Intervention de Adrien Taquet

Séance en hémicycle du lundi 15 mars 2021 à 21h00
Protection des jeunes mineurs contre les crimes sexuels — Article 1er

Adrien Taquet, secrétaire d'état chargé de l'enfance et des familles :

Je voudrais vous faire part de ma déception initiale – car j'ai changé d'avis depuis. En effet, nous ne sommes arrivés à rien dans ce texte en ce qui concerne les personnes en situation de handicap. Et cette déception, je la dois à moi-même tout autant qu'à nous tous.

En réalité, cependant, la question du seuil de non-consentement à 18 ans n'est pas pertinente. Vous avez cité Marie Rabatel ; elle considère, à raison, que la question de l'âge n'a pas de sens lorsqu'il s'agit d'une personne en situation de handicap, et encore moins lorsqu'elle est atteinte d'un trouble du spectre de l'autisme. La notion de consentement, pour un adulte autiste, n'a pas la même résonance, ne recouvre pas le même vécu que pour vous ou moi. Au demeurant, la majorité d'un jeune handicapé est fixée à 20 ans dans la plupart des textes, et non pas à 18 ans. La question de l'âge n'est donc pas fondée, je le répète, au regard de ce que vivent et ressentent les personnes en situation de handicap et de la façon dont elles évoluent. C'est pourquoi il convient d'écarter cette idée.

Lors des débats relatifs à la loi de 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, j'étais encore député et j'avais déposé plusieurs amendements à ce sujet. J'avais proposé qu'un examen gynécologique soit obligatoirement réalisé sur les enfants en situation de handicap intégrant un établissement médico-social, et qu'il soit renouvelé chaque année pour s'assurer qu'il n'y avait pas eu de violences ; j'avais proposé une formation systématique des professionnels des établissements sociaux et médico-sociaux sur la question des violences sexuelles sur les enfants handicapés ; j'avais également suggéré d'obliger les établissements à désigner un référent sur ces questions, disposition que vous retrouverez, je l'espère, dans un texte à venir relatif à la réforme de l'aide sociale à l'enfance.

J'étais déçu initialement, ai-je dit, parce que rien dans la présente proposition de loi ne concerne les enfants en situation de handicap. Mais en réalité, le sujet est bien trop complexe, bien trop important – non pas que les autres ne le soient pas – pour être appréhendé sous le seul prisme de l'évolution de la loi pénale, qui me semble être trop réducteur par rapport aux enjeux qui sont devant nous.

Nous évoquons beaucoup, depuis des semaines, la question de la libération de la parole, par exemple. Comment libérer la parole d'un enfant autiste non verbal placé dans une institution ? Il s'agit là d'un vrai sujet. Il y a aussi la problématique de la formation des professionnels, que j'ai évoquée à l'instant ; celle de la protection des enfants placés dans les établissements sociaux et médico-sociaux ; celle de l'avenir de l'amendement Creton, qui permet que dans ces établissements, de jeunes adultes côtoient des mineurs. Que faire ? Devons-nous supprimer l'amendement Creton au nom de la protection des mineurs dans les établissements sociaux et médico-sociaux ? La vulnérabilité, une fois encore, n'a rien à voir avec l'âge ; la question de la protection des enfants en situation de handicap va bien au-delà de celle de l'évolution de la loi pénale. Ne légiférons pas dans la précipitation et l'émotion, surtout sur un tel sujet.

C'est pourquoi j'ai demandé à la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles de porter une attention toute particulière à la protection des enfants en situation de handicap. Nous devons prendre le temps d'approfondir l'ensemble de ces problématiques, qui sont complexes, et y travailler afin de proposer un dispositif global de protection de ces enfants. Pour toutes ces raisons, je donnerai un avis défavorable à vos amendements.

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