Intervention de Paula Forteza

Séance en hémicycle du jeudi 18 février 2021 à 9h00
Aide individuelle à l'émancipation solidaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaula Forteza :

Chaque crise, au cours de notre histoire moderne, a été suivie de grandes transformations politiques et sociales. Celle que nous connaissons aujourd'hui est d'une nature particulière. Elle met à l'arrêt des pans entiers de notre économie et interrompt les flux de la mondialisation sur lesquels notre modèle tout entier s'était construit ces cinquante dernières années. Elle nous fait ouvrir les yeux sur des métiers mal payés, que notre société n'a pas valorisés socialement : infirmière, caissière, éboueur. Elle interroge sur le sens que nous donnons à notre existence en revalorisant les activités non marchandes des soins, de la santé et de la solidarité. Elle nous rappelle enfin l'urgence environnementale à laquelle nous sommes confrontés, en nous obligeant à construire une société plus sobre et à questionner notre paradigme productiviste.

Dans ce contexte, les réflexions sur un revenu universel sont réapparues dans le débat comme un outil pour limiter les dégâts de la crise. Considérée jusqu'à maintenant comme une douce utopie, l'idée que la société puisse assurer à chacun le minimum pour vivre décemment et se réaliser a pris forme. Nous avons constaté, lors de notre grande consultation « Le jour d'après », au tout début du premier confinement, que l'instauration d'un revenu universel constituait déjà l'une des mesures les plus plébiscitées.

De nombreux pays ont, depuis, fait de premiers pas en ce sens. En Espagne, dès le mois d'avril dernier, la création d'un revenu minimum vital pour les plus précaires a été adoptée. Aux États-Unis, un chèque de 1 200 dollars par adulte a été versé de façon totalement inconditionnelle. En France, la généralisation du chômage partiel rejoint aussi l'idée qu'il relève de la responsabilité de l'État de maintenir une stabilité des revenus.

Cette crise doit maintenant nous encourager à avancer vers une redéfinition durable de notre modèle d'État-providence, car le travail n'est plus corrélé à un statut. Temps partiel, auto-entreprenariat, micro-travail, chômage de masse, économie non marchande, développement de l'économie sociale et solidaire : le salariat à temps plein n'est plus la mesure de toute chose.

Le revenu universel peut nous permettre, par ailleurs, de développer la société du soin, de l'attention à l'autre et à ce qui nous entoure, dont nous avons cruellement besoin.

Dès lors, la question du type de revenu universel ou de base qu'il conviendrait de mettre en place se pose. Elle donne lieu à des discussions très fécondes, et je salue le travail de notre collègue Valérie Petit, fondé sur l'idée d'un socle citoyen. Nos collègues Boris Vallaud et Hervé Saulignac nous proposent une autre option, celle d'un revenu de base inconditionnel et dégressif, couplé à une dotation universelle en capital de 5 000 euros. Cette dotation pourrait constituer un véritable tremplin dans la vie adulte dans un contexte où les inégalités patrimoniales renforcent le déterminisme social.

Mais revenons-en au contexte dans lequel nous discutons de cette proposition, à commencer par la situation des jeunes. Tous ont en partage un quotidien fait de restrictions, ils souffrent et ils nous le disent. On voit les files d'attente s'allonger aux points de ravitaillement alimentaire, et les doutes et les angoisses pour l'avenir se font criants. N'oublions pas que la crise a pesé deux fois plus sur le revenu des 20-25 ans qu'elle ne l'a fait pour le reste de la population.

Une proposition de bon sens a émergé, à savoir la possibilité de percevoir le RSA dès 18 ans, ce qui serait quand même la moindre des choses… La France est en effet l'un des derniers pays d'Europe à ne pas ouvrir ses minima sociaux dès 18 ans, ce qui est d'autant plus incompréhensible quand on sait que les deux tiers des Français, dont 70 % des sympathisants de l'actuelle majorité, y sont aujourd'hui favorables.

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