Dans sa version initiale, il prévoyait de punir les faits réalisés « dans le but [d'] exposer » la future victime « ou les membres de sa famille, à un risque immédiat d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique, ou aux biens ». La nouvelle rédaction de l'article, issue des travaux de la commission spéciale, a quelque peu atténué les critiques qui pouvaient lui être adressées, mais elle ne les a pas rendues caduques.
En effet, même dans sa nouvelle version, il fait courir un grand risque, celui de porter une atteinte manifeste à l'exercice du droit à l'information et de la liberté d'expression.
D'une part, du fait d'une rédaction imprécise – même dans la nouvelle version – , l'infraction définie par l'article est difficilement caractérisable, ce qui est susceptible de remettre en question sa conformité non seulement à la Constitution, mais aussi à la Convention européenne des droits de l'homme, en particulier les dispositions de ses articles 7 et 10.
D'autre part, l'article conduit à introduire un délit d'intention, en ce que la diffusion d'informations doit intervenir dans le but – selon la version initiale – de produire « un risque immédiat d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique, ou aux biens » d'une personne. La commission spéciale a modifié cette rédaction, mais la nouvelle version vise elle aussi « un risque direct d'atteinte à la personne ou aux biens ». La recherche de l'intention, qui, je le rappelle, ne sera pas contrôlée par la Cour de cassation, conduira à une inefficacité du délit car tout doute doit profiter au prévenu. Cet écueil a notamment été souligné dans l'avis du Conseil d'État.
Dans la version de la commission spéciale, l'expression « que l'auteur ne pouvait ignorer » – qui vient qualifier le risque créé par la diffusion d'informations – ne peut être acceptée : ce n'est pas du droit pénal !
Il existe ensuite un danger sérieux résidant dans les pouvoirs du parquet qui, pour mettre fin à la commission de l'infraction, notamment en flagrance, se verrait attribuer par le jeu des règles procédurales du droit commun des pouvoirs très larges de censure. En l'état actuel du droit commun, il aurait la faculté d'user de tout moyen pour mettre un terme immédiat à l'infraction qu'il aurait constatée, portant de ce fait une atteinte directe à la liberté d'expression, à sa seule initiative et sans intervention préalable du juge, en particulier le juge des libertés et de la détention, dont la saisine n'est pas envisagée par le texte.
Enfin, l'article 18 fait courir le risque d'une judiciarisation excessive, du fait de la multiplication des affaires pouvant entrer dans le cadre de ce nouveau délit. Il faut rappeler qu'outre l'atteinte à la vie privée, qui était couverte par l'article 9 du code civil, de nombreuses dispositions existent d'ores et déjà dans le code pénal pour lutter contre ce type de comportements, en particulier les articles 223-1, 226-4-1 et 226-22 – qui pourraient d'ailleurs, le cas échéant, être aménagés à la marge afin de poursuivre plus efficacement l'objectif affiché par le Gouvernement.
Pour toutes ces raisons, une très large majorité des membres du groupe Libertés et territoires s'opposera à cet article 18.