Monsieur le garde des sceaux, cet amendement fait partie de ceux dont l'adoption me permettrait de voter pour l'article 18. À ce stade, en effet, je ne suis pas entièrement convaincu par l'argumentation qui est la vôtre. L'avis du Conseil d'État, comme cela a été rappelé, demande une rédaction plus précise. Vous exposez votre intention : je vous entends, mais vous n'êtes pas le seul à vous exprimer au sujet de cet article. Quelqu'un qui vous est certainement cher, votre bâtonnier jusqu'à une date récente, a commis il y a quelques semaines une tribune à ce sujet, et ses préventions à l'égard de l'article 18 demeurent – en ce qui concerne notamment la liberté de la presse – en dépit des modifications que lui a apportées la commission spéciale dans l'intervalle.
L'adoption de cet amendement assurerait donc l'intelligibilité du texte. J'ajouterai qu'il n'est pas interdit que la loi garantisse les grandes libertés : l'article 34 de la Constitution dispose même que cette tâche relève précisément du domaine de la loi. Je le répète, il faut rendre ce projet de loi intelligible, d'autant qu'il se situe dans un double contexte : d'une part, l'horrible assassinat de Samuel Paty ; d'autre part, politiquement, l'article 24 de la future loi relative à la sécurité globale. Par conséquent, nous devons surmonter une double difficulté : le fait que les réseaux sociaux puissent armer le bras d'un criminel, et la nécessité de garantir l'absolu respect des libertés fondamentales, notamment celle de s'exprimer et de diffuser des informations.
C'est pourquoi adopter cet amendement est indispensable. Au cas où vous le rejetteriez, renvoyant à la jurisprudence le soin de fixer l'interprétation du texte, ce que vient de dire Éric Coquerel est tout à fait juste : vous devrez répondre des cas où ceux qui seront accusés d'avoir cherché à nuire devront passer par la garde à vue avant de pouvoir démontrer qu'ils n'ont aucune volonté de nuire. Il y aura là, de fait, une interdiction d'informer le plus largement possible. Nous devons entendre l'avis du Conseil d'État, …