Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du jeudi 18 février 2021 à 9h00
Protection des mineurs victimes de violences sexuelles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

À l'heure où nous nous retrouvons pour débattre de la protection des mineurs victimes de violences sexuelles, j'espère que nous ne dériverons pas et que nous saurons satisfaire les attentes de 66 millions de Français. Faut-il rappeler que l'inceste concerne un Français sur dix ? Suivant cette statistique, plus d'une cinquantaine de députés auraient subi des actes incestueux. Si certains ont eu le courage de libérer leur parole, combien la gardent enfouie au fond d'eux ? Pensons à ces blocages qui existent et aux secrets que certains emmèneront – le plus tard possible – dans leurs tombes, du fait de leur incapacité à s'exprimer sur ce qu'ils ont subi.

À travers nos débats, nous allons sans doute renforcer les sanctions à l'encontre de ceux qui commettent les crimes horribles que sont les violences et viols sur mineur et les actes incestueux. Mais nous devons également favoriser la prévention, pour faire en sorte que la justice n'ait plus à être mobilisée pour de tels actes. J'attends qu'au sein de notre assemblée, nous puissions, en plus d'être des législateurs, être également des politiques. Je peux entendre le besoin d'équilibre rappelé par M. le garde des sceaux. On peut sans doute comprendre pourquoi la majorité a complètement rebâti une proposition de loi venant d'un groupe d'opposition. On peut construire et aller de l'avant. Cependant, il nous faut avant tout profiter de ce moment pour faire passer un message : il n'y a pas de crime plus horrible que de porter atteinte à l'intime d'un enfant, et plus encore quand c'est un très proche qui le commet. Voilà le sens de notre action et l'idée que nous devons porter.

Alors, je pourrais sans doute lire le discours que j'avais préparé, parler de ce qui doit avancer, saluer les nombreuses initiatives, exprimer combien nous ne devons pas nous tromper dans la construction du droit.

Mais entre nous, même si la proposition de loi est bancale, si certaines de ses dispositions ou des amendements qui seront adoptés présentent un risque d'inconstitutionnalité, qui, y compris parmi les députés les plus récemment élus – dont fait partie Mme la rapporteure – , ignore qu'elle est une construction politique sur laquelle nous devons nous appuyer plutôt qu'une construction législative qu'il faudrait démonter ?

C'est là que nous attendons la majorité. De même, nous aurions souhaité que le garde des sceaux, outre la vigilance que lui impose sa fonction, apporte le poids de sa voix de stentor pour dépasser le seul cadre du débat de ce matin.

Parlementaire peut-être plus aguerri que d'autres, je me rappelle avoir repris en 2012 une initiative de notre ancienne collègue Edwige Antier – certains s'en souviennent peut-être encore – qui a eu le courage d'affirmer dans l'hémicycle que la violence éducative ordinaire doit être exclue de notre société. C'était en 2011 : à l'époque, 70 % des Français estimaient que l'éducation passe par la violence ! Voilà la réalité ! Et Edwige Antier a eu le courage de présenter une proposition de loi que j'ai reprise pendant mon premier mandat, malgré les difficultés. Je salue notre collègue Maud Petit qui, en 2017, a déposé une proposition de loi ayant abouti à modifier le code civil de sorte que lors de leur mariage, il soit dit aux époux qu'ils doivent éduquer leurs enfants hors de toute violence. Il a donc fallu huit ans ! Huit ans entre le dépôt initial de cette proposition en 2011 et sa mise en application en 2019 ! Dans l'intervalle, les enfants d'alors sont devenus adultes et n'ont pas pu bénéficier de cette disposition. À quoi jouons-nous donc ?

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