Ces dernières années, la forme la plus aboutie du précariat a consisté à faire porter le costume de travailleur indépendant à des travailleurs juridiquement indépendants, mais économiquement dépendants.
Outre le phénomène très connu dont il vient d'être question, cela se rencontre aussi dans des usines où l'on avait auparavant recours à l'intérim et où, désormais, s'est établie une nouvelle relation avec des travailleurs indépendants, qui viennent quand il y a du travail et ne sont pas pris par l'usine quand il n'y en a pas. C'est ainsi que fonctionne par exemple l'usine Sidel, au Havre, dans un certain nombre de métiers.
J'en reviens à l'ubérisation. Une plate-forme comme Uber, qui se développe dans des secteurs de plus en plus divers, tente d'expliquer qu'elle n'impose aucune contrainte d'exclusivité ni d'horaire et qu'elle ne donne aucun ordre aux indépendants qu'elle fait travailler. Pourtant, les actions en requalification des statuts se multiplient, en France comme à l'étranger. En Californie, Uber a déboursé en début d'année 100 millions de dollars pour mettre fin à l'action collective de chauffeurs qui exigeaient leur requalification. À Londres, Uber a fait appel, il y a un an, du jugement d'un tribunal de travail britannique reconnaissant aux 30 000 chauffeurs londoniens de voiture de transport avec chauffeur – VTC – le droit à semblable requalification. En France, l'URSSAF a engagé des procédures et les travailleurs des plates-formes s'organisent pour faire reconnaître le lien de subordination qui les unit à leur employeur.
Par cet amendement, nous proposons de mieux les protéger en instaurant une présomption de salariat fondée à la fois sur le lien de subordination juridique et sur la relation de dépendance économique. En effet, ces travailleurs sont aujourd'hui doublement privés de protection : n'étant pas salariés, ils n'ont pas droit aux dispositions protectrices du code du travail ; n'étant pas réellement indépendants non plus, ils ne bénéficient pas de la protection économique qu'offre une diversité de donneurs d'ordre. C'est une situation à laquelle il convient de mettre un terme.