La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi confortant le respect des principes de la République (nos 3649 rectifié, 3797).
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi. Elle a commencé d'entendre les orateurs inscrits à l'article 21, s'arrêtant à l'intervention de Mme Catherine Osson.
Le Président de la République, dans son discours des Mureaux, a rappelé combien l'école et l'instruction publiques sont au coeur de la formation des citoyens et de l'inculcation, dès le plus jeune âge, des valeurs de la République. Il me semble, chers collègues, que l'émotion légitime que connaît le pays ne doit pas nous conduire à commettre des erreurs d'interprétation. Rappelons tout d'abord la différence fondamentale qui existe entre la scolarisation à domicile, à laquelle le texte ne touche pas, et l'instruction en famille.
Dans un second temps, permettez-moi de dire les choses comme je les pense…
Croire en la République, c'est faire confiance à l'institution qu'est l'école et aux fonctionnaires qui s'y engagent. Bien loin des paroles de tribune, croire en la République se manifeste par des actes simples : pour un parent, c'est inscrire ses propres enfants à l'école publique, …
… et pour des députés, c'est augmenter considérablement les moyens dont elle dispose, ainsi que nous l'avons fait, bien loin des postures politiciennes. Oui, cette majorité a augmenté comme jamais les moyens de l'éducation nationale, malgré un nombre d'enfants en baisse depuis quatre ans. Et elle créera des classes si besoin est à l'avenir.
Enfin, je le dis en toute tranquillité, le séparatisme commence là où l'exception entend s'imposer face à la règle. Chacun est libre de ses choix d'éducation…
… et chaque enfant compte. Mais soyons honnêtes avec nous-mêmes : comme très souvent, c'est la solidarité publique, par le biais de l'État, qui prendra le relais des parents, à un moment ou à un autre. N'insultons pas, par péché d'orgueil, la force de notre système. C'est l'école de la République qui m'a permis de devenir enseignante puis députée. Ce n'est pas faire insulte à nos valeurs que de tout faire pour que le plus d'enfants possible y accèdent et découvrent ainsi les fondements du vivre ensemble et de la citoyenneté.
Le régime d'autorisation préalable prévu par le Gouvernement va dans le bon sens, en ce qu'il réaffirme la primauté de l'école de la République sur l'instruction en famille. Je crois néanmoins, monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, mes chers collègues, que nous devons mieux expliquer et préciser nos objectifs pour rassurer. C'est le sens des amendements que j'aurai le plaisir de présenter durant l'examen de l'article.
En tant que membre de la commission de la défense nationale et des forces armées, j'ai eu l'occasion de discuter à plusieurs reprises avec des familles de militaires qui pratiquent l'instruction en famille. Pour ces publics soumis à de fortes contraintes géographiques et surtout d'affectation, l'instruction en famille constitue souvent une solution parfaitement adaptée. Nous devons préserver cette option. L'article 21 le prévoit d'ailleurs.
Mais, comme l'indique l'intitulé du projet de loi, nous sommes appelés ici à défendre le respect des principes de la République. Cette dernière repose sur trois valeurs fondamentales – certains l'ont d'ailleurs rappelé tout au long de la matinée : la liberté, l'égalité et la fraternité. J'ai écouté avec attention les débats de ce matin. Ici et là, certains ont invoqué ces valeurs pour défendre leur point de vue et demander la suppression de l'article 21 qui, parce qu'il aurait pour objet de redéfinir et de donner un cadre à l'instruction en famille, porterait atteinte à la liberté d'instruction. Mais de quoi s'agit-il, mes chers collègues ?
L'objectif de l'article 21 me semble clair et simple : il s'agit bien d'encadrer et de renforcer les dispositions qui régissent l'instruction en famille afin de mieux préserver ce mode d'éducation et de permettre aux familles qui respectent les valeurs de la République d'exercer leur libre choix.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Ce faisant, nous lutterons plus efficacement contre les dérives sectaires et séparatistes. Tous, sur les bancs de cette assemblée, à gauche comme à droite, vous devez en effet reconnaître une chose : les valeurs de la République, et donc nos libertés, sont menacées – je pèse mes mots – par ces pratiques radicales, séparatistes, qui exploitent le cadre actuel de l'instruction en famille pour développer un endoctrinement sectaire et donc contraire à l'esprit de la République.
Alors, aux familles qui pratiquent l'instruction en famille dans un esprit républicain, et elles sont nombreuses, nous devons parler avec courage et franchise. S'agit-il d'interdire l'instruction en famille ? La réponse est non. S'agit-il de mieux l'encadrer ? La réponse est oui. J'ai d'ailleurs déposé des amendements afin de rendre ce cadre le moins contraignant possible pour les familles qui respectent la République et ses valeurs.
Nous devons dire à ceux qui défendent l'instruction en famille au nom de la liberté : « Vous avez raison. Mais, au nom de cette liberté qui vous est si chère, aidez-nous en acceptant de faire un effort d'adaptation pour lutter contre le séparatisme et défendre la République et ses valeurs. En acceptant ce cadre qui vous est proposé, vous nous aiderez à défendre nos libertés à tous, et donc aussi la vôtre. »
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Sur cette question s'expriment, depuis ce matin, beaucoup de convictions profondes et sincères – nous pouvons, me semble-t-il, nous accorder sur ce point. Le débat auquel nous assistons, et qui se poursuivra à travers les nombreux amendements de suppression ou de reformulation globale de l'article qui ont été déposés, montre tout l'intérêt qu'il y a à consacrer du temps à cette question.
L'instruction en famille est ici traitée dans le cadre d'un texte portant sur les moyens de conforter le respect des principes de la République. L'instruction républicaine a lieu, avant toute chose, au sein de l'école de la République : voilà le principe sur lequel, je l'espère, nous pouvons largement nous accorder. Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas quelques exceptions – M. Le Bohec soulignait d'ailleurs ce matin que, dans la plupart des cas, l'instruction en famille est délivrée pendant une durée très courte, ce qui confirme bien son caractère exceptionnel. Mais il est bon de réaffirmer ce principe dans la loi. Nous y sommes toutes et tous attachés.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Veuillez me laisser m'exprimer, d'autant que c'est la première fois que je prends la parole.
Vous êtes attentifs aux remontées qui nous proviennent du terrain, notamment des maires d'obédiences politiques diverses, représentées sur tous les bancs de l'Assemblée nationale, qui nous alertent sur un phénomène croissant : la déscolarisation. La rapporteure Anne Brugnera s'y est déjà longuement penchée dans le cadre des travaux de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, à travers une mission flash dont elle a rendu les conclusions en juillet 2018. Face à un phénomène qui prend chaque jour plus d'ampleur, j'ai entendu les appels répétés à davantage de contrôles. Mais peut-être est-il temps d'admettre que nous ne pourrons pas toujours tout contrôler.
Qui assure les contrôles au quotidien, sur le terrain ? Les IEN, autrement dit les inspecteurs de l'éducation nationale. Mais je préférerais qu'ils passent davantage de temps auprès des professeurs des écoles, pour les former à mieux accueillir les enfants qui ont des besoins particuliers – je songe par exemple aux situations de handicap ou de harcèlement. Les IEN doivent passer du temps auprès des professeurs pour leur apporter un regard extérieur. Chacun connaît l'ampleur du chantier que nous devons mener pour réformer l'inspection de l'éducation nationale et pour mieux accompagner les personnels et les aider à s'adapter à une société qui évolue et aux besoins particuliers qui se font jour ici ou là. Nous devrons progresser sur ce point, monsieur le ministre.
Nous ne pourrons donc pas consacrer des moyens infinis à contrôler l'instruction à domicile. J'entendais M. de Courson demander davantage de contrôles ; les exigences de la rigueur budgétaire ne lui sont pourtant pas étrangères. Sans même parler de rigueur, d'ailleurs, il est de notre responsabilité de dire que pour mieux faire notre travail au sein de l'école de la République, c'est sur elle que nous devons concentrer nos moyens. Cela ne signifie pas pour autant qu'il ne faille pas donner des gages aux familles que nous avons reçues dans nos permanences et les rassurer ; il faut reconnaître que les réactions suscitées par la version initiale du projet de loi étaient compréhensibles, puisqu'il s'agissait d'interdire l'instruction en famille et que le silence de l'administration en cas de recours valait décision de rejet. Ce n'était pas acceptable. Le texte, déjà largement amélioré après son examen par le Conseil d'État, a également été modifié en commission spéciale…
… et les amendements qui seront présentés par les uns et les autres, y compris par le Gouvernement, permettront de le parfaire afin de rassurer les personnes concernées.
Plusieurs collègues nous ont expliqué ce matin que la grande majorité des inspections donnaient lieu à un avis favorable. Il n'y a donc pas lieu de nous méfier de la position que l'administration adoptera vis-à-vis de l'instruction en famille : dès lors que les inspections se passeront bien – ce que nous avons été nombreux à confirmer – , l'éducation nationale n'aura pas vocation à multiplier les contentieux. La nouvelle rédaction de l'article 21 montre d'ailleurs bien le chemin que nous souhaitons emprunter. Si nous souhaitons soumettre l'instruction en famille à une demande d'autorisation, c'est simplement pour inverser la logique actuelle : il faut, à un moment donné, rappeler quel est le principe et quelle est l'exception.
Si je respecte infiniment les positions des uns et des autres concernant le passage d'un régime de déclaration à un régime d'autorisation, je vous assure que, pour cibler les cas problématiques, il faut se donner les moyens d'aller au fond des problèmes. À cette fin, le mécanisme de la demande d'autorisation me semble le plus efficace. Je comprends que vous ne partagiez pas ce point de vue, mais laissons la discussion aller à son terme et rassemblons-nous sur le principe selon lequel l'instruction républicaine se fait avant tout au sein de l'école de la République. Les autres cas sont des exceptions – parfois remarquables, nous en connaissons tous des exemples – et doivent le rester.
Pour ce faire, les cellules de prévention de l'évitement scolaire pourront, en complément du médiateur de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et du dialogue déjà existant entre l'administration et les familles, jouer un rôle de médiation qui sera, je l'espère, de nature à rassurer toutes les personnes concernées.
La prise en charge, dans les années à venir, des enfants actuellement instruits à domicile doit encore être traitée par voie d'amendements. Faisons-le et rassemblons-nous sur l'affirmation du principe selon lequel, même si l'on peut faire confiance aux familles, un contrôle a priori plutôt qu'a posteriori apparaît opportun pour garantir l'intérêt supérieur de l'enfant – puisque c'est, au fond, de cela qu'il s'agit.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous avons un peu le sentiment de participer à la discussion générale d'un projet de loi à part entière, même si nous ne débattons en réalité que d'une toute petite partie du texte qui nous occupe depuis plusieurs semaines en commission spéciale, puis dans cet honorable hémicycle.
Nous avons affaire à un sujet sensible, sur lequel personne ne détient de vérité. Je suis assez admiratif et envieux de ceux qui pensent en détenir une, moi qui ai toutes les peines du monde à me forger une petite conviction. Il me semble bien délicat de dénoncer de prétendus incertitudes ou atermoiements du Gouvernement sous prétexte qu'il se demande s'il faut remettre en cause telle ou telle pratique. Quand on file tout droit, c'est perçu comme de l'entêtement ou de l'obstination ; mais sitôt que l'on se remet en cause en écoutant les préconisations des uns et des autres, on se voit reprocher d'hésiter ou de tergiverser… Il faut passer au-delà de ces considérations.
Il me paraît également souhaitable de laisser de côté les références historiques un peu douteuses telles que le IIIe Reich ou le régime de Franco, évoqués tout à l'heure par Charles de Courson, dans lesquels, faut-il le rappeler, il n'existait pas de contrôle de constitutionnalité… Au passage, ce dispositif semble finalement recueillir les faveurs de notre collègue qui compte bien que si ces dispositions ne sont pas conformes, le Conseil constitutionnel se chargera de nous le faire savoir – ce dont, bien évidemment, nous prendrons acte.
Pour me forger ma toute petite conviction dont je veux vous faire part ici avec beaucoup d'humilité, j'ai, comme vous, beaucoup écouté toutes les personnes qui nous ont sollicités, en venant nous voir ou en nous appelant, pour nous faire état de leurs doutes et de leurs préoccupations. Après avoir entendu tous ces témoignages, j'étais très partagé. Cela dit, quand on est législateur, il faut bien se décider à un moment. J'ai donc fini par me forger une conviction.
Lorsqu'un sujet de réflexion me pose des difficultés d'ordre intellectuel, j'ai recours à divers procédés qui m'aident à trancher la question qui m'est soumise. Par exemple, j'essaie de faire un bilan coût-avantages : j'étudie le rapport entre les coûts que les mesures vont entraîner et les avantages que l'on peut espérer en tirer. Je fais également un test de proportionnalité, en me demandant si ces mesures sont proportionnelles au but poursuivi. Surtout, j'appréhende la disposition normative dans sa dimension dynamique, dans la mesure où le législateur fait le droit non pas pour le moment m auquel il légifère, mais pour les moments qui suivront.
Or ce serait, me semble-t-il, faire preuve de courte vue que de ne pas prendre la mesure de la situation qui se dessine sous nos yeux depuis quelques années, et dont on peut notamment se rendre compte en observant le monde arabo-musulman, dans lequel le rapport à l'enseignement prend une forme très particulière. Il serait très préjudiciable de refuser de voir cela. Le nombre de personnes qui ne sont pas inscrites à l'école devrait grimper de façon exponentielle dans les prochaines années, tout simplement parce que, dans une partie du monde arabo-musulman, la scolarisation des jeunes filles n'est pas prévue au programme et que celle des jeunes garçons doit être circonscrite à un contexte de religiosité extrêmement marquée. Nous aurions une responsabilité face à l'Histoire si nous ne prenions pas en considération cette réalité.
Cela pose d'ailleurs le problème du contrôle, dont on dit aujourd'hui qu'il ne coûte pas cher. Qu'en sera-t-il demain lorsqu'un, voire deux millions d'élèves ne seront plus scolarisés et qu'il faudra procéder aux vérifications a posteriori ?
Lorsque j'essaie de me forger une conviction sur une question particulière, je me demande ensuite quels enjeux elle recouvre – celui de la préservation de la liberté de quelques milliers de personnes en l'occurrence. On peut très bien comprendre que celles-ci y soient profondément attachées et je respecte à tous égards cette préoccupation légitime. D'un autre côté, il faut aussi, et c'est l'objet de ce projet de loi, préserver la cohésion sociale tout entière, s'assurer que demain nous ferons encore société. Dès lors, il convient de lire le texte, indépendamment de ses convictions, et d'examiner, d'un point de vue technique, les mesures proposées et le contenu du dispositif normatif sur lequel nous devons nous prononcer en tant que législateur.
Le projet de loi prévoit ainsi de remplacer la simple déclaration par la délivrance d'une autorisation préalable. De telles procédures existent déjà dans bien des domaines relevant du droit public.
Cela représente-t-il un sacrifice si fort ? Nous y sommes pourtant habitués. Le texte prévoit également le rattachement de l'enfant à une circonscription ou à un établissement scolaire, ce qui me semble une démarche minimale à laquelle on peut souscrire sans trop de difficultés.
Finalement, la seule question qui peut poser problème est celle des motifs de dérogation. Ceux qui sont énoncés dans l'article permettent-ils de trouver un équilibre entre, d'un côté, la protection des libertés individuelles et, de l'autre, la nécessité de préserver le contrat social ? Nous pouvons mettre de côté les trois premiers, le handicap de l'enfant, la pratique d'une activité sportive ou l'itinérance des parents : tout le monde s'accordera là-dessus. S'agissant du quatrième, l'existence d'une « situation propre à l'enfant », on a beaucoup évoqué, lors de nos débats, le cas des enfants qui auraient un sentiment d'inconfort à l'école, qui éprouveraient des difficultés à en suivre le rythme – que celui-ci soit trop rapide ou trop lent pour eux. Cette disposition me semble répondre pleinement aux préoccupations qui ont été exprimées en la matière.
Un dernier point peut susciter des inquiétudes. J'imagine que c'est en fonction de la réponse qui sera apportée que je me forgerai ma conviction de manière définitive. Dès lors qu'il existe un système de contrôle préalable et d'autorisation, il faut évidemment entrer sur le terrain de l'opportunité ; mais dans un État de droit, c'est à un juge qu'il reviendra de se faire une opinion définitive sur la situation. Le dispositif prévu par l'article permettra-t-il encore, in fine, à ceux qui le souhaitent – parents eux-mêmes enseignants, ou ayant une vision un peu particulière de la vie – de concevoir un projet alternatif crédible pour leurs enfants et d'obtenir une autorisation pour le réaliser ? Un tel projet entre-t-il dans les critères définissant le quatrième motif ? Si la réponse est positive, je soutiendrai cette mesure sans aucune nuance.
M. Richard Lioger applaudit.
Voici l'état de ma réflexion sur cette question épineuse. Avec cet article, je crains que nous touchions une fois encore aux limites d'une démarche, entre affichage et contraintes, qui caractérise l'ensemble du texte.
L'instruction en famille est une possibilité qui existe dans notre pays. Ce choix singulier, soumis à certaines règles, résulte d'un principe ancien qui remonte aux aurores de la République, et selon lequel l'instruction est obligatoire. Ce principe est d'ailleurs assuré par l'État qui, en tant que garant du droit des enfants, met à disposition l'école publique, gratuite et laïque. C'est dans tous les lieux de sa vie que l'on se construit, y compris avec les parents ou avec l'éducation populaire. Dans ce cadre, l'école concourt à l'éducation.
L'école est un bien précieux car elle est notre bien commun, une manière de prendre soin de tous les enfants. Nul ne peut cependant ignorer qu'elle aussi subit la crise de confiance qui touche toutes les institutions. À cet égard, les annonces faites ces derniers jours à propos de la carte scolaire n'arrangent rien à mes yeux, d'autant qu'elles arrivent après une politique dont les ambitions éducatives ont été revues à la baisse alors même qu'il faudrait la renforcer pour mieux appliquer les principes républicains.
Je crois en l'école de la République. Je crois en l'école comme lieu de rencontres, d'altérité, de mixité et de socialisation autant que d'apprentissage. Elle l'est, autant que possible, portée par la volonté farouche de celles et ceux qui la font au quotidien et dont on a d'ailleurs pu mesurer pendant le confinement l'ampleur et la difficulté de la tâche. Nous devons, mieux encore, donner à l'école les moyens d'être à la hauteur des besoins et des attentes, de garantir l'émancipation et la réussite de chacun.
Cependant, pour diverses raisons, certains parents ne recourent pas à cet enseignement. Sans promouvoir ce choix, je me demande si cette possibilité ne doit pas exister par précaution de principe contre l'éventualité d'un arbitraire. Telle est d'ailleurs peut-être la philosophie actuelle du droit. Ceux qui ont fait valoir cette possibilité parce qu'elle leur semblait féconde et qui ont donc fait un choix particulier d'organisation et de vie – hors de tout esprit de sécession et de repli pour l'essentiel d'entre eux – se sont sentis ces derniers temps blessés, voire stigmatisés et redoutent de la voir disparaître.
Si c'est ce choix en lui-même qui pose problème, le projet de loi que vous proposez ne va pas assez loin. Si tel n'est pas le cas, ne faut-il pas se donner d'autres moyens pour agir ? La proposition que vous mettez sur la table apparaît en effet bancale et un peu sibylline. Opérant une rupture symbolique, elle remplace l'obligation d'instruction par l'obligation de scolarisation, ce qui met fin à la possibilité de l'instruction en famille et précarise la situation de celles et ceux qui ont fait ce choix. Au passage – mais nous y reviendrons dans la suite de la discussion – , nous aimerions voir autant de zèle s'agissant de la situation des écoles hors contrat, ce qui serait justifié car dans ce cas il ne s'agit pas du tout d'une question de liberté individuelle.
Je n'approuve donc pas cette proposition qui décline trois critères précis et un « critère joker » plutôt vague. Cela donne le sentiment que l'on souhaite, d'un côté, réserver cette pratique à des enfants que l'école ne se donne pas vraiment les moyens d'accueillir et, de l'autre, face à la contestation, introduire une petite possibilité laissée à l'appréciation, sinon à la discrétion, du responsable académique.
En l'état actuel des choses, je ne crois pas que cette mesure soit de nature à résoudre le problème soulevé.
Si nous voulons faire en sorte – ce qui est mon cas – que la voie de l'instruction en famille ne soit pas empruntée dans un esprit de sectarisme, d'obscurantisme ou d'intégrisme, il est possible d'agir sans inverser les principes du droit, de ne pas opérer cette rupture, cette remise en cause de la situation actuelle, mais de mieux contrôler l'usage qui est fait de la possibilité de l'instruction en famille.
C'est pourquoi, à travers quelques amendements – qui témoignent, en outre, de la fragilité de la rédaction du texte – , je propose d'autres mesures, non disproportionnées, visant à éviter l'instrumentalisation de ce choix et à permettre à l'État de garantir le plein respect des enfants et de leur droit à l'entière croissance.
M. Boris Vallaud applaudit.
J'associe à mes propos ma collègue Marie-Noëlle Battistel, députée de l'Isère.
À l'image de mon collègue et ami André Chassaigne, je suis pétrie de doutes. Comme lui, je suis viscéralement attachée à l'école républicaine pour tous. C'est un bel idéal. Mais la réalité du terrain est tout autre. Pour tout vous dire, cette réalité de l'instruction en famille, je ne la connaissais pas ; je l'ai découverte avec ce projet de loi et l'article 21.
D'emblée, je me suis dit qu'il fallait évidemment voter cet article, qu'il représentait une chance pour tous ces enfants qui ne vont pas à l'école et qu'il ne concernait certainement que quelques enfants dans une poignée de départements. Mais je me suis vite aperçue qu'il n'en était rien, que tous les départements étaient concernés, que l'instruction en famille se pratiquait aussi bien en milieu rural qu'en milieu urbain, dans des familles modestes comme dans des familles aisées.
Car les raisons qui poussent les familles à instruire leurs enfants à la maison sont très diverses : handicap, phobie scolaire, harcèlement ou encore long voyage. L'IEF peut d'ailleurs être menée pendant plusieurs années ou choisie de manière plus épisodique pour répondre à une difficulté conjoncturelle.
Les familles qui ont recours à cette pratique, en tout cas celles que j'ai rencontrées, ne sont pas contre l'école ni contre la démocratie. Elles ont simplement choisi un autre mode de vie. Certaines y sont même obligées car, malgré toutes les bonnes volontés, l'école n'est pas adaptée à tous les enfants. L'IEF en a parfois même sauvé certains.
On trouve bien sûr des intégristes qui souhaitent radicaliser leurs enfants, mais cela se déroule souvent en dehors même des règles de l'IEF – car ces règles existent et font l'objet d'un réel contrôle.
J'ai discuté avec un inspecteur de ma circonscription qui contrôle chaque année les quelques familles concernées dans le département du Puy-de-Dôme, ce qui est très bien. Et si ce n'est pas le cas partout en France, il faut, monsieur le ministre, se donner les moyens pour y remédier.
Toutefois, mon intime conviction – même si ce n'est que mon avis et si je n'ai peut-être pas raison – est qu'il n'est nul besoin de supprimer un droit, une liberté, pour les remplacer par une autorisation qui, selon les territoires, ne sera pas appliquée de la même façon. Encore une fois, j'ai peut-être tort, mais j'ai le sentiment profond que vous avez commis une erreur en rédigeant cet article. Il faut bien sûr protéger les enfants contre toutes les formes de dérive. Si vous connaissez des écoles illégales, fermez-les, et toute de suite, car vous en avez la possibilité. Les écoles clandestines existent, c'est vrai, mais elles n'ont rien à voir avec l'IEF.
Renoncez à cet article 21. Je suis et je reste le porte-drapeau de l'instruction par l'école ; c'est la règle, et elle protège tous nos enfants. Mais quand l'école ne peut pas répondre à une situation particulière, souvent douloureuse, les parents ont le droit de se tourner vers l'instruction en famille. Cette liberté est souple, ne la rendons pas compliquée ; nul besoin de règles supplémentaires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Tout a déjà été dit ce matin sur le contresens de l'article 21, y compris par de fervents défenseurs de l'école publique à laquelle, moi aussi, je dois tout ; y compris par d'anciens enseignants qui ont rencontré et écouté, dans toute leur diversité de motivations et de situations, les familles qui instruisent leurs enfants à domicile. L'article rate sa cible, il organise suspicion et angoisse pour des familles engagées et fières d'instruire elles-mêmes leurs enfants avec le plus grand soin et dans le respect de la République. Malgré ses réécritures, cet article nie toujours la liberté, pour les parents, de nourrir un projet pédagogique. Il ne considère qu'une situation propre à l'enfant, notion floue s'il en est.
Si Pierre Curie, Marguerite Yourcenar, Taïg Khris ou encore Judit Polgár, la plus grande joueuse d'échecs de tous les temps, ont tous été instruits en famille, ce n'était pas en raison de leur situation particulière, mais parce que leurs parents avaient un projet pour eux
M. Marc Le Fur applaudit.
Leurs profils, forgés dans le respect de la singularité, ont aussi enrichi notre société. La France, si attachée à la liberté, devrait nier ce droit que l'on trouve dans presque tous les pays européens ? Mais surtout, quel exemple donnons-nous, mes chers collègues ? Sur quelles bases allons-nous modifier la loi Ferry, respectable totem de la République que vous et moi admirons, monsieur le ministre ? Une étude d'impact indigente et partiale, …
… des cas particuliers et quelques malheureuses semaines de discussion là où nos prédécesseurs de 1882 avaient pris des années pour débattre, des rédactions qui changent jusqu'à la dernière minute…
Travailler dans de telles conditions n'est pas digne de notre exigence de législateur pour aborder un sujet, l'éducation, qui est au coeur de tout projet de société.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre, je vous plains, parce que vous avez le mauvais rôle. Tout a commencé lorsque, dans son discours aux Mureaux, Emmanuel Macron a annoncé que l'instruction à l'école serait rendue obligatoire et l'instruction en famille strictement limitée, notamment aux impératifs de santé. C'est là que les ennuis ont commencé pour vous… Après l'interdiction, vous avez fait marche arrière avec un régime d'autorisation. Mais vous le savez bien : une liberté soumise à autorisation n'est plus une véritable liberté.
On en revient toujours au péché originel du projet de loi : comme vous ne voulez pas nommer l'ennemi, l'islamisme, vous punissez tout le monde dans un texte général. L'article 21 en est l'exemple parfait : refusant de cibler les écoles coraniques, vous soumettez à autorisation l'instruction en famille, qui est un droit. Ce faisant, vous pénalisez toutes les familles qui respectent les règles et qui ne comprennent pas pourquoi elles ne sont plus libres d'offrir à leurs enfants l'enseignement adapté dont ils ont besoin. Une défiance envers ceux qui respectent les règles, une gifle, une véritable injustice : c'est ainsi que les familles le vivent.
En parallèle, rien ne concerne l'école publique dans le projet de loi. Permettez-moi de vous rappeler trois chiffres. Huit cents incidents ont eu lieu durant l'hommage à Samuel Paty : circulez, il n'y a rien à voir ! Un professeur sur deux dans les réseaux d'éducation prioritaire déclare s'être déjà autocensuré : là non plus, pas de problème… Six enseignants sur dix déclarent avoir déjà constaté des actes de séparatisme en classe, mais quelle importance ? Ouvrez les yeux, ne vous trompez surtout pas de cible. L'instruction en famille concerne 1,6 % des élèves en France parmi lesquels seuls 2 % posent problème : c'est uniquement à ces 2 % qu'il faut s'atteler.
Mme Agnès Thill et M. Charles de Courson applaudissent.
Nous sommes au coeur d'un débat important qui engage, sur le fond, le rôle des familles et celui de l'école ainsi que le modèle de transmission d'une génération à l'autre. Je veux insister sur le rôle des familles : depuis toujours, des valeurs culturelles structurantes – un bain culturel qui constitue la base même de la perception du monde – passent naturellement d'une génération à l'autre dans le cadre familial à travers des réactions spontanées face aux grands événements de la vie, des proverbes, éventuellement une langue ou encore des connaissances du milieu géographique.
Le rôle de l'école est tout aussi important en matière de socialisation, d'acquisition de connaissances techniques et de valeurs communes civiques et morales, qui participent aussi directement de la personnalité de l'enfant. Je n'oublie pas que tant de personnes ont pu sortir de la pauvreté ou bâtir leur vie grâce à ce que l'école leur a apporté. Chacune à sa place, les apports de l'une – la famille – et de l'autre – l'école – sont objectivement complémentaires, du moins devraient l'être.
Ne nous cachons pas la réalité : il y a du danger dans l'air, des dérives, des manipulations. L'enseignement et la transmission doivent s'opérer dans le strict respect des choix futurs de l'enfant. Là est l'enjeu : les choix du futur adulte doivent rester ouverts. Il faut donc au moins qu'un contrôle du sérieux et de la neutralité des valeurs transmises en famille soit solidement établi. J'anticipe, vous l'aurez compris, sur l'alinéa 15 de l'article, puisque les contrôles menés jusqu'ici sont manifestement insuffisants. Beaucoup de collègues combattent au nom de la liberté de familles. Certes, elle le mérite, mais la liberté des futurs choix de l'enfant et son bien-être immédiat doivent tout autant être défendus.
L'amendement déposé par le Gouvernement suppose, dès cette année, des contrôles sérieux sur la qualité et la neutralité de l'enseignement. Il faut donc mettre les moyens suffisants pour garantir leur effectivité. J'insiste sur ce point, car notre sentiment est que les services n'ont pas les moyens d'effectuer des contrôles suffisants et en profondeur.
Nous savons tous que l'immense majorité des 62 000 enfants concernés par l'instruction en famille reçoivent un enseignement sérieux et beaucoup d'affection et d'amour. Mais nous savons aussi que sévissent des farfelus et des illuminés. Monsieur le ministre, n'y aurait-il qu'un seul enfant à protéger, notre devoir serait de le faire, et de le faire sérieusement.
M. Charles de Courson applaudit.
La parole est à M. Nicolas Meizonnet, auquel il ne reste qu'un peu plus d'une minute de temps de parole.
… dans un débat où le premier parti d'opposition a été interdit de s'exprimer. Je vais donc pouvoir défendre la position des élus du Rassemblement national sur la question de la fin de l'instruction en famille.
Cette mesure est révélatrice d'une certaine lâcheté : vous préférez pénaliser la grande majorité des familles qui respectent les valeurs françaises, plutôt que de cibler la minorité islamiste qui pose problème. Je souscris pleinement aux arguments exposés par d'autres collègues de différentes sensibilités au sujet des conséquences tragiques qu'impliquerait une telle disposition.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas interdire l'instruction en famille alors qu'elle est une liberté fondamentale reconnue comme constitutionnelle et défendue par le Conseil d'État. Elle est la dernière chance pour certains enfants en difficulté scolaire, ou harcelés, de sortir de l'échec et de retrouver confiance en eux ; elle est une voie de salut pour des enfants surdoués qui peuvent ainsi bénéficier d'une instruction adaptée. Vous ne pouvez l'interdire alors que vous accélérez le déclassement scolaire et que le niveau de nos enfants dégringole au point que la France devient la risée du monde. Ajoutons que les cas d'enfants exposés à un risque de radicalisation et repérés à l'occasion du contrôle de l'instruction au domicile familial sont exceptionnels, comme le souligne le vade-mecum « Instruction dans la famille » rédigé par les services de votre ministère en novembre 2020.
Au nom des députés du Rassemblement national, je vous demande de supprimer cet article. Seulement 70 % des familles qui ont fait le choix de l'instruction à domicile sont contrôlées : appliquons la loi et faisons en sorte que toutes le soient. Ne faites pas reculer les libertés des honnêtes gens et combattez le séparatisme islamiste.
Je prends la parole au nom des ressortissants français résidant à l'étranger qui font appel à un enseignement à distance, notamment avec le CNED, qui se déroule à la maison dans la plupart des cas. Ces familles suivent nos débats et souhaiteraient savoir si, à leur retour en France, elles pourront maintenir ce mode d'instruction sachant que, pour plusieurs d'entre elles, le retour en France n'est qu'une étape avant un autre départ à l'étranger. Conserver un même système d'enseignement, quel que soit le lieu de résidence, est bénéfique pour leurs enfants.
En outre, il est important que ceux qui font le choix d'une scolarisation au sein du réseau d'enseignement français à l'étranger obtiennent un numéro INE – identification nationale des étudiants – dès leur inscription afin de faciliter le suivi de leur scolarité et leurs démarches lors du retour en France, que ce soit pour leur scolarité obligatoire ou des études supérieures. On estime à plus de 150 000 le nombre d'élèves de nationalité française inscrits dans le réseau scolaire français à l'étranger ; il est donc primordial de prendre en compte leur situation.
Je suis un pur produit de l'école publique, je dois beaucoup à mes maîtres et je garde le souvenir de maîtres très respectueux des convictions religieuses des familles qui leur confiaient leurs enfants. Mais la vraie question désormais est la suivante : comment se fait-il que des enfants, des adolescents qui ont passé plus de dix ans à l'école deviennent, une fois jeunes hommes, des terroristes ? Comment se fait-il que notre école enfante des monstres ?
Ce n'est pas l'école la responsable, mais l'endoctrinement matin, midi et soir !
Voilà le sujet qui devrait nous réunir de longues heures, voilà ce qu'il faut éradiquer au plus vite.
Au lieu de traiter ce problème, vous vous penchez sur le sort de quelques familles qui ont fait un choix singulier. Ce n'est ni le choix que mes parents avaient fait pour moi ni celui que j'ai fait pour mes enfants, mais je le respecte parce qu'il s'agit de liberté.
Je n'aime pas qu'on fasse de procès aux familles comme certains sont en train de le faire. D'autant que nous avons tous reçu beaucoup de ces familles et nous avons pu nous rendre compte que les caricatures évoquées ne sont pas pertinentes. On nous expliquait qu'il s'agissait de parents enturbannés qui allaient endoctriner leurs enfants ; pas du tout. Mme Anne-Christine Lang, qui fait dans l'anti-catho, …
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
… a parlé d'éducation de jeunes filles en corsages blancs et robes bleues plissées ; pas du tout. C'est très varié : on trouve des gens de toute nature, qui reflètent, j'en suis convaincu, peu ou prou la composition idéologique de notre assemblée. Je le dis en particulier à nos amis de la majorité : sachons respecter la différence, ne traitons pas ces familles en suspects.
Pour me faire comprendre, je voudrais parodier un poète et un grand chansonnier du XXe siècle : non, les marcheurs n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux. C'est exactement cela : ces familles suivent une autre route qui n'est pas la route majoritaire, et n'a pas vocation à le devenir, mais elle correspond à un choix et un projet de vie. Je suis convaincu qu'avec le télétravail et la présence des familles à la maison, ce type d'éducation va se développer. Il faut prendre en compte cette demande sociale et la respecter, cela me paraît tout à fait essentiel.
Non, les marcheurs n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux… Acceptons la différence !
Monsieur le ministre, prêtez attention aux écrits d'un certain nombre d'intellectuels : ils jugent que le Gouvernement est en train de devenir illibéral. C'est vrai que tout ce qui s'est passé dans le cadre de la crise du covid-19 concourt à cette réflexion : on a réduit nos libertés. Là encore, on est en train de réduire une liberté fondamentale, une liberté voulue par Jules Ferry, monsieur le ministre. Vous avez l'immense honneur d'être un de ses successeurs, lui qui a inscrit dans le marbre cette liberté en même temps qu'il bâtissait l'école publique. Voilà ce que nous vous demandons : respectez les engagements de Jules Ferry, respectez ceux de la République, respectez la liberté des parents.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.
C'est une voix parmi d'autres dans mon groupe qui s'exprime sur un sujet particulièrement délicat. La liberté d'éducation est un droit, et l'éducation en dehors de l'école publique s'est déployée et se renforce sous l'égide, par exemple, de l'instruction en famille. Il ne s'agit pas de nier cette faculté, mais d'être rigoureux en matière de transmission des connaissances, tant du point de vue pédagogique que de la transmission des savoirs eux-mêmes, à l'heure où le séparatisme social, culturel et religieux se manifeste sous des formes les plus diverses, explicites ou implicites.
Il est question de l'altération d'une liberté fondamentale. La question est de savoir si consolider, sous l'autorité de l'éducation nationale et de la famille, le projet de vie d'un enfant, dans le respect de son intérêt spécifique et premier, relève de cette altération. Le régime d'autorisation devrait donc selon moi s'entourer des principes de bienveillance et de confiance mutuelle entre l'éducation nationale et les familles. C'est l'objet de l'un des amendements de notre groupe.
La construction d'un projet éducatif en famille et la co-construction auxquelles vous appelez devraient être appréciées comme une séquence positive ouvrant droit à cette faculté ou, a contrario, à un arrêt sur image, image potentiellement parfois brouillée du socle de connaissances en matière de savoirs fondamentaux, de sciences dures ou de sciences sociales qui pourrait être transmis au coeur de la famille. Éclairée : voilà comment je conçois cette démarche, voilà ce qui devrait être la visée de cette autorisation.
Je ne crois pas un seul instant que les sollicitations des familles ne puissent être examinées attentivement eu égard aux situations particulières des enfants concernés. Pour cela, nous proposerons – c'est l'objet de l'amendement no 1990 dont je parlais à l'instant – que soit prise une décision collégiale fondée sur des critères harmonisés au niveau national, ouvrant droit, en cas de refus, à une possibilité de recours qui donnera lieu à l'audition de la famille.
Il s'agit, vous l'aurez remarqué, d'un amendement collectif de notre groupe, que chacun pourrait considérer comme un amendement de repli mais qui veut néanmoins être une contribution raisonnable à l'élaboration d'un article si sensible.
M. Jean-Louis Bricout applaudit.
La parole est à Mme Anne Brugnera, rapporteure de la commission spéciale pour le chapitre V du titre Ier.
Chers collègues, après vos nombreuses interventions, je souhaite revenir sur trois points qui me paraissent essentiels. Premièrement, il est nécessaire de répéter que l'article 21 ne supprime pas l'instruction en famille…
Elle demeure une possibilité qui fait partie du panel de l'instruction d'un enfant en France. Ce panel comprend l'école publique, l'école privée sous contrat, l'école privée hors contrat et l'instruction en famille. L'article 21 vise à mieux encadrer l'instruction en famille, j'y reviendrai. Cela constitue effectivement un changement puisque nous passerons d'un régime de déclaration préalable à un régime d'autorisation préalable. C'est là le projet. Pourquoi ce changement ? Pour, en quelque sorte, protéger l'instruction en famille qui est aujourd'hui dévoyée…
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
… détournée par un certain nombre de familles qui lui nuisent et qui nuisent à son image.
Deuxièmement, pourquoi parler de l'instruction en famille dans ce texte ? La question a été posée à plusieurs reprises. Tout d'abord parce que le projet de loi a pour ambition de protéger tous les domaines de notre société menacés par les séparatismes, au rang desquels il faut ranger l'éducation, mais aussi le sport dont nous parlerons à l'article 25. J'ai entendu une autre question : pourquoi ne parlons-nous que de l'instruction en famille, des écoles privées sous contrat et des écoles privées hors contrat, et non de l'école publique ?
Parce que nous avons récemment adopté une loi, la loi pour une école de la confiance, qui traite en partie du sujet pour l'école publique. Pour les écoles privées hors contrat, nous avons également légiféré en adoptant la loi du 13 avril 2018, dite loi Gatel, que nous améliorons avec le projet de loi après avoir eu l'expérience des difficultés rencontrées pour fermer les écoles privées hors contrat qui ne respectent pas la réglementation.
Ce projet de loi vise à conforter le respect des principes de la République. Mais pour conforter ces principes, encore faut-il commencer par les apprendre. Si cet apprentissage se fait majoritairement à l'école, il peut aussi se faire dans le cadre de l'instruction en famille. Il est donc important d'en traiter dans ce texte.
Enfin, pourquoi parlons-nous aussi des enfants dans le projet de loi ? Parce que l'intérêt supérieur de l'enfant nous paraît un principe qu'il faut également défendre.
Troisièmement, que faisons-nous véritablement avec l'article 21 ? Nous proposons que l'instruction en famille, jusqu'à présent soumise à une déclaration préalable et à des contrôles, soit désormais soumise à autorisation préalable, suivie de contrôles. Pour la délivrance de cette autorisation préalable, nous prévoyons que les parents explicitent les motifs de leur choix en se fondant sur une liste assez longue afin de répondre à toute la diversité des motivations possibles, que vous avez été plusieurs à souligner.
Nous avons entendu des chercheurs spécialisés de l'instruction en famille ; ils ont expliqué que l'IEF répondait en gros à 130 motifs différents. Nous en avons retenu quatre, dont le quatrième qui permet de prendre en compte toute cette diversité. Nous en reparlerons.
Nous prévoyons aussi que, dans leur demande d'autorisation préalable, les parents décrivent leur capacité à instruire leur enfant en famille, en particulier leur disponibilité. Vous avez tous reçu des familles qui instruisent leur enfant dans ce cadre ; vous savez à quel point elles se dévouent, certaines ont lâché un travail pour instruire leur enfant. Cette disponibilité que nous constatons chez un grand nombre de familles concernées doit être vérifiée pour toutes. L'administration disposera de deux mois pour répondre à la demande d'autorisation préalable.
Son silence au-delà de ce délai vaudra décision d'acceptation. Les refus seront motivés, et je vous proposerai la création d'une cellule de recours, ce qui répond à la demande de plusieurs députés appartenant à différents groupes.
Pour conclure, je dirai un mot des enfants et des familles qui sont aujourd'hui concernés par l'instruction en famille. Évidemment, les familles, qui ne connaissaient jusqu'à présent que le dispositif de déclaration préalable s'inquiètent de ce changement de dispositif. Nous les avons tous reçues et entendues, et nous avons déjà pris en compte un certain nombre de demandes dans les amendements adoptés en commission – je pense au report d'un an de l'entrée en vigueur du dispositif ou à la possibilité d'accorder une autorisation pour plusieurs années dans le cas d'enfants malades ou porteurs de handicap.
L'instruction en famille répond à des situations et des motivations extrêmement diverses. Nous sommes d'accord pour dire que l'instruction en famille correspond à des besoins à un moment donné du parcours des enfants. Je me garderai de généraliser dans un sens ou dans l'autre ; je sais parfaitement que l'instruction en famille se passe bien dans un grand nombre de familles, …
Excusez-moi, mais je suis capable de nuances !
Néanmoins, il y a des cas où ça se passe mal, il y a des dérives sectaires, des maltraitances, des enfants mal instruits, des enfants non instruits. C'est pour cela que nous devons légiférer et mieux encadrer l'instruction en famille.
Plusieurs d'entre vous ont émis un doute sur l'article 21 et sur le passage au régime de l'autorisation préalable. Chers collègues, j'entends vos doutes et je répondrai à toutes vos questions au fur et à mesure des amendements afin que nous soyons tous extrêmement clairs sur le passage de la déclaration préalable à l'autorisation préalable qui permet de préserver l'instruction en famille en la protégeant en même temps…
… des détournements tout en protégeant les enfants et leur droit à l'instruction en particulier.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Je souscris, bien entendu, à tout ce qui vient d'être dit par Mme la rapporteure, et je remercie tous les députés pour leur apport au débat sur un sujet dont on peut dire, en guise de préalable, qu'il mérite la réflexion et le respect de la pensée d'autrui. Ce sujet mérite non seulement que l'on use de la dialectique, c'est ce qui s'est passé, mais aussi que l'on ne caricature pas la position de l'adversaire. Pourtant, durant toute la matinée, j'ai entendu des propos caricaturaux.
Je vous en donne acte ! Je vous remercie de dire que nous ne sommes pas des adversaires. Parfois, on a le sentiment du contraire lorsque l'on entend les excès de certains propos.
Il est très important de tenir compte des évolutions de la société et d'être conséquent avec les valeurs que nous défendons. Quelles sont ces valeurs ? Tout d'abord la liberté. La liberté de l'enseignement en fait partie, nous en sommes tous d'accord. Vient ensuite l'intérêt général, qui n'est pas que la somme des intérêts particuliers.
Nous savons tous que le paysage est aujourd'hui fait de l'avancée de l'islamisme radical et que cet islamisme radical cherche à instrumentaliser les enfants de différentes manières. Il les instrumentalise quelle que soit la façon dont ils sont scolarisés : à l'école de la République, à l'école privée sous contrat, à l'école privée hors contrat et dans l'instruction en famille. Contrairement à ce qui a été dit par certains d'entre vous, c'est sur ces quatre dimensions que nous agissons et nous n'avons pas attendu aujourd'hui : nous avons déjà fait beaucoup pour l'école de la République. C'est donc caricaturer la position qui est la mienne, que de dire que nous ne faisons rien sur ce sujet. Bien au contraire, nous faisons même beaucoup plus que des gouvernements que vous avez pu soutenir dans le passé les uns et les autres. Je pense à la création du conseil des sages de la laïcité, aux équipes « valeurs de la République » ou encore à la série d'interventions sur le terrain que nous effectuons sur ce sujet, sans jamais faillir.
Alors, oui, l'école de la République est défendue sous l'angle de la laïcité mais, bien entendu, ce que nous avons fait en la matière s'étend à d'autres domaines. Pour ce qui concerne l'école hors contrat, il y a eu la loi Gatel, chacun en a souligné l'importance – je suis heureux de constater qu'aujourd'hui le sujet est déjà consensuel ; il ne l'était pas lorsque nous en avons débattu, c'est une bonne chose. Nous traitons aussi des écoles hors contrat dans le projet de loi : l'article 23 aborde la question de leur fermeture. C'est donc une caricature de prétendre que nous nous sommes focalisés sur l'instruction en famille : il me semble plutôt que ce sont les contestations qui se focalisent sur ce sujet.
Sans répéter ce qu'a dit Mme la rapporteure, je veux évoquer l'aspect pratique des dispositions proposées avant d'en venir à un aspect plus politique, largement évoqué ce matin. Je tiens à rappeler que nous avons beaucoup travaillé sur l'instruction en famille en écoutant les uns et les autres, en commission spéciale mais aussi en amont et en aval. Cela a permis de procéder à un grand nombre d'aménagements qui seront parfaitement visibles tout au long de notre discussion. Ces aménagements permettent aujourd'hui de dessiner un paysage de liberté pour l'instruction en famille. Plusieurs d'entre vous l'ont dit : comme toutes les libertés, celle-là fait aussi l'objet d'un encadrement. Prenez le droit de propriété : la propriété est une liberté très importante, …
… mais elle est évidemment encadrée. Si vous voulez construire sur votre propre terrain, vous avez besoin d'une autorisation. C'est une évidence : toutes les libertés ont besoin d'un encadrement, et cet encadrement est même la garantie que nous avons bien affaire à une liberté. Et pour ce qui est de l'instruction en famille, il y avait un certain vide juridique dans lequel se sont engouffrés des extrémistes.
On peut citer tous les exemples possibles d'instruction en famille réussie. Je peux le faire aussi, mais c'est une facilité, même si je suis parfaitement conscient, comme l'a excellemment dit la rapporteure à l'instant, que l'instruction en famille se passe bien dans un certain nombre de cas. Nous allons préserver ce qui se passe bien, mais il y a aussi les cas où l'instruction en famille est le paravent de l'islamisme radical. Ne faites pas semblant de l'ignorer ! C'est assez étonnant de vous entendre tenir des discours extrêmement radicaux contre l'islamisme radical, puis de constater que vous semblez ignorer cette réalité dès que vous avez l'occasion de trouver un outil politique pour contester une proposition du Gouvernement. Pourtant, elle existe bel et bien.
Dans le futur, une autorisation préalable sera nécessaire et nous avons accepté la possibilité d'un recours…
Nous avons accepté bien des changements dont nous parlerons dans le détail – ce quatrième motif en particulier qui permet les projets éducatifs particuliers pour les enfants qui en ont besoin. Tous ces éléments, et il y en aura d'autres, font que, bien entendu, l'instruction en famille qui se passe bien, avec des parents qui ne sont pas tentés par une quelconque radicalisation ou un quelconque sectarisme, pourra se poursuivre. Pourquoi faire semblant de penser le contraire ? Cela me fait penser à l'amendement dont nous avons discuté ce matin qui visait à changer le titre « Dispositions relatives à l'instruction en famille » en « Dispositions relatives à la restriction de l'instruction en famille ». C'est une sorte de volonté de décrire les choses comme si elles étaient plus mauvaises que ce qu'elles sont, comme pour s'en réjouir, pour le plaisir de critiquer.
Cela peut finir par être nuisible, parce qu'à force de décrire les choses ainsi, vos propos risquent de devenir des prophéties autoréalisatrices.
Heureusement, nous ne restreindrons pas cette liberté ; bien au contraire, nous allons l'encadrer et ainsi mieux protéger ceux qui font bien l'instruction en famille. Ce point est important. Libre à certains de faire semblant de comprendre le contraire, mais ils se trompent de texte, car le projet que nous présentons est un texte de protection d'une liberté. Nous entrerons dans les détails qui permettront de le démontrer.
Je terminerai sur un plan politique, car je ne peux m'empêcher de faire quelques observations à la lumière de l'histoire des idées, à gauche comme à droite, dans notre pays. J'ai été surpris d'entendre sur les bancs de la gauche de cette assemblée un véritable abandon, à certains moments, de ce qui constitue le coeur de la doctrine, dans l'histoire de la gauche, en matière d'école publique.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.
Cela, je pense, marquera malheureusement l'histoire, car certains propos consacrent des évolutions que l'on pouvait craindre. J'ai été heureux ces derniers mois d'entendre M. Faure défendre la laïcité. Dans mon for intérieur, je me disais que c'étaient peut-être les retrouvailles d'une certaine gauche de gouvernement avec elle-même, ce que je trouvais salutaire pour elle. Malheureusement, ce que j'ai entendu aujourd'hui de la bouche de M. Faure efface tout ce qu'il a dit précédemment… Le parti socialiste a des problèmes avec son propre nom : je lui suggère de s'appeler désormais « parti sociétaliste », cela consacrera ce que nous venons d'entendre.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
De même, ce que nous avons entendu de la part d'André Chassaigne est, cela a été très bien dit par Francis Chouat, tout à fait étonnant : comment faire l'éloge de l'école publique à ce point, pour finir par conclure qu'une mesure de défense de l'école de la République puisse être négative, par simple envie de s'opposer à ce gouvernement, quitte à brûler ses propres valeurs ?
S'agissant des bancs de droite, comment ne pas être surpris par les arguments que j'ai entendus : comment peut-on faire semblant de ne pas voir que l'instruction en famille a été instrumentalisée par certains, …
… faire semblant de ne pas voir que c'est notre volonté que d'en finir avec ce phénomène ? Nous vous entendons toute la journée plaider contre l'islamisme radical, supposer que le Gouvernement n'en fait pas assez, et au moment où le Gouvernement prend à bras-le-corps ce problème, qui est un problème parmi d'autres – ce n'est bien sûr pas le seul – , vous faites tout à coup semblant de ne pas voir la réalité du terrain ! C'est tout de même très surprenant.
Je reviendrai dans le détail sur les aspects juridiques et pratiques. Oui, comme certains d'entre vous l'ont dit, il faut faire montre de bienveillance. Oui, les familles qui nous écoutent peuvent être certaines que, dès lors qu'elles respectent les principes de la République, il n'y aura pas de problème pour l'instruction en famille. Mais, oui, ceux qui profitent de l'instruction en famille pour servir leur entreprise de radicalisation doivent savoir que nous serons intraitables. Peut-être sommes-nous les seuls ; heureusement, nous sommes la majorité.
Nous sommes aussi, par-delà les petits calculs qui peuvent exister sur ces sujets, pour l'intérêt général.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous en venons aux amendements à l'article 21.
Je suis saisie de plusieurs amendements qui tendent à supprimer l'article.
Sur les amendements nos 1 et identiques, je suis saisie par les groupes La République en marche et Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 1 .
C'est à moi que revient l'honneur de défendre le premier amendement d'une longue série pour la suppression de cet article et je le fais au nom de notre collègue Pierre Cordier, malheureusement retenu dans les Ardennes par des suppressions de classes dans sa circonscription.
Mouvements divers.
Monsieur le ministre, je voudrais vous adresser, avec beaucoup de bienveillance, cinq avertissements par rapport à ce que vous êtes en train de faire, et c'est l'histoire de ce quinquennat.
Le premier : quand il y a des oppositions aussi fortes, de très à gauche à très à droite, …
… une telle mobilisation dans le pays, cela a toujours été parce que les textes en cause posaient un vrai problème, et ils n'ont jamais abouti. Les amendements que vous déposez en dernière minute montrent juste une chose : tout cela aboutira à une usine à gaz qui ne réglera ni vos problèmes ni les nôtres ni ceux des familles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le deuxième avertissement, c'est celui du risque d'inconstitutionnalité. Je citerai un grand penseur de l'éducation nationale, vous-même, monsieur le ministre, qui déclariez devant le Sénat le 18 juin dernier que l'instruction en famille reposait sur « un fondement constitutionnel puissant ». Comme vous aviez raison !
Troisième avertissement : vous remettez en cause quelque chose de sacro-saint dans notre pays : la liberté des familles de savoir et de décider ce qui est bon pour leurs enfants. Et c'est aussi la responsabilité des parents que d'avoir un tel projet éducatif.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Quatrième avertissement : je ne fais pas partie des personnes naïves sur ce qui se passe dans notre pays.
Pourquoi cet article ? Parce qu'un certain nombre de personnes sortent leurs enfants de l'école de la République pour qu'ils ne soient pas en contact avec ces valeurs, espérant les élever au nom d'un islam radical fondamentaliste, très loin de ce qu'est notre pays. Il existe des contrôles ; malheureusement, dans bien des cas, ils ne sont pas assez nombreux. Votre travail, c'est de faire en sorte qu'ils soient effectifs. Quand on parle de si peu de cas, entre les filtres de la commune et ceux de l'inspection, il est évident que l'on parviendra à les circonscrire, à mettre les parents au pas et face à leurs responsabilités.
Enfin, cinquième avertissement : vous savez très bien qu'en mettant en place un régime dérogatoire aussi flou, aussi poreux, il sera appliqué d'une manière totalement hétérogène dans nos territoires. Ceux qui bénéficieront d'exceptions médicales ne seront pas toujours ceux qui en ont besoin. La leçon de tout cela, c'est qu'il vaut mieux contrôler l'application d'une bonne mesure que de l'interdire et d'installer un filtre a priori qui sera encore plus injuste que les contrôles que vous pourriez mettre en place.
En conclusion, cette mesure jouera exclusivement au détriment des honnêtes familles…
… dont les enfants s'épanouissent et reviendront le moment venu dans le système scolaire supérieur, souvent avec un très bon niveau, et c'est aussi une leçon sur ce qui se passe à l'école aujourd'hui. Cela se fera au détriment d'enfants qui seraient malheureusement en souffrance dans l'école actuelle. Nous devons tous, et vous le premier, monsieur le ministre, retenir les leçons de ce quinquennat : plus tôt on corrige une erreur, plus simple elle est à corriger.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 29 .
Cet amendement vise, sans surprise, à supprimer l'article 21 qui substitue à l'obligation d'instruction une obligation de scolarisation et remet ainsi en cause le libre choix de l'instruction en famille, qui ne serait plus autorisé que dans le cas de situations particulières, sans pour autant qu'on connaisse les critères sur la base desquels seraient accordées ces autorisations, des critères qui, s'ils devaient être laissés à l'appréciation des services académiques, pourraient bien ne pas être les mêmes sur tout le territoire, comme vient de le dire notre collègue.
Cette liberté, ce droit qu'ont les parents de choisir l'instruction de leurs enfants est fondamental et ne doit pas, ne peut pas être remis en cause. L'instruction en famille permet d'apporter une réponse adaptée à des enfants qui ne pourraient pas s'épanouir pleinement dans un schéma traditionnel qui ne leur convient pas : je pense aux enfants victimes de harcèlement, à ceux souffrant de phobie scolaire, ou encore à des enfants nécessitant une attention ou une pédagogie particulière. On ne peut que partager l'objectif affiché de lutter contre les séparatismes, la radicalisation, mais vous apportez une mauvaise réponse et faites fausse route.
Prétendre répondre aux dérives de l'enseignement communautaire en proposant de remettre en cause l'instruction à domicile, un modèle éducatif alternatif qui a fait ses preuves, est une erreur manifeste.
Monsieur le ministre, le nombre de collègues signataires d'amendements de suppression sur tous ces bancs, mais aussi celui des cosignataires – j'en ai recensé plus de 170 de toutes sensibilités – , devrait vous conduire à vous interroger sur le bien-fondé de votre proposition, qui relève manifestement d'une erreur d'appréciation. Une erreur qu'il vous appartient de corriger en renonçant à cet article et en le retirant.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Les amendements identiques nos 48 de M. Emmanuel Maquet, 57 de Mme Emmanuelle Ménard, 63 de M. Fabien Di Filippo, 148 de M. Philippe Gosselin, 156 de M. Fabrice Brun, 173 de M. David Lorion, 178 de Mme Anne-Laure Blin, 261 de M. Yves Hemedinger, 289 de M. Xavier Batut, 291 de Mme Frédérique Meunier et 420 de M. Xavier Breton sont défendus.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement no 537 .
Monsieur le ministre, l'année dernière au Sénat, Jean-Marie Bockel vous interrogeait sur l'instruction à domicile et votre réponse fut très claire : « La liberté d'instruction à domicile a un fondement constitutionnel puissant. » Et vous ajoutiez : « Sur le plan juridique, je crois que nous sommes parvenus à un bon équilibre. » Vous êtes un spécialiste de droit public. Quand un spécialiste de droit public affirme que ce droit est de niveau constitutionnel et que par ailleurs vous parliez devant le Parlement non pas simplement d'équilibre mais de bon équilibre, nous pouvons considérer qu'il faudrait en rester là. La question est donc simple : qu'est-ce qui a fait qu'en l'espace de quelques mois vous avez tourné à 180 degrés par rapport à ce que vous aviez affirmé de manière très solennelle et sûre au Sénat ?
Par ailleurs, vous qui êtes spécialiste de ces questions juridiques, qu'en est-il d'une liberté mise sous tutelle, qui passera par une autorisation ? On entre dans un système où la liberté n'en est plus vraiment une. Pensez-vous sérieusement qu'en procédant de la sorte vous allez résoudre le problème ? Pensez-vous que les familles imprégnées d'islamisme radical seront arrêtées par vos mesures ? Une chose en revanche est sûre : vous allez créer des problèmes pour des familles qui ne posent strictement aucun problème.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Cédric Villani applaudit également.
Je voudrais commencer par redire mon attachement viscéral à notre école, cette école qui apporte bien plus que des savoirs, qui permet à des millions d'enfants de s'épanouir, d'acquérir des savoir-être, de vivre ensemble. Aller à l'école est une chance, une chance pour de très nombreux enfants, et je vous avoue qu'à une époque je ne comprenais pas ces parents qui d'après moi ne donnaient pas cette chance à leurs enfants. Pourtant, mon amendement vise à supprimer l'article 21, au nom justement de l'égalité des chances, celle que notre société doit offrir à chacun de nos jeunes, car malheureusement certains d'entre eux ne se retrouvent pas dans ce système et ne parviennent pas à s'y épanouir. Le plus important est l'intérêt supérieur de l'enfant. Je comprends bien sûr votre combat contre l'islamisme radical, qui est aussi le nôtre, mais je ne pense pas que cet article permette d'atteindre cet objectif. Trop de familles ayant fait ce choix, parce que c'est leur droit, parce que c'est un projet de vie, mais aussi, souvent, parce que c'est la dernière solution qui s'offre à elles pour leurs enfants, se sentent pénalisées et sont inquiètes, comme vous l'avez dit, madame la rapporteure.
Le Gouvernement évoque l'augmentation du détournement de la liberté d'instruction en famille pour créer l'école de fait. Sans nier ce phénomène, le lien entre la radicalisation et l'instruction en famille est très loin d'être partagé par les acteurs du terrain. Mes chers collègues, on apprend beaucoup à écouter les autres et je vous ai écoutés : à aucun moment vous n'êtes parvenus à me convaincre, à me prouver en quoi passer en mode de déclaration va régler le problème de celles et ceux qui ne sont pas déclarés aujourd'hui. Ils ne seront pas plus visibles demain. Pire, par votre attitude, vous êtes en train de créer le séparatisme chez les familles qui jusqu'ici respectaient la loi.
Je souhaiterais revenir sur l'argument avancé par notre collègue Francis Chouat. Si l'on se fie à ce qui se passe dans sa circonscription, il existerait un lien clair et avéré entre l'instruction en famille et la radicalisation. Toutefois, si mes renseignements sont bons, cette situation n'est pas nouvelle. Or vous occupez des responsabilités depuis longtemps dans ce territoire, monsieur Chouat. Qu'avez-vous donc fait pour lutter contre ces dérives ? Si le problème est connu, pourquoi n'avez-vous pas appliqué la loi et renforcé les contrôles dans les villes concernées ?
Mais l'on se fie à ce que l'on voit dans mon beau département de la Somme, on ne trouve aucun lien entre l'IEF et la radicalisation. C'est donc à l'échelle nationale qu'il faut mettre à jour le lien entre les deux. Selon les cellules de prévention de la radicalisation et d'accompagnement des familles, en mai 2019, 215 enfants en IEF étaient soupçonnés de radicalisation ; en juin 2020, leur nombre était de 224. Autrement dit, malgré l'augmentation importante des enfants en IEF, l'évolution est quasi nulle. Il y a donc bien absence de corrélation entre l'IEF et la radicalisation, d'où mon amendement de suppression.
M. Marc Le Fur et M. Cédric Villani applaudissent.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 887 .
Comme de nombreux collègues, j'ai déposé un amendement de suppression de l'article 21 pour répondre à M. le ministre.
Première observation, j'ai été choqué, monsieur le ministre, que vous vous étonniez de l'évolution de certains députés de la gauche. Je m'en félicite personnellement et vous devriez vous en féliciter également !
Sourires. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe LR.
Pourquoi toujours chercher à opposer les uns aux autres et à diviser ? Il faut au contraire rassembler les Français.
Deuxième observation, vous vous trompez complètement en pensant que ce texte permettra de lutter efficacement contre le fondamentalisme musulman. Quand les journalistes appellent votre ministère pour savoir combien d'enfants parmi les 62 000 concernés par l'instruction à domicile sont susceptibles d'être radicalisés, on leur donne un chiffre situé entre 2 000 et 3 000 enfants. C'est une plaisanterie ! Le fameux vademecum relatif à l'instruction dans la famille, publié en novembre 2020 par le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, expliquait : « Les cas d'enfants exposés à un risque de radicalisation et repérés à l'occasion du contrôle de l'instruction au domicile familial sont exceptionnels. »
On ne peut que s'en réjouir ! Vous ne pouvez pas justifier une disposition par quelques cas sur 62 000. Où va-t-on ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La vérité, c'est que vous ne pouvez pas répondre aux questions que l'on vous pose car vous ne savez pas. Vous avez cité un seul cas en Seine-Saint-Denis, dans deux écoles coraniques, mais sur combien d'élèves au total ? D'ailleurs, en mentionnant ces deux écoles, vous plaidez contre votre camp : vous nous avez dit que la moitié des enfants étaient déclarés en IEF, mais un contrôle annuel minimum a-t-il eu lieu ? De toute évidence, il y a là un dysfonctionnement – vous l'avez vous-même reconnu quand je vous ai interrogé sur ce sujet en commission spéciale. Vous devez renforcer les moyens de contrôle, mais cela ne nécessite aucunement de modifier la loi.
Troisième remarque, nous avons soulevé de nombreuses questions d'ordre constitutionnel au sujet de l'article et nous ne sommes pas les seuls : le Conseil d'État s'est lui-même prononcé récemment contre le projet de loi, qui porte atteinte à l'un des droits fondamentaux reconnus par les lois de la République. Or vous ne répondez jamais à ces arguments. Tout cela finira au Conseil constitutionnel, au bénéfice, je l'espère, de la liberté !
Quant à la détérioration du niveau scolaire, dont vous ne parlez jamais, les enfants instruits en famille ont-ils oui ou non un meilleur niveau que les autres ? Toutes les études montrent que oui. Les contrôles révèlent par ailleurs que les cas de radicalisation sont marginaux puisqu'ils sont estimés à 2 % des familles contrôlées – or elles ne le sont pas toutes.
Pour conclure, vous commettez aujourd'hui une lourde faute à l'égard des dizaines de milliers de familles qui ont choisi l'instruction à domicile. Que vous le vouliez ou non, le projet de loi représente pour elles une véritable agression – ouvrez les yeux ! Elles sont d'ailleurs venues nous le dire lors des auditions de la commission spéciale et elles vous l'ont dit. Que leur répondez-vous ? « Vous êtes de bons républicains, on va donc vous contrôler et exiger une autorisation préalable ! » Si le projet de loi était adopté en l'état, combien des 62 000 familles qui ont choisi l'instruction à domicile en seront empêchées par une décision négative de vos services ? Vous n'êtes même pas capable de répondre à cette question. Vous rendez-vous compte de ce que vous êtes en train de faire ?
Chers collègues de la majorité qui n'êtes pas encore éclairés, réveillez-vous !
Exclamations sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Écoutez les députés de gauche ! Certains en ont peut-être été étonnés, mais j'ai applaudi André Chassaigne lorsqu'il s'est exprimé. Écoutez les députés de la droite et du centre !
Pour ma part, je suis centriste !
Écoutez-les, sinon tout cela finira au Conseil constitutionnel qui tranchera, et je paierai une bouteille de champagne lorsqu'il rendra sa décision !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Cédric Villani applaudit également.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 909 .
Il vise également à supprimer l'article 21. Je considère que les familles qui éduquent leurs enfants à domicile n'ont pas à être les victimes expiatoires du manque de courage politique du Gouvernement dans la lutte contre le séparatisme.
Je serai bref en raison du temps législatif programmé. L'article 21 contrevient à la liberté d'instruction, notamment en famille, qui a valeur constitutionnelle. Pourquoi vous attaquez-vous à cette liberté à valeur constitutionnelle en transformant un régime de déclaration, dont le système de contrôle est efficace lorsqu'il est correctement appliqué, en un régime d'autorisation, dans lequel l'interdiction est le principe et la liberté l'exception ?
Je constate par ailleurs que, parmi les quatre motifs cités par le projet de loi pour justifier l'autorisation de déroger à l'obligation de fréquenter un établissement d'enseignement public ou privé, il en est un qui manque cruellement, auquel sont pourtant fortement attachés les parents : celui de leur conviction pédagogique et de leur liberté de choix.
Sur la forme, l'article 21 semble totalement inconstitutionnel. Sur le fond, il ne paraît absolument pas justifié, aucune étude n'ayant permis de vérifier le lien entre l'IEF et la radicalisation ou le séparatisme. Nous vous l'avons répété à maintes reprises : votre texte manque sa cible, crée des dommages collatéraux, ne réglera pas les problèmes et, qui plus est, stigmatise des familles républicaines qui n'ont rien demandé. C'est inacceptable !
Vous ne cessez de faire référence aux deux écoles coraniques clandestines qui ont été démantelées, dont quelques élèves étaient inscrits en IEF. De qui se moque-t-on pour légiférer ainsi sur une liberté constitutionnelle ? Ne pensez-vous pas qu'il aurait été plus judicieux de légiférer sur l'interdiction du voile aux fillettes ?
Dans son avis rendu le 3 décembre 2020, le Conseil d'État a déclaré que le projet de loi restreignait « la liberté des parents de choisir pour leurs enfants un mode d'instruction, en le limitant au choix entre des établissements ou écoles publics ou privés » et a estimé que si cette réforme ne paraissait pas rencontrer d'obstacle conventionnel, elle soulevait en revanche de délicates questions de conformité à la Constitution. Il convient de relever que les dispositifs de contrôle existants permettent déjà d'alerter sur d'éventuelles dérives sectaires et qu'il suffirait, pour être plus efficace dans la lutte contre ces dérives, de renforcer les contrôles, ce que l'administration ne parvient pas toujours à faire. Dès lors, il convient d'augmenter les moyens et les ressources affectés au contrôle des enfants en IEF en formant un plus grand nombre d'inspecteurs ou en développant un outil normé de contrôle.
Il est donc inopportun d'imposer des règles à tous en raison de l'attitude d'une minorité – vous avez-vous même qualifié les cas d'enfants exposés à la radicalisation « d'exceptionnels ». Les déscolarisations dont on constate effectivement la forte augmentation sont le fait de personnes radicalisées qui s'opposent aux règles de la République et non de parents qui pratiquent une éducation attentionnée à domicile et en famille. Ceux qui choisissent d'instruire leurs enfants à domicile par conviction personnelle, et non parce qu'ils s'opposent à l'école de la République, doivent pouvoir exercer ce droit en toute liberté. C'est la raison pour laquelle j'appelle l'Assemblée à supprimer l'article 21.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Cet article conduit à dessaisir les parents de leurs responsabilités et blesse les familles qui ont fait le choix de l'instruction à domicile. Le Gouvernement considère que leur choix n'est pas légitime et le remet en cause comme s'il n'était pas juste. Si le nombre d'enfants en IEF augmente, cela signifie que l'école suscite le rejet, ce sur quoi il faut s'interroger. Pourquoi certaines familles fuient-elles l'école ? La raison tient sans doute à certains quartiers, mais aussi au fait que l'école n'est pas adaptée à tous les enfants. Elle a des lacunes sur lesquelles elle doit travailler : les enseignants non remplacés, les enfants ballottés de classe en classe, le niveau scolaire en baisse, la violence, le harcèlement. Oui, parfois l'école fait fuir et se heurte à des difficultés en milieu rural : lorsque l'école du village ne compte qu'une classe pour les cinq niveaux élémentaires – j'ai évoqué ce sujet lors des questions au Gouvernement – , on préfère faire l'école à la maison, à moins de mettre son enfant dans un établissement privé, quitte à faire une heure de route.
Quant aux enfants qui reçoivent l'enseignement d'un islam rigoriste, sachez qu'en 2015, les trois enfants qui ont refusé de respecter la minute de silence en hommage aux victimes de Charlie Hebdo étaient des enfants de mon école, en classe de CM1, monsieur le ministre : des enfants d'une école de la République ! Ce n'est pas parmi les enfants en IEF que vous trouverez forcément les enfants exposés à l'enseignement d'un islam rigoriste. Pour les trouver, il faut croiser les fichiers de renseignement et non punir tout le monde.
Mme Brigitte Kuster applaudit.
La parole est à Mme Aude Bono-Vandorme, pour soutenir l'amendement no 1230 .
J'ai écouté les différentes interventions qui se sont succédé depuis le début de ce débat sur l'article 21 et je reste convaincue que la solution préconisée par le Gouvernement n'est pas tout à fait celle qui convient car elle risque de faire souffrir de nombreuses personnes.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR. – M. Charles de Courson applaudit également.
Je ne cherche pas à être applaudie, j'exprime simplement mon ressenti intime.
Pourquoi, simplement pour quelques cas – vous l'avez vous-même souligné, madame la rapporteure – interdire une liberté fondamentale qui ne menace pas notre République dans sa globalité ? Les contrôles doivent sans doute, hélas, être renforcés, mais ils pourraient permettre de lutter contre l'islamisme radical. Cette lutte doit être ciblée et il faut y consacrer tous les moyens possibles, mais l'instruction à domicile ne peut en aucun cas en être la victime collatérale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l'amendement no 1286 .
Dans ce projet de loi, présenté comme un marqueur du quinquennat, le lien entre l'instruction en famille et le séparatisme est ténu. Dans le but louable de préserver les enfants du discours fondamentaliste, l'article 21 vient ébranler la liberté d'instruire en famille et l'égalité des chances devient uniformisation. Si le nombre d'enfants instruits en famille augmente, c'est davantage en raison de l'abaissement de l'instruction obligatoire à trois ans que par une volonté de séparatisme. Il y a visiblement une défiance du Gouvernement envers les familles au motif que certains enfants fréquentent des structures clandestines que vous avez d'ailleurs du mal à identifier et à dénombrer, monsieur le ministre.
Les mesures prévues à l'article 21 ne sont ni pertinentes ni adaptées. Il n'y a aucune raison de penser que l'État doit être le seul garant de l'intérêt supérieur de l'enfant, celui-là même derrière lequel s'abrite la majorité.
M. Patrick Hetzel applaudit.
Nous sommes bien placés en Alsace pour savoir que le totalitarisme peut malheureusement venir d'un État.
La responsabilité de l'éducation des enfants incombe prioritairement aux parents. Le dispositif d'autorisation est très restrictif, et tout régime autre que déclaratif va plonger les familles dans l'insécurité juridique.
Le Gouvernement a voulu faire croire à l'opinion publique qu'il a reculé sur ce sujet, mais le texte prévoit bien une interdiction de principe.
Chers collègues, n'ôtons pas aux générations actuelles et futures, sous prétexte de lutter contre la radicalisation, toute chance de développer leur créativité et de s'épanouir grâce l'instruction en famille. Ne touchons pas au premier alinéa de l'article L. 131-2 du code de l'éducation. Votons ces amendements de suppression.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Charles de Courson et M. Cédric Villani applaudissent également.
Monsieur le ministre, mon département du Vaucluse a également connu des fermetures de classes, notamment sur le plateau de Sault, isolé ; de manière générale, permettez-moi de vous le dire, les territoires ruraux souffrent de votre réforme de la carte scolaire.
Cela étant, je m'interroge sur la philosophie de l'article 21. Quelle est cette logique qui conduit à punir tout le monde parce que quelques-uns posent problème ?
C'est ce type de réflexion qui a conduit à supprimer définitivement la réserve parlementaire parce que quelques députés en abusaient,
Approbations sur plusieurs bancs du groupe LR
ou encore à abaisser la vitesse maximale autorisée à 80 kmh à cause de quelques chauffards. Et c'est ce genre de philosophie qui devrait mener, si nous vous écoutions, à mettre toute la police sous contrôle parce qu'il y a des policiers indélicats, ou bien à limiter la liberté de culte à cause de quelques mosquées salafistes. Quelle est donc cette philosophie…
Au contraire, il s'agit à mon sens d'une logique pernicieuse qui conduit insidieusement à rogner les libertés et à prendre tout le monde de front plutôt que de s'attaquer à ceux qui sont en train de saper les fondements de notre République. Voilà le sujet dont nous devrions débattre aujourd'hui ! Or vous n'avez pas donné la preuve, monsieur le ministre – et c'est un euphémisme – que ceux qui ont recours à l'IE constituent un danger pour la République.
D'ailleurs, quelle est cette liberté réglementée que vous proposez ? Une liberté sous autorisation préalable ?
Faut-il une autorisation pour exercer sa liberté d'expression ? En faut-il une pour la liberté de vote, la liberté de culte, la liberté d'aller et de venir ? Quelle est cette sous-liberté que vous voulez promouvoir et qui doit, pour être exercée, recueillir au préalable l'assentiment de l'État ? Vous n'avez pas été fichus de détecter a posteriori ceux qui ont recours à l'IEF à des fins d'endoctrinement islamiste. Et vous voulez nous faire croire que vous pourrez désormais les contrôler a priori ? Mais enfin !
Revenons à la réalité. Revenons à Victorien, qui a des problèmes de phobie scolaire et dont les parents sont venus me voir en m'expliquant qu'ils avaient choisi pour lui une instruction hors du cadre scolaire pour lui permettre de se développer ; …
… à Anaïs, qui a des problèmes de langage ; à Hugo, que la profession des parents empêche d'être scolarisé dans un cadre normal. Voilà le vrai visage de l'IEF et voilà ceux qui souffriront à l'avenir si nous adoptons votre article 21.
M. Marc Le Fur applaudit.
Malheureusement, l'école de la République peut, elle aussi, servir d'incubateur à l'islamisme ; …
… attaquez-vous aux vrais responsables plutôt que de chercher des boucs émissaires !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous ne cessons de vous le dire : supprimer l'instruction en famille est une restriction de liberté sans fondements objectifs, inconstitutionnelle et contraire aux droits fondamentaux.
Liberticide et inefficace, l'article 21 n'a absolument pas sa place dans une loi confortant le respect des principes de la République.
Ne faisons pas de l'exceptionnel la règle, monsieur le ministre : l'amalgame entre instruction en famille et radicalisme est totalement infondé. Traitons plutôt le problème à la source : ayez le courage de travailler, avec le ministre de l'intérieur, à des propositions concrètes et efficaces contre la radicalisation. Laissons l'instruction en famille hors de tout cela et supprimons l'article 21.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre, un tel texte produit un fâcheux mélange des genres ; il n'est pas du tout approprié à la lutte contre le séparatisme et nous vous demandons de vous y prendre autrement. Nous vous demandons de respecter le libre choix des parents concernant l'instruction de leurs enfants, de renforcer les contrôles et d'améliorer la formation de ceux qui contrôlent, de lutter contre le séparatisme en favorisant la mixité sociale – ce que vous êtes loin de faire depuis quatre ans – et surtout d'apporter de la sérénité à des familles vivant des situations atypiques et déjà bien éprouvées par les difficultés.
Pour ma part, en demandant la suppression de l'article 21, je n'ai pas le sentiment de tourner le dos aux valeurs de mon parti ni de trahir mon attachement à l'école publique.
Par cet amendement, j'exprime mon opposition à l'institution d'un régime d'autorisation préalable pour les parents souhaitant instruire leur enfant en famille.
Défenseur de l'école publique et de la scolarisation dès l'âge de trois ans, je refuse pourtant de souscrire à l'idée selon laquelle l'instruction en famille constituerait le terreau du séparatisme. Si des cas de radicalisation sont signalés, il faut renforcer les contrôles, lesquels sont aujourd'hui trop peu nombreux dans certaines parties de notre territoire.
Je déplore par ailleurs la fragilité juridique du dispositif, en particulier s'agissant du quatrième motif permettant d'autoriser l'instruction en famille. La rédaction proposée est trop imprécise et subjective ; elle laisse la porte ouverte à des appréciations potentiellement arbitraires et discriminatoires.
Telles sont les raisons pour lesquelles je demande la suppression de cet article. Cela fait-il de moi un mauvais républicain et un mauvais communiste ?
Exclamations sur divers bancs.
Sourires.
Sourires.
Ce n'était pas le cas jusqu'à présent lorsque je me prononçais en faveur de l'instruction à la maison. Ma réflexion m'a conduit à demander, et c'est mon droit, la suppression de l'article. Pensez-en ce que vous voulez, mais je laisse à mon parti le soin d'apprécier ou non ma position.
Par ailleurs, la République s'arrête-t-elle à la porte de l'école ? Elle est porteuse de nombreuses valeurs, notamment le respect et la dignité de chaque être humain, le travail pour tous, l'égalité des chances et la santé. Les différents projets ou propositions de loi que vous faites respectent-ils ces valeurs ? Par exemple, répondez-vous aux problèmes qui se posent dans le domaine de la santé, …
Je regrette, mais c'est aussi cela, la République ! Vous avez votre appréciation ; quant à moi, je ne me permets pas de vous juger en distinguant les bons des mauvais. Je suis comme je suis et je resterai ainsi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. Cédric Villani applaudit également.
Ce matin, monsieur le ministre, vous avez repoussé un amendement d'Agnès Thill visant à donner à la section 1 du chapitre V le titre qu'elle mériterait, de façon à traduire votre volonté de restreindre la liberté de choix de l'enseignement. Eh oui ! Par définition, substituer à un régime de déclaration un régime d'autorisation, c'est réduire les possibilités de choix. Mais vous n'avez pas souhaité l'assumer et je trouve cela curieux.
Ainsi, non contents de ne pas pouvoir apporter la preuve que les dispositions de l'article 21 permettraient de mieux lutter contre l'islamisme – nous y reviendrons – , vous n'assumez pas le fait qu'elles reviennent à restreindre une liberté. Il est vrai que même en déployant des trésors de jésuitisme, vous auriez bien du mal à défendre l'idée selon laquelle pour exercer une activité, une déclaration est moins permissive qu'une demande d'autorisation.
En réalité, ce qui nous gêne, c'est qu'au fond, monsieur le ministre, vous considérez que l'État est le seul à savoir ce qui est bon pour un enfant, le seul à pouvoir assurer son instruction. C'est ce qui ressort de votre audition en commission, et ce qui vous rapproche de la position de Mme la rapporteure et même de celle de M. Corbière : vous pensez que seul l'État dispose des lumières suffisantes pour amener un enfant à l'âge adulte et en faire un bon républicain – un raisonnement assez étonnant de la part de quelqu'un qui se veut libéral !
Je suppose que cette conviction, que je respecte, précédait le discours prononcé par le Président de la République aux Mureaux dont elle a finalement tiré profit. Pour faire un coup de com' et démontrer une volonté politique forte, ce dernier est allé jusqu'à affirmer vouloir interdire l'instruction en famille. Heureusement, le Conseil d'État vous a arrêtés dans cet élan ; mais depuis, vous essayez de masquer cette volonté par des arguments qui ne convainquent personne. Par exemple, vous nous dites qu'un régime de déclaration n'est pas suffisant pour empêcher les dérives. Certes, ces dérives existent, mais vous êtes incapables de les quantifier. Elles sont de toute façon bien moins nombreuses et progressent moins rapidement que vous ne le prétendez.
Finalement, vous avez choisi d'inverser la logique de la liberté, ce qui me pose un problème philosophique. Il me semble pourtant qu'une liberté implique l'autorisation de faire ce que l'on veut sans même avoir besoin de le déclarer. C'est pour éviter l'abus de droit – en l'espèce, le fait de ne pas instruire son enfant, de ne pas lui permettre de se construire afin de devenir un adulte responsable – que l'on a institué un régime de déclaration permettant ensuite d'effectuer des contrôles. Lorsque l'on soupçonne que les abus sont généralisés, on opte en effet pour un régime d'autorisation – c'est d'ailleurs ce qui existe dans de nombreux pans du droit français. Mais dans le cas qui nous intéresse, soumettre à autorisation l'exercice d'une liberté, c'est partir du principe que la majorité des Français qui la revendiquent sont enclins à en abuser et à la dénaturer.
Je ne comprends donc pas ce choix s'agissant de l'enseignement en famille dans la mesure où, comme vos auditions et celles des représentants des parents l'ont fait apparaître clairement, l'augmentation – légère – du nombre de cas inquiétants s'explique par l'insuffisance de contrôles. La rapporteure a ainsi déploré qu'ils ne soient souvent réalisés que trois, voire six mois après la déclaration. Mais il ne tient qu'à vous de les organiser de manière plus précoce et plus régulière, …
… pour détecter les cas dans lesquels l'abus de droit finit par nuire à l'enfant.
Mais non : au lieu d'améliorer les contrôles, vous voulez délivrer des autorisations. Sur quels critères vous fonderez-vous, monsieur le ministre ?
Le nom de la famille ? Son niveau d'éducation ? Son niveau socio-économique ? Son lieu de résidence ? Qu'est-ce qui permettra à votre administration de déterminer si une famille qui dépose pour la première fois une demande d'instruction en famille est capable d'éduquer son enfant à la maison ?
En réalité, vous optez pour une discrimination a priori plutôt qu'un contrôle objectif a posteriori – ce qui, en soi, est déjà une source d'inégalité. Vous n'avez pas proposé le moindre critère d'évaluation, monsieur le ministre. Il ne s'agit pas d'évaluer une volonté, des objectifs, un projet pédagogique, mais une capacité – que vous ne pourrez constater qu'a posteriori. Pour des raisons idéologiques, parce que vous pensez que l'État doit élever les enfants, vous avez décidé de porter un jugement a priori, ne reposant sur aucun critère objectif.
Venons-en aux statistiques. Le chiffre de 62 000 enfants – que vous avancez et qui a été repris par certains collègues – est faux. Du reste, ce n'est pas celui que vous donniez il y a quelques mois. Il est vrai qu'entre-temps, pour faire bonne mesure, justifier votre démarche idéologique et faire peur, vous avez incorporé les élèves qui suivent les cours dispensés – depuis des décennies ! – par le Centre national d'enseignement à distance, le CNED. Parmi les ennemis de la République, en a-t-on trouvé beaucoup de gens qui avaient bénéficié de cet enseignement ?
Rires sur les bancs du groupe UDI-I.
Même l'un des parlementaires zélés de la majorité vous a fait observer, ce matin, que l'on devrait au moins dispenser ces familles-là de demande d'autorisation : l'enseignement du CNED étant par nature contrôlé, il est possible de repérer d'éventuels dysfonctionnements.
Le plus beau, c'est que vous justifiez votre démarche en prenant le prétexte de quelques cas problématiques trouvés dans des écoles hors contrat, donc mal surveillées, qui n'ont pas d'autorisation à demander et peuvent ouvrir sur simple déclaration. La République accorderait ainsi davantage de confiance à une école hors contrat qu'à une famille pratiquant l'instruction en famille : la première pourra toujours se contenter d'une déclaration tandis que la seconde devra désormais demander une autorisation. Pour quelques exceptions – sanctionnées à juste titre par la fermeture de l'établissement et le retour des enfants dans les écoles de la République – , vous voulez mettre un terme à l'instruction en famille. Cela n'a pas de sens. Il vaudrait mieux surveiller davantage les écoles hors contrat que les quelques dizaines de cas d'instruction en famille.
Vous vous prenez même les pieds dans le tapis en matière de liberté d'enseignement. Vous nous avez dit que la liberté d'enseignement à domicile n'était pas « une liberté essentielle » – le Conseil constitutionnel en jugera… C'est ce que vous avez dit en commission, monsieur le ministre.
Il sera très facile de retrouver vos propos.
Vous reconnaîtrez néanmoins que cette liberté doit pouvoir s'exercer. Or, alors que 30 000 familles souhaitent scolariser leurs enfants dans une école privée, vous refusez toute ouverture de poste. Elles n'avaient déjà plus le choix de scolariser leurs enfants dans une école privée, et vous leur refusez désormais l'enseignement à la maison. Si vous voulez refuser à des gens d'élever leurs enfants à la maison, il faut au moins que vous leur garantissiez le droit de les scolariser dans une école privée. Sinon, cela veut dire que vous avez décidé de leur imposer l'école publique.
Il se trouve que dans certains territoires de la République, des parents peuvent légitimement considérer que l'école publique présente des insuffisances en termes d'exigences, de sécurité et de rythme d'adaptation. Vous leur dites : nous allons améliorer l'école publique et, en attendant, sacrifiez vos enfants. Comprenez qu'ils ne soient pas prêts à accepter ce genre de raisonnement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.
Sur cent personnes, Staline préférait enfermer quatre-vingt-dix-neuf innocents que laisser courir un coupable. À l'inverse, la démocratie considère en général qu'il vaut mieux laisser courir un coupable que d'enfermer quatre-vingt-dix-neuf innocents. Je crains que vous ne vous inspiriez du premier raisonnement vis-à-vis des, non pas 62 000, mais plus vraisemblablement 40 000 enfants concernés par votre projet de loi : pour faire un simple exercice de communication, vous préférez martyriser des familles qui n'ont jamais posé de problème à la République et ignorer qu'aucun des terroristes qui ont frappé la France n'est passé par l'instruction en famille.
Il n'y en a aucun, et vous le savez ! Cette stratégie est d'autant plus regrettable qu'elle ne permet pas d'agir efficacement à l'égard des familles qui posent des difficultés, alors que ce serait nécessaire.
En définitive, monsieur le ministre, il eut été beaucoup plus raisonnable – sinon rentable en termes de communication politique – d'améliorer les contrôles de l'instruction en famille, une fois la déclaration effectuée. Il faudrait que la municipalité puisse s'assurer précocement de la possibilité matérielle de conduire cette instruction. Il faudrait que l'inspecteur de l'éducation nationale se rende dans les familles très régulièrement – et pas au bout de trois ou six mois – et qu'il n'en rate pas un certain nombre. Il faudrait qu'en cas de doute, de difficulté ou de motif d'inquiétude, les contrôles soient beaucoup plus fréquents.
Celles et ceux qui pratiquent l'instruction en famille sans poser de difficulté à la République, à leurs enfants ou à l'intérêt général doivent être contrôlés régulièrement, mais pas être l'objet de harcèlement ni même soumis à un régime arbitraire d'autorisation dont vous êtes incapables de définir les contours, les critères et les raisons.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur de nombreux bancs du groupe LR. – Mme Christine Pires Beaune applaudit également.
La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l'amendement no 2545 .
Sur les bancs des oppositions et certains bancs de la majorité, nous nous sommes attachés à démontrer qu'en défendant la liberté, nous ne faisions en aucun cas preuve de défiance vis-à-vis de l'éducation nationale et des enseignants. Nous nous sommes attachés à démontrer que tous les enfants n'étaient pas faits pour entrer dans le même moule, celui de l'éducation nationale. Cependant, vous vous entêtez.
En outre, je ne vois pas du tout en quoi cet article renforce le respect des principes de la République alors que, bien au contraire, il porte atteinte à l'un d'entre eux : la liberté de l'enseignement.
La lutte contre un phénomène pour le moins marginal vous conduit à priver les Français d'une liberté fondamentale. La même logique vous a poussé, à l'article 13 concernant la réserve successorale, à bouleverser toutes les règles des successions internationales pour lutter contre un phénomène très marginal.
À l'ère macronienne, on retrouve la même méthode pour la plupart des projets de loi : vous vous attaquez à quelques symboles – j'allais dire à quelques totems de notre droit positif – afin de masquer la faiblesse de textes qui ne font qu'enfoncer les portes ouvertes par la jurisprudence.
Enfin, monsieur le ministre, je trouve particulièrement désagréable que vous donniez des leçons de politique tous azimuts à tous les bancs de l'opposition.
Vous n'êtes plus directeur d'une administration centrale où tout le monde doit exécuter les ordres que vous édictez.
Vous êtes devenu un responsable politique – un élu, allais-je dire, mais ce n'est même pas le cas. Or un responsable politique fonctionne avec la démocratie.
Souffrez qu'en démocratie, il y ait une opposition qui pense différemment de vous.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.
L'amendement no 2598 de Mme Michèle Tabarot est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur tous ces amendements de suppression ?
Nombre d'orateurs ont évoqué la constitutionnalité et la liberté d'enseignement à l'appui de leur demande de suppression de l'article 21. Pour ma part, je pense que le dispositif retenu est juridiquement solide, tant au regard du droit français que du droit international.
Le droit des parents à recourir à une instruction des enfants au sein de la famille est-il une composante essentielle ou seulement une modalité secondaire de notre socle constitutionnel ? Le Conseil constitutionnel ne s'est jamais prononcé sur cette question.
À ce jour, les seules composantes reconnues comme essentielles de la liberté de l'enseignement sont les suivantes : l'existence de l'enseignement privé ; le respect du caractère propre des établissements privés ; l'octroi de financements publics à ces mêmes établissements scolaires.
En 2006, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé que ni l'article 2 du protocole additionnel no 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les articles 28 et 29 de la Convention relative aux droits de l'enfant ne s'opposent à ce qu'un État partie impose la scolarisation, ceci relevant de sa marge d'appréciation. En 2019, la Cour européenne des droits de l'homme est même allée plus loin dans un jugement concernant des parents qui refusaient d'obtempérer à une obligation de scolarisation.
En Europe, d'autres États interdisent ou restreignent l'instruction en famille beaucoup plus fortement que ce que nous proposons de faire, sans que cela n'ait posé de difficultés vis-à-vis de l'Union européenne ou de la Cour européenne des droits de l'homme.
En France, la liberté d'enseignement est une liberté de choix entre l'école publique, l'école privée sous contrat, l'école privée sans contrat ou l'instruction en famille. Permettez-moi de vous dire qu'il existe des contraintes pour tous ces types d'instruction. Vous ne pouvez pas scolariser votre enfant dans n'importe quelle école publique, par exemple, car il existe des périmètres scolaires auxquels l'on ne peut se soustraire que sur dérogation.
Quant au droit des parents, je comprends que l'on puisse l'invoquer. Nous travaillons en gardant à l'esprit une double exigence : garantir la liberté des parents de choisir le mode d'instruction de leur enfant ; protéger l'enfant en s'assurant notamment qu'il bénéficie du droit fondamental à l'instruction. Si le régime d'autorisation est plus contraignant pour les parents, il est nécessaire pour s'assurer en amont que ce choix d'instruction est bien dans l'intérêt de l'enfant et qu'il s'appuie sur un projet cohérent et de qualité.
D'aucuns estiment que nos libertés fondamentales ne peuvent être soumises à autorisation. Il en est pourtant une, la liberté d'aller et venir, qui peut dépendre de l'obtention d'un visa ou d'un permis de conduire.
J'en viens au lien entre instruction en famille et séparatisme. Même s'il est difficile à mesurer, il existe. Plusieurs contrôles…
… ont conduit à transmettre des signalements motivés par des comportements inadaptés des parents ou de l'enfant. Soulignons aussi que lors de démantèlements récents d'écoles clandestines, il a été constaté qu'un certain nombre d'enfants, …
… participant à ces écoles de fait, étaient déclarés instruits en famille, ce qui doit nous conduire à nous poser des questions. Dans votre défense du statu quo, vous oubliez des faits avérés qui révèlent le risque que courent certains enfants déscolarisés face aux dérives sectaires et à la radicalisation.
Il faut écouter la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires – MIVILUDES – ,…
… le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation – CIPDR – , vos maires – ceux qui réalisent des contrôles – ou encore votre directeur académique des services de l'éducation nationale – DASEN – pour avoir des informations à ce sujet.
Enfin, il faut savoir que la déscolarisation d'un enfant est l'un des indices dont le faisceau conduit à donner l'alerte, car il est avéré que certains enfants déscolarisés sont en danger de radicalisation.
Dernier point : nous ne combattons pas que l'islamisme radical mais toute forme de séparatisme menaçant notre République. Dans l'instruction en famille, il existe aussi des cas de déscolarisation liés à une emprise sectaire, un retrait de la société, un endoctrinement ou une volonté de prodiguer une éducation exclusivement religieuse.
Si ces cas sont minoritaires, ils ne sauraient cependant être oubliés, surtout à un moment où l'instruction en famille progresse. À cet égard, je voudrais revenir sur les données dont nous disposons. Ce n'est pas parce qu'elles ne correspondent pas à ce que vous souhaitez qu'elles n'existent pas.
Depuis plusieurs années, nous constatons une très forte augmentation du nombre d'enfants instruits dans la famille pour des raisons diverses qui ne tiennent pas toutes à l'obligation de scolarisation à trois ans.
Exclamations sur les bancs des groupes LR et UDI-I.
En 2020, sur les 45 661 enfants hors CNED réglementé, il y avait 17 009 enfants de trois à cinq ans et 28 652 enfants de six à seize ans. En 2018, il y avait 19 008 enfants dans cette dernière catégorie, ce qui veut dire que leur nombre a augmenté de 50 % en deux ans. Cette augmentation doit nous interpeller.
Exclamations continues sur les bancs du groupe LR.
Cela me laisse le temps de reprendre mon souffle, madame la présidente.
Sourires.
Je voulais revenir sur quelques autres arguments. Ainsi, on avance que les familles qui ne se déclarent pas aujourd'hui ne le feront pas plus demain. Chers collègues, en tant que députés, nous légiférons chaque semaine, et pourtant certains individus, nous le savons, ne respectent pas la loi. Votre raisonnement reviendrait à dire que comme certains se permettent de griller les feux rouges, il ne faudrait plus en installer. Je pense, quant à moi, que les feux rouges sont nécessaires, pour la même raison : garantir la protection de chacun par l'instauration de règles collectives.
Vous ne souhaitez pas l'autorisation préalable à l'instruction en famille et vous proposez, dans vos amendements, des solutions alternatives : instruction en famille faite sans délai, déclaration renforcée, déclaration motivée, déclaration avec droit d'opposition, déclaration semestrielle, demande d'autorisation valant autorisation provisoire, demande d'autorisation avec contrôle dans les trois à six mois, autorisation donnée par le maire, vérification du non-enseignement religieux, enquête de mairie tous les trois mois, contrôle pédagogique tous les trois mois, contrôle de la capacité de l'insertion dans la vie sociale de l'enfant, contrôle pédagogique spécifique à chaque fin de cycle, passage d'un à deux contrôles pédagogiques annuels, visites impromptues et trimestrielles du maire… L'autorisation administrative créée à l'article 21 sera toujours suivie des contrôles pédagogiques effectués par l'éducation nationale et de ceux que le maire réalise tous les deux ans. Travaillons sur l'autorisation préalable, améliorons-la : elle permettra de vérifier que les conditions minimales sont réunies pour que les enfants qui entrent dans l'instruction en famille puissent s'y épanouir et bénéficier d'une instruction dispensée à tous les enfants de France : le socle commun de compétences, de connaissances et de culture.
Enfin, vous nous accusez de nous attaquer à l'instruction en famille sans nous occuper d'autres sujets comme l'école publique, les écoles privées ou les enfants fantômes. Pardonnez-moi, mais c'est faux : …
… nous allons légiférer sur les écoles privées, nous l'avons déjà fait sur l'école publique, nous avons traité des enfants fantômes
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM
et nous allons continuer avec l'identifiant national élève et les cellules de lutte contre la déscolarisation. Nous prévoyons de travailler sur tous ces sujets en même temps car ils ne sont pas exclusifs et que nous voulons que tous les enfants de France soient correctement instruits, quel que soit le mode d'instruction qu'ont choisi leurs parents.
Avis défavorable sur les amendements de suppression.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem ainsi que parmi plusieurs députés non inscrits.
La parole est à M. Florent Boudié, rapporteur général de la commission spéciale et rapporteur pour le chapitre Ier du titre II.
À chaque fois, deux rapporteurs s'expriment et tous deux de la majorité ! Ça commence à bien faire !
Monsieur le président Le Fur, j'ai été particulièrement choqué par vos propos il y a quelques instants.
Quel aveuglement ! Pour justifier votre volonté de ne pas réformer l'instruction en famille, de n'y rien toucher, …
… vous avez accusé l'école publique – je vous cite – d'être celle qui engendre des terroristes. C'est inacceptable ! C'est malhonnête !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
En attaquant l'école de la République, vous voulez justifier, comme vous le faites constamment, le statu quo et le conservatisme.
Les prises de parole qui se sont succédé depuis ce matin, dans le cadre des interventions sur l'article et des amendements de suppression, abondent en contradictions.
Il y a celles et ceux qui, en toute malhonnêteté intellectuelle, continuent de dire que nous chercherions, à travers l'article 21, à mettre fin à l'instruction en famille. M. le ministre et Mme la rapporteure ont rappelé la réalité : ce sont des mensonges, des fake news !
Il s'agit de remplacer un régime de déclaration par un régime d'autorisation, de concilier l'encadrement que doit assurer la République et la liberté d'enseignement.
Certains disent vouloir conserver l'instruction en famille pour les enfants qui rencontrent des difficultés de santé ou qui sont porteurs d'un handicap ; mais ce sera le cas ! Certains disent vouloir la conserver pour préserver les activités sportives de haut niveau ; ce sera le cas. Certains disent vouloir la conserver pour les enfants souffrant de phobie scolaire ou de harcèlement scolaire ; ce sera également le cas. Dans le cadre de la commission spéciale, nous avons réformé le quatrième motif, y ajoutant un élément important : il sera possible, dans l'intérêt supérieur de l'enfant – et non dans celui des parents, en raison de leurs convictions politiques, religieuses ou philosophiques – , de conserver une instruction particulière, suivant un projet éducatif que les parents devront exposer à l'autorité académique. Quoi de plus normal que de demander aux parents qui souhaitent organiser une instruction en famille de décrire le projet éducatif qui est le leur ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Ce que nous recherchons est simple : garantir la liberté de choix des parents, dans un cadre républicain, tout en garantissant le droit à l'éducation de l'enfant, dans l'intérêt de ce dernier.
Enfin, je n'ai pas l'habitude d'interpeller directement des collègues, mais je voudrais répondre à M. Julien Aubert qui demandait tout à l'heure quelle était notre philosophie d'action. Mais quelle est la vôtre, députés du groupe Les Républicains ?
Vous demandez la laïcisation de toute la société, la neutralisation de tous les espaces publics, l'interdiction, de façon générale et absolue, du port de tout signe religieux ; mais pour ce qui est du séparatisme dans le cadre de l'instruction en famille, …
Vives protestations sur les bancs du groupe LR
… il faudrait s'aveugler, s'abstenir d'agir, ne rien faire. Eh bien, nous le refusons !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Monsieur le rapporteur général – avec beaucoup de guillemets, voire un coup de surligneur à « général » – , citez-moi un terroriste qui aurait été éduqué en famille !
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Nos terroristes soit viennent de l'étranger, soit hélas ont été formés dans nos écoles publiques. C'est malheureux, mais c'est ainsi, et c'est un pur produit de l'école publique qui vous le dit. La question à se poser est la suivante : comment, dès l'école, parvenir à filtrer ce genre de menaces ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et UDI-I. – Vives exclamations et claquements de pupitre sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Je suis heureux d'intervenir après nos rapporteurs. Sans répéter ce qu'ils ont dit, je voudrais revenir sur certains points, à commencer par la dimension juridique et constitutionnelle de la mesure. D'abord, pour rétablir la vérité, car des mensonges ont été proférés – …
… comme vous l'avez demandé, je le dis en français parce que ces mensonges ont été faits en français – , il est parfaitement faux de dire que nous remettons en cause la liberté de l'enseignement, dans son principe ou dans ses modalités. Nous avons dit, de bout en bout, exactement l'inverse !
Quel est le statut et le contenu de la liberté de l'enseignement – M. Patrick Hetzel a eu la bonté de me reconnaître une compétence en la matière ? Comme Mme la rapporteure l'a rappelé, il existe une jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, en 1977, va chercher dans une loi de finances de 1930 un principe fondamental reconnu par les lois de la République, la liberté de l'enseignement, pour lui reconnaître deux dimensions : la liberté de créer une institution d'enseignement et celle, pour la famille, d'en choisir une. Ce faisant, le Conseil constitutionnel signifie-t-il que cette liberté est sans limite ? Bien sûr que non : dès qu'il l'établit, il lui fixe des frontières. C'est normal, c'est vrai pour toute liberté. Je vous donnais l'exemple de la liberté que représente le droit de propriété, mais on peut en citer bien d'autres, comme la liberté de se déplacer en voiture qui a pour limite le code de la route.
Dire que des définitions relatives à une liberté en sont une restriction est une erreur de raisonnement. Au contraire, au travers de ce que nous faisons, la liberté de l'enseignement sera plus précise, et donc davantage consacrée.
Jusqu'à présent, l'instruction en famille n'a fait l'objet d'aucune définition constitutionnelle. Quand il fera ce travail, le juge constitutionnel regardera ce qui s'est passé dès le début du débat, y compris dans les discussions des années 1880 sur l'instruction obligatoire, et constatera que l'instruction en famille était alors peu sacralisée par le législateur. Il en déduira ce qu'il voudra, mais il est évident que l'instruction en famille doit avoir un cadre. Personne, sur ces bancs, ne prétend le contraire. C'est ce cadre que nous sommes en train de préciser à la lumière des évolutions de la société. Celle-ci a changé depuis un siècle et demi, et tout particulièrement au cours des dernières décennies, marquées par l'émergence du phénomène de l'islamisme radical que vous êtes normalement supposés ne pas sous-estimer.
Certains enfants, officiellement en instruction en famille, sont en réalité ailleurs. Ce phénomène existe bel et bien, et personne ne peut le nier. Une des plus belles phrases prononcées aujourd'hui appartient à M. Michel Castellani : même si cela ne concernait qu'un seul enfant, cela devrait tous nous concerner.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
C'est évident ! Certains d'entre vous sont revenus sur les problèmes de chiffrage, mais ceux-ci s'expliquent justement par le fait que le phénomène n'est pas suffisamment encadré. Du reste, même si un seul enfant était concerné, nous devrions le protéger. Or dans certaines interventions, il m'a semblé qu'un électeur était parfois plus important qu'un enfant !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
C'est avec beaucoup de respect que nous avons entendu chacune des voix s'opposant à ce projet, dans l'hémicycle, mais aussi dans la société française. Le Gouvernement respecte les familles qui, jusqu'à présent, ont choisi l'instruction en famille, et il les a écoutées.
Beaucoup de modifications ont été apportées au texte pour tenir compte du fait que l'instruction en famille se passe correctement dans un grand nombre de cas.
Je voudrais rassurer M. Cédric Villani : oui, de nouvelles Marie Curie pourront toujours émerger grâce à ce mode d'éducation.
Le problème ne concerne pas Marie Curie, mais ces petites filles qu'on envoie dans des hangars pour être endoctrinées dès l'âge de trois ans. Est-ce là ce que l'on souhaite, monsieur Villani ?
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.
Ou bien voulez-vous nier ce problème ? Plutôt que de le nier, il faut le cibler. M. Francis Chouat a bien montré dans son intervention que c'est dans les lieux où il y a le plus d'islamisme radical que l'instruction en famille se développe le plus ; le problème est donc réel, même si certains cherchent à le nier.
Je demande à la majorité de prendre en considération le fait que le point de vue des partisans de l'instruction en famille a été pris en compte ; je demande à l'opposition, qui m'a reproché tout à l'heure de faire de l'histoire politique, d'être cohérente avec ses idées – mais la décision relève du libre arbitre de chacun.
Vous ne pouvez pas donner d'injonctions au Parlement ! Et la séparation des pouvoirs ?
Je demande à tous ceux qui nous écoutent au-delà de cet hémicycle de voir que non seulement nous confortons une liberté, celle de l'enseignement, mais nous confortons aussi la République et les droits de l'enfant.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – M. Pierre-Yves Bournazel applaudit également.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.
Depuis le début de la législature, ces discussions donnent lieu à une véritable leçon de choses mettant en lumière à la fois les contradictions de la majorité et la manière dont elle a dressé la table pour permettre à la droite de se livrer à une véritable surenchère réactionnaire,…
Exclamations sur les bancs du groupe LR
… qu'il s'agisse de la laïcité – laquelle devrait à certains moments ne s'appliquer qu'à une seule religion – ou de l'école publique qui, si j'ai bien compris certaines interventions, serait quasiment la matrice du terrorisme.
Pour notre part, nous nous parlons. Nous estimons que l'éducation et l'instruction d'un enfant se font en famille et à l'école.
En effet, l'école n'ayant jamais occupé tout l'emploi du temps d'un enfant, les familles ont inévitablement une influence.
Cela étant, nous considérons qu'il faut donner à l'enfant les moyens de s'émanciper de tout cadre communautaire et familial pour devenir un futur jeune citoyen, sa formation de citoyen aux côtés d'autres enfants lui permettant de devenir un être social.
C'est ce qui gouverne nos principes. Si cela avait été le cas pour le Gouvernement, on nous présenterait une grande réforme, qui comprendrait, en plus de la question relative à l'instruction en famille, des dispositions incitant les parents à mettre davantage leurs enfants à l'école, à commencer par la suppression des écoles hors contrat, dont on ne parle quasiment pas dans le projet de loi, l'augmentation du contrôle des écoles sous contrat et le déploiement de grands efforts pour que l'école publique redevienne réellement attractive.
Ce n'est pas le cas, parce que dans son discours du 2 octobre, Emmanuel Macron a vu dans l'instruction en famille et l'existence d'enfants non inscrits à l'école des preuves de la prétendue emprise du séparatisme islamiste sur la société.
Dès lors, la droite a évidemment beau jeu de dire que la majorité se trompe de cibles, qu'elle n'avait pas annoncé cela. Au passage, elle reprend nos arguments, et c'est assez curieux puisqu'elle nous traitait d'islamo-gauchistes quand mon collègue Corbière et moi-même nous permettions de dire qu'en Seine-Saint-Denis, on ne voyait pas autant d'écoles coraniques ni d'enfants non instruits qu'on le prétendait.
Je constate avec plaisir qu'aujourd'hui, tout à coup, la droite découvre que, finalement, ce n'est pas l'hydre présumée.
Où en sommes-nous désormais ? Comme vous vous apercevez que vous vous êtes trompés de cibles – qu'en réalité, l'instruction en famille concerne aussi d'autres religions, mais également des parents qui prônent d'autres méthodes pédagogiques ou des familles qui, pour des raisons sociologiques que j'ai tendance à réprouver, souhaitent éviter pour leurs enfants une scolarisation dans l'école publique – , vous avez entrepris d'édulcorer votre projet de loi. Vous avez commencé en introduisant un quatrième motif d'acceptation de l'instruction en famille, de portée très large, qui permettra finalement à toute famille qui le souhaite d'instruire son enfant à domicile, et vous vous apprêtez à adopter un amendement reportant à la rentrée 2024 l'entrée en vigueur des dispositions de cet article.
Le résultat, c'est une réforme très timide – c'est le moins que l'on puisse dire – , mettant en lumière vos contradictions. Pour notre part, nous estimons que nous devons garantir au moins deux contrôles par an pour vérifier les conditions dans lesquelles les enfants malheureusement placés hors du cadre scolaire – une situation que nous regrettons par ailleurs – reçoivent une instruction.
Nous avons débattu et échangé ; c'est bien normal, c'est le débat parlementaire. Si de part et d'autre certains ont fait preuve de sincérité – et je respecte profondément leurs opinions – , il y a aussi celles et ceux qui, sur certains bancs, cherchent à faire de la politique, un an avant 2022. On voit bien que certains commencent très clairement à se positionner contre tout ce que fait le Gouvernement, alors même qu'ils jugent sans doute souhaitable d'agir afin de protéger nos enfants contre certaines dérives.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
C'est une réalité : s'ils étaient eux-mêmes aux responsabilités, ils tiendraient le discours inverse !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Deuxièmement, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a été attaqué et je voudrais non pas le défendre – il sait très bien le faire lui-même – mais le soutenir. Car on ne peut que soutenir un ministre qui, comme lui, défend depuis 2017 le principe de laïcité,…
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem
… et promeut l'égalité des chances en dédoublant les classes dans les réseaux d'éducation prioritaire et en donnant plus aux enfants qui, au départ, ont moins de capital social et culturel.
De même, lorsqu'un ministre de l'éducation nationale revalorise le métier d'enseignant et continue de travailler à l'amélioration des carrières et des conditions salariales, on doit le soutenir.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Quand un ministre défend la liberté d'enseignement ainsi que la liberté de l'instruction en famille, mais qu'il souhaite établir une autorisation préalable, on doit le soutenir.
M. Julien Aubert proteste.
La République a besoin d'un ministre de l'éducation nationale qui connaisse ces fondamentaux que sont l'égalité des chances et la laïcité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Troisièmement, certains cherchent à semer la confusion en prétendant que notre volonté est d'interdire l'instruction en famille. Ce n'est pas le cas ! Les mots ont en sens. Les termes « autorisation préalable » signifient que la liberté de l'instruction en famille est non seulement confirmée mais, disons-le aux parents concernés, protégée.
Il n'existe pas de liberté qui ne soit encadrée. C'est ainsi que nous avancerons et protégerons les parents qui, jusqu'à présent, ont instruit leurs enfants en famille sans trop de difficultés.
Ce contrôle a priori procurera aussi plus d'efficacité. Que les familles qui nous écoutent soient rassurées, dès lors qu'elles respectent les éléments fondamentaux républicains de la transmission du savoir et de l'enseignement, elles ne seront pas fragilisées mais, bien au contraire, protégées. En revanche, les familles qui contournent la loi au nom d'une logique séparatiste peuvent craindre notre action. Nous allons inscrire dans la loi certains garde-fous afin de mettre fin à cette dérive très dangereuse qui sévit dans notre société. Le mal a été nommé par le ministre de l'éducation nationale : ce sont celles et ceux qui se revendiquent de l'islamisme politique radical.
J'ajoute que, lorsqu'on légifère, il faut avoir le sens de l'intérêt général. Or, comme l'a dit M. le ministre, l'intérêt général n'est pas l'addition des intérêts particuliers. Le déterminer implique d'avoir une certaine vision de la société, afin d'apporter des réponses concrètes et précises à des problèmes réels. À cet égard, que celles et ceux qui ont enterré le rapport de Jean-Pierre Obin en 2004 n'ignorent pas son livre de septembre 2020 ! Qu'ils le lisent et ils comprendront la situation de nos territoires et les phénomènes d'entrisme et de séparatisme qui s'y déroulent, fruits notamment de l'islamisme radical. Il faut nommer les choses et être lucide pour faire la loi. Nous sommes lucides en soutenant l'action du ministre de l'éducation nationale.
Mme Anne-Laure Blin proteste.
Quatrièmement, je souhaite pointer une contradiction. On ne peut à la fois vouloir supprimer cet article et déposer des amendements dans le but d'améliorer les dispositifs qu'il contient. C'est ce que certains font.
Sourires sur les bancs du groupe Agir ens. – Protestations sur les bancs des groupe LR et SOC.
Les amendements de repli, vous connaissez ?
Chers collègues, souffrez de m'écouter. Je vous ai écoutés en silence et je respecte tout à fait votre position. Je souhaite simplement exposer la mienne.
Certains collègues présenteront des amendements visant à conditionner l'autorisation d'instruire son enfant en famille à la maîtrise de la langue française par les parents. Il me semble important que nous votions un tel amendement, mais comment peut-on apporter ce type d'amélioration à l'instruction en famille si l'article est supprimé ? Je le répète, je vois ici une contradiction majeure…
… et j'appelle donc à rejeter ces amendements de suppression.
Nous avons besoin de l'article 21 pour avancer, protéger les enfants et protéger la liberté des familles qui souhaitent, en respectant les règles, instruire leur enfant en famille. Notre objectif est de sortir le séparatisme de l'instruction en famille.
Ce phénomène a beau être marginal, il existe et s'accroît. Si nous n'agissons pas aujourd'hui, il prendra de l'ampleur demain. Chacun doit donc assumer ses responsabilités devant l'histoire. Pour ma part, je ne voterai pas ces amendements visant à supprimer l'article 21, que je soutiens résolument, tout comme je soutiens le ministre de l'éducation nationale.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – M. Christophe Euzet applaudit également.
Depuis ma modeste position, je souhaite lancer un appel solennel aux membres de la majorité – ou de ses bordures – qui auraient la main qui tremble au moment d'affronter le vote par scrutin public qui vient. Je veux les rassurer, leur dire de ne pas s'inquiéter et les appeler à regarder les choses avec objectivité.
Certes, le droit à l'instruction à domicile est un droit fondamental.
Mais il en existe d'autres, à l'instar du droit à la propriété, consacré à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Si je deviens propriétaire d'un terrain, au moment où je voudrai construire la maison familiale, je serai obligé de préalablement demander un permis de construire.
Murmures sur les bancs du groupe LR.
En effet, il existe des règles en société qui font qu'on ne peut autoriser chacun à tout faire comme il l'entend. Pour vivre ensemble, il faut accepter un certain nombre de sacrifices.
C'est pourquoi instaurer une autorisation préalable à l'instruction en famille ne me semble pas représenter une révolution, mais une simple nouvelle application de quelque chose de déjà répandu dans notre droit positif.
Par ailleurs, je vous avoue être un peu gêné, car j'ai l'impression que nous perdons parfois complètement de vue l'objectif du texte. Il est question de jeunes gens – déscolarisés pour certains – insérés dans un cadre de pensée qui doit les amener à faire scission avec le modèle dans lequel nous vivons, voire à lui être hostile. On nous rétorque que nous ne pouvons donner un seul exemple attestant de ce phénomène. J'ai toutefois un souvenir historique qui me remue le coeur quand j'en parle. Il s'agit d'un discours de Gamal Abdel Nasser, prononcé en 1954 – je vous rassure, je n'y ai pas assisté, j'ai simplement vu les images. Devant un congrès, il explique en riant que les Frères musulmans s'apprêteraient à faire voiler les femmes égyptiennes, mais qu'il n'en voit aucune dans la salle avec les cheveux couverts. Plus de cinquante ans plus tard, je pense qu'il aurait abordé le sujet avec beaucoup de considération, de prudence et, certainement, d'inquiétude.
S'agissant des motifs pouvant justifier une instruction à domicile – troisième élément que je souhaitais évoquer – débattons de l'essentiel ! Qu'il s'agisse de la pratique du sport dans des conditions particulières, d'une situation de handicap ou de l'itinérance des parents, nous voyons très bien ce que ces motifs recouvrent. Le dernier cas est celui de l'existence d'une « situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif ». Si nous devons débattre, débattons de cela ! Débattons des conditions de la reconnaissance d'une situation particulière : elles sont de nature à rassurer les parents porteurs d'un projet spécifique pour leur enfant.
Enfin, selon certains, le manque d'objectivité des critères proposés exposerait les familles à un droit à géométrie variable. Dire cela, c'est tout de même faire fi de notre système juridictionnel ! Les tribunaux administratifs appartiennent à une hiérarchie, au sommet de laquelle se trouve, tout le monde le sait, le Conseil d'État. Celui-ci ne manquerait pas d'harmoniser les jurisprudences si elles devenaient contradictoires. Il s'agit donc d'un faux procès.
À ceux qui seraient éventuellement réticents à rejeter ces amendements de suppression je les invite à se rassurer et à ne pas être dupes de ce qui est en train de se passer. Vous avez, mesdames et messieurs des oppositions, monopolisé quatre ou cinq heures de débat sur cette seule question. Au fond, c'est à se demander si votre objectif n'était pas d'épuiser votre temps de parole pour masquer l'adhésion générale que vous portez au texte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Au-delà des joutes de communication politique, auxquelles se livrent tous les groupes et au cours desquelles tout le monde veut se montrer plus laïque que laïque, il convient de rappeler que nous nous adressons aussi à des familles.
Nos débats sont denses, aussi je souhaite leur formuler un message très simple : en votant cet article, nous n'interdisons pas l'instruction en famille. Il faut répéter ce message, car nous devons anticiper les commentaires qui seront faits à la suite de l'adoption de l'article. Nous n'interdisons pas l'instruction en famille.
Au contraire, par l'intermédiaire de l'autorisation préalable, nous donnons un gage de confiance aux familles faisant le choix d'un mode d'instruction différent. Nous les invitons à expliquer les raisons de ce choix en leur assurant qu'il y sera prêté attention. Notons que cela n'exclut pas les procédures de contrôle, que nous considérons tous comme indispensables. Mais, pour les familles, la première étape est bien de venir présenter leur projet.
Enfin, je l'ai entendu et cela m'a choqué, l'éducation nationale n'est pas un moule. C'est un modèle d'égalité républicaine, un métier à tisser la République. Notre obsession doit être de continuer de voir l'école publique comme un privilège, un luxe, celui de pouvoir donner une instruction à nos enfants. Et même si l'instruction en famille doit être respectée, nous ne pouvons pas accuser l'éducation nationale, comme je l'ai entendu, d'engendrer des terroristes et des malfaiteurs.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Patrick Mignola applaudit également.
Chers collègues républicains – de tous les bancs, bien sûr – , j'entends beaucoup parler de liberté, en l'espèce de liberté de l'enseignement, principe sur lequel Mme la rapporteure et M. le ministre se sont parfaitement exprimés. En revanche, j'entends assez peu parler des principes non moins républicains d'égalité et de fraternité, pourtant essentiels pour lutter contre toute forme de séparatisme et que l'école publique devrait s'efforcer de rendre effectifs. Voilà où se trouvent, selon nous, les limites objectives de cet article.
Je n'en dirai pas plus en raison du temps législatif programmé.
Je remercie les collègues qui ont expliqué clairement nos intentions auprès des familles. Toutes et tous ici, nous avons rencontré des familles qui ont fait un choix différent de celui de l'école de la République.
Elles pourront continuer de bénéficier de cette liberté, mais d'une manière encadrée, car notre intention est bien de protéger la liberté des enfants. En effet, quand nous parlons de liberté, je crois qu'il est important de parler aussi de la liberté des enfants.
Je souhaitais intervenir, parce que j'avoue être très étonnée des postures des uns et des autres.
À cet égard, l'article 21 est probablement le meilleur révélateur. Je m'étonne que la gauche ait définitivement abandonné son combat pour l'école gratuite, laïque et obligatoire. Je le regrette, parce que j'estime qu'il aurait fallu que ce combat soit partagé par tous sur nos bancs. Vous l'avez progressivement abandonné et vous le démontrerez en votant ces amendements de suppression.
En ce qui vous concerne, chers collègues de la droite de l'hémicycle, il se trouve que nous avons eu des points d'accord sur ce texte et que, contre l'avis du Gouvernement, nous avons même pu avoir des votes similaires.
Murmures sur les bancs du groupe LR.
… car vous ne pouvez plaider pour la liberté et la protection des enfants sur certains sujets et, sur d'autres, préférer l'ignorer par clientélisme électoral.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
La meilleure protection pour les enfants, c'est l'école de la République ! La meilleure réponse que l'on doit et que l'on peut apporter, c'est l'école de la République !
Exclamations continues sur les bancs du groupe LR.
Je le répète, si vous voulez lutter contre le séparatisme islamiste, vous ne pouvez le faire sur certains sujets et pas sur d'autres. Vous ne pouvez prendre une position puissante et symbolique sur certains points et oublier de prendre vos responsabilités quand on vous demande si vous croyez en l'école de la République et en la laïcité, laquelle garantit justement l'expression de nos principes républicains.
Mêmes mouvements.
Je suis heureuse que nous ayons un scrutin public sur ces amendements de suppression, car je crois qu'il nous permettra d'identifier les personnes qui font preuve d'une naïveté et d'une complaisance coupable et celles qui font de l'affichage sans assumer leurs responsabilités au moment où nous pouvons réaffirmer nos principes.
En ce qui me concerne, tout comme de nombreux collègues, je ne voterai pas ces amendements. Nous croyons en la laïcité et nous croyons en l'école !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
On a entendu, de part et d'autre, des arguments tantôt importants, tantôt plus contestables. Je ne sais pas si notre collègue Bruneel est un bon communiste ; je ne suis pas en mesure de répondre à une telle question. Quoi qu'il en soit, nous avons reçu des leçons de dialectique assez impressionnantes. Les contradictions ont été traitées avec beaucoup de brio, notamment de la part d'un côté de l'hémicycle qui ne nous y avait pas habitués. Malheureusement, à gauche, sur le plan idéologique, on assiste à un naufrage.
Sincèrement, j'ai entendu des choses merveilleuses ! J'ai entendu une défense systématique de l'école publique, un attachement, un amour. Mais j'ai aussi entendu qu'établir une autorisation préalable à l'instruction en famille reviendrait, dans certains territoires, à enlever aux familles leur seule possibilité d'échapper au sacrifice que consister l'envoi des enfants à l'école publique. Est-ce cela, notre amour de l'école publique ?
En matière de caricature, je pense avoir plutôt des leçons à prendre.
J'ai aussi entendu des choses complètement fausses. J'ai entendu qu'une société fondée sur des autorisations serait une société presque totalitaire. J'ai entendu qu'il ne fallait pas se tromper de cible et concentrer notre action sur une certaine partie de la population. Associé, lorsqu'on est à la recherche d'un ennemi intérieur, à la stigmatisation de certaines personnes, ce libertarianisme – qui ne doit pas être confondu avec le libéralisme – rappelle des choses qui se sont déroulées de l'autre côté de l'Atlantique. Aussi, tout compte fait, le parti Les Républicains apparaît de plus en plus semblable au Parti républicain américain. Il trouve dans la caricature, le déni et le mensonge la résolution de ses propres contradictions.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Notre système est satisfaisant pour de très nombreuses familles, mais vous convenez vous-mêmes, tout le monde convient qu'il arrive que des familles retirent leurs enfants de l'école de la République simplement parce qu'elles veulent sortir de la société républicaine. C'est cela, le problème que nous cherchons à résoudre !
Vives exclamations sur les mêmes bancs.
Quand un système est globalement satisfaisant mais qu'il a autant d'angles morts, et qu'il ne fonctionne pas pour certaines familles, alors oui, il faut le réformer, et c'est le sens du régime d'autorisation que propose l'article 21.
Exclamations et claquements de pupitres sur plusieurs bancs du groupe LR.
Son contenu évolue, c'est le but même du débat parlementaire : il a évolué en commission, et tout le monde s'en est réjoui ; il va continuer d'évoluer aujourd'hui, parce que nous cherchons à avoir, dans notre viseur, quelques milliers de familles.
Et vous les repérez comment, selon quels critères ? Ce sont des âneries !
Car oui, quelques milliers de familles, c'est grave ! C'est grave pour ces enfants, qui ont le droit de rester dans la République. Le système que nous allons instituer le leur permettra, sans ennuyer les autres familles au-delà de toute mesure. Voilà la réalité !
Si un enfant peut être sauvé grâce à l'IEF, bien sûr qu'il y aura droit ! Il y aura droit en cas de phobie scolaire, en cas de problème de santé, de handicap, d'éloignement… Qui remet cela en cause ? Quand vous dites que nous cherchons l'interdiction de l'IEF, ce n'est qu'un mensonge que vous proférez, une évidente contrevérité.
Nous voulons bâtir un système équilibré, qui permettra de lutter contre les séparatismes tout en laissant les familles qui sont dans les clous continuer à l'être.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Première question : s'il existe des familles qui détournent l'IEF au profit du fondamentalisme islamique, l'éducation nationale a-t-elle, en l'état actuel du droit, des moyens juridiques de les détecter ?
En effet, la réponse est oui.
Deuxième question : comment se fait-il que les contrôles des inspecteurs d'académie ne les détectent pas ? La réponse est simple, monsieur le ministre, si l'on lit le compte rendu de votre audition en commission spéciale : on ne réalise qu'environ trois quarts des contrôles annuels en moyenne – nous n'avons pas les statistiques par département, et je crains fort que dans certains d'entre eux, on soit très en dessous de ce chiffre.
Troisième question : personne, monsieur le ministre, n'a dit que l'article 21 serait contraire aux engagements internationaux de la France. Il ne l'est pas. En revanche, vous n'évoquez pas la jurisprudence du Conseil d'État de 2017, donc toute récente, d'après laquelle l'IEF est l'une des formes de la liberté de l'enseignement.
C'est une décision du Conseil d'État ! Vous me direz que ce n'est que le Conseil d'État…
S'il est exact que le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé, il faut rappeler qu'il a reconnu dès 1977 la liberté de choix des familles entre l'enseignement public et les enseignements privés, sous contrat ou hors contrat, comme un principe fondamental ! Je vois mal le Conseil constitutionnel ne pas appliquer sa propre jurisprudence en ce qui concerne l'IEF. Mais attendons.
Quatrième question : comment expliquer que vous voulez demander une autorisation préalable pour les familles qui veulent avoir recours à l'IEF, mais pas pour celles qui veulent inscrire leur enfant dans un établissement privé ? C'est complètement incohérent !
Enfin, dernière réflexion, qui me paraît la plus grave : l'article 21 divise la représentation nationale, mais au-delà, il divise l'opinion publique, très attachée à la liberté de l'enseignement…
… alors que tout le monde pourrait s'accorder sur l'objectif de lutte contre le fondamentalisme islamique. Mes chers collègues, quel triste résultat !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Je suis assez surpris par les débats qui se tiennent dans cet hémicycle depuis ce matin. Je suis surpris que certains s'étonnent, dans un texte réaffirmant les valeurs de la République, de la présence d'un article qui réaffirme la primauté de l'école de la République sur toutes les autres formes d'enseignement. Cela me paraît plutôt tout à fait logique.
Je ne suis pas surpris du positionnement de la droite, tout à fait cohérent avec son idéologie, qui n'est pas la mienne : chers collègues de droite, vous êtes favorables à ce que les familles qui en ont les moyens financiers choisissent l'éducation en famille ou les écoles privées confessionnelles ; cela correspond à votre vision de la laïcité à géométrie variable, selon la religion concernée. S'il y a un séparatisme qui ne vous pose pas le moindre problème, c'est le séparatisme social, en fonction des moyens financiers !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Et vous n'aimez la différence que quand elle n'est pas trop différente de ce que vous jugez être la norme.
Mais je suis beaucoup plus surpris du positionnement d'une partie de la gauche, qui semble avoir perdu sa boussole républicaine. Où sont les hussards noirs de la République ? Où sont les héritiers de Jean Jaurès et de Jules Ferry ? Si j'ai la chance de vous parler aujourd'hui, c'est en grande partie grâce à l'école républicaine. Issu d'un milieu modeste, comme le président Chassaigne qui a pris la parole ce matin, la classe unique, rurale, où j'ai pu côtoyer des enfants de toutes conditions et dotés de capacités d'apprentissage très différentes m'a appris la tolérance et l'entraide ; elle m'a aussi donné les mêmes chances qu'un enfant issu d'un milieu plus favorisé.
Que la gauche nous explique qu'elle ne voit pas de problème quand des familles en ayant les moyens financiers et intellectuels enlèvent leurs enfants de l'école de la République et nuisent ainsi à la mixité culturelle et sociale me sidère ! « L'école est le berceau de la République » : cette phrase n'est pas de moi, mais de Lionel Jospin dans son discours de politique général, prononcé à cette tribune en 1997. Certains d'entre vous semblent l'avoir oublié !
Bien sûr, comme vous toutes et tous, j'ai reçu des familles qui ont fait le choix de l'école en famille, pour de bonnes raisons – phobie scolaire, harcèlement. Le texte tel qu'il est écrit aujourd'hui instaure un régime d'autorisation et n'interdit nullement l'instruction en famille.
Aucun des parents que j'ai reçus ne se verra interdire l'éducation en famille, puisque tous relevaient de l'un des critères mentionnés dans le projet de loi.
Sur ce texte, j'ai eu, vous le savez, quelques positions différentes de la majorité du groupe La République en marche. Mais j'ai cheminé, pour que nous puissions tous nous retrouver sur des dispositions essentielles pour notre nation et pour notre pays. Reconnaissons collectivement le travail mené par notre excellent ministre de l'éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, et par les députés de la majorité. Il a écouté nos remontées du terrain, et nous devons nous en féliciter. Tous ensemble, nous avons amélioré ce texte ; tous ensemble, votons contre ces amendements de suppression.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'ai été enseignante en REP – réseau d'éducation prioritaire – pendant dix-sept ans et vos propos concernant les terroristes issus de l'école publique et pas de l'IEF, monsieur Le Fur, font mal. Vous créez une suspicion et des raccourcis malsains.
Je voudrais ici vous livrer un témoignage. J'ai contacté les trois inspectrices d'Asnières et de Colombes, dans ma circonscription. La première me dit : « J'ai été inspectrice à Boulogne jusqu'en juin 2019. Je visitais cinq familles en moyenne. Les enfants de ces familles pratiquaient une activité sportive ou culturelle de haut niveau. Ces familles recevaient l'agrément en très grande majorité. À Colombes, la situation est très différente. Pour l'année 2019-2020, j'ai visité douze familles ; quatre ont reçu un avis défavorable. C'était des familles issues de l'islamisme radical, pour la très grande majorité. »
Les trois inspectrices confirment que ce phénomène prend de l'ampleur. Il y a six ans, quatre familles étaient visitées ; maintenant, c'est entre douze et quinze. Cinquante ont reçu un avis défavorable. Toutes les trois confirment que ces enfants reçoivent un enseignement très pauvre, avec peu de livres, peu de sorties.
Protestations sur quelques bancs du groupe LR.
Les enfants sont pâles, issus de familles nombreuses qui vivent dans un petit espace.
Pour toutes ces raisons, et pour respecter l'intérêt supérieur de l'enfant, je voterai contre ces amendements de suppression.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
Je suis demeuré relativement silencieux jusqu'ici, mais j'entends les leçons de vertu, de République, de laïcité que l'on voudrait faire à la gauche. La charte de la laïcité ? C'est nous qui l'avons signée.
L'enseignement moral et civique ? C'est nous qui l'avons rétabli. La grande mobilisation de l'école pour les valeurs de la République ? C'est nous qui l'avons lancée. Le renforcement de la formation initiale et continue des enseignants aux valeurs de la République et à la laïcité ? C'est nous qui l'avons promue. La relance de la journée de la laïcité ? C'est encore nous.
Certains s'achètent une vertu pour pas cher, multiplient les effets de manche, se gargarisent de leurs mots sur un ton enflé qui ne trompent personne. Cette petite loi, c'est la conquête de la lune en Punto, rien de plus : nous ne vivrons pas mieux ensemble demain qu'aujourd'hui. Les manques y sont criants, notamment en ce qui concerne l'école et la mixité sociale. Nous en parlerons plus tard, et vous refuserez sans doute l'essentiel des amendements déposés sur ce sujet, y compris par des députés de vos rangs.
La seule question qui vaille, c'est celle de la protection des enfants. La mesure que vous proposez sera-t-elle efficace à cet égard ? Je vous pose deux questions, que j'ai déjà posées en commission mais qui n'ont reçu aucune réponse : peut-on contourner l'absence d'autorisation en suivant les cours délivrés par un pays étranger ?
S'il s'agit de ramener les enfants dans l'école de la République, laïque et gratuite, d'accord, mais encore faudrait-il que les écoles hors contrat soient elles aussi soumises à un régime d'autorisation. Or ce ne sera pas le cas. Comment allez-vous les ramener, ces enfants ?
La question, encore une fois, c'est celle de l'efficacité. N'aurait-il pas fallu renforcer encore les contrôles, pouvoir se rendre chez les enfants, dans les familles, voir ce qui s'y passe ? Malheureusement, comme beaucoup de vos mesures, celle-ci est partielle, insuffisante. Nous ne nous préoccupons pas moins que vous des enfants, et en particulier de ceux-là, dont nous connaissons les réalités – car le renforcement du contrôle, là aussi, c'est nous qui l'avons fait.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.
Je me demande parfois de quoi nous parlons dans cet hémicycle… Partis de l'IEF, nous en arrivons à un débat assez oiseux pour savoir qui défend, ou pas, l'école publique.
Murmures sur les bancs du groupe LaREM.
Si la question, vraiment, est celle-là, elle est très intéressante, mais allons jusqu'au bout : êtes-vous prêts à mettre sous surveillance, comme vient de le proposer Boris Vallaud, les écoles hors contrat ? Êtes-vous pour un service public, laïc et unifié ? Nous aurions là un débat magnifique ! Il a déjà eu lieu, en 1984, et il a été tranché par l'histoire – mais peut-être souhaitez-vous y revenir. Revenons-y, si c'est cela qui vous travaille !
Le problème, ici, c'est que vous voulez endosser des habits qui ne sont pas les vôtres, et que vous cherchez à habiller des atours de la laïcité une décision qui n'en relève pas ! Le sujet, vous l'avez vous-même suffisamment dit, c'est le séparatisme islamique. C'est sous cet angle qu'il faut examiner l'article 21 : …
… nous permettra-t-il de combattre l'islam radical ? Voilà le critère de jugement que nous appliquons. Si nous pensons qu'il atteindra cet objectif, alors disons bravo et votons-le ; mais vous nous dites maintenant que vous avez bien compris qu'il est impossible d'interdire l'instruction à domicile, et qu'il est nécessaire d'élargir les critères.
Le projet de loi mentionne quatre critères : les trois premiers – état de santé ou handicap, pratique intensive d'une activité sportive ou artistique, itinérance de la famille – sont assez précis ; mais regardons le quatrième, « l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif ». Il n'y a rien de plus vague ! Quelle est la famille qui ne peut pas s'en réclamer ?
Puisque tout le monde pourra être autorisé sur la base de ce critère, quel sera le critère non écrit ? Parce qu'il en faudra bien un…
… quand vous vous retrouverez devant 50 000 personnes qui diront : « L'année prochaine » – ou plutôt en 2024, désormais – « nous voudrons bénéficier du système de l'instruction à domicile. » Quel critère allez-vous utiliser ? L'origine ? La religion,
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM
réelle ou supposée ? Ce sont tous ces problèmes que vous allez soulever.
Comment allez-vous vérifier ? Puisque nous sommes tous spécialistes de l'islamisme radical depuis qu'on en a fait l'essentiel du débat politique dans notre pays, j'ai découvert, comme vous tous, ce qu'était la taqiya, c'est-à-dire l'art de la dissimulation.
Croyez-vous une seule seconde qu'une famille radicalisée dira à l'inspection : « Nous sommes une famille radicalisée, et c'est pour cette raison que nous souhaitons exclure nos enfants de l'école publique » ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I. – M. Jean-Louis Bricout applaudit également.
Aucune d'entre elles ne le fera, bien entendu, et vous vous retrouverez avec des trous dans la passoire.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Parce que vous leur aurez accordé une autorisation préalable, vous vous croirez protégés et vous ne ferez pas les efforts que vous devriez faire – qui, vous le savez très bien, portent sur le contrôle a posteriori. Cet effort-là, vous ne le faites pas,
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM
« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe LR.
Si vous voulez avancer, renforcez le contrôle a posteriori sur la base des enseignements réellement dispensés chez les parents.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Là, alors, nous serons d'accord ! Nous avons toutes et tous la volonté de vaincre l'islamisme radical parce que, toutes et tous, nous voulons en finir avec cette peste.
Voilà ce qui pourra nous mettre d'accord. Ce n'est pas la peine de faire des lois de communication. Faites des lois utiles, des lois efficaces, c'est tout ce que l'on vous demande.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et UDI-I.
J'interviens à mon tour après m'être exprimé sur le sujet de manière assez claire en commission spéciale. Je n'ai pas pris la parole dans l'hémicycle, mais je le fais ici en réaction à certains discours grandiloquents, visant à donner des leçons, qui ne sont pas les bienvenus dans un débat, par ailleurs, de plutôt bonne tenue.
D'abord, je l'ai dit et je le répète, car c'est un des fondamentaux de mon engagement politique : en ce qui me concerne, je suis non pour l'instruction obligatoire, mais pour la scolarisation obligatoire. Si certains, sur les bancs de l'hémicycle, veulent proposer une loi pour rendre l'école laïque, publique et obligatoire dans notre pays, je suis disponible pour la rédiger avec tous ceux qui voudront bien le faire.
Mais, jusqu'à présent, je constate que les politiques de l'école menées par le Gouvernement ne vont pas dans cette direction. Alors, s'il vous plaît : les effets de manche, un peu, mais il ne faut pas exagérer ! Sinon, mon bureau est ouvert pour rédiger une proposition de loi pour une école publique, laïque et obligatoire et un grand service public de l'éducation nationale.
Deuxièmement, souvent, ce qui se passe en Seine-Saint-Denis arrive, cinq ou dix ans après, dans le reste du pays ; nous sommes par certains aspects, pour le meilleur mais aussi pour le pire, des précurseurs. Or, dans mon département – je ne fais que reprendre ce qui figure dans le rapport de mes collègues M. Cornut-Gentille et M. Kokouendo – un enfant, entre la sixième et la troisième, en Seine-Saint-Denis et nulle part ailleurs en France, vit l'équivalent d'une année scolaire complète sans enseignant devant lui dans la classe, parce qu'il n'y a pas de remplaçants.
Mmes Sabine Rubin et Agnès Thill applaudissent.
Mme Sabine Rubin applaudit. – Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM
qui arrivent devant les classes sans aucune formation pour essayer de pallier cette insuffisance. Dans ma ville, depuis un an, des parents d'élèves font une chaîne tous les matins devant une école pour que les dealers n'y entrent pas
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Olivier Faure et Mme Agnès Thill applaudissent également
et il n'y a personne pour les aider parmi les pouvoirs publics, ni dans la hiérarchie de l'éducation nationale, ni dans la police. Je vous le dis comme je le vis, et avec plus de douleur que vous ne pouvez l'imaginer.
Beaucoup ont cité leur cas personnel. Je vais aussi citer le mien en parlant non comme ancien élève de l'école publique, ce que je suis, mais comme parent d'élèves de l'école publique de Saint-Denis, ce que je suis aussi : jamais, en ce qui me concerne, je n'ai fait d'évitement scolaire, jamais je n'ai sorti mes enfants de leur secteur.
Mais je constate aussi que, quand il a fallu prévoir leur entrée au collège, les trois quarts des parents d'élèves de leur classe de CM2 ont mis leurs enfants soit à l'école publique, mais ailleurs, soit à l'école privée, soit en instruction à domicile. C'est cela, aussi, la réalité de l'école en Seine-Saint-Denis !
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et FI.
L'état de l'école publique en Seine-Saint-Denis – et c'est sans doute vrai ailleurs – fait beaucoup plus pour le discrédit de l'école que les discours séparatistes.
C'est une réalité. On ne peut pas ne pas l'entendre, si l'on veut être cohérent. C'est d'ailleurs la grande critique que je fais à ce projet de loi depuis le début. Contrairement à tous ceux, à commencer par le grand Jaurès, qui nous ont expliqué que, pour que la République reste laïque, il faut qu'elle reste sociale,
Mme Sabine Rubin et M. Jean-Louis Bricout applaudissent
vous avez dissocié les deux termes. Ce projet de loi en est l'exemple parfait : il ne comporte aucun volet social, ne fait rien pour la mixité sociale, ne prévoit rien contre l'apartheid urbain, rien contre la ségrégation territoriale.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, UDI-I et FI.
C'est une loi totalement bancale, et ce caractère bancal se révèle tristement dans le débat que nous avons sur l'école à domicile.
Je me suis beaucoup renseigné auprès du préfet, du DASEN – directeur académique des services de l'éducation nationale – , des enseignants et des associations de parents d'élèves qui font l'instruction à domicile. Je tiens à mes principes et je ne serai jamais sensible aux lobbys. Mais, franchement, quelle est la situation en Seine-Saint-Denis ? 2 000 élèves suivent une instruction en famille : 1 000 d'entre eux le font avec le CNED, dont la plupart sur la base des critères retenus dans l'article 21 ; les 1 000 autres le font sur simple critère déclaratif. Ils sont soumis, tous les ans, à une inspection et, depuis la loi Gatel, aux mêmes évaluations de fin de cycle que les enfants scolarisés.
Mais le grand problème que l'on rencontre, l'endroit où se niche sans doute – sûrement, même – le séparatisme, c'est que, toujours selon le rapport Cornut-Gentille-Kokouendo, dans ce département, l'INSEE ne sait pas, à 300 000 personnes près, combien il y a d'habitants.
300 000, ce n'est pas l'épaisseur du trait : il y a 1,6 million d'habitants en Seine-Saint-Denis ! Ils ne savent pas, à 300 000 près, combien il y en a ! Tous les hauts fonctionnaires de l'éducation nationale dans le département me disent que le grand problème lié au séparatisme, ce n'est pas l'instruction en famille – je ne voterai d'ailleurs pas pour les amendements de suppression – mais tous les élèves qui sont hors radar, …
Murmures sur les bancs du groupe LaREM
… tous ceux qui sont quelque part, mais on ne sait pas où, et on ne peut pas savoir où parce qu'on ne sait même pas combien d'habitants il y a dans le département ! Le problème, c'est quand vous avez une République aussi affaiblie, des services publics aussi déficients et une école qui n'est pas au rendez-vous de la promesse républicaine.
Je le dis en tant qu'élu d'un département populaire : il n'y a pas une catégorie sociale qui mette plus d'espérance dans l'école de la République que les milieux populaires défavorisés, parce que c'est leur seule perspective, le seul moyen à leur portée pour élever leur enfant et essayer de lui tracer un chemin plus digne.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, PS, UDI-I, FI, et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem. – M. Marc Le Fur applaudit également.
Ne faites pas dire à cet article ce qu'il ne dit pas. Franchement, c'est un pet de lapin,
Murmures sur les bancs du groupe LaREM
ce n'est rien du tout ! Votre loi est bancale et votre article n'est rien du tout. Alors, ne lui faites pas dire ce qu'il ne dit pas, ne nous donnez pas de leçons et venez écrire avec nous une grande loi pour une école laïque, publique et obligatoire.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC, UDI et FI.
L'histoire politique est faite d'ambitions et, quelquefois, de renoncements.
D'ambitions, cher Olivier Faure, quand, parmi les 110 propositions qui ont conduit François Mitterrand à gagner l'élection présidentielle de 1981, il y avait le grand service publique, laïque et unifié de l'éducation nationale. Il y a eu des renoncements en 1984, mais je sais que le parti que vous présidez n'a jamais renoncé à l'ambition de l'école, notamment à celle que défendait Lionel Jospin quand il rappelait que l'école était le berceau de la République. C'est de cela dont nous parlons.
Il n'y a ici que des hommes et des femmes convaincus de l'enjeu de l'éducation. Le combat que nous devons mener dans l'éducation passe par des actes concrets, et l'on peut saluer l'engagement de toute une vie de Jean-Michel Blanquer à son service.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
On peut saluer le ministre de l'éducation nationale qui, cette année, a présenté un budget qui prévoit 2 000 emplois supplémentaires dans le premier degré ; qui prévoit la dernière phase de la mise à niveau d'une école inclusive avec la création de 4 000 nouveaux emplois d'AESH – accompagnant des élèves en situation de handicap – ; qui prévoit 400 millions d'euros de revalorisation salariale pour les enseignants ;
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM
qui prévoit que partout en France, monsieur Peu, nous réalisions ensemble l'ambition du dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP et en REP+, car nous savons combien l'école est importante, essentielle même, en particulier dans les quartiers les plus difficiles, et vous l'avez rappelé à juste titre.
Mesdames et messieurs, l'exigence que nous avons tous pour l'école est celle que nous traduisons dans l'article 24 –
Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe LR
je veux dire de l'article 21. L'article 21 n'a pas pour objectif de pénaliser les familles et leurs enfants.
Brouhaha prolongé sur les bancs du groupe LR.
Il vise à protéger l'intérêt supérieur de l'enfant et, en particulier, son droit à l'instruction. Celui-ci – je m'adresse ici aux députés Les Républicains – doit évidemment se combiner avec la garantie du respect de la liberté constitutionnelle du choix scolaire.
J'ai entendu beaucoup d'inepties aujourd'hui.
J'ai entendu dire que le contrôle serait attentatoire aux libertés. C'est un sujet dont on pourrait parler entre juristes ; c'est aussi un sujet dont on peut parler, monsieur Aubert, dans l'hémicycle. Dans quelle mesure le fait de vouloir mettre en place des contrôles pour garantir la liberté fondamentale d'apprendre serait-il attentatoire à la liberté ? Quel contresens à la fois intellectuel et politique !
M. Julien Aubert proteste. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et DEM.
C'est l'abdication même – monsieur le député, il n'est pas nécessaire de crier – de la fonction parlementaire et législative que de penser que le contrôle attenterait aux libertés fondamentales que nous devons défendre ici.
J'ai aussi entendu dire que, finalement, tout cela concernerait peu de monde. Peu de monde ! Je me tourne ici vers le député Peu car je sais le combat qu'il mène dans son département : j'ai le souvenir de cette école à Aulnay-sous-Bois que j'ai fait fermer, en tant que ministre de l'intérieur, en février 2020. Il y avait une cinquantaine d'enfants de trois à six ans, quasiment toutes des jeunes filles, que l'on obligeait à porter la burqa.
J'ai également le souvenir d'une actualité plus récente, quand Gérald Darmanin, en octobre 2020, a fait fermer une école à Bobigny, qui accueillait près de quatre-vingts enfants, pour l'essentiel des jeunes femmes. Je vous le dis : ces écoles n'étaient pas seulement hors-la-loi, elles étaient en dehors de la République.
Ce que nous devons faire, c'est nous battre à chaque instant pour que le droit fondamental d'apprendre, de s'émanciper, de se construire, ne soit pas interdit à ces jeunes gens, à ces jeunes enfants, à ces jeunes filles en particulier. Parce que c'est ce dont nous parlons : de ces moments où des parents, au nom de la liberté de choix, décident d'interdire à leur fille toute construction personnelle,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM
où ils lui interdisent l'émancipation, où ils lui interdisent d'apprendre. Sur ce combat-là, nous devrions être mobilisés tous ensemble. Même s'il n'y avait qu'une seule fille concernée par le rejet des principes républicains, nous devrions nous armer tous ensemble pour combattre ses parents, qui commettent en cela un crime contre leur propre enfant.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur quelques bancs du groupe LR.
Il nous faut tous faire preuve d'une grande prudence, au moment de toucher à une liberté fondamentale défendue par la Constitution, même si nous poursuivons tous évidemment le même objectif de lutte contre la radicalisation.
Je suis très attachée à l'école de la République. Quand j'ai commencé à recevoir des familles concernées par l'instruction en famille, j'étais plutôt réservée par rapport à ce modèle que je ne connaissais pas – malheureusement, nous jugeons trop souvent des choses à partir de ce que nous connaissons directement. Mais j'ai essayé de m'élever au-dessus de mes préjugés et de les comprendre.
Or, en écoutant les propos de la majorité sur cet article, je m'inquiète, car je vois bien que son objectif n'est pas tant de lutter contre la radicalisation de manière efficace, comme l'ont très bien indiqué MM. Faure et Vallaud, que de faire valoir la supériorité d'un modèle sur un autre.
Monsieur Castaner, c'est là exactement la teneur du début de votre propos et de celui de M. Moreau. C'est cela qui me gêne.
Si réellement ce modèle d'instruction était inférieur, il n'aurait pas fallu le rendre possible ! Et je dis cela alors même que j'éprouvais au début des réserves envers celui-ci.
Nous vous proposons de changer de méthode, pour ne pas pénaliser la grande majorité des familles honnêtes qui ont choisi l'instruction en famille, tout en satisfaisant à notre objectif commun – mieux lutter contre les pratiques d'instruction communautaire contraires aux valeurs fondamentales de notre république.
Monsieur Castaner, vous l'avez dit, vous pouvez déjà faire fermer des écoles. L'efficacité se trouve bien plutôt du côté d'un renforcement massif, volontaire et systématique des contrôles.
J'ai parlé de votre projet d'instaurer un régime d'autorisation préalable aux familles, et celles-ci m'ont indiqué très clairement la manière dont les choses se passaient actuellement.
Il serait bien plus simple d'identifier les dérives avec des contrôles massifs, systématiques, …
En effet, lors des contrôles, les enfants ne sauraient mentir sur ce qu'ils ont appris et l'apprentissage ou son absence peut être constaté facilement.
Par ailleurs, je m'inquiète des critères d'autorisation préalable, qui ne nous ont pas été indiqués : sur quels choix se fonderont-ils ? Quel risque de discrimination poseront-ils ? Il faut aussi protéger les fonctionnaires : comment justifieront-ils le refus à certaines familles, après avoir dit « oui » à d'autres ? Quels principes, quels critères invoqueront-ils ? Vous les mettez en danger, alors qu'un renforcement du dispositif actuel et des moyens supplémentaires seraient plus efficaces et les protégeraient mieux, tout en garantissant une liberté fondamentale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Charles de Courson applaudit également.
La parole est à M. François de Rugy, président de la commission spéciale, qui sera le dernier orateur avant M. le ministre.
Nous arrivons sans doute à la fin du débat sur l'instruction en famille, qui nous occupe depuis ce matin.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nous débattons du principe qui consiste à inscrire dans la loi un article sur le sujet, alors que, je le rappelle, cela ne concerne que 62 000 élèves sur les 12,5 millions scolarisés dans notre pays – du moins serons-nous d'accord sur ces chiffres.
Mêmes mouvements.
Nous avons donc consacré une grande partie de notre journée à une infime partie de la question du rapport de l'école à la République.
Gardons le sens de la mesure, alors que certains se lancent dans de grands débats sur la liberté de l'enseignement !
Chers collègues de la droite de l'hémicycle, commençons par écarter un premier débat, tout à fait légitime, où nos divergences sont fondamentales, celui du rôle de l'école dans la République.
Nous sommes un certain nombre ici à penser qu'elle joue un rôle fondamental pour transmettre les valeurs de la République, et émanciper les enfants de situations sociales ou familiales difficiles, qui les mèneraient sinon sur de mauvais chemins. Oui, nous pensons que l'école joue un rôle très important.
Mais nous avons aussi une autre conviction, qui est, elle, au fondement de l'article 21 : il revient à la République de fixer un cadre aux parents et non l'inverse.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Eh oui, nous avons sans doute là une divergence de fond.
C'est le fil rouge de notre action dans la lutte contre toutes les formes de séparatisme que nous menons avec ce projet de loi : nous restaurons et réactualisons le cadre.
Pourquoi cela concerne-t-il l'instruction en famille ? J'ai entendu certains d'entre vous dire qu'ils n'avaient jamais vu, parmi ceux qui la pratiquent, de parents concernés par une dérive sectaire, ou un intégrisme religieux – qu'il s'agisse de l'islamisme radical ou d'un autre, car il y en a d'autres – …
… qui justifie à leurs yeux de retirer les enfants de l'école.
Franchement ! Chers collègues, pensiez-vous vraiment que les parents qui suivent une logique sectaire ou celle d'un intégrisme religieux et embrigadent leurs enfants allaient venir s'en vanter auprès de vous ?
M. Jean-René Cazeneuve applaudit.
Écoutez les maires de France qui répètent depuis des années qu'un des principaux problèmes qu'ils rencontrent, en particulier dans certains quartiers, est la déscolarisation – car c'est bien de cela qu'il s'agit ici.
M. Chassaigne n'est plus là, mais je suis sûr que mon propos lui sera transmis ; j'ai été sensible moi aussi à l'intervention de Stéphane Peu tout à l'heure. Je me souviens en outre de ses mots en commission spéciale sur l'instruction en famille, dont j'ai bien compris l'orientation générale : il croit en la capacité de l'école à renforcer la République et à offrir des perspectives à tous les enfants de France, y compris et surtout dans les familles en difficulté.
Moi aussi, je pourrais vous parler de mon grand-père, qui était instituteur avant la Seconde Guerre mondiale, et de ce qu'il m'a raconté. Toute sa vie, il s'est battu avec les parents, il s'est rendu à leur domicile, pour leur expliquer qu'il ne fallait pas déscolariser leurs enfants, qu'il fallait leur faire poursuivre des études au-delà du niveau minimal d'instruction, qui était alors beaucoup plus bas qu'aujourd'hui.
Nous pouvons nous féliciter d'avoir élargi l'obligation scolaire sous la législature précédente, comme sous l'actuelle, pour lutter contre différentes formes de déscolarisation.
C'est vrai, on ne rencontre plus beaucoup de cas d'enfants déscolarisés parce que leurs parents les ont mis au travail – c'était la première raison, avant la Seconde Guerre mondiale et au lendemain de celle-ci.
Mais ces cas existent encore et je m'étonne que l'on n'en parle jamais.
Je peux vous dire qu'à Nantes, je connais le problème. Des enfants sont déscolarisés parce que leurs parents veulent les faire travailler, notamment dans la communauté rom. Et toutes les associations qui soutiennent l'intégration de cette communauté se battent avant tout pour une chose : la scolarisation, qui permet aux enfants d'accéder au savoir, à la formation, et leur offre donc des perspectives, mais constitue aussi une clé pour le travail social – il est là, le lien avec la République.
Nous avons tous ici rencontré des parents qui pratiquent l'instruction en famille – je pense vraiment qu'aucun député ne fait exception.
De ce point de vue, l'action militante de ces parents a été efficace. J'en ai donc rencontré et c'est évident : aucun de ceux qui ont fait ce choix en raison de l'état de santé de leur enfant ou de son handicap, parce que celui-ci pratiquerait un sport de haut niveau, ou encore en vue d'un projet pédagogique particulier – projet qui pourrait pourtant être discuté – , parce que l'enfant est surdoué, ou qu'il est inadapté à l'école…
En revanche – et nous assumons de le dire – , oui, certains dans ce pays détournent le système, utilisent ses failles, et c'est l'une des causes de la déscolarisation. C'est bien contre cela que nous voulons lutter et cette préoccupation s'inscrit en plein dans la lutte contre les séparatismes et la réaffirmation des principes de la République. Il faut donc voter l'article 21 et refuser sa suppression.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je suis déjà intervenu deux fois, pour exposer les principes de cet article, je ne les répéterai donc pas.
En cette période qui est, nous ne l'oublions pas, très particulière sur le plan sanitaire, nous autres Français envoyons tous les jours un message qui peut se résumer en une phrase, laquelle vaut aussi pour le débat d'aujourd'hui : l'école, c'est bon pour les enfants.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Cette parole peut sembler évidente, mais elle ne l'est pas tant que cela à l'échelle mondiale, et elle a été fondamentale dans l'histoire de notre pays.
L'école est fondatrice – beaucoup l'ont dit sur tous les bancs, et très bien ; je n'accuserai personne ici de penser le contraire. Néanmoins, cela doit être rappelé.
En ce moment même, la France envoie un message extrêmement important à un niveau international et européen : oui, …
Monsieur Di Filippo, et les deux 2 000 postes supplémentaires que nous avons créés sur l'ensemble de la France ?
… nous sauvons le fonctionnement de l'école tous les jours, malgré les difficultés considérables que nous traversons, comme les autres pays. Aujourd'hui, c'est le même message qu'il s'agit d'envoyer : l'école, c'est bon pour les enfants.
Évidemment, nous ne sommes pas aveugles et nous respectons la liberté d'enseignement, comme nous l'avons dit. Comme vient de l'indiquer le président de la commission spéciale, oui, nous sommes capables d'admettre des exceptions – elles sont inscrites dans le projet de loi.
Au travers de la représentation nationale, je veux enfin m'adresser aux familles : attention, n'écoutez pas ceux qui veulent vous faire peur inutilement en lançant des prophéties qu'ils voudraient autoréalisatrices – l'amendement no 1212 , visant à modifier le titre de la section 1 en donne un exemple.
Oui, cet article protège ceux qui enseignent bien en famille et vise ceux qui détournent ce modèle pour aller contre la République. Ce texte confortera la République et les droits de l'enfant, je l'ai dit.
Je vois bien que certains essaient d'ouvrir d'autres débats, que je n'aborderai pas maintenant. Simplement, monsieur Peu, je suis un peu étonné des positions que vous avez défendues à l'instant, car elles me semblent très différentes de celles que vous avez prises en commission spéciale – mais j'y reviendrai.
Protestations sur les bancs du groupe FI.
En tout cas, il importe aujourd'hui d'unir les républicains. Si l'on est républicain, et si l'on veut appliquer les droits de l'enfant, il faut voter contre ces amendements de suppression et donc pour l'article 21.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
M. Lagarde souhaite avoir le dernier mot et le temps législatif programmé le lui permet. Il a la parole.
Brouhaha continu et claquements de pupitre.
Je ne suis pas sûr que vos exclamations vous fassent gagner du temps – j'attendrai qu'elles se calment.
Monsieur le ministre, je n'entends pas ce que vous venez de dire autrement que comme une insulte.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Ceux qui voteraient pour vous seraient des républicains, ceux qui voteraient contre seraient des antirépublicains – ce sont des propos scandaleux de la part d'un ministre de l'éducation nationale.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LR.
Monsieur le ministre, vous avez interpellé notre collègue Peu, qui a remarquablement décrit la situation en Seine-Saint-Denis et les raisons pour lesquelles des parents ne souhaitent pas que leurs enfants fréquentent l'école publique, et préfèrent, alors qu'ils sont pauvres, sacrifier l'essentiel de leurs modestes moyens et leurs vacances afin que ceux-ci échappent à l'échec. Tout cela est malheureusement vrai, et vous ne pouvez pas enjoindre ces gens-là à déménager si l'école de la République ne leur convient pas. Certains d'entre eux voudraient bien avoir d'autres options – l'école privée ou l'enseignement à la maison – , mais vous les en empêchez.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Enfin, monsieur Castaner, fort heureusement, vous avez fermé l'école dont vous parliez, à Bobigny – il était temps d'ailleurs. J'aimerais quand même, pour éviter l'hypocrisie – non la vôtre, mais celle de l'État – qu'on précise que l'école musulmane en question se trouvait dans des locaux vendus par l'État,
Applaudissement sur plusieurs bancs du groupe LR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM
en l'occurrence par la préfecture de la Seine-Saint-Denis, à une association intégriste sous la législature précédente, cela contre l'avis des municipalités de l'époque. C'est l'ancienne direction départementale de la jeunesse et des sports qui abritait cette école. Voilà la réalité du double langage de l'État dans nos départements !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 277
Nombre de suffrages exprimés 263
Majorité absolue 132
Pour l'adoption 77
Contre 186
Les amendements identiques nos 1 , 29 , 48 , 57 , 63 , 148 , 156 , 173 , 178 , 261 , 289 , 291 , 420 , 537 , 617 , 688 , 780 , 838 , 887 , 909 , 949 , 1022 , 1048 , 1101 , 1151 , 1159 , 1211 , 1230 , 1286 , 1287 , 1332 , 1373 , 1381 , 1475 , 1598 , 1640 , 1642 , 1651 , 1657 , 1661 , 1850 , 2056 , 2067 , 2107 , 2109 , 2119 , 2416 , 2493 , 2521 , 2545 et 2598 ne sont pas adoptés.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Je suis saisie de treize amendements, nos 839 , 846 , 2059 , 421 , 538 , 834 , 10 , 1023 , 54 , 1648 , 1663 , 157 et 951 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 421 , 538 et 834 , de même que les amendements nos 1648 et 1663 sont identiques.
La parole est à M. Grégory Labille, pour soutenir les amendements nos 839 et 846 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
L'amendement no 839 a pour objet de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport évaluant le lien potentiel entre l'instruction en famille et la radicalisation des enfants qui suivent ce mode d'enseignement.
Aucun document public n'a jusqu'ici constaté une augmentation de la radicalisation qui justifierait la suppression de cette liberté. Les ministères de l'éducation nationale et de l'intérieur pourraient élaborer ce rapport, nécessaire dans le cadre de l'évaluation des politiques publiques.
L'amendement no 846 vise à affirmer que l'instruction obligatoire peut, si les parents le souhaitent, être dispensée au sein de la famille dans les conditions fixées à l'article L. 131-5 du code de l'éducation.
Si l'IEF n'est pas un foyer de radicalisation, on comprend qu'il pourrait le devenir demain. Gouverner, c'est prévoir. Donc je vous propose de conserver un système de déclaration, mais qui reposerait sur l'obligation de remplir un formulaire très précis pouvant donner lieu à un contrôle avant le début de l'instruction à domicile.
Un tel dispositif évacuerait tout problème de conformité à la Constitution, rendrait possible l'exercice d'un contrôle a priori et permettrait de conserver l'IEF telle qu'elle est.
Les amendements nos 54 de Mme Émilie Bonnivard, 1648 de Mme Isabelle Valentin, 1663 de Mme Josiane Corneloup, 157 de M. Gérard Cherpion et 951 de M. Olivier Marleix sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
J'ai lu avec attention tous les amendements, qui, en défendant des idées complémentaires ou alternatives à l'autorisation préalable, réécrivent complètement l'article 21 et suppriment cette autorisation. L'avis est donc défavorable.
Même avis que Mme la rapporteure.
Ces deux amendements visent à mettre en place une inspection au domicile des responsables de l'enfant, avant le début effectif de l'instruction à domicile, idée que nous avons développée lorsque nous avons défendu des amendements de suppression de l'article.
Il nous semble évident que le contrôle a priori sera discriminatoire, puisque vous n'avez aucun critère pour déterminer la capacité d'une famille à assurer l'instruction de leurs enfants à domicile.
Nous préférons le déploiement d'un contrôle efficace. Madame la rapporteure, vous nous avez dit en commission que le contrôle arrivait trop tard – quelqu'un a même montré qu'il était parfois inexistant. Le problème ne tient donc pas à l'autorisation préalable, dont l'octroi ne reposera sur aucune base solide, mais à la réalité du contrôle. La majorité a décidé de restreindre une liberté et de prévoir une autorisation préalable, mais seule comptera l'effectivité du contrôle, qui doit être défini de manière précise.
Les familles peuvent poser problème soit parce qu'elles ne parviennent pas à donner l'instruction nécessaire à leur enfant, qui doit donc retourner à l'école, soit parce qu'elles vivent dans le séparatisme et élèvent leur enfant contre les valeurs que nous partageons, situation qui doit, là aussi, entraîner son retour à l'école. Pour cette dernière catégorie, il est tout à fait possible que le projet pédagogique, l'accompagnement et le développement de l'enfant paraissent totalement satisfaisants.
Nous prévoyons donc un contrôle très rapide, puis, en cas de doute, une succession de contrôles, proches les uns des autres et destinés à éviter que l'enfant ne dérive s'il ne bénéficie pas de l'instruction souhaitée. Nous pensons également que les contrôles doivent être beaucoup plus souples dans les familles dont le projet pédagogique, les moyens de le mettre en oeuvre et les capacités d'accompagner l'enfant sont bons.
Notre objectif est de retrouver l'esprit de la liberté de l'éducation à domicile. Une liberté ne doit être soumise ni à des conditions ni à des autorisations, mais à des contrôles, destinés à vérifier l'absence d'abus.
L'amendement no 2476 vise à mettre en place le contrôle, sans qu'il soit besoin de restreindre cette liberté par une autorisation préalable, qui sera accordée ou refusée de manière aléatoire et infondée. L'amendement no 2477 est de repli.
Avis défavorable. Les amendements proposent de revenir au système de déclaration, avec un contrôle qui aurait lieu assez rapidement et une rescolarisation. Pour maintenir le statu quo, vous proposez de déscolariser l'enfant puis de le rescolariser à un mois de distance. De manière pragmatique, la commission a donné un avis défavorable.
Je ne sais pas si vous procédiez à des contrôles lorsque vous étiez maire, mais ceux-ci font partie du système : il n'y a pas que les contrôles pédagogiques, les contrôles de mairie aussi sont importants. Actuellement, ces derniers – vous l'avez bien dit et je l'avais rappelé en commission – arrivent trop tard : dans l'intervalle, les enfants sont déscolarisés et livrés à leurs parents, dont la capacité à les instruire n'a pu faire l'objet, point très important, d'aucune vérification.
Même avis défavorable.
À entendre Mme la rapporteure, on croirait que c'est le contrôle de mairie qui est défaillant. Je vous rassure, lorsque j'étais maire, nous effectuions des contrôles de manière systématique. Encore fallait-il que l'éducation nationale nous transmette les noms des enfants concernés ! Il y a quelques années, la liste de ces enfants n'était pas communiquée aux maires. Il faut savoir de quoi l'on parle ! Ces listes ne sont transmises aux mairies que depuis une dizaine d'années.
Il faut le dire aux Français qui nous écoutent, le maire ne contrôle que l'existence des conditions matérielles de l'instruction : en un mot, ses services vérifient qu'il n'y a pas douze personnes dans le logement et qu'il y a un coin où l'enfant peut travailler. Le maire ne peut pas contrôler autre chose, pour la simple raison qu'il n'a pas d'habilitation pédagogique. Je vous vois protester, madame la rapporteure, mais renseignez-vous !
Le maire transmet son avis à l'éducation nationale, qui vérifie que l'enfant reçoit bien une instruction. Le contrôle pourrait être plus efficace si les services de l'éducation nationale le faisaient plus tôt et voyaient la famille et le maire plus rapidement.
Je conteste votre argument selon lequel les amendements viseraient à conserver le statu quo, puisque nous voulons améliorer les contrôles que vous avez vous-même jugés insuffisants et défaillants. Par pure idéologie et en vertu du principe selon lequel l'État saurait mieux que la famille ce qu'il faut pour l'enfant, vous décidez que celui-ci est mieux à l'école que dans sa famille. Je préfère que le choix existe : certains enfants sont très bien à l'école, d'autres ne le sont pas ou le sont moins.
En Seine-Saint-Denis, il n'y a pas un seul établissement public capable d'accueillir un enfant précoce.
Mme Agnès Thill applaudit.
Mais de cela vous ne vous préoccupez pas. Le ministre disait tout à l'heure qu'une mesure se justifiait même s'il n'y avait qu'un seul enfant concerné : dans un département comme le nôtre, il y a plus d'un enfant concerné ! En général, les parents, parfois des femmes seules, sont des gens démunis qui ne savent pas quoi faire de leur enfant pour lequel l'école n'est pas adaptée. Si vous voulez donner des leçons, construisez au moins un service public à la hauteur pour accueillir ces enfants.
Mme Agnès Thill applaudit.
Je reprends la parole car vous venez de dire trop de choses fausses, monsieur le député.
Vous avez visiblement procédé à des enquêtes de mairie lorsque vous étiez maire, ce qui est bien. J'en ai également beaucoup signé lorsque j'étais adjointe au maire de Lyon chargée de l'éducation. Lorsque je signais ces enquêtes sur des familles instruisant leur enfant à domicile – c'était il y a quelque temps, avant que je ne sois députée – , j'étais confrontée à des situations qui m'interpellaient.
C'est à la suite de ces enquêtes de mairie que j'ai choisi de travailler, dès le début de mon mandat de députée, sur la déscolarisation. J'ai conduit une mission flash sur le sujet avec George Pau-Langevin, qui, députée de Paris, nourrissait la même inquiétude sur certaines situations de déscolarisation.
Les enquêtes de mairie ont un rôle : elles possèdent une dimension sociale et n'ont pas pour seul objectif d'inspecter le logement ; elles visent en effet à vérifier les conditions dans lesquelles l'enfant est instruit en famille. Elles permettent de faire des signalements d'enfants qui se trouvent hélas en danger.
Je tenais à apporter ces précisions, car vous avez dit beaucoup de choses fausses.
Dans une commune que je connais bien et que j'ai administrée, ce contrôle était effectué par un ancien de la brigade de protection des mineurs au titre du conseil pour les droits et devoirs des familles. Vous n'allez donc pas m'expliquer comment cela se passe !
La personne effectuant le contrôle peut superficiellement évaluer ce que vous appelez la situation sociale, celle du logement, …
… le comportement de l'enfant et l'ambiance familiale – qui, lors de son passage, est évidemment organisée – , mais il ne peut pas mesurer la progression de l'enfant, ce qu'il apprend et ce qu'il n'apprend pas. Il ne s'agit que d'un contrôle matériel, le contrôle pédagogique n'appartenant – fort heureusement – qu'à l'éducation nationale, que vous le vouliez ou non.
Nous sommes d'accord pour renforcer les contrôles, mais vous souhaitez une autorisation préalable arbitraire, qui ne repose sur aucun fondement, ni aucun critère.
Nous regrettons ce choix, auquel nous préférons une liberté assortie de contrôles a posteriori destinés à protéger les enfants.
Je suis saisie de six amendements, nos 404 , 523 , 782 , 2007 , 1980 et 2006 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 404 , 523 et 782 , de même que les amendements nos 1980 et 2006 sont identiques.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement no 404 , ainsi que le no 1980 si vous le voulez bien.
L'amendement no 404 vise à écrire dans le code de l'éducation cette phrase qui pourrait tous nous réunir : « Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. »
L'expression « premiers éducateurs » a évidemment une signification chronologique, mais elle énonce également la primauté des parents dans l'éducation de leurs enfants.
Nous avions déjà formulé cette proposition lors de l'examen de la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, portée par M. Vincent Peillon, qui l'avait refusée. Nous l'avions à nouveau soumise à l'occasion de l'examen de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, mais vous l'aviez également rejetée, monsieur le ministre, dans la lignée idéologique de l'un de vos prédécesseurs.
Vous êtes effectivement en désaccord avec nous, car vous pensez qu'il faut plutôt arracher les enfants à leur famille. Vincent Peillon disait d'ailleurs qu'il fallait arracher les enfants aux déterminismes, notamment familial. Nous croyons au contraire que la famille est un facteur d'épanouissement et une chance. Il peut y avoir des situations de maltraitance, mais elles sont très marginales.
L'État peut intervenir à ce moment-là, mais seulement de manière subsidiaire, parce que dans la grande majorité des cas, les familles savent fort bien ce qui est bon pour leurs enfants. Il est important que, dès le premier article du code de l'éducation, consacré au droit à l'éducation, la phrase suivante soit mentionnée : « Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. »
Je me contenterai de dire qu'il est défendu, en raison du temps législatif programmé.
Les amendements identiques nos 1980 de M. Xavier Breton et 2006 de M. Patrick Hetzel sont défendus.
Avis défavorable. L'article L. 111-2 du code de l'éducation précise que « [T]out enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l'action de sa famille, concourt à son éducation. » Le projet de loi ne va pas à l'encontre de la notion dont vous parlez, car il traite non de l'éducation, mais bien de l'instruction. Dans la majorité des cas, celle-ci doit relever de l'école ; elle relève de la famille de manière exceptionnelle, lorsque les besoins de l'enfant le justifient. C'est ce que prévoit l'article 21 du projet de loi. Il n'est donc pas nécessaire d'inclure dans le code de l'éducation cette phrase, consacrée par certains.
Avis défavorable. Monsieur Breton, je ne peux vous laisser dire que nous considérons que les parents n'ont pas un rôle fondamental dans l'éducation ; c'est faire semblant de ne pas entendre tout ce que nous avons dit et écrit. Le code civil consacre leur rôle. Par conséquent, l'amendement est au mieux superfétatoire et, au pire, désobligeant compte tenu de tout ce que nous faisons. Nous affirmons au contraire que les parents jouent un rôle essentiel.
Nous affirmons aussi le concept, qui devrait être partagé par tous, de co-éducation : les parents confient leurs enfants à l'école et ensemble – parents et école – , ils ont une responsabilité. Cet équilibre est souhaitable. Évidemment, la grande majorité des parents sont bienveillants et s'occupent bien de leurs enfants ; il faut le dire et le répéter, et reconnaître le rôle fondamental de la famille. Néanmoins, il y a des exceptions – vous l'avez vous-même reconnu – , que notre but est de traiter.
Monsieur le ministre, vous êtes cohérent : vous avez utilisé exactement les mêmes arguments lorsque vous défendiez votre loi. Le problème, c'est que nous sommes plusieurs à considérer qu'il faut aussi affirmer fortement le rôle des familles. Vous prétendez, de manière purement rhétorique, que les familles sont considérées. Chaque fois que l'on peut consacrer leur rôle dans la loi, je pense que nous rendons service. Le fait que vous balayiez cette proposition d'un revers de la main est très évocateur de la vision que vous défendez à ce sujet et que je déplore.
L'amendement no 2007 n'est pas adopté.
L'amendement no 2386 de Mme Anne-Christine Lang est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement no 2386 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
La parole est à M. Thierry Michels, pour soutenir l'amendement no 2127 .
Nous pouvons tous le constater dans nos circonscriptions, les agressions à l'encontre des enseignants et des personnels de l'éducation nationale se multiplient. Nous ne pouvons pas tolérer que des parents d'élèves s'en prennent à celles et ceux qui exercent une mission d'intérêt général et prennent soin des enfants. Si ceux-ci bénéficient de cours d'éducation civique et morale, leurs parents n'ont, eux, pas toujours accès à des ressources leur permettant de dispenser une éducation en phase avec les règles de savoir-vivre dans la société. Nous devons pallier ce manque.
Le projet de loi créé un contrat d'engagement républicain destiné aux associations ; dans la même logique, l'amendement proposé par M. Frédéric Barbier vise à créer un contrat d'engagement républicain signé par les parents d'élèves en début d'année dans tous les établissements publics et privés d'enseignement maternel, primaire et secondaire. En signant ce contrat, qui présentera avec pédagogie les principes de la République, les parents s'engageront à respecter et à promouvoir les valeurs et les règles de la société. Il s'agit notamment de préserver l'enfant et tout agent chargé de service public d'éventuels désaccords causés par des opinions d'ordre philosophique ou religieux, susceptibles de générer des actes violents. La commission de tels actes – insultes, atteinte à l'intégrité physique, etc. – envers tout agent chargé de service public relevant de l'établissement d'enseignement est un manquement manifeste du parent au respect des principes de la République.
Aux termes de cet amendement, la rupture du contrat d'engagement se traduira par l'instauration d'un parcours d'accompagnement à la citoyenneté et à la parentalité, destiné aux parents, en lien avec l'UNAF – Union nationale des associations familiales – et les associations locales spécialisées.
Par cet amendement, vous proposez que les parents d'élèves signent un contrat d'engagement républicain en début d'année scolaire, comme ils signent déjà la charte de la laïcité, diffusée par circulaire en 2013 pour enseigner, faire partager, faire respecter des principes et des valeurs.
Cette mission est confiée à l'école par la nation ; elle a été réaffirmée dans la loi de 2013. Dès lors, le contrat que vous souhaitez créer pourrait être mis en pratique de la même façon par le ministère de l'éducation nationale, mais ce n'est pas un sujet à mettre dans un projet de loi.
J'ajoute que l'amendement concerne les écoles, non l'instruction en famille. Par conséquent, je demande son retrait. À défaut, avis défavorable.
L'amendement no 2127 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
Il revient sur le rôle des parents. La rapporteure et le ministre ont répondu que les familles jouent un rôle important, voire fondamental, mais ils sont incapables de dire que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. C'est bien cette phrase-là qui doit être entendue, mais vous êtes incapables de la prononcer. Votre but est, au contraire, d'arracher au maximum les enfants à leur famille pour les soumettre à la tutelle de l'État. Aurez-vous le courage de dire que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants ?
Monsieur Breton, nous n'allons pas refaire la discussion que nous venons tout juste d'avoir. Il s'agit non de courage, mais de cohérence par rapport au code de l'éducation. Avis défavorable.
Même avis.
Les amendements identiques nos 406 de M. Xavier Breton, 525 de M. Patrick Hetzel, 785 de M. Marc Le Fur, 1599 de Mme Emmanuelle Ménard, 1650 de Mme Isabelle Valentin et 2689 de Mme Josiane Corneloup sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Il a pour objet une proposition alternative, mais je ne suis pas certain que le moment soit bien choisi pour engager ce débat.
L'amendement no 694 vise à mettre en lumière le choix des parents et le projet éducatif qu'ils forment pour leur enfant dans le cadre de l'instruction à domicile, dans le but d'établir un constat sur sa véracité et sa solidité. Pour ce faire, un contrôle pourrait intervenir dans le mois suivant la réception de la première déclaration et après examen du projet éducatif.
L'amendement no 691 vise à instaurer une inspection au domicile des responsables de l'enfant dans les mois qui suivent le début effectif de l'instruction à domicile. Cette inspection devrait également permettre d'établir un premier lien de confiance important entre la famille et l'État.
J'ai étudié tous les amendements avec attention. Monsieur Dharréville, votre amendement vise à revenir au principe de déclaration : j'y suis donc défavorable. Néanmoins, je note que vous reprenez des éléments positifs comme la vérification de la capacité des parents à assurer l'instruction en famille, le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant, la cellule de lutte contre l'évitement scolaire et le recueil de la parole de l'enfant. Je partage votre point de vue à ce sujet, bien que mon avis soit défavorable.
Je suis également défavorable aux deux amendements de Mme Descamps. Ils défendent le statu quo pour garder un dispositif vieux de plus de cent ans qui ne correspond plus à ce que nous souhaitons.
L'amendement no 1288 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1089 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1756 de Mme Catherine Osson est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je demande le retrait de l'amendement, qui a trait à la scolarisation à domicile. C'est un sujet intéressant. Je crois que vous présenterez une demande de rapport sur ce sujet après l'article 53 – je l'espère en tout cas. Si l'amendement est maintenu, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement no 1756 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
Il s'agit de combler un angle mort du projet de loi. La rédaction de l'article 21 assimile l'enseignement à distance à l'instruction en famille. Or un élève suivant un enseignement à distance est inscrit dans un établissement scolaire ; il n'est pas instruit en famille.
Pour comprendre et conforter l'esprit de la loi, l'amendement tend à créer une convention républicaine d'enseignement, signée par l'établissement d'enseignement à distance et l'éducation nationale. Il prévoit également des conditions supplémentaires d'obtention de l'agrément, ce qui permettra d'être plus conforme encore à cet esprit.
À l'heure de la numérisation, alors que la crise sanitaire nous montre tous les jours que l'enseignement à distance est fécond, qu'il rend de nécessaires services et qu'il ne cessera pas d'être un mode d'enseignement important, l'adopter irait dans le sens de l'Histoire.
La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel, pour soutenir l'amendement no 2220 .
Cet amendement, travaillé en collaboration avec la Fédération nationale de l'enseignement privé, vise à distinguer, dans la nouvelle procédure d'autorisation préalable d'instruction en famille, la situation spécifique de l'enseignement à distance, qu'il soit délivré par le CNED ou par des organismes privés.
Afin de maintenir le système de dérogation préalable pour les élèves scolarisés en établissement d'enseignement à distance, nous souhaitons instaurer un système d'agrément délivré sous conditions aux établissements privés, ce qui permettait de vérifier leur conformité avec le respect des principes républicains et les exigences d'une scolarisation encadrée et effective. La modification proposée crée une convention républicaine d'enseignement avec l'éducation nationale, signée par l'établissement d'enseignement à distance privé et par les parents des élèves qui y sont scolarisés.
Le premier signataire de ces amendements est M. Jacques Marilossian.
L'amendement no 58 tend, afin de maintenir le régime de déclaration préalable pour les élèves scolarisés dans les organismes d'enseignement à distance – EAD – , à instaurer un dispositif d'agrément, permettant de vérifier la conformité de ces établissements avec le respect des valeurs républicaines et les exigences d'une scolarisation encadrée et effective pour la voie alternative de l'EAD.
L'amendement no 59 est de repli. Il vise à créer un dispositif d'agrément des organismes d'enseignement à distance dont le siège est enregistré en France, afin de permettre à l'éducation nationale d'assurer un meilleur contrôle des ressources proposées par ceux-ci dans le cadre de l'IEF.
Ces amendements, dont je vous remercie d'avoir rappelé l'auteur, tende à modifier le code de l'éducation pour y inclure une nouvelle modalité d'instruction : à l'instruction dans des établissements et à l'instruction en famille, s'ajouterait l'instruction grâce aux organismes d'enseignement à distance. Ceux-ci n'étant pas sous contrat avec l'État ni soumis aux obligations de l'enseignement privé hors contrat, vous proposez qu'ils soient agréés par l'État. Il s'agit là d'une mission supplémentaire et importante pour le ministère de l'éducation nationale, qu'il lui revient d'endosser ou pas, afin de sécuriser le choix des ressources pédagogiques des familles pratiquant l'instruction en famille.
En proposant de rédiger différemment la première phrase de l'alinéa 3, les amendements excluent, de fait, les organismes d'enseignement à distance du dispositif de l'instruction en famille, dispensant ainsi les familles qui utilisent ces ressources d'effectuer une demande d'autorisation préalable. Dès lors, il serait difficile de s'assurer du respect des motifs autorisés pour l'instruction en famille ; de même, il ne saurait y avoir de dispense des contrôles pédagogiques, ni, surtout, des enquêtes sociales de la mairie. Je vous propose donc de retirer ces amendements ; sinon, j'émettrai un avis défavorable.
Même avis.
Non, je ne retirerai pas l'amendement no 964 , car il répond à une vraie question. De plus, vous parlez d'un agrément ou d'une demande préalables, mais on doit considérer que ces élèves sont dans un établissement scolaire, pas dans un établissement d'enseignement à distance : ils ne relèvent donc pas de l'article 21. Je préfère afficher ma position, quitte à ce que l'amendement soit sous-amendé ou rectifié par Mme la rapporteure ou par le Gouvernement.
Si l'on maintient le texte en l'état, cela signifie que le CNED sera également en position d'assurer les cours à distance. Dans les années à venir, nous aurons besoin d'un grand nombre d'établissements d'enseignement à distance, parce qu'il s'agira de l'un des vecteurs essentiels de l'enseignement aux jeunes, dont les étudiants. Pourquoi fermer la fenêtre alors qu'il faudra favoriser au maximum l'enseignement à distance ?
Les amendements nos 526 de M. Patrick Hetzel et 786 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Défavorable, puisque ces amendements portent encore sur l'enseignement à distance.
Même avis.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 2729 , 2730 , 2747 , 2749 , 2750 et 2753 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 2729 , 2730 et 2747 sont identiques, ainsi que les amendements nos 2749 , 2750 et 2753 .
Les amendements nos 2729 de M. Xavier Breton, 2730 de M. Patrick Hetzel et 2747 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Les amendements identiques nos 2749 de M. Xavier Breton, 2750 de M. Patrick Hetzel et 2753 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Les amendements ont été déposés après la réunion de la commission, qui n'a donc pas pu les examiner. Avis défavorable.
Avis défavorable.
L'amendement no 1600 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 2620 .
Cet amendement a pour objet de préciser que l'instruction en famille peut être dispensée par les parents, par l'un d'entre eux, ou par toute personne de leur choix, comme le dispose actuellement l'article L. 131-2 du code de l'éducation. Cette mention ayant été supprimée dans la nouvelle rédaction de l'article L. 131-2 proposée par le projet de loi, il est proposé de la réintroduire.
Avis favorable.
L'amendement no 2620 est adopté.
L'amendement no 271 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Gaël Le Bohec, pour soutenir l'amendement no 2461 rectifié .
Cet amendement vise, comme je l'ai dit dans mon intervention sur l'article 21, à proportionner les mesures. 150 000 enfants sont scolarisés dans des établissements hors contrat, 100 000 enfants sont en dehors des radars – pour eux, l'identification numérique est importante. En tout, il existe pour 250 000 enfants un risque non négligeable. L'objectif est d'aligner le régime de déclaration de l'IEF, qui concerne seulement 15 000 enfants, sur celui des établissements privés hors contrat.
Comment obtient-on ce chiffre de 15 000 ? En tout, 60 000 enfants relèvent de l'IEF, dont 30 000 en raison de leur état de santé ou d'un handicap, ou encore parce qu'ils pratiquent des activités sportives ou artistiques intensives. Il en reste donc 30 000, dont 50 % pour moins d'un an, si l'on en croit les chercheurs. Ce sont les 15 000 enfants restants qui nous intéressent.
Pour les déclarations de leur famille, il faut relever le niveau d'exigence à hauteur de ce qui est exigé pour les établissements privés hors contrat, où le risque de dérive me semble le plus important, afin d'obtenir un parallélisme des formes.
Sur l'amendement 2461 rectifié , je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Cet amendement a pour objet de conserver le dispositif de la déclaration préalable : il propose à cet effet une nouvelle rédaction de l'article 21 et prend exemple sur le dispositif d'ouverture d'une école privée hors contrat.
Vous le savez, nous défendons le dispositif d'une autorisation préalable. J'émets donc un avis défavorable. Il faut néanmoins prendre le temps de clarifier la comparaison avec le système de déclaration des écoles hors contrat.
Tout d'abord, la liberté d'ouvrir un établissement d'enseignement privé a été reconnue par le Conseil constitutionnel, qui l'a rappelé dans de nombreuses décisions, comme un principe fondamental de la liberté d'enseignement : c'est pour cette raison qu'elle est soumise à déclaration. Cependant, le système de déclaration d'ouverture d'une école privée a grandement évolué avec la loi Gatel du 13 avril 2018, qui a fortement encadré l'ouverture des établissements privés hors contrat. L'article 22 concernera d'ailleurs les fermetures des écoles privées hors contrat.
La loi Gatel dispose qu'à défaut d'opposition, l'établissement est ouvert à l'expiration d'un délai de trois mois : pendant ce laps de temps, il ne peut pas accueillir d'enfants, tant que l'instruction de la demande n'est pas réalisée. De ce fait, durant les trois mois pendant lesquels l'administration étudie la demande d'ouverture, l'école n'accueille aucun enfant.
Vous proposez de transposer cette disposition à l'instruction en famille, ce qui n'est pas valable, parce qu'une fois que la déclaration est faite, l'enfant est à la maison, déscolarisé, en attendant la réponse. En l'occurrence, vous proposez d'ouvrir aux institutions la faculté d'opposition, qui pourrait intervenir à tout moment.
Une telle autorisation ne serait sécurisante ni pour les familles ni pour les enfants. C'est d'ailleurs pour cette raison que je rejetterai d'autres amendements proposant d'instaurer une autorisation provisoire permettant de déscolariser l'enfant dans l'attente d'un contrôle, contrôle qui serait alors comme une épée de Damoclès et mettrait l'enfant dans une situation difficile. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.
Votre présentation est intéressante, monsieur Le Bohec. Elle offre l'occasion de faire une mise au point. Je prolongerai l'intervention de Mme la rapporteure en comparant le fonctionnement de l'IEF et celui des établissements hors contrat.
Tout d'abord, contrairement à ce que certains ont pu prétendre aujourd'hui, le Gouvernement n'est pas focalisé sur l'instruction en famille. L'article suivant concernera les écoles hors contrat. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, au début de ce quinquennat, et depuis des décennies, il était plus facile d'ouvrir une école que d'ouvrir un bar : à la fin du quinquennat, ce sera plus difficile.
Nous le devons à la loi Gatel, qui m'a permis, lors des deux dernières rentrées scolaires, d'empêcher l'ouverture de certains établissements, ce que l'absence de support juridique n'aurait pas permis autrefois. En revanche, la loi Gatel est insuffisante pour que nous soyons efficaces en matière de fermeture.
Oui, nous voyons bien le problème des écoles hors contrat qui ne respectent pas les valeurs de la République. Et, oui, nous voulons traiter cela, de même que d'autres sujets qui ont été évoqués. Encore une fois, nous avons une vision complète, car tout enfant présent sur le sol de la République a le droit d'aller à l'école, et c'est notre devoir de le rendre possible. Nous le faisons, sous différents angles, comme on le verra d'ailleurs avec d'autres dispositifs. L'instruction en famille n'est donc pas le seul sujet.
Quant au parallélisme entre instruction en famille et école hors contrat, la rapporteure vient de le dire : la présence d'un régime de déclaration pour les établissements privés hors contrat ne rend pas la création d'une école plus facile que l'instruction en famille. En effet, les dossiers que nous demandons, comme le type de contrôle que nous effectuons, demandent, et c'est bien normal, beaucoup plus de travail et beaucoup plus de preuves, quand il s'agit d'ouvrir une école hors contrat que quand on se contente d'inscrire un enfant en IEF. Les mots ne doivent donc pas nous égarer. Vous en conviendrez sans doute. Comme la rapporteure, je vous demande de retirer votre amendement, sinon ce sera un avis défavorable.
Mme la rapporteure a mis en exergue le délai de trois mois : lorsque j'évoque le parallélisme des formes, mon objectif est non de faire sortir immédiatement les enfants d'un régime de scolarité, mais de pouvoir anticiper ce délai de trois mois pour que les autorités aient le temps de dire si les conditions et le projet sont réunis.
Quant à l'ouverture d'une école hors contrat, elle relève de la liberté pédagogique, sur un mode déclaratoire, même si, bien sûr, les conditions peuvent en être définies par un décret pris sous l'autorité de l'éducation nationale, qui est la mieux placée pour décider de ces questions. Le décret que j'ai évoqué définira les modalités de recueil des informations avant même le début de l'instruction à domicile. Je maintiens l'amendement.
Je trouve l'amendement redoutable, en particulier quand je lis son exposé des motifs : « les risques de dérives des établissements privés hors contrat sont au moins aussi importants que ceux susceptibles de toucher l'IEF ». Autrement dit, on s'en prend d'abord à une liberté, celle de l'enseignement en famille, puis aux écoles hors contrat, et ce sera ensuite le tour des écoles sous contrat. J'espère que vous êtes conscient qu'il y a là une véritable dérive, monsieur Le Bohec.
Une dérive ? Vous voulez dire une spirale ! Les parlementaires sont dangereux !
Ce serait tout à fait redoutable pour les multiples écoles hors contrat. En cas de dérive, celles-ci peuvent faire l'objet d'une enquête, ou on peut leur retirer leur autorisation, ce qui est préférable aux mesures que vous préconisez.
Nous avons amplement débattu de la question. Je me réjouis d'ailleurs des propos que vient de tenir M. Le Fur, car ils montrent bien la lecture que l'on peut faire de l'amendement ! En réalité, le système que nous allons instaurer laissera la plus grande place possible à l'IEF lorsqu'elle fonctionne bien, tout en empêchant ceux qui le veulent de sortir de la République, grâce à un mécanisme d'autorisation.
Si l'on retient l'argument selon lequel il n'y a pas lieu d'améliorer un système lorsqu'on ne parvient pas à améliorer les autres, alors on ne fait plus rien, parce que tout se tient. En réalité, seuls quelques milliers d'enfants, en particulier de jeunes filles, sont concernés. Mais au nom de quoi refuserions-nous de changer la réalité qu'ils vivent ? Ne serait-ce pas là une forme de mépris ? Grâce au système que nous allons instituer, ces quelques milliers de jeunes filles reviendront dans la République.
L'immense majorité des familles qui pratiquent déjà l'IEF bénéficieront, nous le savons, d'un traitement simplifié, pour ne pas dire quasi-automatique, de leur demande. De plus, en application d'un amendement adopté dès l'examen du texte en commission, l'absence de réponse vaudra acceptation. Enfin, nous allons créer une voie de recours, aux termes d'un amendement que nous allons examiner sous peu.
Je pense que nous sommes parvenus à un équilibre. Avec tout le respect que je dois à notre collègue Gaël Le Bohec et toute l'amitié que j'ai pour lui, je pense qu'il se trompe sur cette question. Au nom du groupe La République en marche, je vous appelle, mes chers collègues, à rejeter l'amendement.
Mme Caroline Abadie applaudit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 160
Nombre de suffrages exprimés 152
Majorité absolue 77
Pour l'adoption 23
Contre 129
L'amendement no 2461 rectifié n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 2 de M. Pierre Cordier et 292 rectifié de Mme Frédérique Meunier sont défendus.
Les amendements identiques nos 2 et 292 rectifié , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
L'amendement no 2285 de Mme Liliana Tanguy est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement est satisfait. J'en demande donc le retrait, sans quoi l'avis sera défavorable.
L'amendement no 2285 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
La parole est à Mme Maud Petit, pour soutenir l'amendement no 2558 rectifié .
Il vise à rappeler l'importance des principes de la République dans le parcours pédagogique de l'enfant. En signant une déclaration sur l'honneur qui ferait partie des pièces accompagnant le projet éducatif, les titulaires de l'autorité parentale souhaitant pratiquer l'IEF s'engageraient à prendre connaissance de la charte de la laïcité et des valeurs de la République qui s'y rattachent. Le non-respect de cet engagement, constaté lors d'un contrôle réalisé par les services académiques, serait susceptible d'entraîner des sanctions, par exemple la suspension de l'autorisation de pratiquer l'IEF.
Vous souhaitez que la délivrance de l'autorisation mentionnée au premier alinéa de l'article L. 131-2 modifié du code de l'éducation soit « conditionnée à une déclaration sur l'honneur d'engagement pour les principes de la République de la part des titulaires de l'autorité parentale » et que cet engagement « repose sur les principes de la charte de la laïcité à l'école ». Selon moi, on ne peut pas imposer aux parents de signer un document analogue à la charte de la laïcité : conçue pour l'espace public et collectif de nos écoles, celle-ci ne saurait s'appliquer dans le cadre privé.
Je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement no 2558 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Si je peux présenter cet amendement, c'est grâce au travail réalisé dans l'éducation nationale depuis trois ans. En effet, vous avez réorganisé vos opérateurs, monsieur le ministre. Un orateur a considéré tout à l'heure que l'article 21 ne suffisait pas. Ce serait juste s'il n'y avait pas eu ces trois ans d'efforts. En tout cas, il est faux de dire que nous nous appuyons uniquement sur l'article 21 pour agir.
Je m'exprime fort d'une double expérience. En ma qualité de responsable d'un important projet d'action sociale dans ce que l'on appelait à l'époque une ZUP – zone à urbaniser en priorité – , j'ai passé quinze ans à chercher les enfants qui n'étaient pas dans le système, à monter les escaliers pour aller les voir. Ensuite, compte tenu de ce qu'a été ma vie, en France et à l'étranger, j'ai élevé mes enfants soit en recourant à des écoles privées, soit en pratiquant l'IEF. Je connais donc bien d'une part le phénomène des enfants qui disparaissent, ainsi que les raisons de leur disparition et la manière d'aller les chercher, et d'autre part l'IEF.
Il y a, je dirais, deux sortes d'IEF. Il y a d'abord, je le souligne, une IEF qui est pionnière de l'excellence.
M. Chouat l'a rappelé tout à l'heure lorsqu'il a évoqué la nécessité de mettre l'éducation au coeur du débat. Il y a ensuite une IEF qui relève du séparatisme ou, un cran en-deçà, de ce que beaucoup de mes collègues et moi-même appelons l'archipélisation de la société. Certains prétendent – nous l'avons encore entendu tout à l'heure – que, quand l'école de la République ne fonctionne plus, il faut soutenir l'IEF. Non. Si l'école de la République ne fonctionne plus, sa reconstruction est l'affaire de tous, …
… y compris des parents qui pratiquent l'IEF comme il convient.
Si j'en juge par mon expérience, l'article 21 vise bel et bien ceux qui veulent tricher. Contrairement à ce que beaucoup affirment, il n'est pas vrai que ceux que l'on vise écriront correctement un projet éducatif.
Le renforcement prévu par l'article 21 est donc une très bonne chose.
Je voudrais en outre apporter un témoignage, dont j'ai fait part aux nombreux parents que j'ai rencontrés. Dans un pays étranger où nous résidions, mon épouse et moi-même avons dû solliciter une autorisation pour instruire nos enfants à la maison, et nous sommes passés devant un psychologue scolaire. Eh bien, je vous le dis franchement, en tant que parent, je me suis senti mieux, plus solide, muni de cette autorisation…
Oui !
… que si j'avais simplement fait une déclaration. Et je ne me suis pas senti visé par le fait que l'on me demandait d'accomplir cette démarche.
Il a été question tout à l'heure du code de la route. Quand j'étais gamin, le code de la route ne prévoyait pas le port obligatoire de la ceinture de sécurité. Lorsque celui-ci a été imposé, personne ne s'est senti visé, ni considéré comme l'un des chauffards que la mesure ciblait. Chacun s'est mis à porter la ceinture, bien que ce fût une contrainte ; souvenez-vous, cela faisait râler tout le monde !
Le présent amendement vise à ce que le service public du numérique éducatif et de l'enseignement à distance, défini dans le code de l'éducation, exerce une mission supplémentaire : mettre des ressources à la disposition des parents qui pratiquent l'IEF.
Il s'agirait d'une évolution importante : on porte toujours un regard extérieur sur ces parents ; on considérerait désormais qu'ils font partie d'un tout, qu'ils participent à l'action éducative de la nation. Avec une telle extension de ses missions, le service public du numérique éducatif et de l'enseignement à distance, que vous avez réorganisé depuis trois ans, monsieur le ministre, pourrait devenir ce ciment pour les parents qui pratiquent l'IEF, et faciliter les retours d'expérience. La pédagogie Freinet, dont nous parlons tous, était appliquée à l'origine de manière exceptionnelle, puis s'est développée grâce à des retours d'expérience.
Loin d'interdire l'IEF, ce texte mettra l'action des parents concernés au coeur de l'action éducative de la nation française.
M. le rapporteur général ainsi que MM. Rémy Rebeyrotte, Philippe Vigier et Guillaume Vuilletet applaudissent.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir le sous-amendement no 2724 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement.
Je vous remercie, monsieur Petit, pour cet amendement, qui valorise le service public du numérique éducatif, si utile aux enseignants et aux élèves. Vous proposez d'étendre ses missions pour que les enfants instruits en famille et leurs parents en bénéficient également, grâce à la mise à disposition de ressources, portant en particulier sur l'enseignement des principes de la République.
La commission donne un avis favorable à votre amendement. Je propose néanmoins un sous-amendement visant à supprimer le quatrième alinéa de l'amendement, lequel prévoit que le service public du numérique éducatif fournit aussi l'identifiant national élève. Or celui-ci est attribué à 98 % des élèves – scolarisés dans l'enseignement public ou l'enseignement privé sous contrat – par une autre modalité administrative, qu'il convient de conserver. Par ce sous-amendement, nous proposons simplement un petit nettoyage rédactionnel – passez-moi l'expression – nécessaire du point de vue de la légistique.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et sur le sous-amendement ?
Je vous remercie, monsieur Petit, des propos que vous avez tenus concernant la réorganisation du CNED et des opérateurs de l'éducation nationale à Poitiers. Je dis souvent que Poitiers est la « capitale de l'éducation », pour bien signifier que, dans le contexte de la révolution numérique notamment, nous y disposons, grâce à nos opérateurs et à notre école des cadres, dénommée désormais l'IH2EF – l'Institut des hautes études de l'éducation et de la formation – , d'un véritable pôle d'excellence pour l'éducation, notamment pour le numérique éducatif.
Votre proposition est intéressante, mais je souhaite, pour étayer mon avis, développer les points suivants.
Aux termes du code de l'éducation, le CNED est un établissement public national qui « assure pour le compte de l'État, le service public de l'enseignement à distance. À ce titre, il dispense un service d'enseignement à destination des élèves, notamment ceux qui relèvent de l'instruction obligatoire, ayant vocation à être accueillis dans un des établissements mentionnés aux articles L. 132-1 et L. 132-2 [du code de l'éducation] et ne pouvant être scolarisés totalement ou partiellement dans un de ces établissements. »
Bien que le rôle du CNED ait été bien défini, ses missions ont été entendues de manière particulièrement extensive au moment du confinement, chacun l'a bien vu. L'utilité d'un grand opérateur de ce type est apparue très clairement à tout le pays et, au-delà, au niveau international.
Les familles qui choisissent d'instruire leurs enfants à domicile peuvent recourir aux services du CNED – nous savons tous que c'est largement le cas – , comme le prévoit l'article L. 131-2 du code de l'éducation : « L'instruction obligatoire peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publiques ou privés, soit dans les familles par les parents, ou l'un d'entre eux, ou toute personne de leur choix. Dans le cadre du service public de l'enseignement et afin de contribuer à ses missions, un service public du numérique éducatif et de l'enseignement à distance est organisé ».
Le public visé par le service d'enseignement à distance assuré par le CNED n'est pas défini de manière exhaustive dans l'article L. 131-2 précité, puisqu'y figure l'adverbe « notamment ». S'il n'est pas spécifié que ce service est destiné aux élèves instruits à domicile, la formulation actuelle de l'article leur permet cependant d'y recourir, ce qu'ils font, je le répète, dans la réalité. Il n'est donc pas nécessaire d'ajouter la mention prévue par l'amendement.
Par ailleurs, l'offre du CNED est construite par l'opérateur conformément aux textes réglementaires en vigueur ; les formations qu'il propose répondent aux critères édictés dans le code de l'éducation, notamment à propos du socle commun. Nous considérons donc qu'il n'est pas nécessaire de préciser, dans le code de l'éducation, la manière dont une partie de l'enseignement doit être dispensée, même si cette partie concerne l'exercice de la citoyenneté.
Le respect des textes en vigueur suffit à garantir que l'élève recourant à l'enseignement à distance bénéficie de cours d'enseignement moral et civique, qui lui apprennent le partage des valeurs de la République et l'exercice de la citoyenneté.
Enfin, le CNED n'a pas vocation à construire une offre de ressources à destination des parents ou des accompagnants des enfants scolarisés en famille, puisque cela ne relève pas de sa compétence. Lorsque l'IEF résulte d'une situation non choisie par l'élève, ce dernier est inscrit au CNED réglementé, lequel, comme vous l'avez rappelé, est pris en charge par l'État.
J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement et le sous-amendement, parce qu'ils sont en grande partie satisfaits par les textes en vigueur.
Je remercie la rapporteure pour son sous-amendement et pour son soutien.
Monsieur le ministre, il y a un malentendu : mon amendement fait référence non au CNED – ce qui poserait d'ailleurs un problème de concurrence, puisqu'il s'agit, en quelque sorte, d'un opérateur qui vend des prestations – , mais au service public du numérique éducatif. Dans mon esprit, l'offre de ressources à destination des parents que vous évoquiez ne relevait d'ailleurs pas du CNED, mais de Canopé ou d'autres services de ce type.
Je suis surpris que le service public du numérique éducatif et de l'enseignement à distance soit défini dans la loi, mais puisqu'il l'est, l'adoption de cet amendement permettrait de charger officiellement votre ministère d'une mission qu'il sait remplir, comme vous l'avez rappelé : celle, sinon de construire une offre de services, de se tenir du moins à disposition des parents, de recueillir les retours d'expérience que j'évoquais, et d'intégrer dans une communauté et dans une réflexion éducative des personnes qui font du très bon boulot et se montrent parfois pionnières. Cela valoriserait leur travail qui, même s'il concerne très peu de familles, permet de renforcer en elles le sentiment d'appartenance à la nation.
M. Philippe Vigier applaudit.
Je veux remercier M. Petit pour son témoignage et confirmer que nous n'entendons pas supprimer l'instruction en famille. Il me paraît nécessaire, à travers cet amendement comme à travers ceux que nous examinerons par la suite, de poursuivre la discussion sur l'article 21, pour faire évoluer le dispositif existant et rassurer les familles qui pratiquent l'IEF dans de bonnes conditions et d'une façon protectrice pour les enfants.
Compte tenu des explications qui ont été apportées et de l'expérience qui a été relatée, notre groupe suivra l'avis de Mme la rapporteure.
M. Guillaume Vuilletet applaudit.
Le sous-amendement no 2724 est adopté.
L'amendement no 1262 , sous-amendé, est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite de la discussion du projet de loi confortant le respect des principes de la République.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra