopté, de telles associations pourront-elles, oui ou non, être poursuivies et condamnées ? Ce sont des associations dangereuses. Je fais, à titre personnel, l'objet de deux menaces de mort de leur part – on m'a d'ailleurs demandé de porter plainte – , mais je suis toujours là et bien vivant. Monsieur le garde des sceaux, aux termes de cet article, le parquet pourra-t-il poursuivre les associations qui commettent ces délits ?
Vous nous dites que l'article 18 de ce texte n'est pas l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale, mais c'est le même argument qui a été utilisé pour défendre ce dernier : ne plus vivre de drames comme l'assassinat de Samuel Paty. Nous vous rejoignons évidemment dans cet objectif, comme tout le monde sur ces bancs. Le problème est de savoir si le dispositif que vous proposez est efficace et s'il pourra s'appliquer. En effet, il se heurte à deux écueils.
D'abord, il écorne la liberté puisqu'il existe un risque d'autocensure. Ainsi, si l'on ne peut plus divulguer d'informations sur la vie professionnelle d'un individu, les journalistes peuvent s'autocensurer.
Si, ce risque existe ! J'ai entendu des députés de la majorité dire que l'intérêt de la mesure consistait à dissuader ces comportements ; cela veut dire provoquer l'autocensure.
Mais l'efficacité du dispositif est tout aussi cruciale. Certains points de la rédaction ont été améliorés. Ainsi, à l'article 4, on ne se réfère plus à la loi de 1881 sur la liberté de la presse, mais à l'article 433-3 du code pénal ; à l'article 18, on ne mentionne plus l'intégrité psychique, trop difficile à qualifier ; la notion de risque immédiat a été remplacée par celle de risque direct. Tout cela représente des avancées, mais il n'en reste pas moins que l'intention de nuire devra être prouvée. Or les procureurs avec lesquels j'ai discuté me disent que ce sera très compliqué. Monsieur le garde des sceaux, si vous deviez défendre, en tant qu'avocat, des personnes accusées sur la base de cet article, vous arriveriez certainement à trouver des failles qui le permettraient.
Ainsi, l'intention est bonne, mais le dispositif risque de se révéler à la fois liberticide et inefficace.
Je regrette profondément une chose. Puisqu'on n'arrive pas à « ciseler » l'article, selon le mot de Michel Larive, il vaudrait mieux s'attaquer à la cause du problème. Au lieu d'essayer d'endiguer en aval le flux des révélations en tentant de le judiciariser, il serait bon de le réduire en amont. Nous le prônions déjà dans le cadre de la proposition de loi de Mme Laetitia Avia : il faut travailler sur le caractère viral de ces révélations, qui a conduit à l'assassinat de Samuel Paty. Quand on évoque les manières de réduire la viralité des messages, toutes les plateformes répondent qu'on ne leur en a jamais parlé, mais qu'elles peuvent y réfléchir. Il faut tenter de réduire la viralité des informations en travaillant sur les modèles d'affaires et les algorithmes. Il ne s'agit pas d'aller chercher les secrets de leur fabrication, mais les biais cognitifs sur lesquels ils s'appuient. Cela n'a pas été fait dans le cadre de la proposition de loi contre les contenus haineux, mais nous étions plusieurs dans l'hémicycle à demander de travailler sur les modèles d'affaires plutôt que de laisser les GAFA faire à la fois la police et la justice. On y reviendra dans le cadre de l'article 19 bis du présent texte, qui fait malheureusement son marché dans la législation européenne sur les services numériques, qui sera beaucoup plus opérationnelle car conçue au niveau communautaire.
Pour résumer, l'intention est bonne, mais votre dispositif n'est pas bien ciselé et risque d'être liberticide et inefficace. C'est pourquoi nous pensons qu'il vaut mieux s'attaquer à la source du problème, plutôt que de tenter d'endiguer un flot qui déborde.
J'irai dans le même sens que Mme Dumas. L'article pose à la fois un problème de rédaction, dessinant une disposition liberticide, et un problème d'efficacité. Même si la formulation issue du travail de la commission spéciale est plus satisfaisante que la version initiale, l'article reste trop vague et laisse trop de place à l'interprétation. Les informations relatives à la vie professionnelle, par exemple, représentent une notion floue, dont la présence pourrait conduire à une autocensure des journalistes. Si le dispositif juridique proposé permet de réprimer le comportement indépendamment du résultat, il sera complexe de caractériser correctement l'infraction : il faudra apporter la preuve du caractère malveillant des révélations, or on ne condamne pas une intention, vous le savez, monsieur le garde des sceaux.
Enfin, l'article n'est pas proportionné car le caractère imprécis de sa rédaction fait craindre qu'il sera appliqué de manière trop large voire indifférenciée à des personnes n'ayant strictement aucune intention malveillante et donc aucune raison d'être privées de leur liberté d'expression.
En revanche, l'article se refuse d'aller au coeur des choses pour envisager concrètement la manière de faire évoluer le modèle d'affaires des plateformes en ligne, seul chemin à emprunter pour endiguer le flot que le Gouvernement est censé combattre. Là non plus, celui-ci n'a pas voulu privilégier les pistes de régulation, comme des mesures qui contribueraient à ralentir la viralité des messages.
Pour toutes ces raisons, l'amendement propose de supprimer l'article 18.
Il vise à supprimer le nouveau délit créé par l'article 18 qui reste très proche, dans sa rédaction, de l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale. Le Syndicat des avocats de France souligne que l'article 18 est une version plus large de l'article 24, très contesté du point de vue de l'atteinte qu'il porte à la liberté d'informer.
Le nouveau délit de mise en danger de la vie d'autrui est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. L'infraction repose sur la réunion de deux éléments : un élément matériel, consistant dans le fait de « révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d'une personne permettant de l'identifier ou de la localiser » ; et un élément intentionnel, tenant à la transmission des informations dans le but d'exposer la personne ou les membres de sa famille « à un risque direct d'atteinte à la personne ou aux biens que l'auteur ne pouvait ignorer ». L'infraction est susceptible d'être caractérisée, que la divulgation soit suivie d'effet ou non. Ainsi, elle vise non des faits commis, mais une intention prêtée. Dès lors, les incertitudes que crée sa rédaction présentent de grands risques d'interprétation sur l'intention délictuelle – « risque [… ] d'atteinte [… ] que l'auteur ne pouvait ignorer » – qu'il faudra caractériser.
En outre, il convient de noter que l'atteinte à la personne et l'atteinte aux biens sont mises sur le même plan. Comme le relève le Syndicat des avocats de France, le niveau de sanction paraît disproportionné et incohérent par rapport aux autres infractions voisines.
Les modifications adoptées en commission n'ont pas permis de lever nos inquiétudes sur les risques présentés par ce dispositif. Le champ de l'article est à la fois très vaste et imprécis. Le flou entourant les notions d'informations et de risque direct d'atteinte ainsi que l'expression « que l'auteur ne pouvait ignorer » pourrait conduire à des difficultés d'interprétation et porter atteinte à la liberté d'expression.
Ce nouveau délit est inutile au regard de la législation existante et susceptible de faire l'objet de difficultés d'appréciation. L'arsenal législatif existant est suffisamment précis pour réprimer les comportements visés. Le droit actuel réprime ainsi les atteintes à la vie privée – article 226-1 du code pénal – , le cyber-harcèlement, la diffamation et la révélation d'identité dans le but de nuire, y compris sur les réseaux sociaux – article 226-4-1 et suivants du code pénal.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous proposons la suppression de cet article.
La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure de la commission spéciale pour le chapitre IV du titre Ier.
Tout d'abord, vos interventions, chers collègues, ont souvent mentionné l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale. Pour toute question relative à ce texte, je vous renvoie au travail d'auditions et de concertation que mène la présidente de la commission des lois, Mme Yaël Braun-Pivet, pour déterminer l'opportunité d'y apporter des évolutions.
Plutôt que d'être obsédés par l'article 24, concentrons-nous sur le texte dont nous avons à débattre. Comme l'a rappelé le garde des sceaux, l'article 18 a été pensé et conçu après le terrible attentat qui a visé Samuel Paty, et cette origine est pleinement assumée. En effet, malgré l'existence, dans notre droit, d'une série de dispositions, il reste des trous dans la raquette : …
C'est vraiment votre expression favorite ! Il y a tellement de trous qu'à force il n'y a plus de raquette !
… il nous manque une disposition suffisamment forte pour appréhender à la fois la divulgation d'informations personnelles et la mise en danger – deux éléments qui vont de pair. C'est une lacune importante !
Ce n'est pas qu'un élément anecdotique. Bien sûr, l'affaire Samuel Paty reste très présente dans nos esprits, mais elle ne constitue pas non plus l'alpha et l'oméga de l'article 18. Cet article est certes né de l'assassinat de Samuel Paty, mais il permettra de régler tant d'autres situations ! Pensez à l'affaire Mila. Souvenez-vous de ce jeune garçon, Hugo, qui avait fait une mauvaise blague sur Twitter en comparant le pèlerinage à La Mecque au jeu télévisé In ze boîte, et qui s'est ensuite trouvé mis en danger après la diffusion de son numéro de téléphone et de son adresse. Pensez à cette professeure de sport du Tarn qui, victime de cyber-harcèlement, s'est vu prescrire neuf jours d'incapacité temporaire de travail à la suite de la diffusion d'une incroyable fake news, parce que des éléments permettant de l'identifier avaient été révélés.
Tous ces cas entrent précisément dans le cadre des dispositions prévues à l'article 18. Il s'agit de lutter contre la pratique dite du « doxing », qui touche de nombreux jeunes, souvent d'ailleurs des jeunes filles ou des personnes LGBT – lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres – , dont on révèle des informations personnelles, comme l'adresse, ou encore le lycée ou le collègue d'appartenance, et auxquels on fait vivre un enfer.
Mme Agnès Thill s'exclame.
C'est tout cela que nous devons changer. Lorsque de tels cas se produisent, chacun s'indigne et s'accorde à dire qu'il faut agir. Il est temps d'agir, effectivement. Pour nous, députés, cela implique de légiférer pour donner au juge les moyens d'intervenir et d'appréhender ceux qui se comportent de façon malveillante.
Je le répète, deux éléments seront nécessaires à la constitution du délit. Le premier est un élément matériel. Certains ont commenté le fait que le texte mentionne la divulgation d'informations relatives à la vie professionnelle. Imaginez si tel n'était pas le cas ! Nous ne traiterions pas de l'affaire Samuel Paty, puisque c'est précisément la diffusion de son lieu d'exercice professionnel qui lui a fait courir un danger mortel. Il est donc très important d'inclure ces éléments.
S'agissant de la question de l'efficacité, évoquée notamment par Frédérique Dumas, nous avons en effet débattu de la preuve à apporter et de l'efficacité du mécanisme probatoire. C'est précisément pour permettre la prise en considération des éléments de contexte que nous avons réécrit le texte en commission spéciale et précisé la définition de l'élément intentionnel, en retenant la formule « qu'il ne pouvait ignorer » : lorsqu'il faudra caractériser le délit, les procureurs analyseront le contexte pour déterminer, sur la base d'éléments objectifs, si le comportement considéré tombe ou non sous le coup de l'article 18.
Nous avons progressé sur tous ces éléments en commission spéciale. Je relèverai simplement deux derniers points. Tout d'abord, le Conseil d'État indique clairement que le texte proposé ne porte aucunement atteinte au droit d'informer. Nous aurons d'autres occasions de le rappeler dans cet hémicycle – n'oublions pas, d'ailleurs, que les débats parlementaires font foi – , mais il est important de le répéter.
Enfin, je salue votre constance, monsieur Le Fur, puisque nous avons débattu à de nombreuses reprises de la question de l'agribashing. Pour vous répondre rapidement, tout dépendra des cas. Quelles sont les informations divulguées ? Dans quel but ? Avec quelle l'intention malveillante ? Tels sont les éléments qui permettront de déterminer si un agissement entre ou non dans le champ de l'article 18.
Avis défavorable, bien évidemment, à l'ensemble de ces amendements. Je rappelle qu'en commission spéciale, cet article, qui a fait l'objet d'un long travail collectif, a été adopté à l'unanimité, moins une voix. J'apprécierais beaucoup que nous conservions cette dynamique et que nos débats nous permettent d'améliorer le texte, mais surtout de rester à la hauteur des enjeux et de nous donner les moyens d'agir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je m'efforcerai de répondre aux différentes questions qui ont légitiment été soulevées. Peut-être m'adresserai-je plus particulièrement à M. Le Fur, qui nous fait l'honneur de nous faire part de son scepticisme au moment de voter sur ce texte. Chacun sait que les verdicts, comme les majorités, se jouent parfois à une voix. Je veux donc aller chercher la vôtre, monsieur le député.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
D'abord, sans entrer dans le détail de dossiers que je ne connais pas – et dont, si je les connaissais, je m'interdirai évidemment de parler – , il me semble que l'association L214 a commis quelques infractions susceptibles d'être poursuivies, comme les menaces que vous évoquez vous-mêmes, peut-être des violations d'enceintes privées, voire de domicile, ou que sais-je encore. Vous le savez, des mesures sont en cours de préparation sur ces questions.
Mais si l'intention est d'informer, alors l'article 18 n'a pas vocation à s'appliquer. J'ai entendu Mme Dumas utiliser le terme « liberticide ». Comme je l'ai déjà dit voilà quelques jours dans cet hémicycle, j'ai plus entendu ce mot depuis que je suis ministre de la justice qu'en trente-cinq ans d'exercice du métier d'avocat !
On ne peut pas le mettre à toutes les sauces !
Je sais que vous, députés de La France insoumise, êtes les champions de la privation de liberté, mais ce n'est pas à vous que je réponds, en l'occurrence !
Ne vous excitez pas, monsieur Corbière, je voudrais terminer mon propos.
N'ayez crainte, monsieur le ministre, vous ne m'excitez pas du tout quand vous parlez.
En la matière, la question qui se pose est celle de la preuve. Mais, dans notre système, toutes les infractions sont soumises au même régime : il appartient au procureur de rapporter la preuve, si elle existe. Vous me faites l'hommage, ai-je cru comprendre, de me rappeler mon ancien métier, en me demandant quelle aurait été ma réaction en tant qu'avocat. C'est vrai, lorsqu'un avocat peut plaider le doute, il le fait. S'il y a un doute, il profite au suspect. Si le doute n'existe pas, l'accusé est condamné. Voilà tout. Cela vaut pour l'infraction qui nous occupe aujourd'hui comme pour toutes celles qui figurent dans le code pénal.
Mais je veux vous répondre plus précisément sur un point, madame Dumas : vous soulignez la nécessité de s'attaquer aux causes du problème. C'est l'objet du travail mené actuellement à l'échelle européenne avec la proposition de directive « E-evidence » sur la conversation des données numériques, dans le cadre de laquelle les commissaires Thierry Breton et Didier Reynders travaillent à faire évoluer une réglementation datant de 2004 selon laquelle les plateformes ne sont jamais responsables à raison de leurs contenus. Fallait-il, en attendant, que nous, Français, restions les bras ballants, sans tenter d'améliorer les choses ? La vérité, c'est que des individus nous pourrissent par leur haine, que celle-ci conduit parfois à la mort, et qu'il faut impérativement arrêter cela. Ce texte le permet.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Vous avez dit, monsieur Bruneel, que la protection de la vie privée est déjà garantie par l'article 9 du code civil et que le délit de cyber-harcèlement existe déjà. Pardon, mais quel usage faites-vous de ces textes dans les situations telles que celles du professeur Samuel Paty ? Comment réprime-t-on ces actes ? La vie privée est protégée, bien sûr, mais, en l'occurrence, il ne s'agit pas de cela : il s'agit, je le répète, de punir quelqu'un qui – pour reprendre l'exemple évoqué par M. Le Fur – révélerait l'adresse d'un député en expliquant qu'il aurait voté en faveur d'un texte autorisant la torture des animaux.
Pour savoir si une telle diffusion tombe sous le coup de l'article 18, il convient de déterminer si elle relève de l'information ou de l'intention de nuire, la démonstration appartenant bien sûr au procureur de la République. Ensuite, peu importe le résultat, puisque celui qui lance une telle information sur les réseaux sociaux ne maîtrise pas les suites qui lui sont données, mais qu'elle peut aboutir à un assassinat ou à une dégradation de biens. La différence avec l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881, comme je l'ai dit, c'est que ce dernier sanctionne de cinq ans d'emprisonnement le fait de provoquer un homicide, une dégradation de biens, ou un vol. Or, il ne s'agit pas ici de provocation, mais de personnes qui, en diffusant des informations sur les réseaux sociaux, déclenchent un mouvement susceptible de conduire à un résultat qu'elles ne connaissent pas en amont. Le délit ne sera toutefois constitué – c'est impératif – que si l'intention de nuire est établie. Il appartiendra au procureur de la République de faire cette démonstration, dossier par dossier.
Un dernier mot avant de me rasseoir. Monsieur Hetzel, je comprends que vous critiquiez le texte. Mais que n'avez-vous tenté, au moins, d'apporter des améliorations, puisqu'elles vous paraissent indispensables ? Je ne vous ai pas entendu, en commission spéciale.
Nous avions dégagé, me semble-t-il, un consensus parmi la très grande majorité des membres de la commission. Vous pouvez critiquer ce texte en séance et faire des remarques bienvenues. Vous savez que j'ai déjà accepté un certain nombre de modifications. C'est, depuis que je suis à la chancellerie, ma méthode de travail : ma porte est ouverte et je suis ouvert à tous les arguments ainsi qu'au contradictoire, qui a été ma vie pendant des années, comme cela a été rappelé tout à l'heure. Vous dites que l'article n'est pas complet, qu'il aurait fallu mieux faire. Mais que ne l'avez-vous fait ? Nous vous aurions écouté avec beaucoup d'attention.
Je ne peux évidemment qu'être défavorable aux amendements tendant à supprimer l'article 18, qui est la moelle épinière du volet pénal de ce grand projet de loi.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Merci, monsieur le garde des sceaux, d'engager le débat sur un phénomène très préoccupant pour une partie de notre territoire – d'autres que moi pourraient le dire dans cette enceinte. Comment les choses se passent-elles ? Lorsque des militants pénètrent dans une exploitation, leur but n'est pas tant l'agriculteur lui-même que la dénonciation d'une profession et d'un système. Simplement, ils citent parfois le nom de l'éleveur dans leurs publications, qui sont largement diffusées. Même s'ils ne le font pas, tout se sait et est très vite repris par d'autres. Chacun comprend donc bien qu'il ne s'agit pas pour eux d'informer mais de nuire, de dénoncer et, en quelque sorte, de couvrir de honte une profession. Voilà ce qui est pénible et gênant.
Si je vous comprends bien, l'adoption de l'article 18 ne permettra pas d'y faire grand-chose. Je sais que des réflexions sont en cours sur d'autres questions. Lorsque des personnes s'introduisent dans une exploitation agricole, notamment, elles ne le font souvent pas par effraction, puisque la propriété n'est pas complètement close. Il est donc plus difficile de les condamner. On sait tout cela. Mais je souhaite que nous utilisions tout ce qui peut l'être pour combattre ce type de délinquance très astucieuse. Car derrière ces agissements, des intérêts très puissants sont à l'oeuvre.
Il s'agit des intérêts des grandes entreprises véganes de Californie, qui sont riches à milliards et dont le but est de s'en prendre à l'élevage et à la consommation de viande, en couvrant de honte certaines professions pourtant extrêmement respectables, en particulier dans un pays comme le nôtre. Voilà leur objectif !
Si vous pouviez préciser encore les choses, je vous en saurai gré.
Merci, monsieur le président, pour cette gestion des débats et l'itération qu'elle autorise.
Vous avez dit, monsieur le garde des sceaux, avoir été interpellé lorsque j'ai souligné que l'article 18, s'il était adopté, pourrait conduire à condamner plus durement l'intention de nuire que l'acte délictuel effectivement commis, le cas échéant. Si vous convenez en avoir été ébranlé, vous précisez que ce n'est pas une nouveauté, puisque l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 punit l'incitation au vol de cinq ans d'emprisonnement, alors que le vol lui-même expose à une peine d'emprisonnement de trois ans – j'espère ne pas déformer vos propos. Or, après consultation des peines encourues pour vol en 1881, il apparaît qu'on risquait alors infiniment plus à commettre un vol qu'à le provoquer.
Je comprends donc toujours aussi difficilement que vous ne distinguiez pas, pour définir les peines encourues, entre les atteintes aux biens et les atteintes aux personnes
Mme Laetitia Avia, rapporteure, proteste
et que vous ne fixiez aucun seuil de gravité en fonction du risque effectif d'atteinte à la personne ou aux biens.
Vous avez également dit que si la peine encourue était la peine maximale, c'est parce que le risque auquel est exposée la personne visée peut lui aussi être maximal : de fait, on peut estimer que toute diffusion d'informations peut se terminer de la façon la plus dramatique qui soit.
Mais la tentation du parquet, puis du juge, ne sera-t-elle pas de faire appliquer…
Le droit ?
… la condamnation maximale, même si le risque initial ne s'est pas concrétisé ?
On verra ! C'est la liberté du juge !
Certes, mais la liberté du juge est encadrée par la loi, et en définissant la politique pénale via les directives que vous adressez aux procureurs généraux, vous donnez un cadre. C'est pourquoi je vous demande si la peine « plein pot » sera prononcée à chaque fois.
Monsieur le garde des sceaux, je voudrais revenir sur la question de M. Marc Le Fur parce que votre réponse ne nous rassure pas. Il peut être difficile de démontrer que les associations qu'il a évoquées s'introduisent dans des élevages de manière illicite si les lieux en question ne sont pas entièrement clos. Il est encore plus difficile de prouver l'intention de nuire, puisque l'objectif de ces personnes est de diffuser des images en leur assignant un caractère choquant pour faire évoluer la perception par le public de ce qu'elles appellent de la maltraitance animale et d'autres – dont je fais partie – de l'élevage, et ainsi de faire évoluer la jurisprudence en la matière. Je ne comprends pas pourquoi nous n'allons pas plus loin dans la logique de cet article en précisant les conditions de son application pour que le flou ne persiste pas à l'encontre de catégories professionnelles lourdement pénalisées par l'absence de règles leur permettant de se défendre ! J'en appelle aux députés présents qui ont vu – certains avec moi dans la salle de projection de l'Assemblée nationale – le film d'Édouard Bergeon, avec Guillaume Canet, car il montre à quel point le ravage causé peut être terrible et irréversible.
Moi aussi j'hésite, monsieur le garde des sceaux… Peut-être obtiendrai-je ainsi une réponse de votre part. Après l'affaire Samuel Paty, nous étions tous convaincus ici qu'il fallait un texte sur le séparatisme – même si le mot n'apparaît pas dans le projet de loi – et sur l'islamisme. Mais la formulation de cet article et les exemples qui nous sont donnés montrent bien qu'il n'est pas seulement destiné à régler le cas des attaques sur les personnes dans le cadre de la lutte contre le séparatisme ou l'islamisme. Mon premier réflexe est de me dire : pourquoi pas ? Encore faudrait-il s'assurer que l'objectif premier est bel et bien atteint.
Ce qui me gêne, comme mon collègue Vallaud, c'est que vous mettez sur le même plan les atteintes aux biens et les atteintes aux personnes alors que le risque n'est pas de même portée : dans le cas de Samuel Paty, le risque portait sur sa vie même, et inciter au meurtre est beaucoup plus grave qu'appeler à la destruction d'un domicile. Je ne comprends donc pas pourquoi les deux types d'actes sont traités sans être différenciés alors que la loi de 1881 distingue entre les atteintes à la vie et les atteintes aux biens et que le code pénal leur consacre deux livres différents. Vous haussez les épaules, monsieur le garde des sceaux, et vous pourrez toujours expliquer que l'incitation peut être déconnectée de l'acte lui-même et à ce titre plus lourdement condamnée, mais il n'en demeure pas moins que l'atteinte aux biens, ce n'est pas le meurtre.
De plus, que signifient les mots : « un risque direct [… ] que l'auteur ne pouvait ignorer » ? J'aimerais que vous caractérisiez juridiquement cette notion car il s'agit de savoir comment prouver l'intentionnalité, autrement dit que la personne incriminée ne pouvait ignorer les conséquences possibles de la diffusion d'un élément permettant d'identifier ou de localiser la potentielle victime. Vous avez évoqué les affaires comme celle de Mila, mais je rappelle que des milliers d'internautes peuvent partager la photo de l'intéressée, voire son adresse, sans en réaliser les conséquences éventuelles. Comment pourrait-on leur dire demain que le fait même de partager une information impliquait qu'ils ne pouvaient les ignorer ?… Cet article, dans sa rédaction actuelle, va ouvrir un débat très compliqué.
Monsieur le garde des sceaux, j'ai l'habitude d'être assez précise dans la sémantique, et je ne dis pas que cet article est liberticide, mais potentiellement liberticide, …
… de même qu'il n'est pas inefficace mais potentiellement inefficace. De toute façon, on navigue entre ces deux écueils car plus l'efficacité est recherchée, plus les libertés sont menacées, et inversement. Certes, le présent article est moins potentiellement liberticide que l'article 24 de la proposition de loi sur la sécurité globale, mais aussi plus difficile à caractériser juridiquement. Vous rappelez que toutes les infractions devront être prouvées, ce qui est une évidence, mais en l'espèce, il sera très difficile d'apporter la preuve…
… du fait que plus la rédaction est précise pour éviter la menace aux libertés, plus il est compliqué de caractériser l'intention de nuire dans un tel contexte. Cet article risque de faire partie de ceux dont les magistrats disent, vous le savez bien, qu'ils ne sont guère applicables. Soit cet article est potentiellement liberticide, soit il est potentiellement inefficace.
Ensuite, vous dites que la viralité est un sujet qu'il faut commencer à traiter dès aujourd'hui. Mais, si vous l'ignorez, je vous indique que l'Assemblée a commencé de s'en occuper dès le mois de juin 2019 en examinant la proposition de loi de Mme Laetitia Avia, qui portait sur le même sujet. À l'époque, lorsque nous avons voulu nous saisir de cette question précise, il nous a été dit qu'il fallait attendre que l'Europe agisse.
Or nous nous apprêtons à examiner un article à propos duquel le Gouvernement va nous expliquer qu'il faut faire avant l'Europe ce qu'elle est en train de faire par ailleurs très bien ! Tout cela est tout de même assez contradictoire : s'il faut attendre l'Europe pour que des dispositions soient efficaces en la matière, à quoi sert cet article ?
M. le garde des sceaux se demandait pourquoi les auteurs des amendements de suppression de l'article 18 n'ont pas plutôt proposé des améliorations, …
… et j'ai constaté que les collègues qui ont également cosigné quelques-uns des amendements suivants vont encore plus loin que ce qu'ils reprochent à cet article : certains proposent de supprimer la notion de risque direct, d'autres d'ajouter la notion de risque indirect ou encore d'élargir le champ des informations concernées à la famille, et ainsi de suite. Il y a donc pour le moins de l'incohérence entre ces amendements de suppression et ceux que nous allons étudier dans un instant.
D'autre part, de même que l'on ne punit pas le vol comme on punit une agression physique, il n'est pas non plus question ici de punir un appel à la violence physique ou à l'atteinte aux biens, mais la mise en danger par divulgation d'informations, sans même que l'intention de s'en servir à des fins violentes ne soit établie – c'est tout l'intérêt de cet article.
Enfin, s'il est dissuasif, ce ne sera pas à l'encontre des journalistes mais, et tant mieux, pour ceux qui ont la haine, pour ceux qui sont fous furieux et qui en veulent à mort à un professeur, à un agent du service public. Voilà tout ce que nous voulons, et rien d'autre !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1433 .
Il vise à préciser que l'alinéa 2 s'applique « sans préjudice du droit informer », parce qu'il est important de clarifier le fait que les journalistes pourront continuer de faire leur travail normalement sans avoir peur de conséquences pénales et sans risquer de s'autocensurer. Comme vous avez laissé entendre, monsieur le garde des sceaux, que vous étiez d'accord, je ne doute pas un seul instant que Mme la rapporteure et vous-même serez favorables à cet amendement.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable, l'amendement no 1433 étant pleinement satisfait puisqu'on sait très bien que cet article n'aura aucune incidence sur le droit d'informer – nous ne cessons de le répéter depuis le début de la séance. Je vous rappelle les termes exacts de l'avis du Conseil d'État : « Dès lors que la caractérisation de l'infraction impose la démonstration d'une intention particulière de nuire qui permet de ne réprimer que les comportements commis dans le but de porter atteinte à une personne ou à sa famille, elle n'a pas pour objet et ne peut avoir pour effet de réprimer la révélation ou la diffusion de faits, de messages, de données, de sons ou d'images qui ont pour but d'informer le public [… ]. » C'est très clair et il est important d'en rappeler les termes dans cet hémicycle puisque le compte rendu de nos débats parlementaires fait foi et sera utilisé par les différentes parties prenantes. Il n'y a donc pas lieu de modifier le texte en l'état.
Défavorable. Comment peut-on confondre le droit d'informer et l'intention de nuire ? Je ne comprends pas bien, sinon que nous n'aurions pas la même idée de ce qu'est l'information. Vous devez penser que parfois, quand les journalistes informent, ils ont envie de nuire, mais cette opinion n'appartient qu'à vous et le Gouvernement ne la partage pas. Il n'y a aucune ambiguïté et le Conseil d'État, Mme la rapporteure vient de le montrer, est très clair.
Nous avons lu tous les trois l'avis du Conseil d'État, mais je n'en ai pas du tout la même interprétation puisqu'il précise bien que la caractérisation de l'infraction « ne peut avoir pour effet de réprimer la révélation ou la diffusion de faits, de messages, de données, de sons ou d'images qui ont pour but d'informer le public ». Cet article ne doit donc pas porter atteinte à la liberté d'informer ; autant l'inscrire dans le texte.
L'amendement no 1433 n'est pas adopté.
L'amendement no 242 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1430 .
La vie familiale étant une composante de la vie privée, il est proposé par ce petit amendement de supprimer le mot « familiale » à l'alinéa 2.
L'amendement no 1430 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 124 rectifié , 251 , 1363 et 1793 .
La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l'amendement no 124 rectifié .
Je propose d'insérer le mot « scolaire » après le mot « familiale » parce que l'article mentionne la vie privée, familiale et professionnelle, mais pas la vie scolaire. Or s'il est vrai que les informations concernant Samuel Paty relevaient de sa vie professionnelle, les informations divulguées dans l'affaire concernant Mila concernent sa scolarité.
Cet amendement de ma collègue Émilie Chalas vise à combler le manque dans cet article entre vie familiale et vie professionnelle, à savoir les années passées à l'école. Il est donc proposé d'ajouter le mot « scolaire ».
Les amendements identiques nos 1363 de M. Bruno Bilde et 1793 de M. Pascal Brindeau sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
J'en demande le retrait ; à défaut, l'avis sera défavorable puisque la vie scolaire est comprise dans la notion de vie privée et familiale. Par une jurisprudence constante, la Cour européenne des droits de l'homme considère en effet que la notion de vie privée intègre tous les éléments de la vie sociale d'un individu. Ainsi, les lieux – et donc l'école – où les élèves et les étudiants nouent leurs relations sociales, dans le cadre de la vie scolaire, sont pris en compte. En outre, je rappelle que nous avons introduit une circonstance aggravante applicable aux mineurs : nous entendons viser toutes les situations dans lesquelles l'adresse d'un collège ou d'un lycée est révélée afin de nuire à un adolescent.
Mes chers collègues, par respect pour les orateurs, je vous demande moins de chahut lorsqu'ils s'expriment.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez désormais toute l'attention de l'Assemblée pour donner l'avis du Gouvernement.
Il est défavorable.
La loi pénale est d'application stricte. Lorsqu'il devra se prononcer, le juge n'interprétera pas la convention européenne des droits de l'homme mais le texte de loi. Ce ne sera donc pas la situation scolaire de la personne qui sera appréciée, mais sa situation privée ou professionnelle.
Évidemment, la jurisprudence intègre la dimension scolaire, je n'ai rien à redire sur ce point. Néanmoins, ajouter le mot scolaire est important : cela ira toujours mieux en l'écrivant dans la loi.
Les amendements identiques nos 124 rectifié , 251 , 1363 et 1793 ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1431 .
La jurisprudence distingue, dans la notion de vie professionnelle, les éléments publics de ceux qui ne le sont pas. Il s'agit donc de préciser que seuls les éléments non publics sont concernés. Par exemple, si un utilisateur de réseaux sociaux cite le cas de tel ou tel député en indiquant son adresse, le fait de dire qu'il s'agit d'un député – mais cela vaudrait aussi pour un médecin ou pour d'autres professions – ne constitue pas une atteinte à leur vie privée. Il ne faut pas englober tous les éléments de la vie professionnelle mais uniquement ceux ayant un caractère privé.
Cet amendement peut porter atteinte au caractère opérationnel du texte. Bien sûr, un certain nombre d'éléments de la vie professionnelle sont publics et ne seront donc pas forcément visés : là encore, n'oublions pas qu'il reviendra au juge d'appliquer la loi.
Prenons le cas d'une société dont on peut trouver l'adresse sur Infogreffe ou sur d'autres sites internet : cette information a un caractère public. Sur les réseaux sociaux, imaginons que, dans une escalade de violence, on cherche, par des messages, à porter atteinte à une personne. Celui qui diffuserait l'information selon laquelle cette personne est gérante d'une société en indiquant l'adresse où elle se trouve saurait très bien, dans ce contexte précis, qu'il met à la disposition de ceux qui veulent nuire à la personne en question une information leur permettant de la retrouver, même si, par ailleurs, elle est publique, car disponible sur les sites Infogreffe ou societe. com.
Votre amendement priverait donc la disposition de tout caractère opérationnel. En outre, la jurisprudence est assez fournie pour distinguer, ainsi que vous l'avez mentionné au début de votre propos, les éléments qui sortiront ou non de ce cadre. L'avis est donc défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons.
En clair, madame la rapporteure, vous êtes d'accord sur le fond, mais vous estimez que la précision est inutile. Je pense le contraire : certains aspects de la vie professionnelle n'ont rien de privé, et leur diffusion n'aurait rien d'attentatoire à la vie privée.
Vous êtes d'accord avec moi, mais vous n'êtes pas favorable à l'amendement…
L'amendement no 1431 n'est pas adopté.
L'amendement no 746 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je salue le progrès permis par le texte, mais je me pose la question suivante : quelles seraient les données personnelles dont nous souhaiterions la diffusion sur les réseaux sociaux ? Je propose donc une autre rédaction précisant qu'il est possible de diffuser des informations personnelles sur une personne à la condition d'avoir recueilli son consentement. Par cohérence, l'amendement supprime les mots « que l'auteur ne pouvait ignorer ». Il s'agit donc de poser un principe simple qui pourrait être compris de toutes et de tous.
Je comprends votre intention mais la gymnastique consistant à ajouter la question du consentement et à supprimer celle de l'intention, transforme le texte de sorte à en revenir à un délit qui existe déjà : l'atteinte à la vie privée. Le nouveau délit prévu dans le projet de loi repose sur deux branches : non seulement l'atteinte à la vie privée par la divulgation d'informations mais également, et de façon imbriquée, la mise en danger intentionnelle. Ces deux aspects vont ensemble et permettent de caractériser le nouveau délit. Au-delà des dispositions qui existent déjà, il s'agit de combler un trou dans la raquette. Demande de retrait ou avis défavorable.
La parole est à M. Francis Chouat, pour soutenir l'amendement no 2409 .
Cet amendement s'efforce de consolider au mieux la rédaction de l'article 18, dont on a bien vu le caractère particulièrement sensible. La commission spéciale, sur proposition de Mme la rapporteure, a remplacé les mots « dans le but de l'exposer » par les mots « aux fins de l'exposer ». Cette modification ne change malheureusement rien à la grande difficulté d'apporter la preuve d'une telle intention.
M. Charles de Courson applaudit.
En effet, le délit défini par le nouvel article 223-1-1 du code pénal ne sera caractérisé que si peut être établie l'intention – puisque c'est bien de cela dont il s'agit – de l'auteur des faits de porter gravement atteinte à la personne dont il révèle des éléments d'identification.
Or cette exigence très forte sera difficile à satisfaire. On ne peut pas exclure que l'auteur des révélations, des diffusions ou des transmissions d'informations relatives à une personne soutiendra, parfois sincèrement, qu'il n'avait pas l'intention de nuire à sa vie, à son intégrité physique ou psychique, ou encore à ses biens. Il sera alors impossible d'apporter la preuve contraire. La diffusion de la vidéo d'un père de famille s'en prenant, en termes très violents, au professeur Samuel Paty, quelques jours avant l'assassinat par décapitation de ce dernier, révèle la difficulté à établir l'intention criminelle ou délictuelle. Il me paraît donc préférable de retenir une rédaction directement inspirée de celle du quatrième alinéa de l'article 121-3 du code pénal visant la responsabilité pénale des personnes qui, sans avoir causé directement un dommage, ont créé ou contribué à créer la situation qui en a permis la réalisation. Selon le code pénal, le simple fait d'exposer autrui à un risque est déjà constitutif d'un délit sans que l'intention ait besoin d'être mentionnée.
La modification apportée en commission n'était qu'une coquetterie rédactionnelle, en quelque sorte ; elle ne change en rien la teneur du texte. L'élément essentiel, c'est la caractérisation de l'intention. Le fait de vouloir exposer une personne à un risque qu'on ne peut ignorer permet de mettre en oeuvre un dol spécial sans lequel le nouveau délit ne peut exister. C'est très important : ce dol spécial permet de viser celui qui est malveillant. Celui qui se rend compte, par exemple, que telle personnalité se trouve sur le même lieu de vacances que lui et qui publie une photo sur les réseaux sociaux l'exposera de fait à un risque. Pour autant, on ne va pas le poursuivre sous peine de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 45 000 euros.
Il s'agit de poursuivre celui qui va diffuser une information dans le but de nuire. Cela suppose d'analyser le contexte dans lequel elle aura été diffusée, de même que les différents messages publiés avant, le lieu où est donnée l'information et pourquoi elle est délivrée à ce moment-là. C'est le sens du travail accompli en commission. Veillons à conserver des lieux de communication, de partage d'informations et ne visons que les personnes qui ont une activité malveillante. Demande de retrait, ou avis défavorable.
D'un simple mot, car tout a été dit par Mme la rapporteure : privilégier la constatation de l'exposition à un risque au détriment de l'intention particulière de nuire, conduirait à mon sens à un élargissement considérable du champ du nouveau délit. Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
Je n'avais pas compris que l'amendement de Mme la rapporteure, adopté par la commission, était exclusivement rédactionnel.
Dont acte, puisque dans la démonstration que vous venez de faire, vous reprenez l'expression initiale.
Par ailleurs, je ne partage pas votre point de vue : mon amendement n'est pas excessif, il vise simplement à reprendre une expression qui existe déjà dans le code pénal. Je le maintiens.
L'amendement no 2409 n'est pas adopté.
L'amendement no 1084 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit d'établir une définition moins restrictive en laissant au juge son pouvoir d'appréciation et de qualification.
Il s'agit également d'être beaucoup moins restrictif en supprimant le mot « direct » afin que les risques indirects soient également couverts par l'alinéa.
Les amendements nos 745 de M. Robin Reda et 188 de Mme Marie-France Lorho sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements en discussion commune ?
Défavorable. En effet, la notion de risque direct permet de circonscrire le champ du nouveau délit, afin d'assurer à la fois sa sécurité juridique et la proportionnalité des peines.
Même avis défavorable.
Ne craignez-vous pas que, du fait de votre refus de ces amendements, des détournements permettent à certains de passer entre les mailles du filet ?
Avant que nous n'appelions l'amendement no 1006 , j'informe l'Assemblée que, sur l'amendement no 1007 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir l'amendement no 1006 .
J'ai déjà dit ma gêne de constater que l'on nous propose d'adopter une disposition qui ne comporte aucun seuil relatif à la gravité des risques, et qui ne fait pas de distinction entre ce qui relève des atteintes aux biens et des atteintes aux personnes. Je crains que l'alignement se fasse systématiquement sur le plus grand risque, ce qui conduirait à prendre des mesures disproportionnées.
Je propose de distinguer les peines encourues en cas d'atteinte aux biens de celles encourues en cas d'atteinte aux personnes. Mon amendement vise à ce que l'alinéa 2 ne soit consacré qu'aux atteintes aux personnes, et à compléter l'article par un alinéa ainsi rédigé : « Lorsque les faits sont commis aux fins d'exposer les mêmes personnes à un risque direct d'atteinte aux biens que l'auteur ne pouvait ignorer, la peine est d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. »
Avis défavorable, même si je comprends votre argument, qui se rattache à une discussion précédente. Vous évoquiez précédemment la loi de 1881 qui, dans sa version initiale, prévoyait, de mémoire, une peine de trois mois d'emprisonnement, mais ce texte a énormément évolué…
Il a dû être modifié une cinquantaine de fois. Il n'y a rien de choquant à ce que le quantum des peines proposé aujourd'hui ne soit plus celui d'hier.
Vous souhaitez que les peines applicables en cas d'atteinte aux biens soient inférieures à celles punissant les atteintes aux personnes, mais n'oubliez pas que certaines atteintes aux biens sont extrêmement graves, alors que des atteintes aux personnes peuvent être plus légères. Une nouvelle fois, il faut s'en remettre à l'office du juge. Ce n'est pas parce que nous prévoyons que l'on peut encourir jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende, voire cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, que ces peines seront systématiquement prononcées. Nous savons d'ailleurs parfaitement qu'il n'en est rien. Le juge fera son travail en prononçant une peine proportionnée à la situation en fonction de l'appréciation des éléments dont il dispose, du contexte et du risque auquel la personne visée est exposée.
Monsieur Vallaud, vous avez parlé de la loi de 1881 comme si personne n'avait jamais touché à ce texte depuis son adoption, mais c'est le droit positif qui compte. Les dispositions de l'article 24 de la loi de 1881 que je citais tout à l'heure ont par exemple été modifiées par la loi du 16 décembre 1992. Elles permettent de punir de la même façon, soit cinq ans d'emprisonnement, ceux qui ont « directement provoqué » – ces mots sont explicites et clairs – à commettre des atteintes volontaires à la vie, des vols ou les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation. Ces trois infractions sont donc mises sur le même plan.
Dans le projet de loi, nous parlons de révélation d'informations : nous sommes donc un cran en dessous de la provocation directe. Ces révélations peuvent toutefois avoir des conséquences mortifères et aussi bien aboutir à une dégradation de biens qu'à rien du tout. La peine d'emprisonnement prévue est de trois ans. Un équilibre est bien respecté.
Vous trouvez anormal que la dégradation d'un bien soit punie de deux ans d'emprisonnement alors que la révélation d'informations risquant d'en provoquer la dégradation serait punie de trois ans d'emprisonnement. Ce n'est pas anormal du tout : nous voulons combattre ceux qui lancent une espèce de machine infernale de haine. Comme avec l'article 24 de la loi de 1881, c'est la provocation qui compte, même si on n'est pas sûr de ce qui en résulte. Aujourd'hui, ceux qui provoquent directement au vol sont punis de cinq ans d'emprisonnement en application de la loi de 1881 actualisée, alors que le vol lui-même est passible de trois ans de prison. À nouveau, l'ensemble de ces textes est parfaitement équilibré. J'y suis personnellement attaché : on ne peut pas tout bouleverser, je le répète.
Je comprends comment vous êtes intellectuellement parvenu à construire votre argumentation, mais lorsque l'on compare les textes, on constate que la démarche est similaire. Au fond, peu importe ce qui en résulte – bien évidemment, les choses sont bien plus graves quand elles aboutissent à la mort d'un homme, nous sommes tous d'accord : c'est la mécanique infernale qui passe par les réseaux sociaux et qui pourrit notre société qu'il est aujourd'hui impératif d'arrêter. C'est cela qui nous guide.
Ce que nous proposons est cohérent avec le droit en vigueur, en particulier avec l'article 24 de la loi de 1881. Je suis totalement défavorable à l'amendement.
Je comprends ce que dit le garde des sceaux, mais j'ai le droit de ne pas être d'accord et de ne pas vouloir tout mettre sur le même plan. Il s'agit de sanctionner une intentionnalité indépendamment des effets qu'elle pourrait produire, et je crains que tout soit traité de la même manière. On pourrait par exemple voir dans la dénonciation d'un fait de corruption dans le cadre professionnel une intention de nuire à celui qui a été corrompu. Cette dénonciation pourrait donc tomber sous le coup de l'article 18 du projet de loi.
J'expliquais tout à l'heure qu'en 1881 la peine applicable au vol était supérieure à celle applicable à l'incitation au vol…
Ce qui compte, c'est aujourd'hui ! L'article de la loi de 1881 que vous évoquiez n'a pas été abrogé mais modifié !
L'amendement no 1006 n'est pas adopté.
La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir l'amendement no 1007 dont le premier signataire est le vice-président David Habib.
Cet amendement peut à mon sens recueillir les suffrages de l'ensemble de la représentation nationale…
… car il ne s'oppose en aucune manière à l'intention du Gouvernement, bientôt relayée par le législateur, de permettre la poursuite d'un certain nombre de crimes et de délits tout en protégeant la liberté de la presse, liberté à laquelle nous sommes, les uns et les autres, attachés.
Nous n'avons pas inventé la disposition que nous vous proposons d'introduire après l'alinéa 2 ; nous avons repris la formulation du Conseil d'État qui, dans son avis, invite le Gouvernement et le législateur à la prudence : « Cette disposition n'a pas pour objet et ne peut avoir pour effet de réprimer la révélation ou la diffusion de faits, de messages, de données, de sons ou d'images qui ont pour but d'informer le public alors même que ces informations pourraient ensuite être reprises et retransmises par des tiers dans le but de nuire à la personne qu'elles permettent d'identifier ou de localiser. »
Cette formule ne retire rien à la disposition proposée par le Gouvernement…
Elle sécurise en particulier les journalistes qui ont appelé notre attention sur l'article. En adoptant l'amendement, nous ne travestirions pas vos intentions et nous protégerions encore un peu mieux la liberté de la presse, préoccupation que nous avons en partage.
Avis défavorable. Vous le dites vous-même, monsieur Vallaud, votre amendement ne fait que retranscrire l'avis du Conseil d'État.
Ses avis éclairent les parlementaires sur la portée des mesures proposées par le Gouvernement dans les projets de loi. En l'espèce, le Conseil d'État nous dit qu'il n'a aucun doute et qu'il n'y a aucun problème avec la liberté et le droit d'informer. Cela a donc été dit une première fois, et nous le rappelons dans le cadre de nos débats en affirmant les choses avec la plus grande clarté.
Par ailleurs, je vous rappelle que l'article 18 modifie le code pénal. Ce code énonce des interdits ; il ne fait pas la liste de ce qui est autorisé, ce n'est pas ainsi que fonctionne la loi pénale.
Si un avocat ou un juge a un doute sur l'intention du législateur, il se réfère aux débats parlementaires. Si une question se pose demain sur les dispositions que nous introduisons dans le code pénal, les juristes pourront consulter les débats et, compte tenu de nos échanges, ils constateront qu'en effet ce que nous avons adopté n'a pas pour objet ni pour conséquence d'entraver le droit d'informer.
Mme Caroline Abadie applaudit.
Pardonnez-moi de répondre de manière un peu abrupte : vessie, c'est vessie ; lanterne, c'est lanterne. Nuire, c'est nuire ; informer c'est informer. Nous n'allons pas infiniment tourner autour du pot ! Auriez-vous la volonté d'agiter le chiffon rouge de la privation de liberté des journalistes, liberté dont vous seriez les seuls garants ? Je suis attaché comme vous à la liberté de la presse ; ce n'est pas ce qui est en cause ici. Si un journaliste, dans sa mission de journaliste, nous informe d'un certain nombre de choses, il ne tombe en rien sous le coup de l'article 18. Je ne comprends pas cette volonté de présenter systématiquement les choses comme si la liberté de la presse était menacée.
Ces propos vous engagent, j'entends bien, mais je veux vous rassurer.
Je regrette la réponse abrupte qui vient de nous être faite. L'amendement dont nous débattons reflète un sentiment partagé sur plusieurs bancs de notre assemblée. Dans ces conditions, je pense que le Gouvernement devrait s'interroger. L'adoption de l'amendement permettrait peut-être que l'article 18 soit adopté à l'unanimité, ce que vous appeliez de vos voeux, madame la rapporteure.
Vous nous expliquez, monsieur le ministre, qu'avec la version actuelle du projet de loi, on ne peut pas confondre la volonté de nuire avec celle d'informer et d'exercer la liberté de la presse. Je vous rappelle que le droit à l'information ne concerne pas que la presse : il vaut pour tous les citoyens. Ils ont tous le droit d'informer.
M. Vallaud parlait de la presse !
L'article 18 du projet de loi pose, certes en termes légèrement différents, les mêmes problèmes que ceux soulevés à l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale.
Le contexte actuel – je pense à ce qui se passe à l'occasion de manifestations publiques – éclaire la dangerosité de telles mesures. Dès lors qu'il est écrit que « le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d'une personne permettant de l'identifier ou de la localiser aux fins de l'exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque direct d'atteinte à la personne ou aux biens que l'auteur ne pouvait ignorer est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende », des policiers peuvent facilement, lors d'une manifestation, présupposer une intention de nuire et agir de manière préventive en plaçant par exemple des personnes en garde à vue ou en leur confisquant leur matériel. J'en parle parce que ça s'est déjà produit sans même qu'un cadre légal existe.
Vous avez peut-être raison, monsieur le ministre : finalement, le tribunal donnera éventuellement raison à la personne placée en garde à vue. Il reste qu'elle aura été en garde à vue.
Ce qui vous est proposé permet de régler les choses.
Je veux bien croire le Gouvernement qui nous explique que l'article 18 n'a rien à voir avec ce que nous craignons, mais dans ce cas, adoptons l'amendement : cela clarifiera la situation et satisfera tout le monde.
Madame la rapporteure, j'entends ce que vous dites du code pénal, mais nous élaborons la loi, et la loi n'est pas le code pénal !
Non, la loi fixe un cadre. Rien n'empêche d'amender cet article afin de préciser les intentions du Gouvernement.
À la sortie de l'avis du Conseil d'État, je crois que tout le monde était satisfait qu'y figure la phrase reprise par l'amendement. Je fais pour ma part la même lecture de la position du Conseil d'État que Charles de Courson. Votons l'amendement, je répète que cela permettra d'adopter l'article 18 à l'unanimité !
Mme Fiat applaudit.
Je serai censuré ce soir puisque je préside la séance de vingt et une heures…
Cet amendement m'inquiète. Vous évoquez la presse, mais je ne vois nulle part que la presse soit citée dans le dispositif proposé : c'est l'information diffusée par tout un chacun qui est visée. Pour reprendre un sujet que j'évoquais tout à l'heure, l'amendement peut parfaitement justifier l'action d'un certain nombre de gens qui, au nom de l'information qu'ils prétendent vouloir diffuser, entreraient dans des exploitations agricoles ou des usines comme ils veulent. Il leur suffira de prétendre ne pas nuire alors même que l'information en question va nuire.
Objectivement, je m'inquiète donc des conséquences délétères que pourrait avoir l'adoption de cet amendement.
Pour répondre au garde des sceaux, « la lanterne n'éclaire que celui qui la tient ».
Mais les vessies n'éclairent rien !
J'ai donc supposé que nous pouvions éclairer plus largement par une précision qui ne retire rien à la rédaction initiale. Durant ce débat, je ne me souviens pas d'avoir employé une seule fois – il n'appartient d'ailleurs pas à mon registre de langue – l'adjectif « liberticide », qui vous est si désagréable. En toute chose, j'essaie d'analyser précisément les textes que l'on nous soumet, car nous ne légiférons pas seulement pour nous-mêmes : après vous, il y aura un « après », dont je ne suis pas sûr qu'il sera nécessairement radieux.
Sourires.
Cependant, en toute hypothèse, il reste nécessaire d'expliciter l'intention du législateur, de déclarer de concert que nous tenons tous à la liberté de la presse, de le montrer en précisant que cette future loi, que nous ne serons pas seuls à consulter, ne constituera pas une loi de menace. L'occasion se présente de l'affirmer nettement ; je l'affirmerai avec vous.
Monsieur le garde des sceaux, cet amendement fait partie de ceux dont l'adoption me permettrait de voter pour l'article 18. À ce stade, en effet, je ne suis pas entièrement convaincu par l'argumentation qui est la vôtre. L'avis du Conseil d'État, comme cela a été rappelé, demande une rédaction plus précise. Vous exposez votre intention : je vous entends, mais vous n'êtes pas le seul à vous exprimer au sujet de cet article. Quelqu'un qui vous est certainement cher, votre bâtonnier jusqu'à une date récente, a commis il y a quelques semaines une tribune à ce sujet, et ses préventions à l'égard de l'article 18 demeurent – en ce qui concerne notamment la liberté de la presse – en dépit des modifications que lui a apportées la commission spéciale dans l'intervalle.
L'adoption de cet amendement assurerait donc l'intelligibilité du texte. J'ajouterai qu'il n'est pas interdit que la loi garantisse les grandes libertés : l'article 34 de la Constitution dispose même que cette tâche relève précisément du domaine de la loi. Je le répète, il faut rendre ce projet de loi intelligible, d'autant qu'il se situe dans un double contexte : d'une part, l'horrible assassinat de Samuel Paty ; d'autre part, politiquement, l'article 24 de la future loi relative à la sécurité globale. Par conséquent, nous devons surmonter une double difficulté : le fait que les réseaux sociaux puissent armer le bras d'un criminel, et la nécessité de garantir l'absolu respect des libertés fondamentales, notamment celle de s'exprimer et de diffuser des informations.
C'est pourquoi adopter cet amendement est indispensable. Au cas où vous le rejetteriez, renvoyant à la jurisprudence le soin de fixer l'interprétation du texte, ce que vient de dire Éric Coquerel est tout à fait juste : vous devrez répondre des cas où ceux qui seront accusés d'avoir cherché à nuire devront passer par la garde à vue avant de pouvoir démontrer qu'ils n'ont aucune volonté de nuire. Il y aura là, de fait, une interdiction d'informer le plus largement possible. Nous devons entendre l'avis du Conseil d'État, …
… et accessoirement celui de David Habib, qui préside parfois la séance et ne dit pas que des bêtises. Encore une fois, je suggère que nous allions dans leur sens ; sans quoi, je ne voterai pas en faveur de l'article 18.
Je l'ai dit tout à l'heure, ce texte est très clair. Le droit d'informer ne se confond pas avec le fait de nuire.
On m'a demandé, à la droite de l'hémicycle, pourquoi je me concentre sur la question de la presse, qui n'est pas seule en cause : M. Vallaud m'avait interpellé en évoquant notamment ce sujet ; je lui ai donc répondu, notamment, à ce sujet.
Monsieur Coquerel, vous ne démordez pas de l'idée que ce texte permettrait à la police d'abuser de son pouvoir. Voilà votre parti pris, votre posture permanente.
M. Éric Coquerel proteste.
Mais lorsqu'un policier, un magistrat, commet un abus de droit, ce n'est pas parce que la législation l'y autorise ! On part d'un texte et on se tient mal : cela peut arriver. Partir du principe que l'on se tiendra forcément mal pour vouloir modifier le texte, en revanche, c'est curieux.
Votre raisonnement pourrait se résumer ainsi : « police partout, justice nulle part » – il n'engage évidemment que vous.
Exclamations sur divers bancs.
Enfin, monsieur Le Fur, faute d'être comme vous un vieux briscard de la politique, je viens de découvrir que l'on pouvait s'emparer d'un sujet pour en traiter un autre.
Parler d'arrogance vous va bien, monsieur Corbière ! La République, c'est vous : je l'ai entendu dire. Allez-y, allez-y !
Protestations sur les bancs du groupe FI.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je termine donc.
Vous ne faisiez pas un très bon avocat ; comme ministre, vous n'êtes pas terrible non plus !
Vous, en tant que député, vous êtes une référence, monsieur Corbière ! Je m'inspire de vous tous les jours !
Exclamations sur divers bancs.
Et vous, vous oubliez qui vous avez défendu ! Vous n'étiez pas terrible, comme avocat !
S'il vous plaît, monsieur Corbière ! Laissez s'exprimer M. le ministre sans donner dans l'invective. Monsieur le ministre, je vous invite également à répondre aux précédents orateurs sans tomber dans la provocation.
Que le ministre nous parle sérieusement ! Nous ne sommes pas au tribunal !
Avez-vous fini ? Je vous rappellerai que c'est à moi que l'on a donné la parole !
Poursuivez, monsieur le ministre. Monsieur Corbière, si vous continuez, je lève immédiatement la séance !
Pour détendre un peu l'atmosphère…
Pour détendre l'atmosphère, donc, si tant est que ce soit encore possible, je voulais dire à M. Le Fur que c'est la troisième fois qu'il aborde un sujet fort éloigné du projet de loi sur les valeurs de la République.
Ce n'est pas le genre de M. Le Fur !
Certes non, mais je suis admiratif, monsieur le député ! Seulement, encore une fois, nous voilà loin du texte qui nous occupe.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 138
Nombre de suffrages exprimés 130
Majorité absolue 66
Pour l'adoption 25
Contre 105
L'amendement no 1007 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite de la discussion du projet de loi confortant le respect des principes de la République.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures quarante.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra