Intervention de éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du mercredi 10 février 2021 à 15h00
Respect des principes de la république — Article 18

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je voudrais rappeler que l'article 18 résulte de l'examen factuel des éléments de l'affaire Samuel Paty. On constate, pour évidemment le déplorer, qu'on n'a pas pu judiciariser le coupable plus tôt. D'où l'article 4, que vous avez adopté, et l'article 18, que, je l'espère, vous adopterez. En réalité, nous nous servons de ce qui s'est passé pour anticiper des situations qui pourraient, hélas, de nouveau nous affecter.

Comme vient de le rappeler le ministre de l'intérieur, il est faux de prétendre que nous avions les outils juridiques pour réagir. L'article 222-33-2-2 du code pénal, cité par M. Coquerel, vise le harcèlement moral provoquant une dégradation des conditions de vie ; il n'a donc strictement rien à voir avec l'affaire qui nous occupe.

Ensuite, d'aucuns redoutent que la mesure puisse être utilisée pour poursuivre des journalistes en fonction des informations qu'ils relaient. À ceux-là, je répondrais que l'intentionnalité se résume en quelques mots aussi simples que clairs : l'intention de nuire. Contrairement à ce que prétendent les députés de la France insoumise, ce n'est pas flou : l'intention de nuire n'est pas celle d'informer.

Dans une construction qui mérite que l'on s'y arrête, monsieur le député Vallaud, vous nous dites que les faits réprimés à l'article 18 sont punis de trois ans d'emprisonnement, alors que la dégradation simple d'un bien mobilier est punie de deux ans d'emprisonnement. Peu importe, vous répondrai-je, parce que celui qui lance cette espèce de bulle – parfois mortifère, toujours délétère – n'en connaît pas forcément le résultat. Il écrit par exemple que le professeur Durand, qui enseigne la liberté de caricaturer, exerce son activité au lycée Montaigne.

La première difficulté est celle de la preuve, et il appartiendra naturellement au procureur de la République de faire son travail : la démonstration probatoire. S'il a la preuve, l'affaire franchit le cap de la condamnation ; s'il ne l'a pas, elle s'arrête immédiatement.

Deuxième élément : vous dites qu'il n'est pas logique que ce délit soit puni de trois ans d'emprisonnement alors que la dégradation elle-même est punie de deux ans seulement. Mais quand l'auteur de la révélation lance son affaire sur les réseaux, il ne sait pas ce que les différents récepteurs vont en faire. À ce propos, l'article 24 – non pas celui qui vous taraude, mais l'article 24 de la loi de 1881 – suit la même logique puisque la provocation à commettre un vol est punie de cinq ans d'emprisonnement, alors que le vol lui-même n'est puni que de trois ans. Le quantum de trois ans prévu à l'article 18 est proportionné étant donné qu'il ne s'agit pas d'une provocation, mais d'une intention de nuire – la provocation, je le rappelle, étant punie de cinq ans d'emprisonnement.

Enfin, certains souhaiteraient rallumer l'incendie de l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale. Soyons clairs : l'article 18, c'est l'article 18, et le 24 c'est le 24. Vous ne le souhaitez pas mais c'est ainsi.

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