C'est pourquoi instaurer une autorisation préalable à l'instruction en famille ne me semble pas représenter une révolution, mais une simple nouvelle application de quelque chose de déjà répandu dans notre droit positif.
Par ailleurs, je vous avoue être un peu gêné, car j'ai l'impression que nous perdons parfois complètement de vue l'objectif du texte. Il est question de jeunes gens – déscolarisés pour certains – insérés dans un cadre de pensée qui doit les amener à faire scission avec le modèle dans lequel nous vivons, voire à lui être hostile. On nous rétorque que nous ne pouvons donner un seul exemple attestant de ce phénomène. J'ai toutefois un souvenir historique qui me remue le coeur quand j'en parle. Il s'agit d'un discours de Gamal Abdel Nasser, prononcé en 1954 – je vous rassure, je n'y ai pas assisté, j'ai simplement vu les images. Devant un congrès, il explique en riant que les Frères musulmans s'apprêteraient à faire voiler les femmes égyptiennes, mais qu'il n'en voit aucune dans la salle avec les cheveux couverts. Plus de cinquante ans plus tard, je pense qu'il aurait abordé le sujet avec beaucoup de considération, de prudence et, certainement, d'inquiétude.
S'agissant des motifs pouvant justifier une instruction à domicile – troisième élément que je souhaitais évoquer – débattons de l'essentiel ! Qu'il s'agisse de la pratique du sport dans des conditions particulières, d'une situation de handicap ou de l'itinérance des parents, nous voyons très bien ce que ces motifs recouvrent. Le dernier cas est celui de l'existence d'une « situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif ». Si nous devons débattre, débattons de cela ! Débattons des conditions de la reconnaissance d'une situation particulière : elles sont de nature à rassurer les parents porteurs d'un projet spécifique pour leur enfant.
Enfin, selon certains, le manque d'objectivité des critères proposés exposerait les familles à un droit à géométrie variable. Dire cela, c'est tout de même faire fi de notre système juridictionnel ! Les tribunaux administratifs appartiennent à une hiérarchie, au sommet de laquelle se trouve, tout le monde le sait, le Conseil d'État. Celui-ci ne manquerait pas d'harmoniser les jurisprudences si elles devenaient contradictoires. Il s'agit donc d'un faux procès.
À ceux qui seraient éventuellement réticents à rejeter ces amendements de suppression je les invite à se rassurer et à ne pas être dupes de ce qui est en train de se passer. Vous avez, mesdames et messieurs des oppositions, monopolisé quatre ou cinq heures de débat sur cette seule question. Au fond, c'est à se demander si votre objectif n'était pas d'épuiser votre temps de parole pour masquer l'adhésion générale que vous portez au texte.