Vous avez en effet noté l'absence du garde des sceaux, qui m'a chargée de vous transmettre plusieurs éléments de réponse. Mais, avant de vous les communiquer, je tiens à vous assurer que le Gouvernement est pleinement mobilisé dans la lutte contre les violences sexuelles sur mineurs et qu'il en fait une priorité.
La loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a allongé le délai de prescription des crimes sexuels commis sur mineurs, aggravé la répression des atteintes sexuelles sur mineurs de quinze ans et élargi la définition de la contrainte morale. Aujourd'hui, il convient d'aller plus loin et c'est le sens des propositions annoncées le 9 février 2021 par le garde des sceaux.
Voici des informations statistiques : en 2018, 199 condamnations pour viol incestueux ont été recensées au casier judiciaire national contre 129 en 2016 ; la part des auteurs mineurs s'y révèle en augmentation, soit quarante-quatre au lieu de seulement treize en 2016. En ce qui concerne les majeurs condamnés, une peine privative de liberté ferme a été prononcée dans plus de 97 % des cas, avec un quantum moyen de près de douze ans. Les suites judiciaires données aux affaires dénoncées s'avèrent toutefois complexes à analyser en raison des évolutions normatives en matière d'inceste. Ainsi, l'augmentation du nombre de condamnations pour ce type de viol est avant tout liée à la réapparition de la nature incestueuse des faits dans le code pénal en 2016, ce qui a permis de les distinguer des autres crimes sexuels. Si cette qualification vaut théoriquement pour les faits commis antérieurement, les affaires jugées jusqu'en 2016 n'en permettent pas l'application, ces crimes étant alors qualifiés de viols par ascendant ou de viols sur mineur sans qu'il soit possible d'identifier forcément des actes incestueux.
Il convient donc de relativiser l'analyse statistique puisque celle-ci illustre davantage une amélioration du recensement de ce contentieux grâce à une appropriation progressive des qualifications incestueuses qu'une réelle évolution de ce phénomène criminel qu'il est trop tôt pour observer. Cette évolution est également à mettre en relation avec les débats sur l'allongement de la prescription et avec la politique conduite à la suite de la libération de la parole des victimes. Ces affaires restent nécessairement longues à traiter au regard de leur nature criminelle mais aussi en raison, dans certains cas, du délai écoulé entre la commission des faits et leur révélation, délais imposant des investigations plus délicates, notamment pour retrouver des témoins. Les décisions de classement sans suite ou de non-lieux sont donc fondées principalement sur des motifs juridiques – prescription des faits ou impossibilité d'établir des charges suffisantes.
Enfin, le ministère de la justice ne dispose pas du nombre de plaintes déposées chaque année, ce chiffre relevant du ministère de l'intérieur. De plus, l'infraction de non-dénonciation de crime ne spécifiant pas si les gestes gardées sous silence sont sexuels ou non, il n'est donc pas possible de recenser le nombre de cas auxquels vous faites référence.