« Réconcilier en France la liberté et le progrès. C'est notre vocation et je n'en connais pas de plus belle. » Ce sont les mots du Président de la République, écrits en 2016 dans son ouvrage intitulé Révolution.
Réconcilier la liberté et le progrès, cette phrase résume le défi, pour ne pas dire le paradoxe, que doit résoudre ce projet de loi constitutionnelle, dont l'objet est d'inscrire à l'article 1er de la Constitution le principe selon lequel la France « garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ».
Avant de parler de la liberté, parlons du progrès. Le présent projet de loi, fidèle à l'engagement du Président de la République et au travail mené par la Convention citoyenne pour le climat, constitue un progrès historique vers une société plus écologique – j'utilise le mot « écologique » à dessein et dans son sens premier – , c'est-à-dire vers une société qui aspire à un meilleur équilibre entre l'homme et son environnement, non pas seulement en protégeant ce dernier, mais en changeant, petit à petit, notre façon de nous unir au vivant et nos « manières d'être vivant », pour reprendre les mots du philosophe Baptiste Morizot.
La modification de l'article 1er de la Constitution représente donc bien un progrès écologique, parce qu'en y inscrivant la préservation de l'environnement, elle vient confirmer et surtout consolider définitivement la place de cet enjeu aux côtés des principes fondateurs de la République : une place justifiée, selon l'avis même du Conseil d'État, par « le caractère prioritaire de la cause environnementale, s'agissant d'un des enjeux les plus fondamentaux auxquels l'humanité est confrontée ».
Cette modification est un progrès écologique aussi, parce qu'elle ajoute à la préservation de l'environnement, celle de la diversité biologique, ainsi que la lutte contre le dérèglement climatique, précisant et étendant ainsi le périmètre de l'action environnementale, le tout en cohérence avec les engagements internationaux de la France en matière de climat et de biodiversité.
C'est donc bien un progrès écologique majeur que porte cette modification de la Constitution, mais c'est aussi un progrès démocratique, puisqu'elle permettra aux citoyens de saisir le juge constitutionnel a posteriori pour évaluer les lois, saisine que ne permet pas l'inscription actuelle de la protection de l'environnement. N'oublions pas ce progrès-là, qui compte dans ces temps difficiles où notre société démocratique doit s'adapter.
Cependant, le défi est aujourd'hui de faire rimer « progrès » avec « liberté », pour reprendre les mots du Président de la République. Car la liberté, qui n'est rien moins que le premier de nos principes républicains, se trouvera désormais à égalité avec la préservation de l'environnement. Or certains s'inquiètent de voir cette égalité venir concurrencer, voire menacer d'autres droits et libertés. J'en donnerai deux exemples.
Le premier d'une composition délicate entre progrès et liberté concerne la liberté d'entreprendre. La jurisprudence montre qu'elle est l'une des premières libertés questionnées par le principe de préservation de l'environnement : je pense notamment aux décisions du Conseil constitutionnel sur l'usage des produits phytosanitaires. La modification de la Constitution pose, de fait, une limite à certaines libertés économiques et assoit un nouveau risque juridique que les entreprises devront définitivement intégrer. Sur ce point, la jurisprudence et l'exigence de proportionnalité rappelée par le juge sont de nature à rassurer les acteurs économiques. Cependant, il me semble que le débat devra apporter des éléments d'assurance supplémentaires et étayés sur la question des libertés économiques.
Le second exemple d'accommodement délicat entre progrès et liberté est celui du droit à « des moyens convenables d'existence », pour reprendre les termes figurant dans le préambule de la Constitution. La modification de l'article 1er conférera en partie à l'État une obligation d'agir, renforçant de facto le caractère contraignant de ses politiques publiques et, en conséquence, les efforts d'adaptation demandés à nos concitoyens. Je pense notamment aux mesures visant à contraindre la rénovation énergétique des logements pour des raisons de lutte contre le dérèglement climatique, et qui risquent de dégrader les conditions de vie et de dignité des Français les plus modestes. Là encore, il me semble que nos débats devront apporter des garanties d'équilibre entre lutte contre le dérèglement climatique et droits individuels.
Le groupe Agir ensemble, depuis sa création, s'attache à penser une écologie libérale, soucieuse de toutes les libertés, car il nous semble qu'il n'y a aucun progrès véritable en démocratie sans une adhésion libre à celle-ci. C'est pourquoi notre groupe votera sans hésitation et avec conviction ce texte de progrès écologique et démocratique mais, fidèle à ses valeurs libérales, il restera attentif à ce que cette évolution ne remette pas en cause les droits et les libertés.