Je ne voudrais pas que l'on croie, avec ce débat lancé par nos collègues de gauche, qu'il y a d'un côté ceux qui sont pour la mixité sociale et de l'autre ceux qui sont contre, ou ceux qui sont pour le public, qui serait mixte, et ceux qui sont pour le privé qui ne le serait pas. Je ne dis pas que c'est votre intention, mais c'est ce qui pourrait ressortir d'une lecture un peu rapide des débats.
Tout d'abord, une question de forme : ce texte de loi n'a pas vocation à réorganiser toute l'éducation dans notre pays, ni l'éducation nationale, ni l'enseignement privé, qu'il soit sous contrat, hors contrat ou autre. On peut le regretter, mais ce n'est pas une loi sur l'éducation : M. le ministre, que je vois opiner de la tête, le confirmera sans doute. Un certain nombre de mesures visent à lutter contre des dérives, et c'est là le coeur du sujet. Nos collègues du parti socialiste et du parti communiste veulent à tout prix introduire des amendements de pur affichage sur la mixité sociale dans l'enseignement privé. Vous venez d'ailleurs de le reconnaître, monsieur Leseul, puisque vous dites qu'il ne s'agit pas de fixer des quotas mais simplement d'inscrire des objectifs dans le contrat.
La vérité, et je le dis d'autant plus tranquillement que je suis un défenseur de l'école publique, c'est que ce n'est pas parce qu'un établissement est public qu'on y trouve de la mixité. Qu'est-ce qui fait, la plupart du temps, qu'il y a moins de mixité ? C'est le fait que la carte scolaire – fruit, M. le ministre et Mme la rapporteure l'ont rappelé, de politiques d'urbanismes conduites pendant des dizaines d'années – a toujours tendance, malgré son utilité, à enfermer les enfants dans leurs quartiers. Par conséquent, on retrouve dans les écoles des quartiers défavorisés des enfants majoritairement issus de familles défavorisées. C'est encore valable au collège, ça l'est un peu moins au lycée car la carte scolaire y est un peu moins dans l'hyper-proximité. Dans le privé, il arrive, M. Le Fur a raison, que des établissements scolaires aient de la mixité, précisément en raison de l'absence de carte scolaire. Dans d'autres établissements privés il y a pas de mixité non plus, disons-le, et il peut même y avoir, disons-le aussi, une forme de sélection par l'argent. Mais il existe également des établissements publics avec très peu de mixité, avec des publics très favorisés compte tenu du quartier de recrutement. Cela, ce n'est pas avec le présent texte que nous le changerons, mais à travers une politique menée dans de nombreux domaines, et pas seulement l'éducation.
Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, il y a eu la volonté d'ouvrir des dérogations à la carte scolaire. J'ai vu ce que ça a donné à Nantes – et je regarde les choses aussi froidement que possible. Cela a conduit, et je me souviens que des principaux de collèges m'en avaient averti, à une translation vers le centre-ville : ceux qui sont dans les collèges de grands quartiers HLM, me disaient-ils, vont vouloir aller dans les collèges qui sont un peu plus mixtes et ceux qui sont dans les collèges un peu plus mixtes vont vouloir aller dans les collèges de centre-ville. C'est exactement ce qui s'est produit, et ce jusqu'aux limites physiques, parce que les collèges ne peuvent accueillir des élèves en nombre infini.
Sous le quinquennat suivant, les règles de la carte scolaire ont au contraire été rétablies et ce qui devait arrivé est arrivé : on a, de fait, ré-enfermé, dans un certain nombre de quartiers, les élèves entre eux. Il n'y a pas de recette miracle, ni dans la dérogation totale ni dans le maintien d'une carte scolaire stricte. Si vous allez au bout de votre logique, il faudrait introduire une carte scolaire pour le privé, comme l'a dit M. Pupponi, et cela signifie qu'il faudrait aussi développer les établissements privés dans les quartiers difficiles, car ce serait la seule solution pour avoir plus de mixité. Je ne crois pas que ce soit votre projet.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à ne pas rouvrir ce débat à l'occasion du présent texte : travaillons-y par ailleurs, si vous le souhaitez, dans le cadre de débats plus généraux sur l'éducation.