Intervention de Muriel Ressiguier

Séance en hémicycle du mardi 2 mars 2021 à 9h00
Questions orales sans débat — Traitement des violences sexuelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMuriel Ressiguier :

D'après le ministère de l'intérieur, le nombre de viols a augmenté de 11 % en 2020. Chaque année, en moyenne, 176 000 personnes majeures ont été victimes de violences sexuelles entre 2011 et 2018. Sur les 18 800 plaintes reçues en 2018, seules 1 028 condamnations avaient été prononcées fin juillet 2020. On estime que, chaque année, 165 000 enfants sont victimes de viol ou de tentative de viol, dont 130 000 filles et 35 000 garçons. De plus, un sondage réalisé par l'IPSOS en 2020 dévoile qu'un Français sur dix déclare avoir été victime d'inceste, soit 6,7 millions de personnes au total. Je regrette que le ministre de la justice ne soit pas là aujourd'hui pour l'entendre.

En 2016, le tribunal de Bobigny a joué la transparence en révélant des chiffres : sur 223 affaires de viols et d'agressions sexuelles, 70 ont été jugées aux assises, et 153 en correctionnelle. Le ministre de la justice ne comptabilise pas ce phénomène de correctionnalisation, qu'il justifie par la saturation des cabinets d'instruction et des capacités d'audiencement des cours d'assises. Le délai moyen entre la commission d'un crime et sa condamnation en cour d'assises est d'environ cinq ans et demi ; mais il est parfois beaucoup plus long, comme pour Julie, victime de nombreux viols entre 13 et 15 ans, dont l'affaire a débuté il y a douze ans maintenant : d'abord instruits en cour d'assises pour viol sur mineur, les faits ont été requalifiés en atteinte sexuelle, en 2019, par le juge d'instruction, ce qui réduit de moitié la peine encourue par trois des agresseurs poursuivis et sous-entend un consentement de la victime.

Vous avez annoncé vouloir fixer le seuil d'âge de non-consentement à 15 ans pour l'ensemble des crimes sexuels et à 18 ans en cas d'inceste, ce qui était attendu.

Par ailleurs, nombreuses sont les victimes confrontées à un parcours extrêmement éprouvant quand elles décident de porter plainte. L'accueil qui leur est parfois réservé au moment de déposer plainte, la peur d'être stigmatisées, le sentiment de gêne ou de honte, la crainte d'être blâmées, la conscience que l'instruction sera longue et l'incertitude quant à une condamnation de l'agresseur expliquent que seulement 10 % des victimes osent porter plainte.

Une étude menée en 2016 par l'association Mémoire traumatique et victimologie met en exergue la culture du viol. Elle montre que 22 % des hommes pensent encore qu'un non est un oui déguisé, contre 17 % des femmes, et 27 % des personnes interrogées estiment que l'attitude ou la tenue de la victime sont des circonstances atténuantes pour l'agresseur.

Il manque toujours à la justice des moyens importants pour qu'elle puisse fonctionner correctement et sereinement. Le ministre de la justice – il est absent, ce qui est assez désespérant – envisage-t-il d'investir massivement pour satisfaire ses besoins humains et financiers de sorte que les Français puissent retrouver confiance en elle ?

En définitive, l'absence du ministre me semble significative.

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