Intervention de Muriel Pénicaud

Séance en hémicycle du jeudi 23 novembre 2017 à 21h30
Renforcement du dialogue social — Après l'article 6

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Madame la députée, je vous remercie de cet amendement, et des quatre autres que votre groupe a déposés sur le sujet de la santé au travail, qui intéresse tout l'hémicycle. Nous l'avons évoqué plusieurs fois, directement ou indirectement, depuis hier. Je saisis donc cette occasion pour faire un point sur ce sujet et présenter nos intentions dans ce domaine.

La santé au travail est un enjeu clé, ce sur quoi nous serons tous d'accord. Je l'avais évoqué en juillet, en annonçant qu'une réflexion approfondie serait lancée. Des progrès ont été constatés ces dernières années : les négociations sur la qualité de vie au travail, notamment, ont été prises très au sérieux et font progresser tout le monde. Cependant, nous sommes d'accord pour dire que la situation demeure perfectible sur bien des aspects.

Avant de traiter de thèmes plus généraux, j'aborderai d'abord un sujet spécifique, celui des risques chimiques. Avec Agnès Buzyn, nous venons de confier au professeur Frimat, spécialiste de la santé au travail et de ces questions, une mission visant à renforcer la prévention sur l'exposition des risques, à garantir le suivi des salariés concernés, y compris lorsqu'ils changent d'employeur, et à s'assurer d'un mode de réparation adapté pour tenir compte de l'effet différé de l'exposition à des agents chimiques dangereux.

Nous attendons les conclusions de cette mission pour le 31 janvier 2018.

Mais l'enjeu est plus large. Il est vrai que, par rapport à d'autres pays européens, le nombre des accidents du travail et des maladies professionnelles est particulièrement élevé en France. Leur évolution, certes orientée à la baisse, est plus lente que dans d'autres pays européens.

Je rappelle qu'en 2016, nous déplorions 626 227 accidents du travail, dont 514 décès, et 48 762 maladies professionnelles, dont 382 décès. C'est évidemment intolérable. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut agir.

Pour cela, il faut évidemment que progressent la coordination des acteurs, le partage d'informations entre professionnels de santé au travail et en ville – cela a été évoqué précédemment – , dans le respect des données sensibles, et l'articulation des services de santé au travail avec les autres secteurs de santé. En effet, le salarié est aussi un patient dans sa vie personnelle.

Plus largement, la formation des futurs salariés et dirigeants d'entreprise aux actions de prévention apparaît comme un énorme enjeu. Si des actions existent dans ce domaine, elles restent tout de même parcellaires.

La prévention est inscrite comme la priorité du troisième plan de santé au travail, un programme ambitieux, élaboré à l'unanimité par les partenaires sociaux, que j'ai encouragés dans cette voie, lors de la dernière commission sur ce sujet.

Je présenterai aussi la situation de la médecine du travail, qui préoccupe tout l'hémicycle, à juste titre. Aujourd'hui, en France, il y a 4 858 médecins du travail pour un peu plus de 18 millions de salariés du secteur privé. Chaque année, à la sortie de l'internat de médecine, 33 % des postes ne sont pas pourvus, faute de candidats.

Nous sommes donc confrontés à un véritable défi pour rendre la médecine du travail attractive. En dix ans, nous avons perdu 30 % des médecins du travail, alors que les besoins n'ont pas diminué, même s'ils évoluent, car les risques ne sont pas toujours les mêmes. Aujourd'hui, 75 % des médecins du travail ont plus de cinquante-cinq ans. Si nous n'agissons pas, nous allons au-devant d'une véritable pénurie de médecins du travail.

Je n'ai parlé qu'au plan national, mais la disparité géographique est forte : la situation est donc plus grave dans certaines régions.

Agnès Buzyn et moi-même avons décidé de faire de la santé au travail, notamment du renforcement des dossiers de prévention, une de nos priorités communes. Nous venons de confier une mission sur ce sujet à trois personnalités : un représentant syndical – Jean-François Naton, conseiller confédéral chargé de l'activité travail et santé à la CGT – , une parlementaire fortement sensibilisée à la prévention par sa vie précédente – Charlotte Lecocq, que je remercie d'avoir accepté cette mission – et un consultant spécialiste de ces sujets, Bruno Dupuis. Ils doivent effectuer un état des lieux, mettre en avant les bonnes pratiques et présenter des propositions.

Les cinq sujets que soulèvent vos amendements, madame la députée, seront intégrés dans la réflexion de cette mission. C'est pourquoi, je vous invite à retirer vos amendements, tout en m'engageant à ce que ces cinq points soient évoqués. Nous reviendrons devant la représentation nationale pour vous faire part des conclusions et du plan d'action qui s'ensuivra.

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