Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du jeudi 18 février 2021 à 21h00
Fonds d'indemnisation des victimes de la covid-19 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

Hier, notre assemblée a adopté une proposition de résolution invitant à reconnaître et à prendre en charge les complications à long terme de la covid-19. À cette occasion, le groupe Libertés et territoires avait invité à ne pas anticiper et à ne pas évacuer les débats que nous nous apprêtons à avoir sur la proposition de loi du groupe Socialistes et apparentés, dont l'objectif est de créer un fonds d'indemnisation des victimes de la covid-19.

Cette proposition aborde des questions et des enjeux importants eu égard à l'ampleur de l'épidémie et de ses conséquences pour les personnes atteintes par le virus, quelles que soient ses formes – sévères ou plus légères. Les séquelles se révèlent parfois longues, quelquefois définitives et souvent handicapantes ; j'en sais quelque chose.

Un an après la survenue de l'épidémie, et en dépit des prouesses des chercheurs et des professionnels de santé, les effets à long terme de l'infection à la covid-19 demeurent méconnus. Les études commencent tout juste à confirmer ces complications et à corroborer le malaise et la souffrance d'un très grand nombre de personnes, qui ne trouvent pas toujours de réponse ou de prise en charge adaptée à leur situation. Nous devons donc ajuster le système de solidarité.

Ces complications ne surviennent pas seulement pour les patients ayant contracté une forme grave ou ayant été hospitalisés ; elles surviennent aussi, sous des formes différentes, chez des personnes qui avaient développé une forme légère et qui ne présentaient pas de risques particuliers ni de facteurs aggravants. Je l'ai dit hier : les femmes sont particulièrement touchées, les jeunes aussi. Les séquelles sont très variées : elles touchent les facultés respiratoires, mais aussi le système neurologique, semblent parfois disparaître avant de revenir plus fortes, plus lancinantes, voire invalidantes. Il arrive enfin qu'elles soient psychiatriques, avec de l'anxiété et de la dépression.

Avec l'apparition récente de nouveaux variants, nous ne pouvons écarter le développement de nouvelles expressions de la maladie. Dès lors, nous ne pouvons qu'insister sur la nécessité d'accentuer la recherche sur toutes les formes de la covid-19, parce qu'une meilleure connaissance de la maladie est un impératif pour améliorer la prise en charge et prévenir les effets durables. C'est aussi un préalable à la création d'un éventuel fonds d'indemnisation.

L'autre impératif, qui est lié, concerne la reconnaissance en maladie professionnelle. Celle-ci était nécessaire, tant les personnes continuant leur activité en dépit de l'épidémie ont été nombreuses, travaillant parfois dans des conditions ne permettant pas de garantir leur sécurité. Or, nous le répétons, le décret publié en septembre dernier demeure insuffisant, car trop restrictif. Il ne prend en compte que les formes très sévères de la covid-19, celles qui ont nécessité une oxygénothérapie. Toutes les autres formes, tout aussi réelles, contraignantes et handicapantes, en sont exclues ; cela revient à nier le caractère lourd des effets à long terme. Plus encore, ce décret oublie les non-soignants, négligeant ainsi le rôle important d'un très grand nombre de travailleurs qui ont permis au pays de tenir : les hôtesses de caisse, les agents des forces de l'ordre et de sécurité, les enseignants, les éboueurs, les postiers, les routiers, les livreurs, les bénévoles – je ne peux tous les citer. Pour ces personnes, l'évaluation se fait au cas par cas. La reconnaissance de la covid-19 en maladie professionnelle est donc encore loin d'être satisfaisante.

Avec tous ces éléments, la question de la réparation, de l'indemnisation, mérite forcément notre attention. Instituer un fonds d'indemnisation pour les victimes de la covid-19 et leurs ayants droit aurait le mérite de reconnaître le caractère exceptionnel de cette épidémie, dans son ampleur et dans sa brutalité.

Peut-être est-il effectivement trop tôt pour créer un fonds d'indemnisation : d'une part, nous ne connaissons pas encore toutes les conséquences de la maladie, d'autre part, la responsabilité de l'État – juridique, et pas seulement politique – à l'égard des victimes n'est pas reconnue. Cette objection a été légitimement soulevée en commission.

Malgré tout, je soutiens que ce texte a le mérite de mettre au jour des enjeux et de contenir des propositions intéressantes. Ainsi, recourir à la solidarité nationale ne nous apparaît ni disproportionné, ni inadapté. Il s'agit de reconnaître l'engagement des personnes, de prendre leur souffrance en considération, en particulier lorsqu'elles se retrouvent, du jour au lendemain, incapables de poursuivre ou de reprendre leur travail.

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