Intervention de François Ruffin

Séance en hémicycle du mardi 9 mars 2021 à 21h00
Article 1er de la constitution et préservation de l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

Attendez un peu que je vous raconte la dernière : la République « garantit la préservation de la biodiversité et de l'environnement et lutte contre le dérèglement climatique ». Pourtant, c'est le même président qui réintroduit les néonicotinoïdes dans nos champs, alors que l'Europe a déjà perdu 80 % de ses insectes, que les abeilles disparaissent silencieusement et que nous assistons tous les jours à l'érosion du vivant. C'est une comédie que vous jouez ici !

C'est le même président qui signe un accord – le CETA – avec le Canada, qui autorise l'importation en France et en Europe de b? ufs élevés aux hormones, dopés aux antibiotiques, avec quarante-six molécules en prime, interdites ici – acéphate, amitrase, atrazine… – , qui détruisent les rivières ou refilent le cancer. C'est le même président qui a signé, depuis, des accords avec le Mexique, le Vietnam et Singapour, dont le grand absent est le climat. C'est le même président qui tortille pour dire non, franchement, à un accord avec le MERCOSUR.

C'est le même président qui, depuis quatre ans, baisse les impôts sur les firmes et fait des dizaines de milliards d'euros de cadeaux. Et qui en profite ? D'après le Conseil d'analyse économique, rattaché au Premier ministre, les trois secteurs les plus favorisés sont les producteurs d'électricité et de gaz, les industries extractives et la finance : ce sont aussi les secteurs les plus pollueurs. C'est le même président qui impose un « nouveau pacte ferroviaire » où l'on trouve quatre-vingt-huit fois le mot « concurrence », mais jamais ceux de « climat », de « réchauffement » et de « biodiversité ». C'est le même président qui, un an après l'explosion de l'usine Lubrizol à Rouen – pour fêter cet anniversaire, sans doute – , diminue les contrôles et simplifie l'installation des sites industriels. C'est le même président qui, pour les mois à venir, refuse le moratoire sur les entrepôts géants, autorise Amazon partout et des centres commerciaux à gogo.

C'est le même président qui, depuis son arrivée, a diminué de 40 % les effectifs du ministère de la transition écologique ; le même qui conseille à Greta Thunberg et aux Jeunes pour le climat d'aller manifester en Pologne ; le même, encore, dont les membres de la convention citoyenne pour le climat découvrent qu'il les voit comme un congrès d'Amish et des partisans du retour à la lampe à huile. En réalité, son « sans filtre » s'écrit « cent filtres » !

Alors, une grande déclaration dans la Constitution – la République « garantit la préservation de la biodiversité » – pourquoi pas ? Ça fait bien, ça ne coûte rien et ça ne mange pas de pain. On a bien « liberté, égalité, fraternité » comme devise, dans la Constitution ! On y a même inscrit « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » ; c'est super, j'adore ! On avait déjà une charte de l'environnement avec plein de bonnes choses : « Toute personne a le droit de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement. » Ça change quoi, tous ces grands principes ? On voit tellement de trucs, c'est de la grosse ficelle ! Moins on fait d'écologie, plus on l'étale, plus on l'étale dans des grandes déclarations, plus on l'étale dans les valeurs générales – des valeurs générales inoffensives, qui ne contraignent pas Total, la BNP, la Société générale, Engie et compagnie, qui ne rompent pas avec la sainte trinité – croissance, concurrence, mondialisation – , qui ne nuisent pas aux amis du Président – à ses amis young American leaders, à ses amis du groupe Bilderberg, à ses amis de la commission Attali, à ses clients et amis de la banque Rothschild, à tous ses amis qui ont soutenu son parcours, qui ont financé sa campagne et qui soutiendront et financeront la suivante. C'est de l'écologie sans conflit avec les firmes. La planète brûle, mais les affaires continuent : business is business, as usual ; les profits avant l'Amazonie ; les dividendes plus sacrés que la vie ! Alors, il reste quoi ? Nous raconter des blagues. C'est l'histoire d'un président…

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