Le projet de loi organique relatif à l'élection du Président de la République n'appelle pas de long commentaire de notre part, puisqu'il s'agit principalement de s'assurer que la loi du 6 novembre 1962 intègre les dispositions introduites récemment dans le code électoral, dans le but de sécuriser la tenue du scrutin.
Cependant, je ne peux pas taire le regret de mon groupe de voir un sujet aussi essentiel abordé uniquement sous un angle technique : rien sur la dérive quasi monarchique du rôle du Président de la République ; rien non plus au sujet des conséquences de l'inversion du calendrier électoral sur l'affaiblissement de notre assemblée. Il faudra bien qu'un jour ou l'autre, le débat de fond ait lieu.
Il y aurait beaucoup à proposer, en suivant par exemple la proposition de loi déposée par notre ancien collègue Alain Bocquet, et qui visait à nous sortir du prisme réducteur des pseudo-duels du second tour, en permettant, le cas échéant, à plusieurs candidats ayant atteint un certain seuil de se présenter au second tour.
En outre, alors que les campagnes électorales sont toujours plus coûteuses, le besoin d'une séparation plus nette entre les puissances de l'argent et les candidats serait aussi un vaste sujet à traiter. Nos collègues de La France insoumise avaient déposé en première lecture un amendement facilitant les prêts de particuliers ; vous n'avez malheureusement pas suivi cette piste intéressante.
Bien que la participation au scrutin faiblisse, pour des raisons de fond qui ne sont pas évoquées ni traitées par le texte, nous ne sommes pas pour autant pour la politique du pire : en l'état, nous partageons l'objectif de plusieurs des dispositions du texte, qui visent à permettre au plus grand nombre d'exercer leur droit de vote. Nous sommes ainsi favorables au vote par correspondance des personnes en détention. Ce dispositif a été expérimenté lors de l'élection européenne avec un certain succès puisqu'il a permis de multiplier par quatre le nombre de personnes en détention ayant voté.
Nous sommes également favorables aux logiques de simplification et à la mise en place de téléservices de dépôt des comptes de campagne ou de délivrance de reçus aux associations de financement. Nous avons pris note – avec regret – du report de la dématérialisation des parrainages à 2027. Il conviendrait d'aller plus loin dans le domaine de la dématérialisation, avec la mise en place d'un téléservice pour la demande et la délivrance de procurations, comme nous l'avions proposé en première lecture par voie d'amendement. Nous regrettons également que d'autres pistes n'aient pas été travaillées, comme l'utilisation plus juste et égalitaire des moyens de communication audiovisuelle ou, d'une manière générale, l'accès aux médias pour l'ensemble des candidats et pas seulement pour ceux qui ont les faveurs des sondages.
Par ailleurs, nous nous étonnons que lors de l'examen au Sénat, le Gouvernement ait jugé utile de déposer inopinément un amendement visant à adopter un dispositif de vote anticipé sur des machines à voter aux conséquences potentiellement redoutables. Nous observons avec satisfaction que le texte issu de la CMP n'a pas tenté de réintroduire cette disposition.
Les dispositions prévues à l'article 3 constituent la principale source de notre prise de distance avec le texte. Elles envisagent que les procurations établies pour l'élection présidentielle puissent être déterritorialisées, c'est-à-dire que la possibilité soit offerte au mandant de confier sa procuration à une personne de son choix qui n'est pas inscrite dans la même commune. Nous considérons qu'une telle disposition est porteuse de risques de fraude électorale et d'achats de voix. Applicable uniquement à l'élection présidentielle et non aux élections législatives qui suivront, ce peut être également une source de confusion pour les électrices et les électeurs.
Enfin, nous maintenons que c'est à l'échelle de la commune que s'organise la vie démocratique de la nation et il convient donc de ne pas l'affaiblir. Notamment parce que notre amendement de suppression de cet article n'a pas été adopté, nous ne pourrons pas voter le projet de loi en l'état : nous nous abstiendrons.