La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures.
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à Mme Valérie Petit.
« Réconcilier en France la liberté et le progrès. C'est notre vocation et je n'en connais pas de plus belle. » Ce sont les mots du Président de la République, écrits en 2016 dans son ouvrage intitulé Révolution.
Réconcilier la liberté et le progrès, cette phrase résume le défi, pour ne pas dire le paradoxe, que doit résoudre ce projet de loi constitutionnelle, dont l'objet est d'inscrire à l'article 1er de la Constitution le principe selon lequel la France « garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ».
Avant de parler de la liberté, parlons du progrès. Le présent projet de loi, fidèle à l'engagement du Président de la République et au travail mené par la Convention citoyenne pour le climat, constitue un progrès historique vers une société plus écologique – j'utilise le mot « écologique » à dessein et dans son sens premier – , c'est-à-dire vers une société qui aspire à un meilleur équilibre entre l'homme et son environnement, non pas seulement en protégeant ce dernier, mais en changeant, petit à petit, notre façon de nous unir au vivant et nos « manières d'être vivant », pour reprendre les mots du philosophe Baptiste Morizot.
La modification de l'article 1er de la Constitution représente donc bien un progrès écologique, parce qu'en y inscrivant la préservation de l'environnement, elle vient confirmer et surtout consolider définitivement la place de cet enjeu aux côtés des principes fondateurs de la République : une place justifiée, selon l'avis même du Conseil d'État, par « le caractère prioritaire de la cause environnementale, s'agissant d'un des enjeux les plus fondamentaux auxquels l'humanité est confrontée ».
Cette modification est un progrès écologique aussi, parce qu'elle ajoute à la préservation de l'environnement, celle de la diversité biologique, ainsi que la lutte contre le dérèglement climatique, précisant et étendant ainsi le périmètre de l'action environnementale, le tout en cohérence avec les engagements internationaux de la France en matière de climat et de biodiversité.
C'est donc bien un progrès écologique majeur que porte cette modification de la Constitution, mais c'est aussi un progrès démocratique, puisqu'elle permettra aux citoyens de saisir le juge constitutionnel a posteriori pour évaluer les lois, saisine que ne permet pas l'inscription actuelle de la protection de l'environnement. N'oublions pas ce progrès-là, qui compte dans ces temps difficiles où notre société démocratique doit s'adapter.
Cependant, le défi est aujourd'hui de faire rimer « progrès » avec « liberté », pour reprendre les mots du Président de la République. Car la liberté, qui n'est rien moins que le premier de nos principes républicains, se trouvera désormais à égalité avec la préservation de l'environnement. Or certains s'inquiètent de voir cette égalité venir concurrencer, voire menacer d'autres droits et libertés. J'en donnerai deux exemples.
Le premier d'une composition délicate entre progrès et liberté concerne la liberté d'entreprendre. La jurisprudence montre qu'elle est l'une des premières libertés questionnées par le principe de préservation de l'environnement : je pense notamment aux décisions du Conseil constitutionnel sur l'usage des produits phytosanitaires. La modification de la Constitution pose, de fait, une limite à certaines libertés économiques et assoit un nouveau risque juridique que les entreprises devront définitivement intégrer. Sur ce point, la jurisprudence et l'exigence de proportionnalité rappelée par le juge sont de nature à rassurer les acteurs économiques. Cependant, il me semble que le débat devra apporter des éléments d'assurance supplémentaires et étayés sur la question des libertés économiques.
Le second exemple d'accommodement délicat entre progrès et liberté est celui du droit à « des moyens convenables d'existence », pour reprendre les termes figurant dans le préambule de la Constitution. La modification de l'article 1er conférera en partie à l'État une obligation d'agir, renforçant de facto le caractère contraignant de ses politiques publiques et, en conséquence, les efforts d'adaptation demandés à nos concitoyens. Je pense notamment aux mesures visant à contraindre la rénovation énergétique des logements pour des raisons de lutte contre le dérèglement climatique, et qui risquent de dégrader les conditions de vie et de dignité des Français les plus modestes. Là encore, il me semble que nos débats devront apporter des garanties d'équilibre entre lutte contre le dérèglement climatique et droits individuels.
Le groupe Agir ensemble, depuis sa création, s'attache à penser une écologie libérale, soucieuse de toutes les libertés, car il nous semble qu'il n'y a aucun progrès véritable en démocratie sans une adhésion libre à celle-ci. C'est pourquoi notre groupe votera sans hésitation et avec conviction ce texte de progrès écologique et démocratique mais, fidèle à ses valeurs libérales, il restera attentif à ce que cette évolution ne remette pas en cause les droits et les libertés.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ensemble et sur quelques bancs du groupe LaREM.
C'est parfait.
Nous sommes réunis ce soir, et ce n'est pas courant, pour débattre d'un projet de loi constitutionnelle. Je le précise parce que la dernière fois que nous en avons eu l'occasion, sous ce quinquennat, cela s'est mal terminé ; personne ne le souhaitait, y compris l'exécutif. J'espère que cela se terminera mieux, j'en suis même sûr.
Cela va bien se terminer, cette fois.
Je veux toutefois rappeler, en premier lieu, que des citoyens tirés au sort, comme ce fut le cas pour composer la convention citoyenne pour le climat, ne représentent pas le peuple français et qu'il est temps que l'Assemblée nationale puisse débattre de cette question, parce que c'est elle qui a été élue par les Français. La convention citoyenne pour le climat a été une réponse politique à un mouvement social hybride, constituée dans la foulée du grand débat national, en vue d'instaurer un lien direct entre des individus tirés au sort et le reste de la société. Mais ce lien ne peut se faire au détriment de ceux qui ont été élus, au sein des corps intermédiaires notamment, pour ne pas parler que de l'Assemblée nationale.
Nous sommes d'accord.
Pour ce qui concerne l'élaboration de la loi, en tout cas, seuls les parlementaires peuvent prétendre représenter les citoyens. Ils doivent donc avoir le dernier mot : c'est le cadre logique de nos institutions.
Disons-le tout de suite, le groupe UDI et indépendants ne formule pas d'objection de principe à cet ajout à l'article 1er de la Constitution. Le changement climatique constitue le grand défi pour nos générations et, face à l'épuisement des énergies non renouvelables et des ressources naturelles, face au changement climatique et à l'augmentation de la population mondiale, notre fonctionnement actuel n'est pas durable, incapable qu'il est de répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux du monde. Il nous faut donc accélérer le mouvement, pour limiter notre impact sur l'environnement.
Mais y parviendrons-nous au moyen d'un changement symbolique dans la Constitution ? Nous ne le pensons pas. Selon nous, c'est dans l'action, grâce à des changements quotidiens, que nous y parviendrons le mieux.
Pour en revenir au projet de loi constitutionnelle lui-même, comme l'a souligné notre collègue Michel Zumkeller en commission des lois, le Gouvernement n'est pas clair quant aux conséquences concrètes qu'entraînera cette modification de la Constitution. Selon de nombreux acteurs de la société civile, notamment des juristes, des universitaires, des constitutionnalistes, elle ne changera rien. Aussi sommes-nous sceptiques et craignons-nous que cette inscription à l'article 1er de la Constitution n'ait pas plus de portée que le texte de la charte de l'environnement.
Celle-ci a déjà valeur constitutionnelle. Le Conseil d'État rappelle lui-même que « l'inscription de la préoccupation environnementale à l'article 1er de la Constitution revêt une portée symbolique » et qu'elle ne lui confère « aucune prééminence d'ordre juridique sur les autres normes constitutionnelles », et que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 31 janvier 2020, a renforcé la protection de l'environnement, jusqu'alors simple motif d'intérêt général, en en faisant un objectif à valeur constitutionnelle. Ce dont nous débattons a donc déjà valeur constitutionnelle, de par le Conseil constitutionnel lui-même.
En revanche, si l'on inverse le raisonnement et que l'on considère que nous débattons non pas d'une simple déclaration de principe, mais bien d'une déclaration à portée juridique, alors se pose la question de savoir qui fera la loi demain.
Si l'on inscrit dans la Constitution le verbe « garantit », cela signifie que c'est le Conseil constitutionnel, nommé par trois personnalités seulement de la République française, qui décidera à la place des 577 députés et des 348 sénateurs. Ce danger nous inquiète. Soit, et Jean-Luc Warsmann l'a démontré en commission, ce projet de loi n'a pas de portée et convoquer le peuple français pour un référendum paraît curieux ; soit il en a une, et dans ce cas il vise à déposséder l'Assemblée de son pouvoir. Nous souhaiterions donc nous placer dans l'action plutôt que dans le symbole et que surtout, lors de nos débats, vous clarifiiez ce point, monsieur le garde des sceaux.
Je sais que la proximité des élections peut conduire à certaines intentions, à des excès ou à des sous-entendus : ce n'est toutefois pas satisfaisant dès lors que nous touchons au texte sacré des institutions de la République.
Enfin, le Gouvernement a jugé que la modification de l'article 1er est prioritaire et le Président de la République a annoncé qu'il la soumettra au peuple français par voie de référendum. Comme je l'ai rappelé en commençant mon propos, lors du débat constitutionnel avorté il y a quelques mois, comme d'ailleurs en 2008 – débat qui a été interrompu – , un large consensus s'était dégagé sur plusieurs points au sein de la population et d'une partie du Parlement, même si les trois cinquièmes de celui-ci n'étaient pas atteints, pour des raisons relevant également de calculs politiques. Le groupe UDI et indépendants estime que, s'il faut convoquer le peuple français pour un référendum, autant le faire réellement et sérieusement.
C'est pourquoi nous proposerons des ajouts à ce projet de référendum. Qui, ici, pourrait s'opposer à ce que le peuple français se prononce pour ou contre la suppression de la Cour de justice de la République, afin que les ministres soient jugés comme n'importe qui ? Pourquoi ne pas le faire ? Pour préserver quel symbole ? À quoi sert-il de convoquer des millions de Français, si nous ne sommes pas capables d'admettre que les parlementaires que nous sommes ne peuvent pas trancher certaines questions et que c'est donc le moment de donner la parole au peuple ?
Notre groupe a déposé plusieurs amendements en ce sens, portant notamment sur la reconnaissance du vote blanc, la capacité de modifier la durée de certaines institutions ou encore, ce qui, je le répète, faisait déjà consensus dans notre assemblée, la suppression de la Cour de justice de la République. Il y en a d'autres, mais je ne veux pas allonger le débat. Voilà la direction dans laquelle notre groupe engagera ce débat constitutionnel.
Tous les étudiants en première année de droit apprennent que la Constitution revêt une valeur autant symbolique que juridique. Si je devais résumer en une phrase la critique que l'on peut faire à votre texte, c'est que vous privilégiez la première dimension par rapport à la seconde.
Nous mesurons aisément la portée symbolique de l'inscription de la préservation de l'environnement, de la biodiversité, de la lutte contre le dérèglement climatique dans l'article 1er de la Constitution. Mais, au-delà de la satisfaction que nous pourrions tirer d'une telle réaffirmation de notre attachement à la cause écologiste, que pouvons-nous espérer de cette réforme constitutionnelle ?
Sur le plan juridique, la portée des termes choisis fait l'objet de débats d'initiés : d'aucuns estiment que le mot « garantit » impose une obligation de résultats ; d'autres considèrent que la France est une entité juridique aux contours trop flous pour porter la charge qu'implique ce mot « garantit ». Une majorité voit dans la charte de l'environnement un instrument largement suffisant pour faire évoluer le droit de l'environnement.
Dans ces conditions, personne, pas même vous, monsieur le ministre, n'est en mesure de nous éclairer sur la portée concrète de cette révision constitutionnelle. Ainsi, lorsque j'ai demandé, en commission, quelle quantité de gaz à effet de serre elle permettrait d'économiser, vous avez répondu sérieusement, et honnêtement, que vous l'ignoriez.
Nous ne pouvons évidemment pas anticiper totalement la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais nous aimerions obtenir des réponses. Ce texte aurait-il permis de tenir la promesse du Président de la République de mettre fin à l'utilisation du glyphosate en novembre 2020 ? Empêcherait-il le retour des néonicotinoïdes ?
M. François Ruffin applaudit.
Porterait-il un coup d'arrêt à l'accord avec le MERCOSUR – marché commun du Sud – , au CETA – accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada – ou à tout autre accord de libre-échange climaticide ? Engagerait-il la responsabilité de l'État en cas d'inaction climatique ?
Sauverait-il les 50 000 Français qui meurent, chaque année, de la pollution de l'air ? Tout simplement, imposerait-il à l'État et à son administration un sursaut écologique à la hauteur de l'enjeu ? La réponse dépendra de l'interprétation – ô combien aléatoire – du Conseil constitutionnel. Soyons donc bien conscients que nos travaux sont limités par son interprétation.
Pour autoriser de réelles avancées, il faudrait, au-delà du symbole, introduire des notions structurantes dans la Constitution, telles que les limites planétaires ou le principe de non-régression, notions qui laisseraient moins de place à l'incertitude en garantissant de réelles avancées de la cause écologique.
Par ailleurs, en ciblant seulement la lutte contre le dérèglement climatique, le texte met au second plan d'autres combats tout aussi importants. La pollution plastique, par exemple, qui étouffe nos terres et ravage nos océans, mériterait une mobilisation accrue, à la hauteur de celle que nous devons mener contre le dérèglement climatique. Permettez-moi de rappeler, cher collègue député des Bouches-du-Rhône, que, dans vingt ans, la Méditerranée pourrait être une mer morte, tuée par les plastiques. Quant à la dégradation de la qualité de l'air, elle est responsable, je l'ai dit, de 50 000 décès par an en France : elle gagnerait également à être inscrite dans la Constitution. Quitte à faire une réforme symbolique, autant y inscrire nos priorités – la préservation de la santé des Français, en particulier.
Que fait le Gouvernement pour répondre aux urgences écologiques ? Trop peu, comme en attestent les évaluations du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Toutes les évaluations estiment que la politique gouvernementale ne permettra pas d'atteindre la baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre avant 2030 – je ne parle même pas des 55 % de l'objectif européen. Le Gouvernement fait trop peu, comme l'ont également jugé les membres de la convention citoyenne pour le climat.
Dans un tel contexte, il est difficile de voir, dans ce projet de révision constitutionnelle, autre chose qu'un contre-feu grossier, une mesure de communication, un coup politique organisé. À défaut de réagir véritablement face à l'urgence climatique, vous tentez d'acculer le Sénat. Ce coup politique, d'esprit machiavélien, que vous imposez au Sénat, comme aux députés que nous sommes, réussira peut-être ; mais votre responsabilité demeurera pour l'histoire. Une telle instrumentalisation de la Constitution, avec un référendum érigé en étendard de la démocratie citoyenne et directe, n'est pas acceptable ;
M. François Ruffin applaudit
elle n'est pas digne de notre rôle de parlementaires ; elle n'est pas ce qu'on attend d'un garde des sceaux, dont la responsabilité est de conseiller la précaution plutôt que la précipitation en matière constitutionnelle.
Comme une majorité de Françaises et de Français, j'attends mieux et plus, de la part du Gouvernement, qu'une révision constitutionnelle d'une forme inédite, qui n'autorise en rien le travail parlementaire. J'attends une action sur le quotidien ; j'attends de l'ambition pour une France moins jupitérienne et plus confiante à l'égard de ses territoires ; j'attends une France qui croit en ses élus locaux ; j'attends une France qui agit concrètement, à l'exemple de l'ancien président de l'Association des maires ruraux de France, décédé ce jour, Vanik Berberian.
C'est l'histoire d'un président, vous la connaissez ? Mais l'écologie est plutôt une tragédie quotidienne. Un article vient de tomber sur mon fil Telegram : la superficie de la banquise atteint un minimum historique. J'allume la radio : Katrina, Irma, Hervé : au XXIe siecle, les ouragans deviennent de plus en plus violents. Une coupure de journal traîne sur mon bureau : « Urgence sur la disparition des vertébrés ». Nous vivons une tragédie – une tragédie au ralenti, pour nous et pour nos enfants.
Heureusement, le Président est là. Il fait de son mieux pour convertir la tragédie en comédie, pour changer nos larmes en rires. Emmanuel Macron, avril 2019 : « Ce qui sortira de cette convention, je m'y engage, sera soumis sans filtre soit au vote du Parlement, soit à référendum, soit à application réglementaire directe. »
L'orateur diffuse des rires depuis son téléphone portable.
Emmanuel Macron, novembre 2017 : nous aurons une interdiction totale du glyphosate d'ici trois ans.
Diffusion des mêmes rires.
Emmanuel Macron, mars 2020 : « Déléguer notre alimentation, notre protection [… ] à d'autres est une folie. »
Mêmes rires.
Monsieur Ruffin, je vous demande d'éteindre votre téléphone, et vous pourrez reprendre votre propos.
On n'est pas au cirque !
Chers collègues, ne compliquons pas le débat ; je demande à M. Ruffin d'éteindre son téléphone, car ce sont règles, et je lui redonne la parole.
Voilà ce qu'est votre loi fondamentale : un coup de com' du Président de la République !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ça vous va bien de dire ça !
Attendez un peu que je vous raconte la dernière : la République « garantit la préservation de la biodiversité et de l'environnement et lutte contre le dérèglement climatique ». Pourtant, c'est le même président qui réintroduit les néonicotinoïdes dans nos champs, alors que l'Europe a déjà perdu 80 % de ses insectes, que les abeilles disparaissent silencieusement et que nous assistons tous les jours à l'érosion du vivant. C'est une comédie que vous jouez ici !
C'est le même président qui signe un accord – le CETA – avec le Canada, qui autorise l'importation en France et en Europe de b? ufs élevés aux hormones, dopés aux antibiotiques, avec quarante-six molécules en prime, interdites ici – acéphate, amitrase, atrazine… – , qui détruisent les rivières ou refilent le cancer. C'est le même président qui a signé, depuis, des accords avec le Mexique, le Vietnam et Singapour, dont le grand absent est le climat. C'est le même président qui tortille pour dire non, franchement, à un accord avec le MERCOSUR.
C'est le même président qui, depuis quatre ans, baisse les impôts sur les firmes et fait des dizaines de milliards d'euros de cadeaux. Et qui en profite ? D'après le Conseil d'analyse économique, rattaché au Premier ministre, les trois secteurs les plus favorisés sont les producteurs d'électricité et de gaz, les industries extractives et la finance : ce sont aussi les secteurs les plus pollueurs. C'est le même président qui impose un « nouveau pacte ferroviaire » où l'on trouve quatre-vingt-huit fois le mot « concurrence », mais jamais ceux de « climat », de « réchauffement » et de « biodiversité ». C'est le même président qui, un an après l'explosion de l'usine Lubrizol à Rouen – pour fêter cet anniversaire, sans doute – , diminue les contrôles et simplifie l'installation des sites industriels. C'est le même président qui, pour les mois à venir, refuse le moratoire sur les entrepôts géants, autorise Amazon partout et des centres commerciaux à gogo.
C'est le même président qui, depuis son arrivée, a diminué de 40 % les effectifs du ministère de la transition écologique ; le même qui conseille à Greta Thunberg et aux Jeunes pour le climat d'aller manifester en Pologne ; le même, encore, dont les membres de la convention citoyenne pour le climat découvrent qu'il les voit comme un congrès d'Amish et des partisans du retour à la lampe à huile. En réalité, son « sans filtre » s'écrit « cent filtres » !
Alors, une grande déclaration dans la Constitution – la République « garantit la préservation de la biodiversité » – pourquoi pas ? Ça fait bien, ça ne coûte rien et ça ne mange pas de pain. On a bien « liberté, égalité, fraternité » comme devise, dans la Constitution ! On y a même inscrit « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » ; c'est super, j'adore ! On avait déjà une charte de l'environnement avec plein de bonnes choses : « Toute personne a le droit de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement. » Ça change quoi, tous ces grands principes ? On voit tellement de trucs, c'est de la grosse ficelle ! Moins on fait d'écologie, plus on l'étale, plus on l'étale dans des grandes déclarations, plus on l'étale dans les valeurs générales – des valeurs générales inoffensives, qui ne contraignent pas Total, la BNP, la Société générale, Engie et compagnie, qui ne rompent pas avec la sainte trinité – croissance, concurrence, mondialisation – , qui ne nuisent pas aux amis du Président – à ses amis young American leaders, à ses amis du groupe Bilderberg, à ses amis de la commission Attali, à ses clients et amis de la banque Rothschild, à tous ses amis qui ont soutenu son parcours, qui ont financé sa campagne et qui soutiendront et financeront la suivante. C'est de l'écologie sans conflit avec les firmes. La planète brûle, mais les affaires continuent : business is business, as usual ; les profits avant l'Amazonie ; les dividendes plus sacrés que la vie ! Alors, il reste quoi ? Nous raconter des blagues. C'est l'histoire d'un président…
M. Ugo Bernalicis applaudit.
C'est honteux !
C'est un piètre constitutionnaliste qui s'adresse à vous, mais c'est un élu, comme vous tous. Et en tant qu'élu, j'ai perçu, avec mes collègues du groupe communiste, le jeu de dupes avec lequel le Président et sa majorité entendent instrumentaliser la question climatique à des fins électoralistes et plébiscitaires…
… et ce, pour que le Président puisse tresser une couronne de lauriers et la poser sur son auguste front, tout en cachant d'une feuille de vigne son triste bilan environnemental.
L'examen du texte qui nous occupe aujourd'hui intervient, qui plus est – cela a été rappelé – , alors que le tribunal administratif de Paris a reconnu la carence fautive de l'État dans la lutte contre le changement climatique, avalisant ainsi, sur le terrain judiciaire, les différents rapports scientifiques pointant le manque de volontarisme des politiques publiques des gouvernements successifs.
Dans un tel contexte, il nous faut un peu moins d'emphase dans la présentation du texte – je m'adresse ici tout particulièrement à M. le rapporteur, et je le dis d'autant plus volontiers que je suis moi-même, je le répète, un piètre constitutionnaliste.
Ce projet de révision de la Constitution intervient alors que nos collègues examinent, en commission, le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets qui, lui, au moins, se veut opérationnel. Vous entendiez convertir les propositions de la convention citoyenne pour le climat, mais nous constatons à nouveau que votre texte multiplie à l'envi les mesures d'ajustement marginales. C'est un texte assez gribouille, révélateur de vos insuffisances et de la faiblesse de vos ambitions. En revanche – et nous devons en être les porte-voix – , ce texte révèle des déséquilibres bien marqués entre les droits sociaux et les libertés libérales.
Comment pourrait-il en être autrement, puisque vous ne souhaitez pas inscrire votre action dans une transformation sociale et écologique progressiste ? Faut-il le préciser, nous vous dénions la faculté d'être progressistes. Au contraire, vous persistez à sacrifier les biens communs aux enjeux et aux logiques court-termistes du marché. Aussi avez-vous rejeté d'emblée la proposition de la convention citoyenne pour le climat visant à inscrire, dans le préambule de la Constitution, la nécessaire conciliation des libertés individuelles avec la protection de l'environnement – le débat est important, comme l'ont montré nos collègues Les Républicains. Cette proposition ouvrait la voie à une reconnaissance des biens communs et à la remise en cause de l'exercice abusif – usus, fructus, abusus – du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre, puissants obstacles au progrès social et à la préservation de la planète.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel, cela a été rappelé, a certes évolué et pouvait suffire à ne pas justifier les atteintes à l'environnement au nom tant de la liberté d'entreprendre que, bien évidemment, de l'ensemble des libertés libérales auxquelles j'ai fait référence. Nous voulons enfoncer ce clou-là, le clou des biens communs. Reprendre cette proposition aurait donc eu du sens, au lieu de quoi vous avez fait le choix de retenir une proposition beaucoup plus symbolique, celle de Nicolas Hulot de 2018.
De nombreux juristes débattent à l'heure actuelle de la portée superfétatoire ou non de cette inscription en rapport avec la charte de l'environnement. Sur ce point, certains suggèrent que la charte elle-même qui fait partie de notre bloc constitutionnel était suffisante : plus décisive aurait été, nous vous le disons, l'inscription du principe de non-régression du droit de l'environnement dans cette charte.
Mais là encore : non-régression du droit de l'environnement, que dis-je ? S'il s'agissait de la non-régression du droit social, cela vous ferait sauter au plafond en condamnant l'ensemble de votre politique depuis 2017.
Nous voulons cependant vous prendre sur votre terrain, afin d'avoir une confrontation démocratique et abrasive sur la question des enjeux écologiques et environnementaux. Nous voterons donc ce texte car nous nous retrouverons, s'il aboutit, face à face dans le débat public.
Rires sur les bancs du groupe LR.
La lutte pour la préservation de l'environnement et la participation civique sont deux enjeux essentiels pour nos temps, décisifs pour notre avenir.
Aujourd'hui, selon moi, et à juste titre, les Français n'ont plus confiance dans leurs institutions. Ils se méfient de leurs représentants politiques et ils craignent pour le devenir de leurs enfants dans un monde menacé par la destruction de l'environnement. Si nos concitoyens, en particulier les plus jeunes, désertent les urnes, on les retrouve dans la rue, dans les associations, dans les collectifs. Ce sont eux qui nous rappellent, avec les grèves lycéennes, avec l'« Affaire du siècle », qu'il y a urgence à agir pour notre planète et pour notre démocratie. Aussi, faire inscrire par voie référendaire la préservation de l'environnement, la sauvegarde de la diversité biologique, la lutte contre le dérèglement climatique au premier des articles de notre Constitution représente-t-il une avancée, avant tout symbolique certes, mais certaine, que je ne peux que soutenir, en tout cas sur le principe.
Car il ne faut pas se leurrer. La fin politique de cette opération est tout autre et ne doit pas être masquée par les moyens utilisés pour y parvenir. Pour reprendre une métaphore un peu connue, l'arbre du référendum ne doit pas cacher la forêt des renoncements climatiques et des abus antidémocratiques accumulés par ce gouvernement. Il est aisé de deviner dans ce virage écologique tardif une stratégie de communication, crépuscule d'un quinquennat qui affiche à ce stade plus de régressions que d'avancées, qu'il s'agisse des bâtiments, des énergies, de la biodiversité ou de l'agriculture : « 3,3 sur 10 », c'est la note que les personnes tirées au sort ont accordée à l'action du Gouvernement et au projet de loi sur le climat dont l'examen a commencé hier en commission.
Modifier la Constitution quand les actes ne suivent pas, c'est comme le slogan « Make our planet great again » : de bien belles paroles mais qui résonnent douloureusement dans le vide qui les entoure. « La maison brûle », et on convoque les Français pour leur demander si les pompiers doivent intervenir : cela a été rappelé plusieurs fois, mais je crois qu'il faut le répéter à cette tribune ce soir. Ce nouveau dévoiement des outils démocratiques ne sera pas sans conséquence. Les Français ne sont pas des veaux, encore moins des idiots. Sous couvert de poser des actes politiques, on affaiblit notre démocratie par ces simulacres de participation civique qui, au mieux, déçoivent, au pire, dégoûtent ceux qui se prêtent à l'exercice.
Cette arnaque démocratique, c'est finalement un fil rouge du quinquennat. Il faut la voir à travers l'écran des fumées des consultations, des nouvelles plateformes, des numéros verts, des conventions, des grands débats qui ne trompent plus personne.
M. François Ruffin applaudit.
Ces pratiques sont dévoyées d'une manière d'autant plus hypocrite qu'elles cherchent à détourner le regard d'une tout autre réalité, celle d'un hypercentralisme technocratique, où l'ensemble du pouvoir de décision est capté par quelques-uns,
M. François Ruffin applaudit
ceux-là mêmes qui promettaient de briser la caste et de libérer la démocratie pour la rendre à celles et à ceux à qui elle n'aurait jamais dû cesser d'appartenir : le peuple français. Ce renversement insidieux crée finalement la défiance, renforce la méfiance et poussera vers les extrêmes.
Le climat est un sujet trop grave pour faire l'objet d'un pari politique. Avec le report des scrutins régionaux et départementaux au mois de juin et l'élection présidentielle en vue, la multiplication des campagnes électorales risque de brouiller le débat. Depuis le début de la Ve République, les référendums ont toujours eu une dimension plébicitaire : elle sera encore exacerbée par ce contexte. Pendant ce temps, les instruments de la démocratie environnementale sont affaiblis par le Gouvernement. La réforme constitutionnelle dont notre pays a besoin en premier lieu est celle d'une refonte globale de tout notre système institutionnel, pour une démocratie dans laquelle les citoyens ne s'exprimeront plus seulement quand ils seront convoqués au bon vouloir du monarque présidentiel, mais où ils deviendront des acteurs à part entière du processus de décision publique.
La convention citoyenne pour le climat, par exemple, n'a pas d'existence juridique. Choix des membres, rôle des garants, objectivité de l'information environnementale, force de loi des décisions : tout dépend de la volonté présidentielle. La consécration d'une souveraineté démocratique véritable est une nécessité qui doit reposer non pas sur des expériences ponctuelles mais sur des changements structurels et ambitieux. Élire les députés à la proportionnelle intégrale permettrait d'avoir une assemblée véritablement représentative de la diversité des opinions. Pour que la participation civique ne se fasse pas qu'au moment des rendez-vous électoraux, nous pourrions créer une troisième chambre de la participation citoyenne au Parlement qui participerait à égalité avec les autres à l'élaboration de la loi.
Les solutions pour une écologie populaire, pragmatique et ambitieuse existent dans la société ; c'est avec elle que nous devons les mettre en place. L'urgence climatique et l'urgence démocratique se rejoignent sur ce point : nous n'avons plus le temps d'attendre. Au temps des promesses doit maintenant succéder celui de l'action.
M. François Ruffin applaudit.
Je voudrais dire aux députés Les Républicains présents que j'ai entendu l'hommage qu'ils ont rendu au président Chirac : ils ont eu raison de le faire.
J'ai entendu aussi l'hommage qu'ils ont rendu au président Sarkozy : ils ont eu raison de le faire. Toutefois, la maison, qui brûlait hier, brûle encore davantage aujourd'hui. Notre majorité a réalisé de vraies réformes en la matière et a pris ce sujet à bras-le-corps.
Je ne vous ai pas interrompu ! De la même façon que je ne conteste pas objectivement ce que vous avez fait, je vais énumérer des mesures que vous aurez du mal à contester. Fessenheim, c'est qui ?
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Notre-Dame-des-Landes c'est qui ?
Mêmes mouvements.
Le plan de relance permettant le verdissement, c'est qui ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Europacity, c'est qui ? Le terminal 4 de Roissy, c'est qui ? La Montagne d'or, c'est qui ? La création de la juridiction spécialisée, c'est qui ?
Monsieur Ruffin, je vais vous dire une chose très simple : quand on se comporte comme vous le faites, on ne peut pas exiger de nos adolescents qu'ils respectent les institutions. N'est pas comique qui veut !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Rappel au règlement
La parole est à M. Matthieu Orphelin, pour un rappel au règlement et non une intervention. Sur quel article vous fondez-vous ?
Merci, monsieur le président, pour vos encouragements. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 70 concernant la bonne tenue des débats.
Je regrette qu'il y ait, en même temps, dans l'hémicycle le débat sur le projet de loi constitutionnelle et en commission spéciale l'examen du projet de loi sur le climat. C'est très dommageable pour l'ensemble des députés, notamment les députés non inscrits, qui veulent présenter des amendements sur ces deux textes, dont le ministre de la justice vient de dire avec la fougue qu'on lui connaît qu'ils sont importants. Je regrette que nous soyons contraints de nous partager entre l'hémicycle et la commission spéciale. Il est absurde d'examiner deux grands textes sur le climat en même temps.
Plusieurs députés non inscrits et M. François Ruffin applaudissent.
Monsieur Orphelin, je vous donne acte qu'il s'agissait bien d'un rappel au règlement.
Sourires.
J'appelle maintenant l'article unique du projet de loi constitutionnelle.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement no 147 , portant article additionnel avant l'article unique.
Il vise à inscrire dans le préambule de la Constitution un motif autorisant le fait de s'opposer à l'exercice abusif du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre qui, comme je le disais, nous semble constituer en certains cas de puissants obstacles à la reconnaissance des biens communs, à leur intégrité, à leur régénération, dans le cadre des besoins humains. J'ajoute que, contre vents et marées, vous persévérez dans un cadre constitutionnel qui sauvegarde à n'importe quel prix l'appropriation privée des fruits du travail à l'encontre des ressources de la nature.
La parole est à M. Éric Diard, pour soutenir le sous-amendement no 424 .
Il s'agit de compléter l'amendement de M. Wulfranc visant à inscrire la préservation de l'environnement dans le préambule de la Constitution en y ajoutant la protection des animaux. Cette précision est importante car ceux-ci sont une composante essentielle de l'environnement et de la biodiversité. Préserver l'environnement et la biodiversité ne peut pas se faire sans préserver le bien-être des animaux. Comme vous le dirait notre collègue Robert Therry, certains animaux sont indispensables à notre vie. On attribue parfois à Einstein, peut-être à tort, cette phrase selon laquelle, sans les abeilles, l'homme ne vivrait pas plus de quatre ans.
La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement.
Avis défavorable à l'amendement qui, reprenant une proposition de la convention citoyenne pour le climat, propose d'ériger la préservation de l'environnement en un principe constitutionnel prééminent, ainsi qu'au sous-amendement qui propose le même objet pour la préservation des animaux. Je considère que cette responsabilité, qui revient à l'homme, de protéger le vivant ne doit pas s'exercer au détriment des autres valeurs constitutionnelles. Nous ne pouvons pas consacrer un droit à la nature ou à l'environnement qui serait au-dessus des autres normes constitutionnelles.
Monsieur Wulfranc, comme cela vient de vous être rappelé, la Constitution fixe une série de principes qui doivent être conciliés entre eux. Aucun de ces principes n'a vocation à écraser les autres. Je suis donc défavorable à votre amendement.
Monsieur Diard, vous souhaitez ajouter la protection des animaux à la protection de l'environnement : les animaux ne font-ils pas partie de la biodiversité ? Pourquoi ne pas ajouter aussi les plantes ? Je comprends votre démarche, mais il ne faut pas confondre deux questions différentes. L'environnement est un enjeu évidemment global qui a sa place dans la Constitution. Quant à la cause animale, elle mérite bien évidemment notre attention, mais c'est à la loi de la traiter. Je suis donc défavorable au sous-amendement.
Nous examinons le premier des 375 amendements déposés sur ce texte. À quoi servira notre discussion sur des questions très importantes, comme celle sur la non-régression ou sur les limites planétaires, puisque tous ces amendements ont reçu un avis défavorable du rapporteur ?
Monsieur le garde des sceaux, avez-vous commencé les échanges avec le président du Sénat et avec les présidents des groupes parlementaires du Sénat ? Ce matin, M. Larcher a indiqué qu'il n'était pas favorable au terme « garantit » et nombre de nos collègues du groupe Les Républicains ont déposé des amendements en ce sens.
S'il n'y a pas de garantie, cela ne sert pas à grand-chose d'aller plus loin. Il faut des concertations, pour parvenir, si vous le souhaitez, à une rédaction identique avec le Sénat, s'agissant de ce verbe fort, le verbe « garantit ».
Par ailleurs, pouvez-vous nous dire à quelle date se tiendra le référendum ? Pouvez-vous au moins nous indiquer le mois ?
Selon le rapport Debré, il n'est pas possible d'organiser un scrutin national à l'automne.
Troisièmement, si, pour diverses raisons, ce référendum ne pouvait pas se tenir, ne pourrait-on pas faire adopter cette modification de l'article 1er par le Congrès, par exemple le 13 juillet, si du moins le Gouvernement veut vraiment que cette réforme aboutisse ?
Applaudissements parmi les députés non inscrits.
Je n'ai pas tellement compris les explications du rapporteur – je ne dois pas être le seul ! J'ai compris, en revanche, vos explications, monsieur le ministre, et je vous en remercie, mais il n'est nul besoin de parler des plantes puisqu'elles relèvent par définition de la protection de l'environnement.
Le sous-amendement no 424 n'est pas adopté.
L'amendement no 147 n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 270 .
Il vise à ce que la charte de l'environnement tienne compte du passage à l'anthropocène en rappelant que l'influence de l'humanité est parfois si destructrice qu'elle s'assimile à une forme de prédation préjudiciable à la sauvegarde des autres espèces animales ainsi qu'à la préservation des écosystèmes.
C'est pourquoi cet amendement vise à remplacer dans l'article 2 de la loi constitutionnelle relative à la charte de l'environnement, le mot « influence », qui peut désigner un effet mécanique, inconscient ou involontaire, par celui d'« emprise », qui traduit une intentionnalité malveillante de l'homme à l'égard de l'environnement. À l'heure où les effets des activités humaines sur l'environnement ne peuvent plus être ignorés par personne, il est impératif d'engager juridiquement et moralement les auteurs et responsables de telles activités.
Défavorable à cet amendement comme, je vous l'indique dès maintenant, à tous ceux qui concerneront la charte de l'environnement, car il me paraît inopportun, voire dangereux, de nous lancer dans sa modification.
Celle-ci étant partie intégrante du bloc de constitutionnalité, on risquerait en effet, comme on le verra avec certains amendements à venir, de revenir sur des principes importants énoncés dans ce texte.
Par ailleurs, le mot « influence » me paraît plus adapté que le mot « emprise », qui désigne une domination intellectuelle et morale.
Le Gouvernement est défavorable à votre amendement. Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être explicitées par M. le rapporteur, nous estimons que le mot « influence » est le mot adéquat, outre qu'il figure déjà dans le quatrième considérant de la charte.
C'est un amendement très révélateur et que je combats avec force. Je trouve dommage que l'avis défavorable tant du ministre que du rapporteur s'appuie sur des motifs anecdotiques de terminologie alors que le sujet n'est pas là. Il est que l'écologie ne peut pas faire de l'homme le bouc émissaire des problèmes que nous connaissons aujourd'hui, même si, c'est vrai, les années 1960 et 1970 ont été le théâtre d'excès, voire de pillages des ressources naturelles : l'homme s'est cru peut-être trop puissant par rapport à ce qu'il pouvait faire.
Ce n'est plus le cas aujourd'hui !
Néanmoins il y a dans l'écologie radicale l'idée que le problème, c'est l'homme. On en arrive à des propositions comme celle d'instituer un crime d'écocide, évoqué par l'exposé des motifs. Là encore, c'est mettre sur le même plan génocide et écocide : je suis désolé, cela n'est pas la même chose de s'attaquer à l'espèce humaine et de s'attaquer à l'environnement : une différence de degré existe. C'est avec ce type de raisonnement que certains écologistes radicaux vous expliquent qu'il faudrait arrêter de faire des enfants pour sauver la planète, c'est-à-dire pratiquer une espèce d'écologie de Temple solaire qui aboutit à une forme d'attrition naturelle.
C'est faire preuve d'une méconnaissance profonde de la manière dont la nature fonctionne que de parler de la prédation de l'homme : la nature est cruelle, c'est une chaîne de prédations. Le nier c'est faire preuve d'une conception complètement fantasmée de la nature, qui la transforme en une espèce de jardin d'Eden, c'est se méprendre profondément. C'est pour la même raison, d'ailleurs, qu'on ne comprend pas le monde rural, qui est sans doute le plus à même de nous aider à bâtir une écologie réaliste, parce que lui sait comment concilier respect de la terre, respect des animaux et respect des activités traditionnelles.
Il faut donc non pas condamner l'homme mais bel et bien construire une écologie humaniste qui mette en son centre l'homme, avec ses potentialités, son génie, son inventivité, sa technique et, surtout, sa connaissance pluri-millénaire de la relation à l'animal et à l'environnement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
À l'occasion de ce deuxième des 375 amendements que nous étudierons, je vous repose mes trois questions, monsieur le garde des sceaux.
Première question : avez-vous engagé des concertations avec le président et les présidents des groupes politiques du Sénat ? Deuxième question : avez-vous une idée de la date de ce référendum ? Troisième question : que pensez-vous de ma proposition, si le référendum ne peut avoir lieu, de réunir le Congrès pour faire aboutir cette réforme avant le 14 juillet 2021 ?
Je veux bien vous donner la parole, monsieur Colombani, mais deux orateurs se sont déjà exprimés. Allez-y, monsieur Colombani, mais ce n'est pas correct.
Je serai bref, car j'ai bien compris que cet amendement allait connaître le même sort que les quelque 400 amendements suivants : il va passer à la trappe. Mais je voudrais simplement dire ceci à M. Aubert, en toute amitié : le directeur de la centrale de Fukushima savait qu'il fallait ériger un mur d'enceinte de vingt-trois mètres autour de la centrale pour la mettre à l'abri d'un tsunami. Les actionnaires ont décidé que le mur ne dépasserait pas treize mètres et nous connaissons tous le résultat de cette décision. Cela ne s'est pas passé pas dans les années 1970 et nos enfants en pâtiront.
L'amendement no 270 n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 88 .
Je pense que, pour cet amendement, je vais trouver des alliés chez Les Républicains, puisque mon ami Éric Diard voulait que le texte fasse référence à la protection des animaux. Pour ma part, je propose simplement qu'il fasse référence à la protection de la vie, ce qui inclut les animaux et les plantes. Voilà la solution au problème que vous souleviez tout à l'heure, monsieur le ministre, en jugeant que l'amendement de mon collègue Diard n'était pas assez précis.
C'est superfétatoire !
Ce sera, cher collègue, un avis défavorable à cet amendement par lequel vous proposez d'insérer une référence au climat dans le cinquième considérant du préambule de la charte de l'environnement, dont la portée est, je le rappelle, essentiellement déclarative : n'instituant pas un droit ni une liberté constitutionnellement garantis, il ne peut pas être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité.
En revanche, l'article unique dont nous débattrons va bien plus loin puisqu'il fait de la lutte contre le dérèglement climatique un principe constitutionnel plein et entier inscrit à l'article 1er de la Constitution, ce qui entraînera une quasi-obligation de résultats pour les pouvoirs publics.
Je vous rappelle après M. le rapporteur que l'article 1er « garantit » la lutte contre le dérèglement climatique : je suis donc défavorable à l'inscription d'une référence au climat dans la charte de l'environnement.
Puisque je suis debout et que M. Orphelin l'est également, pressé sans doute de poser pour la quatrième fois la même question, je lui réponds que l'engagement du Président de la République est très clairement d'aller jusqu'au référendum. Quant à la date, ce n'est pas au parlementaire que vous êtes que je vais apprendre que je suis bien incapable de prévoir quand le Parlement aura fini de débattre de ce texte et quand il l'aura voté, comme je l'espère.
Puisque nous examinons un projet de loi constitutionnelle, je souhaite inviter notre collègue Orphelin à relire l'article 89 de notre constitution. Cet article prévoit très clairement que, comme le garde des sceaux vient de le rappeler, un projet de révision de la Constitution doit être examiné par les deux chambres avant d'être soumis à référendum, sauf si le président de la République en décide autrement, mais il ne le pourra que lorsque le texte aura été « voté par les deux assemblées en termes identiques ».
Poser la question de savoir si le Président de la République pourrait décider de réunir le Congrès est donc aujourd'hui totalement prématuré. Je suis assez surpris, connaissant l'importance que vous accordez à la démocratie, que vous préfériez un Congrès à un référendum qui permet au peuple français de s'exprimer directement dans les urnes.
M. Stanislas Guérini et Mme Marie-Christine Verdier applaudissent.
Je vous donne la parole, monsieur Orphelin, puisque c'est le règlement, mais nous avons bien compris où vous vouliez en venir. Sans porter de jugement sur le fond, il me semble qu'il est temps de passer à autre chose.
Merci, monsieur le président, de laisser les députés s'exprimer, même si c'est la moindre des choses !
Vous le savez, je défends cette mesure depuis 2018, même si cela fait rire le garde des sceaux : je n'ai donc pas de problème à dire que cette réforme va dans le bon sens. Ma seule obsession est qu'elle aboutisse : je ne me ferai pas le complice d'une man? uvre politique. Le Gouvernement sait très bien lancer les concertations quand il le faut, y compris pour obtenir un vote conforme. Vous l'avez fait, monsieur le garde des sceaux, pour la date des prochaines élections : vous avez mené des concertations avec les groupes politiques du Sénat pour qu'elles se tiennent les 13 et 20 juin . Vous savez très bien, collègue Rupin, que quand on veut faire une concertation, on la fait.
L'emploi du verbe « garantit » donne lieu à une vraie divergence politique, certains, notamment le groupe Les Républicains, préférant un terme moins fort. C'est leur droit mais, pour l'instant, il n'y a aucune convergence, et la méthode choisie par le Gouvernement aujourd'hui – et ce sera ma dernière intervention sur ce thème, monsieur le président – ne permettra pas d'aboutir, parce que le seul but, c'est que les « méchants sénateurs opposés à l'écologie » – ce n'est pas moi qui le dis, c'est ce que le Gouvernement dira – votent contre le texte qui aura été voté par l'Assemblée et qu'à son tour la majorité, à l'Assemblée, vote contre le texte du Sénat.
Du coup, il n'y aura pas de référendum : il y aura simplement eu un coup politique. L'article 1er, le climat, la biodiversité valent beaucoup mieux que cette pure et simple manipulation politique.
L'amendement no 88 n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 271 .
Même avis.
Un mot simplement pour soutenir cet amendement. Il y a une unité de la vie : cet amendement a l'avantage de faire ressortir la complexité des relations existant entre toutes les formes du vivant, complexité permanente et indispensable à la vie.
On a évoqué la protection de plantes. J'ai vu en Corse des paysages calcinés par l'incendie, dans lesquels il n'y a plus une seule plante : c'est d'une tristesse insondable.
Bien sûr !
Il n'y a pas de hiérarchie entre les formes de vie : toutes méritent un égal respect.
Je le suis toujours, monsieur le président. Vous savez que la concision est l'un de mes plus grands efforts.
Monsieur Colombani, je ne suis pas d'accord avec vous : il y a une hiérarchie dans les formes de vie, …
… et c'est d'ailleurs l'un des c? urs de la distinction entre une écologie humaniste, qui place l'homme au c? ur de l'environnement, et une écologie qui ne l'est pas et qui considère l'homme comme le problème de la lutte environnementale. Cet antispécisme est, en effet, celui-là même qui explique ensuite qu'il faudrait progressivement faire disparaître certains animaux parce qu'ils vivent en captivité – il s'agit des mouvements dits « abolitionnistes ». Curieusement, ces mouvements font parfois alliance avec certains promoteurs de la viande industrielle, en affirmant qu'il faut supprimer la viande d'élevage pour la remplacer par autre chose – et ils en tirent d'ailleurs des bénéfices.
Cela peut aussi produire des divagations, comme cela a été le cas au conseil municipal de Strasbourg, où certains élus ont expliqué, à propos de l'habitat indigne, qu'il fallait penser au statut des punaises de lit et des rats, qui ne pouvaient évidemment pas vivre ailleurs !
La question est très profonde : il s'agit en effet de dire non pas qu'il ne faut pas respecter la vie, mais qu'il faut la respecter par rapport à l'échelle morale que nous établissons en tant qu'êtres humains dotés de la capacité de distinguer le bien du mal, afin de ne pas infliger de souffrances ni de maux inutiles aux autres formes de vie. Cette conception est différente de l'idée selon laquelle tout serait indistinct, qui produit de la confusion et conduit à une écologie fondamentalement antisociale, puisqu'elle finit par dire à celui qui vit dans un habitat indigne qu'il doit rester avec ses punaises de lit, parce qu'elles ont le même statut que lui.
L'amendement no 271 n'est pas adopté.
Je suis certain que M. Aubert trouvera cet amendement intéressant, car il affirme la notion de responsabilité de l'être humain dans la nature. Il tend en effet à modifier l'article 2 de la charte de l'environnement pour y inscrire le principe de non-régression, instauré par l'article L. 110-1 du code de l'environnement, mais qui ne figure pas dans notre constitution.
Cette démarche va pleinement dans le sens des propos de M. Aubert et, même si je ne souscris pas vraiment à ses caricatures, je pense qu'il a raison quant au fait que l'être humain a une responsabilité envers la nature. Pendant très longtemps, on a vécu avec l'idée cartésienne selon laquelle l'homme est maître et possesseur de la nature. Il faut changer ce paradigme et imaginer que l'homme peut être tuteur et protecteur de la nature, vivre en harmonie avec elle et la faire fructifier pour qu'elle s'épanouisse, tout en permettant qu'elle soit aussi le lieu de l'expression de l'humanité, car cela aussi est important.
Je rejoins donc M. Aubert pour dire qu'il faut une écologie humaniste, qui place l'homme au centre de ses réflexions. Le principe de non-régression nous permettrait d'affirmer que l'être humain a une responsabilité dans les écosystèmes, dans leur pérennisation et dans la survie de notre planète.
Avis défavorable à cet amendement tendant à inscrire le principe de non-régression dans la charte de l'environnement, pour plusieurs raisons. La première est que ce principe est déjà reconnu depuis 2016 au niveau législatif, avec l'article L. 110-1 du code de l'environnement, que vous avez rappelé. Il s'impose donc au pouvoir réglementaire et, avant d'envisager de l'élever au rang constitutionnel, mieux vaut attendre que la jurisprudence du Conseil d'État en la matière s'enrichisse.
Au niveau constitutionnel, le Conseil constitutionnel, plutôt que de consacrer ce principe, a préféré souligner qu'il revient au législateur de tenir compte notamment du devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement, comme l'exprime l'article 2 de la charte de l'environnement. Il convient donc de ne pas aller au-delà car, comme vous en conviendrez, le législateur doit pouvoir préserver efficacement d'autres principes constitutionnels, tels que celui de la protection de la santé.
Monsieur Balanant, la position du Gouvernement est un peu plus modérée que celle du rapporteur, car je vous propose le retrait de cet amendement. D'abord, en effet, le principe de non-régression est déjà inscrit dans la loi du 8 août 2016. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs déduit que ce principe s'impose au seul pouvoir réglementaire. Nous pensons, et je pense que vous pouvez me suivre en cela, que constitutionnaliser ce principe présente quelques risques et quelques incertitudes.
Monsieur Balanant, je vais vous décevoir : je ne suis pas favorable au principe de non régression, et cela pour plusieurs raisons.
D'abord, le Conseil constitutionnel…
… a examiné la question de savoir s'il fallait donner une valeur constitutionnelle à ce principe, et a répondu par la négative. En réalité, donc, vous cherchez, par le biais de ce débat, à réintroduire ce principe à valeur législative.
Deuxièmement, la notion même de régression n'est pas une notion juridique. Par exemple, la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim est, selon moi, une régression, alors que vous l'appellerez une avancée. Je pourrais plaider qu'en l'état des techniques, fermer une source d'énergie décarbonée n'est pas une avancée en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Nous pourrions avoir tous les deux raison, car le débat politique est fait aussi de subjectivité.
Je maintiens que la politique de la nation et la politique énergétique doivent être décidées ici, sur des critères politiques, et non pas par les juges. Ce n'est pas au Conseil constitutionnel ou à je ne sais quelle instance de magistrats, malgré tout le profond respect que j'ai pour eux, d'en décider : leur rôle est de dire le droit, et non pas d'estimer subjectivement si telle politique est ou non une régression. Il serait très dangereux, surtout dans un contexte où une partie de nos concitoyens critiquent le gouvernement des juges, de donner à ces derniers sans cesse plus de prérogatives et la possibilité de s'immiscer dans un jugement d'opportunité sur la politique menée.
Je ne crois donc pas que ce soit une bonne approche, laquelle, en outre, me paraît ouvrir la porte à de nombreux contentieux. Je préfère qu'au lieu d'avoir des contentieux, nous recourions, ici, à la disputatio.
Quant à Descartes, nous lui devons beaucoup, notamment le « Cogito ergo sum », grâce auquel on a fait naître la démocratie. Quand j'entends certains ayatollahs expliquer qu'il faudrait arrêter de réfléchir et faire uniquement la politique qu'ils nous disent de faire, j'ai parfois l'impression de revenir au Moyen Âge.
Gardez donc quelques éléments de Descartes, qui nous a beaucoup apporté.
Monsieur Aubert, vous me connaissez : je n'ai rien contre Descartes. C'est bien la première fois qu'on me reproche d'arrêter de réfléchir !
On me reproche parfois plutôt de réfléchir un peu trop.
Monsieur Aubert, je vous invite à relire l'amendement : il n'y est pas question de décider qu'une action publique ou politique serait ou non une régression, mais d'affirmer qu'en application du principe de non-régression, le niveau de protection de l'environnement et de la planète assuré par le droit ne régresse pas. Il ne s'agit que de cela.
Je suis assez étonné d'entendre que, parce que le Conseil constitutionnel aurait dit que le principe de non-régression n'était pas inscrit dans notre constitution, nous ne devrions pas y réfléchir. Pour autant que je sache, le Conseil constitutionnel contrôle la constitutionnalité de nos textes, il ne fait pas la Constitution.
L'amendement no 268 n'est pas adopté.
Ils visent inscrire dans la charte de l'environnement le crime d'écocide, pour aller plus loin que la reconnaissance qualifiée, par les associations de défense de l'environnement, de reconnaissance au rabais du délit d'écocide dans ce projet de loi. L'enjeu est de ne pas se contenter de faire du droit symbolique avec un délit général de pollution, qu'il sera difficile d'appliquer et dont la portée sera réduite. Il convient de donner un écho constitutionnel aux nombreuses initiatives issues de la société civile, qui défendent la reconnaissance d'une qualification pénale susceptible de réprimer les crimes commis contre les écosystèmes, notamment lorsque ces destructions déclenchent ensuite des troubles graves parmi les populations humaines.
Défavorable. Le premier est, en effet, déjà satisfait par le quatrième alinéa de l'article 34 de la Constitution, qui dispose que « la loi fixe les règles concernant [… ] la détermination des crimes et délits, ainsi que les peines qui leur sont applicables ». En introduisant dans la charte de l'environnement la pénalisation des écocides, votre amendement risque de susciter des interrogations très fortes quant à l'articulation d'une telle disposition avec l'article 34 de la Constitution – pourquoi, en effet, viser un type de crime ou de délit particulier dans la Constitution ? Par ailleurs, je vous renvoie au débat sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets pour préciser votre conception du délit d'écocide.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Monsieur Colombani, nous aurons ce débat sur l'écocide à propos du texte qui est actuellement examiné en commission spéciale. Comme vous, j'ai initialement été attiré par cette idée, qui avait quelque chose d'intellectuellement séduisant et de disruptif, et pouvait apparaître comme une solution pour mieux protéger l'environnement. Or, travaillant depuis quatre ans sur cette question, je considère désormais qu'il s'agit d'une très mauvaise idée, en tout cas dans notre droit national.
Mener une réflexion internationale sur ce que pourrait être un écocide en cas de crime de masse – comme l'utilisation de l'agent orange par les Américains contre les Vietnamiens, qui a donné naissance au crime d'écocide – , et en avoir une définition internationale, transnationale et supranationale, pourquoi pas ? Mais cela n'aurait aujourd'hui aucune effectivité dans notre constitution ni aucun intérêt. Aucun expert de la question, à part un seul, ni aucune association ou ONG, qu'il s'agisse de Greenpeace qui l'a rappelé aujourd'hui dans un journal du soir, de France nature environnement ou du WWF, le Fonds mondial pour la nature, ne réclame que la notion d'écocide soit introduite – ils sont même plutôt favorables à ce qu'elle ne le soit pas, car ils savent les effets vicieux que cela pourrait avoir.
Pardonnez-moi, monsieur le président. Si vous voulez, je peux quitter l'hémicycle !
Sourires.
La question de l'écocide m'occupe également, car j'ai, moi aussi, avec monsieur Balanant, suivi les auditions liées au projet de loi sur le climat et la résilience. Or j'observe une contradiction dans l'argumentation. Vous avez très bien expliqué pourquoi la notion n'avait de sens qu'au plan international, mais la question est juridiquement un peu compliquée : si on adhère à l'idée qu'il existe un crime contre l'environnement au même titre qu'il peut y voir des génocides, cela suppose une sorte de transposition. Dans le cas de l'environnement, la question est de savoir qui porte plainte – ce sont parfois des porteurs d'intérêts, ou certaines ONG, et il y a là une forme de privatisation de la justice qui me gêne.
Dans ce cas, il faut aller au bout de la logique : si la France soutient l'introduction d'un crime d'écocide au niveau international, elle doit l'introduire aussi dans son droit interne. On a parfois interdit au niveau français des mesures qu'on a ensuite jugé nécessaire d'appliquer au niveau international, en signant des conventions internationales, mais l'argument selon lequel l'introduction du crime d'écocide serait une très bonne idée pour les autres, au niveau international, mais très mauvaise au niveau français n'est juridiquement pas très compréhensible.
Notre position, qui consiste à dire que, lorsqu'il y a intentionnalité, il peut y avoir écocide, ne fait pas beaucoup bouger les lignes par rapport au dispositif existant, et on se cache derrière le mot ronflant d'« écocide » pour désigner ce qui est, en fait, un délit de pollution. Il nous semblerait plus logique de trouver un autre terme.
L'aspect international reste à régler. Essayons déjà de faire fonctionner la CPI, la Cour pénale internationale, pour les grands crimes qui font déjà l'objet d'engagements de la part de la France – crimes contre l'humanité, crimes de guerre et génocides. Lorsqu'elle fonctionnera bien, peut-être pourrons-nous lui adjoindre d'autres crimes à poursuivre et à châtier.
Il s'agit d'un amendement d'appel destiné à nourrir la prochaine révision de la Constitution, qui ne tardera pas à arriver. L'idée est simple : entre la transition, et donc le mouvement, l'innovation et la précaution, cherchez l'intrus !
La charte de l'environnement est un texte fondamental, qui fait partie du bloc de constitutionnalité et auquel nous sommes très attachés.
Cet amendement d'appel vise à maintenir l'ensemble des dispositifs prévus à l'article 5 de la charte de l'environnement, tout en supprimant les mots : « par application du principe de précaution », qui embolisent la capacité des autorités publiques à faciliter, encourager et soutenir la recherche, l'innovation et la prise de risques calculés, notamment en matière de transition économique, sociale, environnementale ou écologique – dans des domaines comme la santé et la mobilité, par exemple, mais dans bien d'autres secteurs également.
L'article 5 serait donc ainsi rédigé : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, dans leurs domaines d'attributions, à la mise en ? uvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »
Cette rédaction suffirait amplement tout en permettant de ne pas surréagir aux notions d'innovation et de créativité.
Pour ma part, je ne propose pas de supprimer la référence au principe de précaution, …
… même si mon amendement va dans le sens des arguments développés par mon collègue. En effet, le risque sanitaire est instrumentalisé dans le débat politique. Une société focalisée sur la peur du risque et de l'innovation ne peut que se recroqueviller sur elle-même. Or plusieurs débats scientifiques ont déjà été pollués par la peur du risque. Celui sur les OGM, les organismes génétiquement modifiés, en est un bon exemple – mais la liste est longue : …
… nous avons interdit la production d'OGM en France. Moralité, le monde entier en produit, vous en mangez, mais il n'y en a plus en France ! En outre, les études sur lesquelles les décisions publiques sont fondées sont parfois fausses – cela a été le cas pour les OGM.
Donc, plutôt que de parler de principe de précaution, je préférerais que l'on parle de « prudence responsable », car la responsabilité est une notion que l'on comprend : elle suppose justement de faire un choix en toute connaissance de cause. Je prends un exemple pour illustrer la différence entre les deux principes : lorsqu'il neige, la précaution, c'est de rester à la maison ; la prudence responsable, c'est de sortir, mais avec les équipements adéquats et en roulant lentement pour ne pas avoir un accident sur la route.
Voilà la logique que nous devrions suivre : il faut que nous protégions l'innovation et la prise de risques, ce qui ne veut pas forcément dire foncer tête baissée en adoptant toutes les nouveautés, car « science sans conscience n'est que ruine de l'âme » – je savais que je ferais plaisir à M. Balanant avec ces quelques citations philosophiques, savamment distillées, vous l'aurez remarqué.
Sourires.
Cette rédaction nous permettrait donc d'avancer sur ce débat, en nous entendant sur une formule à mi-chemin entre la peur du risque et la volonté d'innovation. En effet, se suicider par peur de la mort est assez stupide, sur le plan tant logique que technologique : or, en refusant de prendre les risques qui s'imposaient, nous nous sommes en quelque sorte euthanasiés nous-mêmes sur des pans entiers de l'économie.
Il est dans la même veine. Il y a quelques années, le principe de précaution a été enthousiasmant, mais il faut se méfier de l'enthousiasme : il n'est pas toujours bon conseiller. Dans l'amendement que je défends, je propose donc de remplacer le mot « précaution » par le mot « responsabilité ».
Tout d'abord, le principe de précaution nous a-t-il efficacement protégés ? Prenons l'exemple de la pandémie : bien que nous mettions en avant le principe de précaution, nous avons été le pays le moins armé au début de la crise – rappelez-vous, nous n'avions pas de stocks de masques.
En outre, nous avons été incapables de réagir : ce principe aboutit donc à l'inaction.
La prudence est un élément important pour le responsable politique, l'administrateur, le chef d'entreprise, la mère ou le père de famille, mais pas l'inaction, qui est mortelle !
Or, dans bien des cas, le principe de précaution aboutit désormais à l'inaction : ne plus pouvoir installer une antenne pour le téléphone est une difficulté, et il faut savoir le reconnaître.
Par ailleurs, le principe de précaution a pour effet de montrer du doigt la science. Notre société a été bâtie sur le respect de la science : le scientifique qui s'exprime n'est pas M. Tout-le-monde, et M. Tout-le-monde n'a pas l'autorité du scientifique. Or, en raison de l'application du principe de précaution, le scientifique, auparavant vénéré, peut-être trop d'ailleurs, est aujourd'hui montré du doigt : c'est malsain pour notre société.
Dans la même logique que les deux amendements précédents, je propose d'oublier le principe de précaution pour aller vers un principe de responsabilité – cette expression seule me distingue des autres amendements défendus – , qui exige la prudence, mais pas l'inaction. Notre pays ne peut pas rester inactif, car les autres bougent et ne nous attendent pas.
J'apporterai une réponse commune aux trois amendements, puisqu'ils visent, au fond, le même objectif : revenir sur le principe de précaution – même si j'ai bien noté que M. Aubert, en parlant de « prudence responsable », est peut-être un peu plus poétique que les autres collègues.
Comme je l'ai déjà souligné à propos des amendements précédents, je pense qu'il n'est pas opportun, voire qu'il est dangereux, de nous lancer dans une modification de la charte de l'environnement, puisque celle-ci est intégrée au bloc de constitutionnalité.
En quoi est-ce dangereux ? On est en train de réformer la Constitution !
Les arguments que j'ai développés sur les amendements précédents est donc valable pour le principe de précaution.
D'ailleurs, le débat montre bien que les uns et les autres veulent aller plus ou moins loin, certains souhaitant même revenir sur le principe de précaution. Je pense donc que nous devons éviter toute modification de la charte, d'autant qu'il ne me paraît pas utile aujourd'hui de revenir sur le principe de précaution. À mon sens, c'est justement une assurance sur l'avenir, qui permet de garantir les générations futures contre les risques de dommages. Nous n'allons pas refaire le débat quinze ans après avoir adopté cette mesure – c'est d'ailleurs, MM. Aubert et Le Fur, à l'initiative de votre famille politique que ce principe a été introduit dans le débat constitutionnel de l'époque.
Nous avons bien compris que vous alliez retirer votre amendement, monsieur Rebeyrotte, mais laissez au Gouvernement le temps de donner son avis !
Sourires.
C'est bien la première fois qu'on voit un député courir pour retirer son amendement !
Je vous demande moi aussi de retirer votre amendement, monsieur Rebeyrotte : le projet de loi constitutionnelle qui vous est soumis a pour objet non pas de modifier les principes fondamentaux qui sont déjà énoncés dans la charte de l'environnement, mais de les compléter pour renforcer encore notre arsenal.
S'agissant des deux autres amendements, il me vient à l'esprit ce vers célèbre : « Ah ! Qu'en termes galants ces choses-là sont mises ! »
Sourires.
Je note d'ailleurs que vous n'êtes pas d'accord entre vous, mais cela arrive au sein d'une même famille – c'est d'ailleurs ce qui en fait parfois la beauté et l'intérêt.
Monsieur Aubert, vous souhaitez faire référence à une notion quelque peu tautologique de « prudence responsable ». Il est des imprudences responsables, des prudences irresponsables…
… des imprudences irresponsables : voilà, nous avons fait le tour des mots, mais aucun ne me convainc, pour les raisons que je viens d'expliquer.
Votre collègue, le député Marc Le Fur, propose de remplacer le mot « précaution », par le mot « responsabilité ». Je me suis exprimé clairement : ce projet de loi a vocation non pas à modifier les principes existants, mais à les compléter. S'agissant des amendements nos 398 et 25 , je serai donc évidemment défavorable – à moins, bien sûr, que vous ne souhaitiez tous deux les retirer, par prudence responsable.
Sourires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
J'ai rappelé qu'il s'agissait d'un amendement d'appel : je vais donc le retirer. Néanmoins, il serait bon qu'un jour nous puissions débattre de cet enjeu majeur qu'est la place que nous souhaitons donner à l'innovation dans notre société.
L'amendement no 150 est retiré.
Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je tenais à dire notre déception de voir les bancs de la droite chercher à abîmer l'article 5 de la charte de l'environnement qui, à mes yeux, est l'un de ses plus beaux : il est admirablement bien écrit et très nuancé. Je trouve particulièrement dommageable, chers collègues, que vous puissiez imaginer revenir battre le fer sur la question du principe de précaution, alors que nous essayons d'ajouter à l'article 1er de la loi fondamentale, qui en est son socle, une dimension environnementale essentielle et réclamée par la jeunesse pour laquelle nous travaillons ici.
En parlant de « prudence responsable » ou de « responsabilité », vous essayez en effet d'habiller une logique qui me semble fondamentalement fausse : le principe de précaution n'est pas du tout un principe d'inaction. Au contraire, c'est dans le principe de précaution que vont se nicher la recherche, l'imagination, la création.
M. Erwan Balanant applaudit.
C'est bien parce que notre humanité exige que, dans certains domaines, nous imaginions des solutions pour éviter des dommages irréversibles, que nous faisons appel au principe de précaution, qui est tout simplement un principe de responsabilité.
Lorsque vous parlez de responsabilité, monsieur Le Fur, vous parlez bien de précaution : c'est à peu près la même chose. Nous devons absolument anticiper les effets de nos actions : …
… c'est d'ailleurs tout l'objet de la pédagogie et de l'éducation de nos enfants, car, lorsque nous parlons de précaution, nous ne parlons pas d'autre chose que d'éducation.
Alors que l'état de la planète et la situation de la biodiversité nous commandent d'agir absolument, je trouve que le message que votre amendement envoie est très dommageable et particulièrement dangereux.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Ma chère collègue, un jour, un homme de gauche m'a dit : « Vous, les conservateurs, vous êtes finalement comme le chien qui aboie lorsque l'on construit le temple : vous êtes contre sa construction, mais une fois qu'il est construit, vous vous mettez devant pour empêcher qu'on ne le démolisse. » C'est donc assez drôle de vous écouter, car figurez-vous qu'à l'époque de l'adoption de la charte, les socialistes avaient voté contre !
Or, maintenant, vous nous expliquez qu'il ne faut pas revenir sur le principe de précaution : vous êtes devenue conservatrice sans le savoir ! Ce n'est d'ailleurs pas forcément un inconvénient, car il arrive que les conservateurs empêchent les progressistes de commettre quelques erreurs.
Telle est donc la réponse que je voulais vous apporter : un principe n'est pas forcément intangible, on peut faire des erreurs. Et il y va de la responsabilité et de l'honneur de la droite de comprendre qu'elle est peut-être allée trop loin dans la formulation à l'époque, et de reconnaître qu'elle a trouvé un mauvais équilibre. Le principe de précaution, qui était initialement fondé sur une réalité scientifique, est aujourd'hui instrumentalisé pour des raisons politiques. Par conséquent, on est désormais bien loin du droit !
Le ministre a eu l'air chafouin de ce que les groupe Les Républicains présente des subtilités, des couleurs, mais c'est ce qui fait notre richesse, notre écosystème – chez nous, contrairement à d'autres partis, toutes les formes de vie sont respectées !
Par conséquent, adopter l'un ou l'autre des amendements que nous vous proposons nous permettrait d'avoir un débat de fond, car personne n'a encore répondu à la véritable question de fond, mes chers collègues : êtes-vous d'accord pour reconnaître que le principe de précaution est utilisé contre la science et la technologie…
… et qu'il sert parfois à paralyser la décision politique ?
Le voilà, le vrai sujet ! Si vous êtes d'accord avec ce diagnostic, alors il s'agit non pas de supprimer le principe de précaution, mais de l'amodier pour rectifier l'interprétation politique qui peut en être faite. Oui, il faut prendre des précautions, oui, il faut être prudent, mais il faut avancer car, sinon, notre pays sera bientôt dépassé dans toute une série de domaines.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Je me demande si nous débattons d'une réforme constitutionnelle ou si nous sommes juste dans une soirée d'échanges entre amis ! Monsieur le président, je vais me permettre de prendre le temps…
Dans les deux minutes imparties, je peux avoir quelques pauses, tout de même.
Au cours de mon intervention, je me suis posé la question de savoir si nous étions en train d'examiner un projet de loi constitutionnelle ou en train de servir la communication du Président de la République. À voir la concentration qui règne sur certains bancs, je crains de pouvoir déjà y répondre. Pour notre part – car je ne suis pas le seul à avoir déposé un amendement en ce sens – , nous cherchons réellement à bâtir une constitution à la hauteur des enjeux. Ainsi, contrairement à nos collègues du groupe Les Républicains, nous voulons redoubler de précautions, notamment pour les actes législatifs à venir ; c'est pourquoi nous proposons ici d'inscrire dans la Charte de l'environnement le principe de non-régression, indispensable et qui aurait peut-être permis d'éviter quelques retours en arrière comme la réautorisation des néonicotinoïdes. Il y a d'ailleurs d'autres pratiques, ayant des conséquences notables d'un point de vue environnemental voire sanitaire, que je n'exclus pas de voir reparaître alors que nous avions réussi à les bannir de notre quotidien.
La parole est à M. Hubert Julien-Laferrière, pour soutenir l'amendement no 156 .
Si je défends cet amendement de Delphine Batho, c'est que celle-ci fait partie de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ces effets ; comme l'a rappelé Matthieu Orphelin, les débats de cette commission ont lieu ce soir en même temps que les nôtres.
Cet amendement, donc, vise à compléter la Charte de l'environnement, composante du bloc de constitutionnalité, en y inscrivant le principe de non-régression, principe que la France a défendu au sein de la communauté internationale lors des négociations sur le projet de Pacte mondial pour l'environnement ; depuis 2016, il figure d'ailleurs dans le code de l'environnement. Je ne m'attends certes pas à recueillir un avis favorable du Gouvernement, qui renierait ainsi la loi par laquelle il a de nouveau autorisé l'usage des néonicotinoïdes – véritable régression, et non des moindres.
Julien Aubert évoquait tout à l'heure la décision du Conseil constitutionnel : il est vrai que ce dernier, que nous avons saisi quand vous avez réautorisé les néonicotinoïdes, a estimé que le principe de non-régression ne se trouvait nulle part dans le bloc de constitutionnalité.
Nous soutenions le contraire, d'où notre saisine ; mais puisque le Conseil constitutionnel ne discerne pas ce principe dans la Charte de l'environnement, nous vous implorons, ce soir, de l'y inscrire.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement no 148 .
Sans vouloir en rajouter, la petite musique d' « une société de liberté et de responsabilité », qui accompagne le discours de nos collègues du groupe Les Républicains, éclaire, sur des enjeux de fond, leurs choix de société, leur conception du monde. Cette « société de liberté et de responsabilité » – je croirais entendre Jean Lecanuet dans les années 1970 – …
… a en effet toujours été le fil rouge de votre libéralisme. Alors que nous tâchons d'avancer d'un cran, comme c'était le cas hier avec le principe de précaution – que vous attaquez subrepticement – , les libéraux, relayés par le Gouvernement, opposent logiquement, aujourd'hui, leur veto au principe de non-régression que nous appelons de nos v? ux.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Nous avons débattu du principe de non-régression à l'occasion de l'examen d'amendements précédents : sa place est dans la loi, non dans la Charte de l'environnement. Le législateur doit pouvoir préserver efficacement les principes figurant dans le bloc de constitutionnalité ; ce serait une erreur d'élever à ce rang un principe manifestement flou et aléatoire, puisque la définition même de la régression demeure subjective – par exemple, la sortie du nucléaire constitue une régression pour certains et un progrès pour d'autres. Par conséquent, avis défavorable.
Je me suis exprimé il y a quelques instants sur cette question ; en outre, je ne peux que reprendre à mon compte les propos de M. le rapporteur. Le Gouvernement est donc défavorable à ces trois amendements.
Ce débat sur le principe de non-régression a le mérite de confirmer ce que je disais tout à l'heure. Vous êtes meilleurs juristes que notre collègue Balanant, qui affirmait qu'il n'y avait aucun problème et avait bondi sur le Conseil constitutionnel. Vous essayez, comme c'est au demeurant votre droit, de rouvrir le débat sur les néonicotinoïdes à la faveur de l'examen de ce texte, en faisant adopter des dispositions qui auraient à l'époque empêché l'Assemblée d'autoriser de nouveau ces substances. Or c'est bien ce que je dis : l'emploi des néonicotinoïdes dans les champs de betteraves résulte d'un choix politique. Chacun, ayant pris connaissance des données scientifiques, a voté en son âme et conscience. Certains n'étaient pas convaincus ; d'autres se sont décidés en pensant à l'avenir de la filière. Je me suis moi-même efforcé de me renseigner le mieux possible, mais, en dernier ressort, il s'agissait bien d'un choix politique. Si nous adoptions l'un de vos amendements, ce choix serait fait, demain, par le Conseil constitutionnel : après avoir pesé les arguments pour et contre, il décréterait que le retour des néonicotinoïdes est, ou n'est pas, une régression.
Je vous mets en garde : le Parlement est déjà une institution vidée de sa substance. Il en résulte un recul de la responsabilité et du débat politiques allant de pair avec l'inflation du rôle du juge et de la responsabilité pénale. Or ces débats essentiels, reposant sur des fondements scientifiques, doivent avoir lieu ici et non dans un cadre judiciaire. Quant à M. Wulfranc, puisqu'il n'est pas favorable à la liberté ni à la responsabilité, je suppose qu'il veut tout l'inverse : que chacun se batte donc pour ce qu'il souhaite à la société.
Je suis un peu chagriné de voir le principe de non-régression à ce point battu en brèche. Peut-être, mais nous y viendrons un peu plus tard, faudrait-il l'envisager positivement et parler plutôt d'amélioration constante. En attendant, il y a manifestement un problème : il ne s'agit pas pour nous de relancer le débat sur les néonicotinoïdes, mais plutôt d'éviter de tels cas de figure en nous assurant que le droit progresse. Je ne suis donc pas favorable à une prudence responsable ou à une responsabilité prudente mais à des orientations nettes. Bien sûr, le concept de non-régression est flou mais, dans la Constitution, nombre de concepts forts restent flous.
L'amendement no 149 de M. Hubert Wulfranc est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis.
Ce principe de non-régression est des plus redoutables : il implique qu'il existe un sens de l'histoire, que ceux qui s'y opposent sont donc d'affreux réactionnaires – on nous l'a dit par le passé – , et que nous devrions tous obéir à la même logique. Or il n'y a pas de sens de l'histoire ; c'est la volonté des uns et des autres qui va déterminer un certain nombre de décisions. Ce qui régresse à mes yeux ne régresse peut-être pas aux vôtres. Installer en mer, dans la baie de Saint-Brieuc, soixante-deux éoliennes plus hautes que la tour Montparnasse et qui occuperont une surface égale à celle de Paris, privant les pêcheurs locaux des revenus de leur métier, c'est pour moi une régression ; pour d'autres, ce serait un progrès. J'ai le droit d'exprimer mon avis, comme eux le leur. De même, les gens modestes qui roulent au diesel, faute de pouvoir acquérir un véhicule électrique, se voient interdire l'entrée de la capitale : on bannit les pauvres, en somme, on rétablit l'octroi.
Pour moi, c'est une régression ; ce serait un progrès pour d'autres, au nom de je ne sais quelle conception des choses. Vous comprenez donc bien que nos opinions sont diverses. Il y a la volonté de dialoguer, d'échanger, de débattre et de conclure ; il n'y a pas de régression, qui supposerait un camp du bien et un camp du mal.
L'amendement no 149 n'est pas adopté.
Nous en venons à l'amendement no 84 , sur lequel je suis saisi par le groupe Libertés et territoires d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l'amendement.
Ce projet de loi vise à modifier l'article 1er de la Constitution en y insérant la mention de la lutte contre le dérèglement climatique. Encore une fois, je me demande si les heures que nous allons passer à examiner ce texte en séance, après l'avoir déjà fait en commission, nous permettront de travailler véritablement à une réforme constitutionnelle. Autrement dit, les parlementaires vont-ils réformer la Constitution, ou se contenteront-ils d'appliquer des directives venues de l'extérieur ?
Si nous assumons nos responsabilités, nous devons faire en sorte que la cohérence subsiste entre l'article 1er tel qu'il sera modifié et le reste du bloc de constitutionnalité. C'est en ce sens que je propose d'inscrire également dans la Charte de l'environnement « l'objectif de lutte contre le changement climatique ». L'adoption de cet amendement assurerait la cohérence du texte constitutionnel tout en démontrant que nous ne sommes pas coincés, dans l'impossibilité de faire évoluer d'un iota le projet du Gouvernement, c'est-à-dire d'exercer la liberté que cette même Constitution donne au Parlement.
Nous allons bientôt aborder l'examen de l'article unique, lequel vise à affirmer que la France « garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et [qu'elle] lutte contre le dérèglement climatique ». Cette phrase est claire, simple et puissante ; mieux vaut qu'elle figure à l'article 1er de la Constitution, plutôt que d'essayer de triturer la Charte de l'environnement afin d'y intégrer des principes moins forts, dont la portée sera moindre en droit positif. Avis défavorable.
Il s'agissait d'avoir l'un et l'autre, pas l'un à l'exclusion de l'autre !
Même avis.
Je me permets d'insister : sommes-nous vraiment rassemblés dans cet hémicycle pour examiner une réforme constitutionnelle conformément à la Constitution qui confie au Parlement le rôle de faire cette réforme, ou sommes-nous ici pour ne rien modifier du texte gouvernemental ?
Monsieur le rapporteur, vous répondez à côté de la question : je ne souhaite pas remettre en cause l'article unique du projet de loi constitutionnelle, mais le renforcer en complétant la Charte de l'environnement. Votre réponse n'est donc pas adaptée à l'amendement.
Monsieur le garde des sceaux, je n'ai pas de commentaire à faire quant à votre absence d'analyse de ma proposition, si ce n'est que si nous voulons réellement renforcer la Constitution, nous devons non seulement compléter son article 1er – nous y viendrons – , mais renforcer la cohérence des textes composant le bloc de constitutionnalité dont la Charte de l'environnement fait partie. Ce n'est pas la tripatouiller ou la manipuler que de vouloir l'amender, contrairement à ce que le rapporteur laisse entendre : c'est au contraire agir comme parlementaires, à la hauteur du mandat qui nous est donné par la Constitution.
Le groupe Les Républicains fera un pas vers vous à l'occasion de ce scrutin. Vous assurez présenter ce texte pour lutter contre le dérèglement climatique et vous estimez que nous devons trouver un consensus politique. Nous avons expliqué que, si nous n'avions aucun problème avec la protection de l'environnement ni avec la lutte contre le dérèglement climatique, nous ne voulions pas du mot « garantit » qui nous semble de nature à poser un problème juridique.
Nous allons donc voter cet amendement parce qu'il permettrait d'atteindre le résultat que nous recherchons tous : introduire la lutte contre le dérèglement climatique dans le bloc de constitutionnalité sans s'exposer à la difficulté juridique que le Conseil d'État a lui-même soulevée. Chers collègues, la politique est parfois affaire de compromis.
Sourires.
Adopter cet amendement nous permettrait d'atteindre notre objectif, d'obtenir une victoire collective et d'expliquer aux 150 membres de la convention citoyenne que nous les avons écoutés et que la lutte contre le réchauffement climatique est entrée dans le bloc de constitutionnalité, tout en nous épargnant de longs débats et oppositions, suscités notamment par l'avis du Conseil d'État, qui est très critique à votre égard.
Le groupe Les Républicains se prononcera donc en faveur d'une vision lucide de la protection de l'environnement. Je comprendrais en effet assez mal que vous votiez contre un tel amendement car vous avez tous défendu la Charte de l'environnement, qu'il suffit d'adapter au goût du jour.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et quelques bancs du groupe LT.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 122
Nombre de suffrages exprimés 120
Majorité absolue 61
Pour l'adoption 34
Contre 86
L'amendement no 84 n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement no 274 .
Il vise à conférer une valeur constitutionnelle à la protection des lanceurs d'alerte menant un combat en faveur de l'écologie, en interdisant l'activation de mécanismes juridiques visant à réprimer l'action de ceux qui auraient agi sans user de moyens violents, ce qui constituerait également une garantie pour les libertés publiques.
Merci pour votre amendement, qui vise à protéger l'action des lanceurs d'alerte en matière environnementale. Une telle disposition me semble relever davantage de la loi que du bloc de constitutionnalité. J'ajoute que la France doit transposer, d'ici à la fin de l'année 2021, la directive relative à la protection des personnes qui signalent des violations au droit de l'Union européenne. J'émets donc un avis défavorable.
Le projet de loi constitutionnelle, j'ai déjà eu l'honneur de le souligner à deux reprises, n'a pas pour but de modifier les termes de la Charte de l'environnement. Avis défavorable.
L'amendement no 274 n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 425 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 299 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 311 .
Il s'agit ici de souligner l'intérêt qu'il y aurait à traiter des questions environnementales au plus près du terrain. La Constitution devrait, autant que possible, prendre en considération la grande diversité des réalités économiques, géographiques, donc environnementales françaises. En ce domaine comme en d'autres, l'idéal serait de penser global et d'agir local. Plus largement, reconnaître cette diversité territoriale, ce ne serait pas défaire la France : ce serait au contraire l'enrichir et la renforcer.
Reste que j'ai conscience, sans qu'il soit besoin de me le dire, que cet amendement se situe aux marges du projet de loi constitutionnelle, que l'inscription du terme « territoriale » à l'article 1er de la Constitution alourdirait le texte et que la place de ce mot dans la Constitution est elle-même sujette à débat. C'est pourquoi je retire mon amendement.
L'amendement no 311 est retiré.
Nous souhaitons que la première phrase du premier alinéa de l'article 1er de la Constitution soit ainsi rédigée : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique, sociale et écologique ». Notre motivation se déduit de cette énumération même : il importe d'exprimer de façon solennelle que les responsabilités de la République et du législateur revêtent une dimension écologique.
Nous avions déjà proposé cet amendement en 2018, pendant l'examen du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, lorsque la bataille portait sur la rédaction de l'article 1er de la Constitution, notamment sur la question de savoir s'il fallait retenir le verbe « garantir » ou le verbe « agir ». Avant que la commission des lois opte finalement pour le terme « agir », comme l'avait fait Nicolas Hulot, nous avions insisté sur la dimension à la fois sociale et écologique de la République, qui revêt une importance tout à fait essentielle.
La parole est à M. Hubert Julien-Laferrière, pour soutenir l'amendement identique no 157 .
Ce texte est effectivement l'occasion de faire en sorte que la Constitution caractérise la République française comme une « République indivisible, laïque, démocratique, sociale et écologique ». Les changements climatiques s'accélèrent, la biodiversité s'effondre et les ressources naturelles se raréfient. La France doit donc ajouter à son identité l'ambition d'être une République écologique, en complément des principes fondamentaux que sont son indivisibilité et son caractère laïque, démocratique et social. Tel est l'objet de l'amendement.
Merci pour vos amendements, qui visent à ajouter à l'article 1er de la Constitution, lequel rappelle les grands principes qui fondent la République française, que la France est une République écologique.
Je comprends à la fois l'objectif et la philosophie qui sous-tendent ces amendements : l'idée selon laquelle la France serait non seulement une République indivisible, laïque, démocratique et sociale, mais également une République écologique, est philosophiquement et politiquement très forte. Au fond, c'est un peu ce que nous faisons avec ce texte, …
… en garantissant la préservation de l'environnement, la diversité biologique et la lutte contre le dérèglement climatique.
Le problème, c'est que vous proposez d'inscrire à l'article 1er un terme symboliquement très fort – je l'ai dit – , mais dépourvu de contenu. Je préfère intégrer dans la Constitution un véritable engagement de la France à garantir les principes que je viens d'évoquer plutôt qu'une déclaration sans réel contenu. J'émettrai donc un avis défavorable.
Ces amendements ramènent à l'éternelle question de savoir si la loi n'est pas parfois trop bavarde. En l'occurrence, j'estime que le terme « écologique » n'a pas de véritable contenu et qu'il vaut mieux, plutôt que de s'y arrêter, voter en faveur de ce projet de loi constitutionnelle qui, lui, a une véritable signification en matière environnementale. Avis défavorable.
Vous savez, monsieur le garde des sceaux, que le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est actuellement examiné en commission spéciale. Je suppose que ce texte, présenté par le Gouvernement, a bien vocation à donner corps à la philosophie écologique de la nation. Je ne comprends donc pas pourquoi le mot « écologique » serait plus mou que le mot « sociale » : les deux termes sont exactement de même niveau. Vous devriez donc pouvoir accepter ces amendements.
Si la protection de l'environnement est importante et même essentielle, la défense de nos racines, surtout en cette période de montée en puissance des séparatismes – un texte portant sur cette question se trouve actuellement en navette parlementaire – est capitale.
C'est pourquoi je propose un amendement qui, s'il s'éloigne de la thématique de l'environnement, est à mon sens d'une importance fondamentale : il vise à reconnaître, dans la Constitution, les racines judéo-chrétiennes de la France.
Montesquieu écrivait : « Il faut éclairer l'histoire par les lois et les lois par l'histoire. » Rien n'est plus vrai : nos lois, notre Constitution, notre nation se sont construites par l'histoire. Notre pays est un héritage des civilisations gallo-romaine et judéo-chrétienne.
Pendant la Révolution française et la Ière République, certains ont tenté de faire table rase du passé et de tourner le dos aux racines de la nation. Souvenez-vous : le calendrier lui-même a été remplacé, à cette époque, par un calendrier républicain. Cette tentative de révolution civilisationnelle a cependant échoué car on ne tourne pas le dos à son histoire ni à son héritage.
La France peut être à la fois fille aînée de l'Église et pays des Lumières et de la laïcité. C'est cette richesse de l'histoire de France qui lui confère sa grandeur. Notre République est indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle ne doit pas avoir honte de ses racines et de ses fondations.
Enfin, à l'heure où la France est gangrenée par l'islamisme radical, politique et séparatiste, il me semble qu'inscrire ses racines judéo-chrétiennes dans la Constitution ne nous ferait pas de mal.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Chacun des mots inscrits à l'article 1er de la Constitution a un sens précis et une portée considérable. Il faut donc veiller à en respecter l'esprit. Or la mention des racines judéo-chrétienne de la France que vous proposez d'ajouter résonnerait étrangement avec le caractère laïque de la République affirmé au même article 1er, principe qui implique la neutralité religieuse, l'interdiction des distinctions fondées sur la religion et le respect de toutes les croyances.
Elle pourrait faire naître des débats, réveiller des divisions et susciter des tensions inutiles et dangereuses dans le moment que nous traversons.
Dire que nous sommes loin de l'objet du texte est pour le moins euphémique : la distance qui nous en sépare est abyssale. En dépit du fait que vous ayez appelé Montesquieu à la rescousse de votre amendement, le Gouvernement y est totalement défavorable.
La République et l'État sont laïques. Il n'en demeure pas moins que la société française est traversée par des courants religieux et de pensée des plus divers, dont les éléments fondateurs sont, comme le soulignait notre collègue Ravier, les racines judéo-chrétiennes et romaines, …
M. Le Fur désigne la reproduction de L'École d'Athènes, de Raphaël, située au-dessus du président
Qu'est-ce que cela change ? La Constitution n'est pas un livre d'histoire !
Cela doit nous inspirer.
Sachons le dire.
C'est d'ailleurs parce que la distinction des deux ordres, spirituel et temporel, figure dans les Évangiles que la laïcité existe…
Le projet de loi porte sur l'environnement !
… et qu'elle est bien plus facilement adoptée dans une société comme la nôtre que dans une société qui a une tradition musulmane très différente. Encore une fois, sachons le dire.
L'amendement propose tout simplement de nous réconcilier avec notre histoire. Notre pays ne date pas de la Révolution française mais d'il y a bien plus longtemps. Sachons le reconnaître, sereinement mais clairement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
L'amendement no 330 n'est pas adopté.
Totalement à rebours de celui qui vient d'être défendu, cet amendement a été suggéré par nos amis ultramarins, très sensibles à la question de la diversité. Je n'aurai pas l'outrecuidance de rappeler que ce ne sont ni les fondements grecs ni les fondements judéo-chrétiens qui ont conduit la France à conquérir les îles. La méfiance vis-à-vis de la métropole a d'ailleurs été rappelée cet après-midi par notre collègue Brotherson lors de la séance de questions au Gouvernement.
Par cet amendement, nous proposons de remplacer le mot « origine », au singulier, par le même mot au pluriel, ce qui permettrait de cibler toutes sortes de discriminations, qu'elles soient liées à l'origine ethnique, génétique ou encore culturelle.
Dans la phrase de l'article 1er, l'emploi du singulier a une vocation générale et générique. Il permet de couvrir toutes les origines d'une personne. Votre proposition n'ayant pas lieu d'être, l'avis est défavorable.
Dois-je rappeler que notre discussion porte sur l'environnement ? Pardonnez-moi mais je suis évidemment défavorable à tout ce qui s'éloigne de notre sujet originel, …
… donc à cet amendement. Je sais bien que vous souhaiterez malgré tout revenir sur ces questions. Au passage, dans l'amendement qui évoque les racines judéo-chrétiennes, il me semble que vous avez oublié quelques territoires qui méritaient d'être mentionnés. Mais ne nous lançons pas dans un tel débat, il est ici question d'environnement.
« Très bien ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je ne veux pas polémiquer mais je rappelle que nous examinons un projet de loi constitutionnelle. Que vous ayez décidé de modifier l'article 1er pour y introduire la protection de l'environnement ne doit pas nous empêcher de discuter d'amendements relatifs à une réforme constitutionnelle.
Vous débattez, la preuve !
La Constitution est notre texte fondateur, vous en êtes tout à fait conscient, nous aussi. Nous avons défendu un premier amendement mais il y en aura beaucoup d'autres, monsieur le ministre.
Ah, je sais, oui !
Le débat devra s'ouvrir. Certes, l'environnement est une question importante, mais il en existe bien d'autres.
Dans le cadre du projet de loi confortant le respect des principes de la République, qui porte sur le séparatisme, vous avez à maintes reprises invoqué le risque d'inconstitutionnalité, et ce dans le souci de mieux protéger la France, notre histoire, notre civilisation et notre peuple. Souffrez donc, monsieur le ministre, que nous déposions des amendements et qu'ils vous inspirent parfois des avis défavorables.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Débattez de tout ce que vous voulez. Nous sommes en démocratie, …
… ça ne vous a pas échappé puisque vous êtes la représentation nationale. Vous savez d'ailleurs que, dans le cadre de l'examen d'un projet de loi qui tend à modifier la Constitution, vous pouvez évoquer tous les sujets, sans limite. D'ailleurs vous ne vous en privez pas. Respectez cependant la liberté du ministre, lequel a le droit de vous rappeler que l'environnement est au c? ur de ce projet de loi et donc de notre discussion.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Vous avez votre liberté, j'ai la mienne.
L'amendement no 316 n'est pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements, nos 94 , 158 , 186 et 314 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 94 et 158 , d'une part, et 186 et 314, de l'autre, sont identiques.
Sur les amendements no 186 et 314 , je suis saisi par le groupe Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Aina Kuric, pour soutenir l'amendement no 94 .
Cet amendement, proposé par notre collègue Maina Sage, porte sur l'instauration de l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, ce qui correspond à l'objectif de développement durable, l'ODD, no 5 – même si cette question concerne les dix-sept ODD de façon transversale.
Le rapport d'ONU Femmes, intitulé « Traduire les promesses en actions : l'égalité des sexes dans le programme de développement durable à l'horizon 2030 », illustre comment et pourquoi l'égalité des sexes est importante pour l'ensemble des ODD, notamment le no 13 qui porte sur les mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques. En effet, selon ce même rapport, les changements climatiques ont un effet disproportionné sur les femmes et les enfants qui risquent quatorze fois plus que les hommes de mourir pendant une catastrophe.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens. et sur plusieurs bancs du groupe LT.
La parole est à M. Hubert Julien-Laferrière, pour soutenir l'amendement no 158 .
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j'imagine que vous allez encore répondre que nous sommes loin du sujet qui nous occupe.
Nous assumons cependant le fait que nous saisissons l'occasion de ce projet de loi constitutionnelle pour proposer de remplacer les mots « sans distinction de race » par les mots « sans distinction de sexe », une demande qui n'avait pas abouti en 2018 alors qu'elle avait fait l'objet d'un amendement adopté à l'unanimité par l'Assemblée lors de l'examen du projet de révision de la Constitution, lequel avait avorté pour les raisons que nous avons tous ici en mémoire.
Bien sûr, ce n'est pas exactement l'objet de ce projet de loi mais nous devrions en profiter pour voter un amendement qui avait été adopté à l'unanimité en 2018.
Il est évident qu'une telle occasion ne se représentera pas avant la fin de la législature.
La parole est à M. Guillaume Chiche, pour soutenir l'amendement no 186 .
Il vise à supprimer de notre Constitution le mot « race », lequel, vous le savez, a été introduit dans le préambule de la Constitution en 1946 par les constituants qui souhaitaient, après les heures les plus sombres de notre histoire, affirmer leur rejet des thèses racistes.
Bien que l'intention ait été louable, la Constitution, en interdisant la distinction entre les humains selon la race, tend à légitimer l'opinion selon laquelle il existe des races alors que la science ne reconnaît qu'une seule espèce humaine.
Scientifiquement infondé, ce terme polysémique est dangereux car il revient à instituer une différence entre les êtres humains. Il renvoie à une idéologie nauséabonde qui suppose l'existence de races humaines distinctes et hiérarchisées entre elles.
Il est à noter par ailleurs, comme vient de le faire notre collègue Laferrière, que le mot « race » avait été supprimé en juillet 2018 lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, et ce à l'unanimité, ce qui avait réjoui tous les députés présents.
Cette disposition n'a finalement pu voir le jour en raison de l'arrêt de l'examen du texte. Nous avons à présent l'occasion – la dernière de ce quinquennat – de rayer de notre Constitution un terme qui la salit.
Nous demandons également que les mots « de race » soient supprimés de l'article 1er. La Constitution française reconnaît l'usage du terme « race » dont l'application à l'espèce humaine est non seulement fausse mais surtout choquante et dangereuse. Un tel concept biologique n'est pas opérant pour l'espèce humaine. Or, dans l'article 1er tel qu'il est rédigé actuellement, la Constitution légitime paradoxalement et donc en creux l'opinion selon laquelle il existe des races humaines distinctes, ce qui, comme chacun sait, est une aberration.
Je vous remercie pour ces amendements qui portent sur un sujet d'importance. Nous avons tous en mémoire les débats de 2018, notamment sur la suppression de la « distinction de race », à laquelle il avait été décidé, par un vote à l'unanimité, de substituer la « distinction de sexe ». Nous avions alors su trouver un accord sur ce sujet.
Vous avez pu cependant mesurer, depuis le début de nos débats, que le projet de loi qui nous réunit aujourd'hui n'est pas une nouvelle version de la réforme constitutionnelle de 2018 mais vise à intégrer dans la Constitution les notions de préservation de l'environnement, de diversité biologique et de lutte contre le dérèglement biologique, ce qui permettra d'avancer sur ces questions importantes en donnant aux Français la possibilité de s'exprimer par référendum. Ce n'est donc pas le moment de multiplier les combats, si légitimes soient-ils. L'avis est défavorable.
Notre position est évidemment la même que celle de M. le rapporteur, tout le monde peut l'imaginer. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements qui sont, une fois encore – M. Julien-Laferrière en est d'ailleurs convenu – , très éloignés de notre préoccupation, la protection environnementale. Je n'ignore pas que la question que vous avez évoquée a déjà été abordée en 2018. Je ne dis pas non plus que ce débat n'est pas légitime. Mais il ne l'est pas dans ce cadre.
De nombreux députés souhaitent s'exprimer. Au vu de l'importance du sujet je leur donnerai exceptionnellement la parole mais en leur demandant d'être concis et de ne pas utiliser les deux minutes auxquelles ils ont droit habituellement.
La parole est à M. Julien Aubert qui va donner le la.
Me bâillonne-t-on comme le jambon, monsieur le président ? Plus sérieusement, ma première réserve concernant ces amendements tient au fait que la substitution proposée n'en est pas une en réalité. En effet, il s'agit de remplacer une discrimination liée à la race par une discrimination liée au sexe. Or l'une n'a rien à voir avec l'autre.
Par ces amendements, on ferait donc disparaître toute mention de la discrimination qui repose sur la couleur de peau ou sur l'origine ethnique. J'aurais préféré que vous disiez que le mot « race » vous gêne et qu'il serait préférable de le remplacer par « origine ethnique » ou « couleur de peau » par exemple. Cela aurait permis de lutter contre le racisme, qui est réel.
L'une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés est le fait que le mot « race » est piégé. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il n'a pas de sens d'un point de vue biologique. Cependant, la race existe en tant que construction sociale – toute la politique antiraciste est d'ailleurs fondée sur ce mot. Par conséquent, il serait assez incohérent de supprimer le mot « race » de la Constitution tout en continuant à parler de politique antiraciste dans la société.
En effet, ce n'est pas le moment !
Vous évoquez enfin dans ces amendements la discrimination liée au sexe. Or vous parlez toujours de genre et d'identité de genre. J'appelle donc votre attention sur la nécessité, si l'on veut être logique, de décider quelle discrimination on vise réellement : de sexe, de genre ou encore d'identité subjective de genre ?
Je vous laisse mener entre vous ce débat beaucoup trop complexe pour moi.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains ne votera pas cette proposition qui nous semble un peu hasardeuse si l'on a à c? ur de lutter contre le racisme dans la société.
M. le garde des sceaux dit que nous ne sommes ici que pour traiter de l'environnement, comme en mission commandée… Non, nous sommes ici pour hisser la Constitution à la hauteur des enjeux. Certes, il y aura cet ajout à l'article 1er et tout ce qui en est attendu – mise en exergue des limites planétaires, de la biodiversité, de la lutte contre le dérèglement climatique – mais, bon Dieu ! la France ne peut-elle supprimer définitivement de sa constitution le mot « race » qui heurte encore une très grande partie de nos concitoyens ? Ne serait-ce pas l'honneur de l'Assemblée que de dépasser le cadre fixé par le ministre qui entend réduire la discussion à l'environnement ?
Notre sujet, aujourd'hui, ce n'est pas l'environnement mais la Constitution ! Il ne s'agit pas de traiter seulement de l'environnement quand nous devons prêter attention à tous nos concitoyens, où qu'ils se trouvent : je pense à ceux de Wallis-et-Futuna, aujourd'hui confinés dans des conditions des plus strictes et qui aimeraient tout de même entendre qu'ici, à Paris, dans cet hémicycle où nous les représentons, nous avons décidé de supprimer le mot « race » de la Constitution !
M. Paul Molac applaudit.
Monsieur le ministre, je crois que je n'ai aucune leçon à vous donner en matière de lutte contre le racisme, vous l'avez encore démontré il y a quelques heures. Je crois néanmoins que nous avons là une occasion historique, au moins à la mesure de cette législature, la dernière occasion pour nous de surcroît, de supprimer le mot « race » de la Constitution.
Et, chers collègues, je vous rappelle une nouvelle fois que nous avons voté ensemble cette suppression, sur proposition du Gouvernement, en 2018. Il faut savoir mettre notre mandat au service de nos objectifs, y compris politiques, singulièrement quand il s'agit de la rédaction d'un texte fondateur tel que la Constitution et donc, ici, en supprimer le mot « race ».
Cher collègue Aubert, il ne faut pas tout confondre : supprimer le mot « race » dans la Constitution n'est en rien supprimer le caractère condamnable et répréhensible, de par la loi, des actes relevant du racisme ; ceux-ci demeureront bien un délit et donc il y aura toujours une base juridique, législative, pour mener ce combat contre le racisme, combat qui, je le sais, vous est cher également.
Je le répète : le mot « race » ne peut pas s'appliquer à l'espèce humaine. Seules les espèces animales peuvent être subdivisées en races – on parle de races de chiens, par exemple, mais pas de races d'hommes. Sinon, cela signifierait qu'une personne blanche est différente d'une personne noire – mais par rapport à quoi ? On ne fait pas de distinction raciale. Et que l'on choisisse de perpétuer ce terme sous prétexte qu'il ne s'agit ici que de traiter du problème écologique est une aberration folle. Profitons de l'occasion qui nous est offerte de changer les choses car cela ne se reproduira sans doute pas d'ici à la fin de la législature. Monsieur le ministre, faites un geste, acceptez ces amendements.
J'ai entendu certains faire l'éloge de la science pour justifier plusieurs de leurs arguments, mais il est établi aujourd'hui par les plus éminents préhistoriens que, bien évidemment, l'homo sapiens n'est pas le vecteur de quelque race que ce soit sur cette terre.
Par ailleurs, je pensais que dans la tradition judéo-chrétienne – je m'adresse directement à M. Aubert – , la controverse de Valladolid avait permis de reconnaître que les Indiens ont une âme.
Je vous demanderai donc, monsieur le ministre, de ne pas vous opposer à ce que l'Assemblée supprime le mot « race » de la Constitution.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LT.
J'ai un souvenir ému de ces débats de 2018 qui avaient abouti à la suppression de cet anachronisme tout à fait dérangeant de notre constitution. Et quand je vous entends dire, monsieur le ministre, que nous ne sommes réunis ici que pour parler d'environnement, je crains que vous n'oubliiez que dans notre référentiel, évidemment anthropocentré puisque les hommes font la loi pour eux-mêmes, pour leur protection, l'environnement est à prendre en compte comme l'ensemble des éléments qui contribuent à subvenir aux besoins de l'humanité, environnement qui n'est donc pas une fin en soi, à moins d'en tenir pour un relativisme suivant lequel l'animal serait au niveau de l'homme, selon lequel il faudrait concevoir un environnement sans humanité, etc. Or on voit un tel relativisme s'insinuer dans notre société par tous les pores.
En parlant d'environnement, on parle ici de l'homme et de son avenir. Il n'est par conséquent pas possible de laisser perdurer dans la Constitution cet anachronisme tout à fait dérangeant, je le répète, et obscène alors que des tas de gens sont comme moi devenus Français, quelles qu'en soient les modalités, et en sont très fiers. Ce serait aussi notre fierté d'humains et de Français que de faire disparaître cette notion tout à fait abjecte de notre loi fondamentale. Il faut penser à l'homme avant de penser à des questions environnementales certes tout à fait louables mais pas premières dans l'ordre des choses. Il nous reste une dernière possibilité de supprimer ce mot de la Constitution, alors utilisons-la, faites un geste historique !
MM. Gérard Leseul et François-Michel Lambert applaudissent.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 119
Nombre de suffrages exprimés 99
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 24
Contre 75
Je tenais à m'exprimer sur l'article unique compte tenu de son importance. Je vais volontairement me situer en dehors des stratégies politiques qui ont pu être dénoncées ici ou là. À ce propos, s'il est vrai, monsieur Aubert, que je n'ai pas voté la Charte de l'environnement, et je le regrette, mais c'est parce que je n'étais pas députée. Mais je peux dire que cet article reprend presque mot pour mot le texte d'un amendement – le no 2198 – que notre groupe avait alors déposé et qui était ainsi rédigé : « Elle garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique, et lutte contre les changements climatiques. » La seule évolution par rapport à notre amendement, c'est la substitution du mot « dérèglement » au mot « changement ». Je conçois que ce terme soit plus approprié. La majorité montre par cet article qu'elle a changé d'avis, d'autres peuvent faire de même, mais je constate que cela n'a pas été notre cas, que la convention citoyenne a été dans notre sens et qu'elle nous donne raison.
Je tenais à dire également que la protection de l'environnement n'est pas un défi parmi d'autres. Le risque est grand que la Terre devienne invivable à l'horizon 2050 et il est donc existentiel pour la sécurité nationale. Nous nous approchons du point de non-retour. La perte de la biodiversité, sous-entendue dans le projet de loi, est le problème principal à traiter dans la lutte pour la protection de la planète, auquel s'ajoute la nécessité de la préservation de l'environnement.
Enfin, je rappelle que la jeunesse a manifesté au niveau mondial pour contester le manque d'actions efficaces contre le dérèglement climatique, et que ce sont les jeunes qui devront en subir les conséquences et tenter de réparer ce qui ne sera pas réparable si nous n'agissons pas maintenant. Ils ont compris qu'ils se trouvaient face à une tâche irréalisable si la République n'agit pas tout de suite et ne garantit pas l'application de politiques adaptées.
M. Gérard Leseul applaudit.
L'objet de cet article unique devrait conduire à se poser deux questions principales, celle du référentiel dans le cadre duquel on en discute et celle de la capacité de l'homme, en l'occurrence en France, à agir sur les différentes composantes mentionnées dans cet article, c'est-à-dire à agir sur le dérèglement climatique et sur la biodiversité. Il faut se poser la question du référentiel pour ne pas oublier que l'environnement sans humanité n'aurait aucun sens, sachant que ce référentiel est bien évidemment anthropocentré puisque les hommes font la loi pour les hommes, pour leur protection, mais qu'il est nécessaire pour réfléchir à plus grand que soi autour de nous.
L'homme, depuis son apparition jusqu'à son aboutissement comme homo sapiens sapiens, est le fruit d'une longue évolution de la vie depuis peut-être plus d'un milliard d'années, et cette mise en perspective montre qu'il est plutôt petit en ce qui concerne ses pouvoirs sur son environnement et finalement assez faible à l'aune des risques telluriques, contre lesquels il n'investit pas beaucoup, et faible pour prévenir des crises sanitaires, comme celle que nous vivons, qui concernent pourtant directement son organisme. L'activité humaine industrielle et post-industrielle a bien sûr une action délétère sur l'environnement, et il faut se saisir de ce problème. Néanmoins, il convient de se poser en toute humilité la question de la place de l'humain dans la vie elle-même et donc de l'ampleur de ses moyens d'action.
C'est pourquoi je souhaite substituer aux trois notions mentionnées dans cet article, peut-être trop précises, celle de nature d'une part, et celle de culture d'autre part, parce que la protection de la nature implique le respect de la vie sous toutes ses formes et,également l'acceptation de notre finitude, et que la culture démontre que nous ne sommes pas qu'une vie animale puisqu'elle permet à l'homme de s'extraire de sa condition, de créer, de se projeter en dehors de lui-même et donc de faire mieux en protégeant ses congénères. C'est une vision beaucoup plus holistique de l'humanité que celle que propose cet article.
Nous en venons à plusieurs amendements identiques, nos 70 , 120 , 144 , 258 , 320 , 365 et 406 , tendant à supprimer l'article unique.
Je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public sur cette série d'amendements.
le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 70 .
L'article unique a pour objet d'inscrire à l'article 1er de la Constitution le principe selon lequel la France « garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ». Monsieur le ministre, vous avez déclaré en commission : « S'agissant de l'inscription de la protection de l'environnement au c? ur de nos principes constitutionnels, je rappelle que notre loi fondamentale comporte d'ores et déjà des dispositions relatives à la préservation de l'environnement. Ce principe est inscrit dans la Charte de l'environnement, issue de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005. Mentionnée dans le préambule de la Constitution, elle fait pleinement partie du bloc de constitutionnalité. De surcroît, le Conseil constitutionnel, par deux décisions récentes, a conféré une importance accrue à la protection de l'environnement promue par la Charte. » Vous avez également ajouté : « L'inscription de la préservation de l'environnement à l'article 1er de la Constitution présente une valeur symbolique forte, voulue par les membres de la convention citoyenne pour le climat. »
Certes, en politique, chacun en conviendra ici, les symboles sont importants mais ils ne peuvent prévaloir sur les risques juridiques qui découlent de votre rédaction et de votre volonté de « garantir », le mot est important, la préservation de l'environnement qui, selon le Conseil d'État dans son avis du 14 janvier dernier, « imposerait aux pouvoirs publics une quasi-obligation de résultat dont les conséquences sur leur action et leur responsabilité risquent d'être plus lourdes et imprévisibles que celles [… ] résultant de l'article 2 de la Charte de l'environnement ».
Pour toutes ces raisons, je demande la suppression de cet article.
La révision constitutionnelle du 1er mars 2005 a déjà donné valeur constitutionnelle à la Charte de l'environnement. Si la défense de l'environnement est importante par respect pour les générations futures, une telle modification de la Constitution de la Ve République aboutirait à une forme de paralysie de notre pays, menaçant l'esprit d'initiative et d'entreprise de nos concitoyens. Cet amendement, monsieur le garde des sceaux, propose par conséquent de supprimer purement et simplement cet article aucunement nécessaire.
Je ne suis pas contre l'idée de se fixer des ambitions et je ne pense pas qu'il s'agisse de sujets mineurs – ils sont bel et bien essentiels – , mais je m'oppose à cet article car une constitution est un cadre qui doit permettre de légiférer et d'organiser la répartition des pouvoirs entre les différentes institutions. Je citerai notre ancienne collègue Marie-Françoise Bechtel qui, récemment, dans une tribune parue dans Le Monde, indiquait que « la Constitution est une forme, le moule si l'on veut de l'action publique, mais sûrement pas un programme de gouvernement ». Or nous sommes en train de nous fixer un programme de gouvernement. Certains diraient que nous rédigeons un communiqué. Non, la Constitution n'est pas faite pour cela.
De plus, nous sommes dans une situation paradoxale : en renforçant cet aspect de la Constitution, nous nous censurons pour demain. Si nous votons le texte, nous l'imposerons à nos futurs collègues qui pourraient être, sur cette base, très vraisemblablement censurés par le Conseil constitutionnel. Or le propre de l'action politique, c'est de pouvoir agir. Il y a trop de freins à l'action politique, trop de freins à la réforme et nous sommes en train de les multiplier. Nos concitoyens sont très critiques à notre égard parce qu'ils considèrent que nous n'avons pas de prise sur les choses. Or bien souvent nous nous privons nous-mêmes d'une autorité et nous censurons notre propre action politique. Pour ces raisons, je considère que cette disposition n'est pas pertinente.
La parole est à M. Nicolas Meizonnet, pour soutenir l'amendement no 258 .
Monsieur le garde des sceaux, je vous ai écouté attentivement à la radio ce matin : vous avez osé déclarer que le localisme prôné par Marine Le Pen et le Rassemblement national revenait à préconiser l'autarcie, le repli sur soi et, in fine, relevait du racisme.
Au-delà du fait que ces arguments sont franchement aussi absurdes que ringards, le Haut conseil pour le climat reconnaît lui-même que 50 % des émissions de gaz à effet de serre de la France sont liées aux importations.
Plus que jamais, le localisme est une nécessité pour lutter contre le dérèglement climatique. C'est l'idéologie mondialiste et libre-échangiste que vous défendez qui nuit gravement à la planète et à l'environnement. D'une certaine façon, le projet de loi est d'ailleurs la preuve que vous vous moquez de l'écologie. Vous nous proposez d'inscrire la préservation de l'environnement, la protection de la biodiversité et la lutte contre le dérèglement climatique dans la Constitution, mais tout cela relève d'un coup de communication.
En effet, votre projet de loi est inutile puisque la protection de la planète a déjà une valeur constitutionnelle à travers la Charte de l'environnement de 2004 comme l'ont souligné de nombreux collègues. C'est aussi un coup de communication car le projet de loi a une visée électoraliste évidente : vous cherchez à vous faire passer pour écologistes alors que vos politiques sont anti-écologiques. Enfin, vous cherchez à maquiller une certaine pratique autoritaire du pouvoir jusqu'alors peu soucieuse de la vie de nos compatriotes. À un an et demi de l'élection présidentielle, vous redécouvrez enfin le référendum.
Aussi ne comptez pas, monsieur le garde des sceaux, sur les élus du Rassemblement national pour participer à cette mascarade. L'écologie est un sujet sérieux, et c'est pourquoi Marine Le Pen a proposé ce matin un véritable référendum avec des questions concrètes.
La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l'amendement no 320 .
Vouloir supprimer l'article unique peut surprendre. Le changement climatique est en effet une réalité incontestable et nous, parlementaires, nous devons nous battre afin que tout soit mis en ? uvre pour protéger l'environnement, bien commun que nous allons léguer aux générations futures.
Modifier la Constitution n'est pas chose anodine. Faut-il le faire en l'espèce ? Assurément non. Cette modification est juridiquement inutile : la Charte de l'environnement de 2004 fait partie du bloc de constitutionnalité et forme déjà un socle juridique solide en matière de protection de l'environnement. Je citerai la décision du Conseil constitutionnel du 31 janvier 2020, dans laquelle il a jugé, en se fondant sur le préambule de la charte, que « la protection de l'environnement, patrimoine commun des êtres humains, constitu[ait] un objectif de valeur constitutionnelle ». Je m'en réjouis.
À quels objectifs répond véritablement le projet de loi ? S'agit-il de satisfaire des objectifs de communication, dans une période où le Gouvernement souhaiterait pouvoir détourner le regard des Français vers d'autres sujets ? La nécessité d'un droit clair impose une exigence de sobriété que ne remplit pas cet article unique. Je vous propose donc de le supprimer.
La parole est à M. Philippe Benassaya, pour soutenir l'amendement no 365 .
En 2020, les chercheurs des universités de Yale et de Columbia ont créé un index de performance environnementale qui regroupe onze critères afin d'évaluer l'engagement de chaque pays en faveur d'un futur écologiquement plus soutenable. Dans le classement qui en résulte, la France figure parmi les meilleurs élèves du monde : avec un score de quatre-vingts points, elle décroche la cinquième place. Par comparaison, les autres grandes puissances font pâle figure puisque les États-Unis occupent la vingt-quatrième place, la Russie la cinquante-huitième, la Chine la cent vingtième et l'Inde la cent soixante-huitième.
Nous pouvons donc raisonnablement être fiers de notre politique environnementale, quand elle se base sur la responsabilité sans être punitive. Partant de ce constat, ajouter la « garantie de la préservation de l'environnement » n'aurait, à mon avis, qu'un effet incantatoire. D'abord parce que les obligations et les devoirs de la France vis-à-vis de l'environnement ont déjà une valeur constitutionnelle grâce à la Charte de l'environnement de 2004. De plus, la France – à l'inverse de nombreux autres pays – n'a jamais eu besoin d'attendre des coups de communication pour mener une politique environnementale parmi les plus ambitieuses du monde. Parce que ce sujet est trop sérieux et urgent pour souffrir de mesures dont le seul intérêt tient à la communication et nous éloigne aussi, de facto, des mesures concrètes, il convient de supprimer cet article.
L'affaire du siècle, c'est cette campagne de propagande menée par un certain nombre d'organisations non gouvernementales qui ont saisi les autorités judiciaires, notamment le tribunal administratif, pour contester l'inaction de l'État dans la lutte contre le réchauffement climatique et l'enjoindre à agir. Le tribunal administratif a reconnu le bien-fondé de leur requête.
Avec la notion de garantie, l'article unique implique la notion de responsabilité. Vous allez donc accroître la judiciarisation de la politique environnementale. Cela commencera, comme d'habitude, par des requêtes administratives pour, ensuite, en venir à des recours en matière pénale. On attaquera des individus – les gouvernants – , on essaiera d'avoir des mots grandiloquents pour réveiller les fantômes de l'histoire, on cherchera à traîner les responsables du réchauffement climatique devant un Nuremberg du climat.
C'est ce que certains ont en tête : forcer par la justice ce qu'ils n'obtiennent pas par des moyens politiques. C'est très mauvais, parce qu'on voit bien que cette judiciarisation ne peut que conduire à paralyser l'activité politique, parce que les gouvernants auront peur des conséquences de leurs décisions. C'est aussi très mauvais, parce qu'elle conduit à faire fuir les entreprises. Nous sommes d'ailleurs très hypocrites : il est facile de se proclamer République écologique lorsqu'on a désindustrialisé le pays et que toutes les industries polluantes sont parties s'installer dans des pays en voie de développement auxquels on donnera ensuite des leçons parce qu'ils émettent beaucoup de dioxyde de carbone.
Il est beaucoup plus engageant d'industrialiser un pays et de verdir son industrie en respectant des normes et en permettant de concilier emploi, compétitivité et fabrication en France d'une part et impératif écologique d'autre part. La manière dont vous avez bâti cet article entraînera plus de mal que de bien, notamment en matière d'industrialisation et de relation du juge au politique. Pour toutes ces raisons, je vous propose de supprimer cet article.
Je suis en opposition totale avec ces propositions de suppression : nous sommes ici au c? ur de la réforme. L'article 1er de la Constitution proclame les grands principes de notre République ; en le modifiant, nous nous apprêtons à affirmer que la France garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique. À mon sens, voilà une phrase simple, claire, puissante…
… qui nous permet d'assurer, dans la Constitution, ces fondements essentiels.
Mme Wonner a dit que nous nous bornions à des déclarations de principe au motif que la formulation ne serait pas, d'un point de vue juridique, suffisamment engageante. Ce n'est pas le cas : la formulation proposée est très précise et c'est d'ailleurs le procès que nous font certains collègues du groupe Les Républicains. Les verbes utilisés dans la phrase – garantir, lutter – sont des verbes d'action qui nous obligent. Ce n'est pas une simple déclaration d'intention ou de principe.
Cette disposition sera clairement destinée à irriguer l'ensemble de l'action publique. Avec cette réforme, nous faisons de la sauvegarde de l'environnement un principe constitutionnel plein et entier. Il est donc primordial de voter l'article. Comme je l'ai dit au cours de la discussion générale, sans principe constitutionnel fort, affirmant clairement que l'objectif environnemental est un fondement de l'action de la France, nous passerons alors à côté de l'essentiel. Au regard de l'urgence climatique dont nous avons tous conscience, qui peut croire que l'on n'a pas besoin d'une quasi-obligation de résultat, pour reprendre les termes du Conseil d'État ? Ne cherchons pas, par des voies détournées, à atténuer la portée de ce que nous faisons.
Pour finir, je répondrai à M. Meizonnet qu'au Rassemblement national, c'est toujours un peu la même façon de faire de la politique : toujours devant les caméras, mais rarement dans l'hémicycle. Encore une fois, ce matin ce fut un grand spectacle. Vous annoncez une grande réforme constitutionnelle avec quinze propositions, mais cela ne se traduit pas par des amendements et encore moins par des débats dans l'hémicycle. En toutes circonstances, la réponse du Rassemblement national à un problème passe par le repli sur soi…
C'est ça !
… et c'est bien le cas en matière d'écologie : l'hyper localisme, le retour des frontières et des interdictions. Ce n'est certainement pas cela qui fera progresser l'environnement et la lutte contre le dérèglement climatique. Avis défavorable.
Oui, nous assumons le verbe garantir ; oui, nous assumons le verbe lutter.
Oui, nous assumons très clairement cette quasi-obligation de résultat.
Quant au contre-projet de référendum que nous annonce Mme Le Pen, elle n'est même pas venue le présenter ; c'est tout de même extraordinaire. Elle a tenu une conférence de presse, dans une salle juste à côté : il faut bien dire que je la vois plus souvent dans les couloirs que dans l'hémicycle.
Avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'entends nos collègues de droite redouter la censure du Conseil constitutionnel, nous mettre en garde contre des entraves au pouvoir politique, ou encore dire que la Constitution ne doit pas être un programme. Je suis en partie d'accord avec eux, mais je note que cela les gêne moins lorsque la liberté d'entreprendre ou le droit de propriété permettent par exemple au Conseil constitutionnel de censurer le devoir de vigilance.
Je suis d'accord : il ne faut pas substituer les juges aux politiques, au peuple et à la démocratie. Il faudrait d'ailleurs recourir au peuple pour décider de l'introduction de nouveaux choix écologiques et économiques. Toutefois, nous divergeons sur un point : vous semblez croire que c'est dans l'hémicycle que prend forme le gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple. Les seules personnes qui y croient encore se trouvent ici ; en dehors de ces murs, personne ne croit plus que les représentants sont représentatifs…
Nous n'avons aucun pouvoir : il va y avoir des centaines d'amendements et on sait d'avance…
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Chers collègues, écoutez M. Ruffin. Son temps de parole est bientôt épuisé. M. François-Michel Lambert a demandé la parole, ainsi que M. Waserman, et puis nous procéderons au vote.
Cela vous chatouille, apparemment, quand on vous dit qu'il n'y a aucun pouvoir ici, mais il n'y en a aucun : nous sommes une chambre d'enregistrement. Des centaines d'amendements ont été déposés mais on sait d'avance qu'aucun ne sera voté, que le truc a été écrit à l'Élysée et qu'il s'agit ici d'enregistrer, point barre.
Nous pouvons avoir des points d'accord mais là où je suis en désaccord avec vous, chers collègues de droite, c'est que vous couplez ce raisonnement avec le déni de la tragédie en cours. Monsieur Aubert, vous dites que ça allait dans les années 1970 mais qu'aujourd'hui ça ne va plus : non, dans les années 1970, le jour du dépassement était le 30 décembre, …
Monsieur Ruffin, tout le monde la prend de la même façon. Vous en êtes à deux minutes vingt.
Je souhaiterais, monsieur le garde des sceaux, que nos débats soient respectueux de l'Assemblée. Sept amendements viennent d'être présentés, issus de plusieurs groupes, et vous n'avez répondu qu'aux arguments d'un seul amendement.
Il s'agit d'une série d'amendements identiques de suppression !…
Certes, mais il y a eu six autres argumentations – je pense ainsi à celle de Martine Wonner. La moindre des choses, dans le cadre d'une réforme constitutionnelle, devant le Parlement qui représente le peuple, c'est de répondre à l'ensemble des députés et à tous les arguments.
Monsieur Lambert, il y a, pour résumer, deux catégories d'amendements de suppression ici. Ceux qui disent : « C'est de la com', ça ne sert à rien » ; et ceux qui disent : « Il existe un risque juridique, il ne faut pas le prendre ». Je ne commenterai pas l'argument sur la com'. Pour ce qui est du risque juridique, de la possibilité que la réforme suscite des questions prioritaires de constitutionnalité, que cela conduise le législateur à penser différemment les lois, ces questions sont tout à fait sensées et je pense qu'elles sont assumées par la majorité : nous assumons le fait qu'en raison de l'urgence dans laquelle nous sommes, nous devons franchir ce pas, et, oui, c'est inconfortable, oui, il existe des risques juridiques, oui, il faut procéder à cette réforme constitutionnelle en connaissance de cause. Au moment de l'histoire où nous sommes, …
… notre responsabilité est de franchir ce pas, d'assumer ce risque.
On dit souvent que les scientifiques sont très importants pour éclairer la décision politique mais qu'à un certain point c'est le politique qui doit prendre le relais et prendre la décision. Beaucoup de scientifiques le disent eux-mêmes. Eh bien, pour les juristes, c'est pareil, pour la légistique aussi. Il y a un choix à faire, ce choix est fondamentalement politique et c'est celui que nous nous apprêtons à faire.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et LaREM.
Nous avons en ce moment deux débats en parallèle : ici, en séance, nous révisons la Constitution tandis que nos collègues en commission spéciale travaillent sur le texte de Mme Pompili.
Mais ne nous y trompons pas : le débat que nous menons ici est apparemment théorique mais il a pour but de conforter les réformes des plus redoutables qui vont nous être imposées par la commission qui travaille en ce moment à côté, avec le délit d'écocide qui va ruiner l'initiative, avec, au nom de la non-artificialisation, le refus du développement du monde rural et de nos petites villes, avec l'écotaxe que vous voulez introduire à nouveau alors qu'elle avait fait tant de mal, en particulier dans une région qui m'est chère. Chers collègues, nous sommes dans une fusée à deux étages : il s'agit ici de faire décoller le premier mais c'est pour mieux propulser des réformes redoutables pour l'économie.
Nous oublions que nous sommes l'un des pays qui ont le plus souffert de la pandémie, avec une baisse du PIB de 8 %, alors qu'elle est aux États-Unis de 5 %, et au Royaume-Uni de 3 %. Nous sommes en train de décrocher…
… et avec ce texte et celui de la commission spéciale ce sera encore pire. Je vous invite à la réflexion : ne nous faisons pas uniquement plaisir, nous devons anticiper de véritables difficultés pour le développement de notre pays.
« Très bien ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 98
Nombre de suffrages exprimés 98
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 14
Contre 84
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle sur l'article 1er de la Constitution et la préservation de l'environnement.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra