Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du vendredi 12 février 2021 à 15h00
Respect des principes de la république — Article 26

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy, président de la commission spéciale :

Chacun peut interpréter comme il l'entend les prises de position des responsables des différents cultes, madame Genevard. La commission spéciale a pris le temps d'auditionner séparément chaque représentant de culte, et nous n'avons jamais constaté d'opposition frontale, systématique, pleine et entière à la loi, notamment aux dispositions relatives à l'organisation des cultes.

Je ne suis pas en train d'affirmer que les représentants des cultes ont tous manifesté un enthousiasme débordant pour ce texte. Certains ont exprimé des nuances, notamment en dehors de la commission, c'est-à-dire essentiellement dans la presse. Cependant, deux mois après la présentation du projet de loi en conseil des ministres le 9 décembre dernier, on ne peut pas dire que les cultes présentent un front uni contre le texte, ni même contre les dispositions portant sur l'organisation des cultes.

Pourtant, vous le savez, les représentants des cultes ont su montrer en d'autres occasions leur capacité à se mobiliser et à militer contre des projets de loi – je pense notamment au culte catholique, qui reste le plus important numériquement en France. J'ai moi-même toujours affirmé qu'ils avaient parfaitement le droit de participer au débat démocratique et, le cas échéant, d'exprimer leur désaccord sur des textes de loi, y compris lorsque ceux-ci ne portent pas sur l'organisation des cultes.

M. Corbière a exprimé l'idée que les dispositions du texte, notamment celles figurant à l'article 26, visant à apporter des précisions relatives à l'organisation des associations cultuelles, seraient en fait dirigées contre le culte musulman. Cependant, comme il l'a indiqué lui-même, le culte protestant est également organisé en communautés locales, si l'on peut dire, contrairement au culte catholique, traditionnellement organisé en associations diocésaines qui correspondent peu ou prou au découpage par départements, avec une hiérarchie nationale et même internationale.

C'est un fait, tous les cultes ne sont pas organisés de la même façon, mais nous prenons des dispositions législatives de portée générale, y compris celles de l'article 26 portant sur l'organisation interne et imposant la présence d'organes délibérants pour la prise de certaines décisions. Une fois votées, ces dispositions s'appliqueront à tout le monde, y compris aux associations diocésaines du culte catholique. Il est logique que chaque culte trouve sa place au sein d'une législation de portée générale.

Vous ne pouvez pas contester qu'il existe des problèmes de structuration. Je ne sais pas comment cela se passe dans vos circonscriptions mais dans mon territoire, il est arrivé à plusieurs reprises que des responsables ou des adhérents d'associations cultuelles musulmanes viennent me faire part de problèmes internes – je leur ai toujours dit qu'il ne fallait pas mélanger les choses et qu'il ne me revenait pas de les trancher. Le droit associatif français est d'inspiration très libérale : la loi de 1901, dans le cadre de laquelle s'inscrit la très grande majorité des associations cultuelles musulmanes pour l'organisation des lieux de culte, a été conçue que pour tout le monde puisse créer une association de la manière la plus simple possible. Nous savons bien qu'il y a des failles et qu'il n'est pas inutile de remettre de la rigueur dans cette organisation, surtout lorsque les budgets sont importants. Cette remarque vaut pour toutes les associations mais particulièrement pour les associations cultuelles qui gèrent des lieux de culte et qui salarient des ministres du culte et d'autres personnes. Poser des règles nouvelles après avoir tiré des leçons de ce qu'on a pu constater me paraît nécessaire.

Sur le fond, nous avons toujours un peu le même débat depuis le début de l'examen de ce texte – et je m'adresse ici plus spécialement à Mme Genevard : soit on considère que la République et ses organes délibérants, que sont les deux chambres, fixent les règles et que les cultes et les associations doivent rentrer dans le cadre ainsi établi, soit on estime que la République n'a qu'à valider après coup les diverses modalités d'organisation définies par les associations elles-mêmes et s'y adapter. Avec ce texte, nous réaffirmons l'esprit de la loi de 1905 : il appartient à la République de fixer un cadre, …

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