Intervention de Stéphane Peu

Séance en hémicycle du mardi 16 février 2021 à 15h00
Respect des principes de la république — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Si la loi que nous examinons était l'un des moyens d'y répondre, nous vous aurions volontiers suivis, nous, députés communistes, qui avons historiquement contribué à ce que la laïcité soit inscrite dans le préambule de la Constitution et qu'elle figure parmi les principes de la fonction publique moderne.

Hélas, nous en sommes loin. Au terme de nos débats, il apparaît que la loi s'éloigne de l'esprit de liberté qui a soufflé sur celle de 1905. Oui, la laïcité est la fille de la liberté, celle de croire ou de ne pas croire et de pratiquer sa religion dans le respect de l'ordre public. Permettez-moi, à cet égard, de rappeler les mots qu'Aristide Briand adressait au législateur, à propos de l'article 1er de la loi de 1905 : « La République ne saurait opprimer les consciences ou gêner, dans ses formes multiples, l'expression extérieure des sentiments religieux. » C'est bien en tant que liberté, que la laïcité est devenue un moyen efficace pour conforter l'esprit de concorde nationale.

Non, la laïcité n'oblige pas à la neutralité confessionnelle de la société et des individus qui la composent, mais à celle de l'État et de la République. Non, la laïcité n'a jamais supposé la neutralité religieuse dans l'espace public, mais la neutralité religieuse de l'espace public. Malheureusement, votre loi est une loi de restriction, plutôt qu'une loi de liberté. Je crains qu'elle nourrisse la division, plutôt que l'indispensable cohésion nationale.

Mais si ce texte n'est pas à la hauteur du travail opéré par nos augustes prédécesseurs de 1905, il n'est pas non plus au niveau du discours du Président de la République prononcé aux Mureaux. En ne traitant que des conséquences et pas des causes, et en négligeant ce qui fait le terreau des logiques séparatistes en cours, le texte se condamne à l'inefficacité. Au fond, il pose problème moins pour ce qu'il contient que pour ce qu'il ne contient pas. Cela justifiera l'abstention majoritaire de mon groupe.

En effet, où sont donc passées les mesures sociales promises par Emmanuel Macron ? Rien sur le déterminisme social qui ronge notre institution scolaire, dont l'affaiblissement fait plus pour le discrédit de la République que bien des discours séparatistes. Rien pour lutter contre les ghettos, pour corriger le séparatisme social et lutter contre les ruptures d'égalité républicaine dont souffrent les territoires comme le mien, que les services publics ont déserté et où les professeurs, les policiers, les médecins et les magistrats sont moins nombreux qu'ailleurs. Rien non plus pour lutter contre les discriminations et les entorses quotidiennes à l'égalité entre les citoyens.

Comment prétendre défendre la laïcité si, dans le même temps, des politiques sociales volontaristes ne sont pas mises en oeuvre pour briser les chaînes du déterminisme ? Combien de temps allons-nous continuer à citer Jaurès sans le comprendre, lui qui écrivait « La République doit être laïque et sociale mais restera laïque parce qu'elle aura su être sociale » ? Nous avons régulièrement exprimé nos craintes d'une loi déséquilibrée, porteuse d'une vision étriquée de la République et pointant du doigt nos compatriotes de confession musulmane : elles ont été confortées non seulement par le contenu du texte et par nos débats mais aussi, disons-le, par les postures politiciennes du Gouvernement et du Président de la République.

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