Grâce à vous, monsieur Dufrègne, je comprends que la commission des finances traite du concret, et de manière imagée... Plus sérieusement, soyez assuré que j'attache une grande importance à l'équipement de l'Allier et des autres départements ruraux.
Les options politiques que nous avons exposées peuvent légitimement faire l'objet de débats. Mme de Montchalin souhaite savoir comment nos interlocuteurs européens ont réagi au choix que nous avons fait de réduire à la fois les dépenses et la fiscalité pesant sur les ménages et sur les entreprises. J'ai présenté cette stratégie hier lors de la réunion de l'Eurogroupe. La réaction de nos partenaires européens est très positive, car ils attendent que la France prenne ses difficultés à bras-le-corps sans s'arrêter au milieu du chemin, en baissant à la fois les dépenses et la fiscalité. Ils attendent aussi de nous des réformes structurelles, et si nous voulons être crédibles, nous devons les faire, comme c'est mon ambition, pour transformer l'économie française. À cet égard, la révision du code du travail, la refonte de l'assurance chômage, la simplification du système de retraite proposée par le Président de la République et l'amélioration de la formation professionnelle sont des attentes majeures de nos partenaires européens et crédibilisent nos choix budgétaires pour les cinq ans à venir.
Sortir de la procédure pour déficit excessif prévue dans le cadre du pacte de stabilité suppose une part de réduction nominale et une part de réduction structurelle de la dépense publique. J'ai engagé la discussion avec M. Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne chargé de ce domaine, pour définir avec lui les parts respectives de réduction de la dépense publique qui nous permettront de sortir de la procédure en cours. Cette discussion ardue se poursuivra au cours des mois à venir.
Enfin, nos partenaires européens attendent de nous de la constance. C'est pourquoi il est très important de définir une trajectoire fiable pour les cinq années qui viennent. Bien sûr, les aléas liés à la croissance peuvent avoir un impact sur les recettes, mais la constance de la décision politique est un élément-clé.
Je crois aussi qu'ils nous sont reconnaissants de ne pas avoir cédé à la facilité qui consiste à augmenter les impôts. Lorsque l'on cherche quelques milliards d'euros, la solution la plus simple, c'est d'appuyer sur le bouton de la TVA, ce qui permet de faire sauter les écluses et de voir arriver à grands flots des milliards d'euros sans aucun effort. Toutefois, je rappelle à ceux qui siègent ici du côté gauche que cela pèse sur les ménages les plus modestes.
Madame Louwagie, vous m'interrogez sur la question importante de la CSG et des cotisations sociales. Je rappelle que l'augmentation de 1,7 point de la CSG ne concerne pas les retraités les plus modestes, c'est-à-dire ceux dont le niveau de retraite est inférieur à 1 200 euros par mois pour une personne seule et à 1 834 euros pour un couple. Seuls les revenus imposés au taux normal de la CSG subiront cette augmentation. Nous sommes conscients de l'effort que cela représente. Comme tout choix politique, cette décision est critiquable. Nous faisons le choix de valoriser le travail et de demander un effort aux retraités.
Les cotisations sociales maladie et les cotisations sociales chômage, qui sont respectivement de 0,75 % et de 2,4 % du salaire brut, seront supprimées. Au total, ce sont donc 3,15 points de cotisations sociales qui sont supprimées pour l'ensemble des salariés en France – Gérald Darmanin vous répondra en ce qui concerne les compensations pour les fonctionnaires et les travailleurs indépendants. Si l'on fait la différence entre les 3,15 points de suppression des cotisations sociales et l'augmentation de 1,7 point de la CSG, on obtient un gain de pouvoir d'achat sur le salaire net des salariés français de 1,45 %. Le message politique est clair : le travail paye.
Vous avez raison, l'alignement de la fiscalité du diesel sur celle de l'essence pèsera sur les territoires ruraux. Une première compensation passe par la baisse de la taxe d'habitation, et une deuxième par l'amélioration des infrastructures du quotidien sur laquelle nous vous donnerons des précisions. Enfin, Nicolas Hulot, ministre d'État chargé de la transition écologique, travaille sur des compensations dans le cadre du plan « Climat ». Il pourrait être utile que la commission des finances l'interroge sur ce point.
M. Barrot a posé des questions sur des sujets qui concernent plus particulièrement le ministre des comptes publics. Je partage son analyse en ce qui concerne l'équilibre des comptes publics, qui est important, non seulement pour l'Europe mais surtout pour les générations futures. N'oublions pas que c'est d'abord pour nous que nous réduisons les dépenses publiques.
Vous transmettrez ma réponse à M. de Courson sur les trois points techniques importants qu'il a soulevés. La transformation du CICE en exonération de charges se fera en 2019. Cette transformation a été validée par la Commission européenne, qui estime que le dispositif d'exonération immédiate de charges est préférable au CICE, qui pèse sur les trésoreries. En 2019, cette opération représentera un surcoût, limité à cette seule année, de 20 milliards d'euros environ, mais nous resterons en dessous des 3 %. Si nous avons décidé de la reporter d'un an, c'est justement parce que nous estimons qu'il faut d'abord sortir de la procédure pour déficit excessif et engager ensuite, de manière responsable, cette transformation du CICE en exonération de charges. Tout cela fait l'objet de discussions avec la Commission européenne, à qui j'ai présenté ce plan.
S'agissant du PFU, il n'est pas question de toucher aux contrats d'assurance vie en cours, car cela pénaliserait les personnes qui en possèdent et, surtout, ce serait revenir sur des contrats déjà signés et sur leur rémunération. Ce serait profondément injuste.
Je rappelle quels sont les trois objectifs du PFU. Le premier est celui de la simplicité, car notre fiscalité de l'épargne est illisible. Le deuxième est celui de l'attractivité. Quant au troisième, il s'agit de parvenir à mieux financer l'économie française. Au passage, je note que ce PFU n'était pas l'exclusivité du candidat Emmanuel Macron, d'autres candidats à la présidence de la République ayant proposé le même type de dispositif.
C'est vrai, la dette publique ne baissera progressivement qu'à compter de 2020.
S'agissant des modalités de financement, il n'y a pas d'émission particulière de l'Agence France Trésor qui rechercherait des taux d'intérêt particulièrement élevés. Ce sont d'abord les recommandations des investisseurs qui dictent les émissions de cette agence. J'ajoute que les primes et décotes vont se réduire mécaniquement, car nous avons incorporé dans le financement de la dette la prévision d'une légère hausse des taux d'intérêt, pour la simple raison que la politique de quantative easing menée par la Banque centrale européenne (BCE) n'a pas vocation à durer éternellement. À mesure que la BCE sortira de cette politique de liquidités, il y a fort à parier que les taux d'intérêt augmenteront progressivement.
Monsieur Coquerel, vous dites que la politique de l'offre a été catastrophique. Pour ma part, je constate que la politique de la dépense publique n'a donné aucun résultat satisfaisant pour les Français. Depuis vingt ans, nous traînons un niveau de chômage scandaleusement élevé. La solution ne peut pas être de poursuivre l'ancienne politique ; il faut en inventer une nouvelle. C'est pour cela que le Président de la République et un certain nombre d'entre nous ont été élus.
Je suis sensible à vos propos sur les travailleurs pauvres en Allemagne. Même s'il est connu que je suis germanophile, mon objectif n'est pas d'adopter en France le modèle allemand, mais de construire un modèle économique qui permette de valoriser nos atouts. Dans le domaine industriel, je considère en effet que nous avons autant d'atouts que l'Allemagne, voire davantage, pour l'avenir. Si nous sommes capables d'intégrer la révolution digitale et l'intelligence artificielle dans les composants de notre industrie, nous pouvons réussir aussi bien, si ce n'est mieux, que l'industrie allemande. Il n'y a aucune fatalité à ce que la part de l'industrie dans la richesse nationale continue de progresser en Allemagne et de diminuer en France. La révolution technologique en cours que nous incorporons de meilleure façon que l'Allemagne dans nos industries doit nous permettre de mieux réussir demain que ce pays. Par exemple, il est saisissant de voir que, alors que l'industrie du décolletage est héritée du XIXe siècle, toute la vallée de l'Arve demeure extrêmement performante parce qu'elle incorpore beaucoup plus l'outil digital que l'industrie allemande.
Mais cela implique quelque chose qui me tient très à coeur : la question économique est d'abord une question éducative. Nous gagnerons la bataille économique si nous gagnons la bataille éducative. Au-delà de tous les chiffres que nous avançons aujourd'hui, la vraie question est de savoir comment mieux former les jeunes, comment développer massivement l'apprentissage, l'alternance, comment offrir des formations qualifiantes tout au long de la vie qui permettent de faire face à la transformation des métiers. Comment former à nouveau des jeunes, qui ont suivi pendant cinq ans une formation d'actuaire, et à qui le président d'Axa dit qu'il n'a plus besoin d'actuaires mais de codeurs, cette formation ayant perdu une grande partie de sa valeur parce que l'intelligence artificielle va faire à leur place ce qu'ils ont appris ? Comment leur permettre de rebondir ? Cette question se pose aussi bien pour les ouvriers de GM&S que pour le jeune qui sort d'une formation. C'est pour moi peut-être le défi économique le plus important.
J'en viens aux accords de libre-échange. Pour avoir participé à la discussion entre le Président de la République et le Premier ministre canadien il y a quelques jours, lors du G20, je peux témoigner de la force avec laquelle le Président de la République défend les intérêts français. Il a indiqué que l'accord ne sera pas appliqué en France tant que le problème des quotas de fromage ne sera pas réglé et il a demandé davantage de temps afin que l'on parvienne à un accord sur ce point, à une véritable réciprocité. En matière de libre-échange, je suis favorable à un commerce équitable, fondé sur des principes de réciprocité. Je ne vois pas pourquoi la Chine pourrait prendre des marchés publics en France, tandis que les entreprises françaises n'auraient pas le droit d'avoir accès à des marchés publics en Chine. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette discussion qui me tient très à coeur.
Monsieur Dufrègne, je ne poursuivrai pas la discussion que vous avez engagée sur l'Allier et les territoires ruraux, laissant à Gérald Darmanin le soin de vous répondre. Sachez simplement que nous attachons tous la même importance à cette question.