Nous sommes au coeur d'un débat important qui engage, sur le fond, le rôle des familles et celui de l'école ainsi que le modèle de transmission d'une génération à l'autre. Je veux insister sur le rôle des familles : depuis toujours, des valeurs culturelles structurantes – un bain culturel qui constitue la base même de la perception du monde – passent naturellement d'une génération à l'autre dans le cadre familial à travers des réactions spontanées face aux grands événements de la vie, des proverbes, éventuellement une langue ou encore des connaissances du milieu géographique.
Le rôle de l'école est tout aussi important en matière de socialisation, d'acquisition de connaissances techniques et de valeurs communes civiques et morales, qui participent aussi directement de la personnalité de l'enfant. Je n'oublie pas que tant de personnes ont pu sortir de la pauvreté ou bâtir leur vie grâce à ce que l'école leur a apporté. Chacune à sa place, les apports de l'une – la famille – et de l'autre – l'école – sont objectivement complémentaires, du moins devraient l'être.
Ne nous cachons pas la réalité : il y a du danger dans l'air, des dérives, des manipulations. L'enseignement et la transmission doivent s'opérer dans le strict respect des choix futurs de l'enfant. Là est l'enjeu : les choix du futur adulte doivent rester ouverts. Il faut donc au moins qu'un contrôle du sérieux et de la neutralité des valeurs transmises en famille soit solidement établi. J'anticipe, vous l'aurez compris, sur l'alinéa 15 de l'article, puisque les contrôles menés jusqu'ici sont manifestement insuffisants. Beaucoup de collègues combattent au nom de la liberté de familles. Certes, elle le mérite, mais la liberté des futurs choix de l'enfant et son bien-être immédiat doivent tout autant être défendus.
L'amendement déposé par le Gouvernement suppose, dès cette année, des contrôles sérieux sur la qualité et la neutralité de l'enseignement. Il faut donc mettre les moyens suffisants pour garantir leur effectivité. J'insiste sur ce point, car notre sentiment est que les services n'ont pas les moyens d'effectuer des contrôles suffisants et en profondeur.
Nous savons tous que l'immense majorité des 62 000 enfants concernés par l'instruction en famille reçoivent un enseignement sérieux et beaucoup d'affection et d'amour. Mais nous savons aussi que sévissent des farfelus et des illuminés. Monsieur le ministre, n'y aurait-il qu'un seul enfant à protéger, notre devoir serait de le faire, et de le faire sérieusement.