La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures.
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi, s'arrêtant à l'amendement no 123 à l'article 1er.
S'agissant de la question de l'écart d'âge, je dois avouer que nos discussions de cet après-midi ont conforté mon inquiétude. En effet, une différence d'âge de cinq ans entre un mineur et un jeune majeur me paraît déjà beaucoup trop importante. Comme j'ai eu l'occasion de le dire, reconnaître la possibilité d'un tel écart brouille le message envoyé par la proposition de loi, qui était pourtant clair au départ : on ne doit pas toucher aux jeunes de moins de 15 ans qui, au mieux, ne sont encore que de jeunes adolescents.
Monsieur le garde des sceaux, je vous vois lever les yeux au ciel. Certes, j'entends l'argument de la protection des amours adolescentes, pour lesquelles vous ne voulez pas vous ériger en censeur. D'ailleurs, je ne le souhaite pas non plus. On nous parle des couples « Roméo et Juliette », mais dans la vie, il n'y a pas que des Roméo.
Là est le problème : il existe aussi des individus peu scrupuleux qui auront beau jeu – et vite fait – de comprendre la faille et qui iront séduire de très jeunes adolescentes ou adolescents. Certains seront consentants quand d'autres seront sidérés ou flattés d'avoir été repérés et choisis par une personne plus âgée. C'est à eux que je pense, à ceux qui n'oseront pas dire non, qui s'imagineront même être consentants et qui, une fois la surprise passée, se rendront compte de ce qu'ils ont accepté alors qu'en réalité, ils ne le voulaient pas. Ils seront moins bien traités et protégés, puisqu'ils devront apporter la preuve de leur non-consentement. Voilà ce qui me pose problème. C'est pour protéger les très jeunes mineurs que l'écart d'âge de cinq ans, qui me semble dangereux, doit être réduit.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement no 147 .
Je ne voudrais pas donner l'impression au garde des sceaux que je souhaite que l'on tourne en rond sur ces questions d'écart d'âge. Je souhaiterais simplement rappeler la préoccupation d'un certain nombre d'associations de défense des enfants, qui est aussi celle des parents de jeunes adolescents – que nous sommes pour certains d'entre nous.
En effet, les Roméo existent et oui, les amours adolescentes – y compris s'agissant des rapports sexuels – peuvent s'entendre. Cependant, nous devons être certains que lorsqu'une relation n'aura pas été réellement consentie, le jeune majeur auteur des faits sera poursuivi et condamné au regard de la gravité des actes commis envers de jeunes adolescents, ou même enfants si l'on songe que nous parlons de mineurs âgés de 13 ou 14 ans.
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l'amendement no 133 .
Monsieur le garde des sceaux, nous avons bien compris qu'afin de garantir la constitutionnalité du texte, il était nécessaire d'admettre un écart d'âge, lequel ne saurait logiquement être réduit à trois ans ou moins – il ne pourrait dès lors en effet plus être question d'écart d'âge entre un mineur de 15 ans et un jeune majeur.
Nous avons bien entendu que le fait de prévoir une différence d'âge permettait de préserver les amours adolescentes. Comme vous l'indiquiez tout à l'heure, si la relation entre un mineur de 13, 14 ou 15 ans et un jeune adulte ne relève pas d'un amour adolescent, le juge pourra considérer l'acte sexuel comme un viol. De la même manière, même si nous fixons un âge de consentement à 14 ou 15 ans, il pourrait décider de ne pas renvoyer l'affaire aux assises si les deux enfants étaient réellement consentants.
C'est pourquoi nous souhaitons que l'écart d'âge que vous avez proposé soit réduit. En effet, un enfant de 13 ans, c'est un enfant qui finit sa classe de cinquième et qui va entrer en quatrième. C'est le moment où il arrive à la puberté, où tout se chamboule dans son corps et dans sa tête. À cet âge, l'enfant n'est pas toujours capable de vérifier que le jeune adulte qui lui demande une relation sexuelle – et dont il pense être amoureux – éprouve les mêmes sentiments. Bien entendu, l'adolescente sera consentante à l'instant t, mais est-elle réellement capable d'être consentante ? Entre 13 et 14 ans, cette capacité n'est pas encore tout à fait mature.
Il serait important de protéger ces enfants, parce qu'à 13 ans, au moment où on se construit, savoir dire non à un jeune adulte n'est pas simple. Avec certains collègues du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, nous proposons donc de ramener la différence d'âge de cinq à quatre ans, pour tenir compte du fait qu'à 13 ans, les enfants ne sont pas toujours en capacité de dire non.
La parole est à Mme Alexandra Louis, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur les amendements en discussion commune.
Je souhaiterais d'abord rappeler une chose très simple : sans exception d'écart d'âge liée aux couples d'adolescents, il n'y a plus de texte.
Et sans texte, il ne nous sera malheureusement pas possible de mieux protéger les mineurs. J'invite ceux qui en douteraient encore à lire l'avis du Conseil d'État de 2018 sur cette question : c'est éclairant. Le Conseil d'État avait fait part non pas de réserves, mais d'objections qui sont très bien explicitées. D'éminents juristes le rappellent également en nombre. S'ils le font, ce n'est pas par pure fantaisie : la volonté de protéger les couples d'adolescents est liée à un enjeu de proportionnalité, laquelle figure au rang des principes du droit pénal protégés par la Constitution dont la raison d'être est de lutter contre l'arbitraire. La proportionnalité constitue donc un principe fondamental.
En outre, il est important de rappeler qu'il n'y aura pas d'impunité pour cette tranche d'âge. S'agissant des relations entre des mineurs de 13 ou 14 ans et des jeunes majeurs de 18 ou 19 ans, le juge appliquera la loi qui existe déjà et dont la modification avait été votée à l'unanimité en 2018. En clair, cela signifie que nous faisons confiance aux magistrats. Les juges sont à notre image et leur préoccupation est la même que la nôtre : protéger les mineurs. Je n'ai jamais rencontré un seul magistrat qui n'ait pas cette préoccupation chevillée au corps. Je vous invite donc à faire confiance aux juges, et j'en profite pour rendre hommage au travail qu'ils accomplissent.
Si, c'est le coeur du sujet : vous avez dit que les enfants de 13 ou 14 ans ne seraient pas protégés, je réponds en vous expliquant que nous les protégeons.
J'en viens, Madame Goulet, à l'écart d'âge de quatre ans que vous proposez.
Depuis le début des débats, nous le répétons : à travers la question de la proportionnalité, il y a un enjeu de constitutionnalité. La différence d'âge de cinq ans a au moins un mérite : elle est tolérée dans certains États étrangers. Nous n'avons aucune garantie que cet écart d'âge sera jugé conforme à la Constitution, mais si nous le réduisons dans le but de renforcer la protection, nous nous exposons à un risque accru de censure. Je pense qu'il ne serait pas prudent d'aller en deçà de cinq ans. Encore une fois, les magistrats apprécieront les situations au cas par cas. Je leur fais confiance : ils sauront faire la différence entre une relation consentie entre adolescents et une relation d'emprise et de sidération de la part d'un prédateur. Je pourrais m'éterniser et citer de nombreux cas, mais je préfère rester concise : l'avis sera donc défavorable pour l'ensemble des amendements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je suis évidemment défavorable aux amendements qui viennent d'être présentés. La situation que nous devons examiner est celle d'un majeur ayant une relation avec une mineure ou un mineur de 15 ans. Une différence d'âge de quatre ans n'est donc pas possible : treize plus quatre, cela fait 17 ans.
J'entends bien, mais treize et quatre font dix-sept. Réduire la différence d'âge reviendrait, s'agissant de sa constitutionnalité, à fusiller un texte qui constitue une extraordinaire avancée. Nous sommes obligés d'envisager cet écart de cinq ans qui, je le redis, n'offre pas une protection à tous crins aux jeunes majeurs : le magistrat pourra apprécier la relation et s'il n'y a pas de consentement, alors c'est la règle ordinaire qui s'appliquera. Ce n'est pas l'impunité, ce n'est pas tout ou rien. Entendez-le : il n'est pas question d'abroger les textes qui constituent aujourd'hui notre droit.
On pourra toujours trouver, en cherchant bien, des exceptions. Mais si nous écrivons qu'en deçà de 15 ans, aucun écart d'âge n'est toléré et qu'une relation sexuelle sera nécessairement un crime sans qu'il soit besoin de démontrer quoi que ce soit, alors, comme l'a indiqué le Conseil d'État, les dispositions votées seront inconstitutionnelles. Or, pour tous ceux qui attendent, le fait de prévoir qu'une relation entre une jeune prostituée et un homme est un viol, ce n'est pas rien.
Et le fait de protéger les enfants de moins de 15 ans – en dehors de l'exception de l'écart d'âge – , ce n'est pas rien non plus. Rendre le texte contraire à la Constitution reviendrait à passer d'une formidable avancée à rien du tout.
Bien sûr que si : cela ne résiste à aucun examen. Pour le reste, l'amendement déposé par M. Cinieri réduit l'écart d'âge à deux ans. Pardon, mais c'est invraisemblable. Quant à vous, madame Ménard, vous dites la même chose pour la troisième fois. Il y a un point que je veux bien vous concéder : tous les hommes ne sont pas des Roméo.
Je suis favorable à cette affirmation, mais pour le reste, naturellement, je suis défavorable à tous les amendements qui ont été déposés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Isabelle Florennes applaudit aussi.
Monsieur le ministre, nous sommes bien évidemment d'accord : ce texte constitue une avancée. Je l'ai dit : nous ne contestons pas la nécessité d'introduire un écart d'âge pour que notre rédaction reste constitutionnelle, mais que cet écart soit de quatre ou cinq ans, je ne vois pas ce que cela y changera.
En revanche, si une enfant de 13 ans sur laquelle un majeur de 18 ans a fait pression finit par céder parce qu'elle pense l'aimer, alors que lui ne l'aime pas, le problème n'est pas celui du consentement ni de la pression exercée, mais celui de la maturité de l'enfant et de sa capacité à donner son consentement plein et entier. Un adolescent ou une adolescente de 13 ans est en classe de cinquième – j'ai eu des enfants de cet âge et j'en ai un qui y arrive, monsieur le ministre, nous partageons donc certaines expériences. Selon moi, ils ne sont pas en capacité de savoir…
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Dans ce cas, pourquoi ne pas prévoir un écart de six ans et affirmer qu'ils peuvent donner leur consentement à 12 ans ? Ce serait tout aussi ridicule.
Vous parliez de l'étranger : si la Belgique et de nombreux autres pays retiennent l'âge de 14 ans, c'est pour la bonne raison que la maturité de l'enfant de 14 ans n'est pas la même que celle de l'enfant de 13 ans. C'est bien pour cela que si nous n'avons pas demandé la suppression de l'écart d'âge afin de respecter la Constitution, nous proposons qu'il soit réduit afin de protéger réellement les enfants de 13 à 14 ans tout en laissant le bénéfice du doute lorsque sont concernés des enfants de 14 à15 ans. De toute façon, s'il s'avérait que des enfants de 13 à 14 ans étaient consentants, le juge aurait la possibilité de le détecter – vous le disiez très bien vous-même, madame la rapporteure. Pourquoi ne pas lui faire confiance ?
Lisez donc l'avis du Conseil d'État !
Évidemment, on ne trouvera pas le juste écart d'âge, et évidemment, il n'y a pas de vérité définitive, car il y aura toujours des cas particuliers et des exceptions, mais l'explication qui nous est donnée me dérange. Assumons de dire que nous voulons cinq ans, mais ne nous réfugions pas derrière l'argument : « le Conseil d'État a dit que si nous faisions ça, le Conseil constitutionnel dirait que… » Ça, on s'en fout totalement !
« Ah, non ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous faisons la loi. Dans une démocratie parlementaire, il n'y a pas, entre les Français et leurs représentants, d'intermédiaires qui viendraient dicter aux élus leur manière d'agir. Si nous voulons inscrire trois ans dans la loi, nous inscrivons trois ans ; si nous voulons inscrire cinq ans, nous le faisons. L'avis du Conseil d'État s'appuyant sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne doit pas servir de filtre et brider les parlementaires qui accomplissent leur mission : voter la loi et représenter les Français.
Comme je l'ai dit dans la discussion générale, avec ce texte, nous faisons un grand pas, même si le groupe Dem aurait souhaité qu'il soit fait plus tôt. J'espère que nous le voterons et que nous aboutirons avec le Sénat, car ce qui importe, c'est d'adopter un texte équilibré, proportionné et juste qui permette de réelles avancées.
Nous savons – Mme la rapporteure et M. le ministre l'ont rappelé – que si l'écart d'âge voulu ne figure pas dans le texte, le risque est grand de n'arriver à rien et de nous retrouver, à la fin du mois, sans aucune avancée.
Bien sûr !
Dans ce cas, nous n'aurions pas réussi à mettre en place la protection que nous souhaitons pour nos enfants.
Ne nous trompons pas d'objectif. Je comprends qu'il faille évoluer, mais nous écrivons la loi : elle doit respecter la Constitution, c'est aussi un principe démocratique et un principe que respecte notre assemblée.
L'écart d'âge de cinq ans est nécessaire. Ces avancées étaient demandées par le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés depuis 2018. Nous sommes totalement favorables à cet écart dont Mme la rapporteure et M. le garde des sceaux nous ont démontré la nécessité en se fondant sur l'avis du Conseil d'État de 2018, qui constitue à mon sens une référence importante.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je souscris aux propos de Mme Florennes. Je vous remercie, ma chère collègue, pour vos rappels. C'est vrai, nous pouvons heureusement voter ici ce que nous voulons : c'est la liberté parlementaire. Toutefois, nous ne pouvons pas nous affranchir de la Constitution qui, rappelons-le, protège nos principes fondamentaux et ceux du droit pénal et constitue le dernier rempart contre l'arbitraire dans un État de droit, dans notre État de droit. Surtout, ces principes, en particulier le principe de proportionnalité, ne sont pas des artifices, ils ne sont pas là pour la décoration : ils permettent de protéger tous nos concitoyens, parmi lesquels il faut compter ces adolescents. Ces derniers sont bien là, et nous leur devons notre protection. Nous ne pouvons pas écrire de textes sans penser à la protection des libertés individuelles : nous devons protéger les victimes, mais nous devons aussi protéger la liberté de nos concitoyens, en particulier celle des plus jeunes. C'est pourquoi il nous faut respecter la Constitution.
J'ai la conviction que même avec un écart de cinq ans, nous n'avons aucune certitude. Je sais en revanche qu'à chaque fois que vous réduisez cet écart, vous mettez le texte un peu plus en danger. Chers collègues, je connais vos motivations, je comprends votre ambition et je la partage ; nous ne sommes simplement pas d'accord sur les moyens d'y arriver. La fin ne justifie pas toujours les moyens : nous ne pouvons pas faire le sacrifice que vous envisagez. Je vous invite à retirer vos amendements. Préservons nos principes constitutionnels, car ils protègent autant les victimes que les libertés. Ne l'oublions pas !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur Savignat, votre liberté est évidemment entière et totale ; personne ne peut vous interdire de voter ce que vous voulez. En même temps, le garde des sceaux peut vous mettre en garde – je crois même que c'est son devoir – lorsqu'il y a des risques d'inconstitutionnalité. Je le dis évidemment en droit et pour le droit. Que dit le Conseil d'État ? Il estime que l'écart d'âge doit permettre de prendre en compte le plus grand nombre possible de situations réelles. Si vous passez de cinq à quatre ans, vous réduisez drastiquement le champ des situations réelles possibles. Je dis « possibles », ni plus ni moins.
Je répète qu'il y a le droit, mais aussi les attentes des uns et des autres, exprimées dans un travail commun dépassant les clivages politiques. En accomplissant ce travail, nous avons suscité des attentes de la part des associations, mais aussi des victimes. Nous répondons aussi à une évolution de notre société – cela n'a échappé à personne – , société qui, bien sûr, fait le droit. Sachant cela, et considérant que le risque est tellement important, je vous adjure d'y réfléchir à deux fois. Avons-nous intérêt à tout mettre à terre ? À l'évidence, non ! Nous avons eu une discussion similaire lorsque nous débattions du code de justice pénale des mineurs. Plus de 13 ans ? Moins de 13 ans ? D'autres pays disent 14 ans…. Lorsque l'on fixe un seuil, il y a une forme d'arbitraire, pardon de l'exprimer ainsi.
Je répète que si nous réduisons le possible, sur lequel le Conseil d'État nous a invités à réfléchir, nous risquons une catastrophe. Monsieur Savignat, je le répète, vous êtes totalement libre de faire ce que vous avez à faire, mais si nous nous en tenions à l'écart d'âge retenu par la commission ? J'estime qu'il s'agit d'un véritable choix de sagesse et sans doute de la solution qu'il convient de retenir.
M. Jean Terlier applaudit.
Nous sommes tous d'accord pour dire que le texte que nous voterons demain, probablement à l'unanimité, est une grande avancée. L'amendement que nous vous proposons avec ma collègue Perrine Goulet ne supprime pas l'écart d'âge : nous avons bien entendu les raisons qui justifient de le maintenir. Nous vous demandons simplement de le réduire de cinq à quatre ans, parce qu'il est pour nous inconcevable que l'on demande à un enfant de 13 ans s'il était consentant ou non. C'est cela qui est dérangeant. Vous êtes bien d'accord ? Nous parlons de demander à un enfant de 13 ans s'il est consentant ou non. Pouvez-vous reconnaître que c'est dérangeant ?
Oui, nous avons aussi envie de voter ce texte et d'avancer ; oui, il y a de très belles propositions dans ce texte, mais réfléchissez : trouvez-vous décent de demander à un enfant de 13 ans s'il était consentant ou non à un acte sexuel ?
Il est parfois plusieurs décennies d'écart d'âge entre un agresseur et un enfant. Nous sommes réunis pour légiférer après nous être engagés à le faire, le jeudi 18 février dernier, lorsque le groupe Socialistes et apparentés a inscrit à l'ordre du jour qui lui était réservé sa proposition de loi renforçant la protection des mineurs victimes de violences sexuelles, texte que nous avons adopté à l'unanimité. Nous considérons, toutes et tous sur ces bancs, que c'est la question des petits enfants qu'il faut traiter.
Ce que j'entends m'incite à intervenir alors que je n'en avais pas initialement l'intention. J'ai moi-même été le père de trois adolescents aujourd'hui devenus adultes – M. le ministre a évoqué cette situation tout à l'heure. J'ai parfois été soumis à la contrainte de l'évolution de la société et des choix de vie de mes propres enfants, et j'ai assumé parce que je n'avais par exemple pas envie d'être grand-père à 50 ans. Ce n'est pas tant la question de l'écart d'âge qui est en cause que celle de l'intention de l'agresseur et de la capacité de sa victime à mesurer ce qui se passe.
Mes chers collègues, n'entrez pas dans un combat ou dans un débat qui aurait pour primat celui de la morale. Nous sommes là pour protéger les petits enfants ; nous sommes là pour protéger celles et ceux qui n'ont ni la capacité juridique, ni la capacité psychologique, ni l'âge, tout simplement, d'assimiler et d'appréhender ce qui se passe. Nous sommes là pour les petits enfants.
L'amendement no 123 n'est pas adopté.
L'amendement no 133 n'est pas adopté.
De nombreux députés ont signé cet amendement – en particulier notre collègue Karine Lebon ici présente, qui l'a évoqué lors de la discussion générale. Il vise à mieux protéger les enfants porteurs de handicap dans la législation relative aux violences sexuelles sur les mineurs.
Je ne souhaite pas aborder le sujet sous l'angle du seul handicap, mais prendre aussi en considération la particulière vulnérabilité de certains enfants due à une maladie, à une infirmité ou à une grossesse précoce – certains se retrouvent dans des situations extrêmement difficiles.
Nous proposons que, par dérogation au dispositif prévu, le viol soit également constitué en cas de particulière vulnérabilité lorsque la victime mineure est âgée de plus de 15 ans, autrement dit lorsqu'elle a entre 15 et 18 ans. Je propose que la définition du handicap retenue dans ce cadre puisse être précisée par décret – je soumets en tout cas ce sujet à la discussion. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons pas évacuer ces questions certes complexes, mais qui méritent que nous renforcions notre arsenal juridique.
Dans le même esprit, cet amendement fixe à 18 ans le seuil de non-consentement pour les jeunes porteurs de handicap, afin de prendre enfin cet impensé en considération. Comme je l'ai évoqué lors de la discussion générale, selon l'Organisation mondiale de la santé, les mineurs porteurs d'un handicap ont près de trois fois plus de risques d'être victimes de violences sexuelles ; ce risque est 4,6 fois plus élevé lorsqu'il s'agit d'un handicap mental. Les chiffres sont édifiants s'agissant des femmes autistes, qui sont 88 % à avoir été victimes de violences sexuelles, dont un tiers avant l'âge de 9 ans.
Marie Rabatel, présidente de l'Association francophone des femmes autistes, affirme que « tout enfant est dans une sorte d'apprentissage à la soumission, mais un enfant handicapé l'est davantage parce qu'il y a des choses qui lui sont difficiles à faire ou qu'il ne peut pas réaliser. » Tous ces constats convergent pour que soit inscrit dans la loi un niveau de protection à la hauteur de la vulnérabilité de ces mineurs et des risques qu'ils encourent.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 198 .
L'amendement de notre collègue Annie Chapelier va dans le même sens. Je rappelle les nombreux rapports sénatoriaux sur le sujet, qui ont mis en avant la fragilité des jeunes handicapés, ainsi que le rapport d'octobre 2019 de la délégation aux droits des femmes du Sénat sur les violences faites aux femmes handicapées, qui dressait le même constat.
Je partage, comme beaucoup d'entre nous, votre préoccupation de mieux protéger les personnes atteintes d'un handicap et qui, vous l'avez tristement rappelé, sont trop souvent victimes de violences sexuelles.
Toutefois, si je comprends l'intention générale de vos amendements, il me semble qu'ils n'atteignent pas vraiment leur objectif. Vous souhaitez pénaliser ceux qui, pour obtenir un acte sexuel, profitent de la particulière vulnérabilité de la victime due à une maladie, à une infirmité, à un handicap ou à un état de grossesse. Vous en déduisez que l'âge du consentement devrait être porté à 18 ans. Mais parlons clairement : si le rapport sexuel est obtenu sur la base de la vulnérabilité de la victime infirme ou handicapée, en quoi le seuil de 18 ans absout-il l'auteur des faits ? Est-il moins coupable, est-il moins violeur si la victime est âgée de 25, 50 ou 80 ans ?
En réalité, vos amendements sont satisfaits, car de jurisprudence constante, la particulière vulnérabilité de la victime est admise comme élément constitutif du viol, au titre de la contrainte notamment. Et, je le répète, le jeune âge ne change rien à l'affaire : ce sont les faits examinés par le magistrat instructeur et par le jury qui permettent de conclure s'il y a eu viol ou non.
J'ajoute que nous avons voté en 2019 une loi de réforme de la justice dont l'un des objets était de rapprocher la situation juridique des personnes handicapées du droit commun. Nous avons, par exemple, mis fin à la privation quasi systématique du droit de vote et facilité la décision de se marier.
Les personnes handicapées doivent pouvoir, elles aussi, consentir à des relations sexuelles. Or vos amendements le leur interdiraient jusqu'à l'âge de 18 ans, et je ne crois pas que ce soit juste ni opportun. Je ne suis d'ailleurs pas persuadée que ce soit votre volonté première.
Pour terminer, je dirai que s'il y a un enjeu principal en la matière – et j'en suis convaincue pour avoir beaucoup discuté de ces questions avec Mme Rabatel – , c'est celui de la détection, de la prévention et de la formation. Ce sera donc une demande de retrait ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je voudrais vous faire part de ma déception initiale – car j'ai changé d'avis depuis. En effet, nous ne sommes arrivés à rien dans ce texte en ce qui concerne les personnes en situation de handicap. Et cette déception, je la dois à moi-même tout autant qu'à nous tous.
En réalité, cependant, la question du seuil de non-consentement à 18 ans n'est pas pertinente. Vous avez cité Marie Rabatel ; elle considère, à raison, que la question de l'âge n'a pas de sens lorsqu'il s'agit d'une personne en situation de handicap, et encore moins lorsqu'elle est atteinte d'un trouble du spectre de l'autisme. La notion de consentement, pour un adulte autiste, n'a pas la même résonance, ne recouvre pas le même vécu que pour vous ou moi. Au demeurant, la majorité d'un jeune handicapé est fixée à 20 ans dans la plupart des textes, et non pas à 18 ans. La question de l'âge n'est donc pas fondée, je le répète, au regard de ce que vivent et ressentent les personnes en situation de handicap et de la façon dont elles évoluent. C'est pourquoi il convient d'écarter cette idée.
Lors des débats relatifs à la loi de 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, j'étais encore député et j'avais déposé plusieurs amendements à ce sujet. J'avais proposé qu'un examen gynécologique soit obligatoirement réalisé sur les enfants en situation de handicap intégrant un établissement médico-social, et qu'il soit renouvelé chaque année pour s'assurer qu'il n'y avait pas eu de violences ; j'avais proposé une formation systématique des professionnels des établissements sociaux et médico-sociaux sur la question des violences sexuelles sur les enfants handicapés ; j'avais également suggéré d'obliger les établissements à désigner un référent sur ces questions, disposition que vous retrouverez, je l'espère, dans un texte à venir relatif à la réforme de l'aide sociale à l'enfance.
J'étais déçu initialement, ai-je dit, parce que rien dans la présente proposition de loi ne concerne les enfants en situation de handicap. Mais en réalité, le sujet est bien trop complexe, bien trop important – non pas que les autres ne le soient pas – pour être appréhendé sous le seul prisme de l'évolution de la loi pénale, qui me semble être trop réducteur par rapport aux enjeux qui sont devant nous.
Nous évoquons beaucoup, depuis des semaines, la question de la libération de la parole, par exemple. Comment libérer la parole d'un enfant autiste non verbal placé dans une institution ? Il s'agit là d'un vrai sujet. Il y a aussi la problématique de la formation des professionnels, que j'ai évoquée à l'instant ; celle de la protection des enfants placés dans les établissements sociaux et médico-sociaux ; celle de l'avenir de l'amendement Creton, qui permet que dans ces établissements, de jeunes adultes côtoient des mineurs. Que faire ? Devons-nous supprimer l'amendement Creton au nom de la protection des mineurs dans les établissements sociaux et médico-sociaux ? La vulnérabilité, une fois encore, n'a rien à voir avec l'âge ; la question de la protection des enfants en situation de handicap va bien au-delà de celle de l'évolution de la loi pénale. Ne légiférons pas dans la précipitation et l'émotion, surtout sur un tel sujet.
C'est pourquoi j'ai demandé à la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles de porter une attention toute particulière à la protection des enfants en situation de handicap. Nous devons prendre le temps d'approfondir l'ensemble de ces problématiques, qui sont complexes, et y travailler afin de proposer un dispositif global de protection de ces enfants. Pour toutes ces raisons, je donnerai un avis défavorable à vos amendements.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je remercie mes collègues, parce que le handicap et la sexualité des personnes handicapées sont un vrai sujet, mais je suis en total désaccord avec leurs amendements. En effet, vous partez du principe que le handicap est nécessairement une vulnérabilité. Certes, un handicap mental est différent d'un handicap physique. Mais je ne me voyais pas dire à mon petit frère de 15 ans qu'il ne pouvait pas avoir de relations sexuelles, avec une personne majeure ou non, au motif qu'il est porteur d'un handicap. Il est difficile d'expliquer aux parents que, même en situation de handicap, leurs enfants éprouvent des besoins particuliers : besoin de toucher un corps, besoin de sensibilité et d'amour.
Cette question se pose aussi pour ceux qui ne sont plus enfants, lorsqu'ils sont placés dans des FAM – foyers d'accueil médicalisés – ou dans des MAS – maisons d'accueil spécialisées – , accompagnés par des aides-soignants et toutes les personnes qui prennent soin d'eux au quotidien, en particulier les familles. Ce sont des sujets qu'on oublie souvent, partant du principe que la personne en situation de handicap ne ressent pas le besoin de relations sexuelles ou de relations affectives. Mais lorsqu'on les écoute, lors des moments de thérapie collective, ils nous disent tous l'inverse.
Vous avez en revanche raison sur un point : vulnérable, on est plus facile à atteindre et, partant, susceptible de devenir une victime. Mais écrire dans le droit pénal que de facto, si vous êtes en situation de handicap, vous n'avez droit à rien parce que vous êtes vulnérable et parce que vous êtes une victime – c'est à peu près ce que vous essayez de dire à travers ces amendements – , pose une véritable question. Le handicap, l'amour, l'affection et la sexualité des personnes handicapées, surtout majeures, sont un vrai sujet. Je ne pense pas que Sophie Cluzel dira l'inverse, ni le secrétaire d'État Adrien Taquet, qui vient d'en parler. Ne traitons pas cette question dans le cadre de la présente proposition de loi, en mélangeant la protection des mineurs de moins de 15 ans et les mineurs âgés de 15 à 18 ans en situation de handicap et de vulnérabilité.
Ce sont deux sujets bien différents. Apprenons plutôt à les écouter, car on a trop tendance à ne jamais les écouter et à penser à leur place.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Avec mes collègues du groupe UDI-I, nous avons réfléchi à la question de la protection des mineurs atteints de handicap. Le sujet n'est pas de savoir comment respecter la sexualité de mineurs, ou même de majeurs, porteurs d'un handicap, mais bien la protection des mineurs contre des prédateurs sexuels, qui fait l'objet de cette proposition de loi. C'est cela qui préoccupe les auteurs de ces amendements, que je soutiendrai par principe, même si leur rédaction n'est pas idéale.
Certes, la condition d'âge n'en est pas une lorsque l'on considère le problème dans sa globalité ; mais elle entre en ligne de compte lorsqu'on entend protéger les mineurs. C'est bien cette condition d'âge qui fait que nous avons fixé un seuil à 15 ans pour tous les mineurs, rehaussé à 18 ans s'agissant de l'inceste, et qu'on peut s'interroger quant à la situation des jeunes de 18 ans présentant un handicap. Nous le faisons au nom de cette protection. Ce texte ne traite pas des majeurs : il a pour objectif de protéger les mineurs. Votre premier argument ne vaut donc pas dans la réflexion.
L'âge n'a pas de sens.
Ensuite, cela nous ramène à la problématique du consentement, ou de l'absence de consentement, et à la qualification du viol. Il est déjà compliqué pour un mineur de 15 ans, voire parfois au-delà, de dire non à un majeur. Imaginez lorsque vous êtes en situation de vulnérabilité supplémentaire ! C'est simplement cela que nos collègues cherchent à mettre en exergue. La rédaction n'est peut-être pas la bonne, mais adoptons-la tout de même, quitte à y retravailler avec le Sénat.
Je trouve dommage que vous compariez ces amendements à des amendements validistes, parce que ce n'est en aucun cas ce dont ils parlent.
Je le dis d'autant plus facilement que cela fait des années, avant même d'être sur ces bancs, qu'en tant qu'aide-soignante, je me bats pour expliquer que les personnes en situation de handicap ou les personnes âgées ne sont pas devenues asexuées pour autant.
On peut entendre qu'un enfant ou un jeune adolescent porteur d'un handicap autistique ou psychologique ait du mal à verbaliser les choses, comme M. le secrétaire d'État vient de le dire. Pensez-vous qu'un adolescent de 13 ou 14 ans réagit comme un jeune de 18 ans atteint d'un handicap ? Non. Certaines maladies font qu'on peut être moins apte à verbaliser. En outre, les jeunes placés dans des institutions pensent parfois qu'ils doivent tout à tout le monde et il leur est très compliqué de parler avec leurs parents, de demander ce qui est normal ou pas normal ; le mode éducatif est différent selon les cas ; la compréhension n'est pas la même non plus, il faut parfois plus de temps.
Vous avez parlé, monsieur le secrétaire d'État, de prévention et de formation. Vivement que des ratios soient instaurés dans les établissements qui accompagnent les jeunes porteurs de handicap, afin qu'on puisse disposer de temps pour discuter avec eux et écouter leurs témoignages ! Actuellement, ce n'est pas possible.
Je ne peux pas croire qu'entre 2018 et aujourd'hui, vous n'ayez pas demandé à vos services de travailler sur ce sujet, et que vous soyez resté les bras ballants, à vous dire : « Quel dommage, j'aurais tellement aimé que le sujet soit approfondi… ». Ce ne serait pas cohérent avec les amendements que vous avez défendus en 2018.
Vous auriez dû les reprendre !
Cher collègue Mendes, vous me prêtez des intentions que je n'ai nullement. Je tiens à le préciser, il n'a jamais été question d'interdire des relations aux enfants et aux personnes handicapés ! Notre amendement vise simplement à rappeler que ces personnes sont particulièrement vulnérables. Je suis disposée à le retirer, si sa rédaction ne convient pas, mais je voulais absolument qu'on parle de ce sujet : cela fait trop longtemps qu'on le passe sous silence.
Mme Caroline Fiat applaudit.
Il n'est plus possible de le taire ni de cacher les choses sous le tapis en affirmant que les personnes handicapées ont le droit d'être touchées. Je n'ai jamais dit qu'elles n'avaient pas le droit de l'être : vous me prêtez des intentions que je n'ai pas. J'ai entendu vos arguments, madame la rapporteure, et je suis disposée à retirer mon amendement. Je me tiens à votre disposition pour mener un travail complémentaire pour qu'enfin, on en parle !
Mmes Caroline Fiat et Albane Gaillot et M. Mustapha Laabid applaudissent.
L'amendement no 127 est retiré.
Je retire également l'amendement no 113 . Une précision toutefois, car je n'ai pas apprécié la façon dont mes arguments ont été rejetés, malgré les explications que j'avais données : avec cet amendement, nous nous inscrivions bel et bien dans le débat ; nous voulions simplement l'ouvrir à la question du handicap.
Mme Caroline Fiat applaudit.
L'amendement no 113 est retiré.
L'amendement no 198 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 247 .
Il vise à donner au viol incestueux la qualification d'inceste. Aujourd'hui, l'inceste n'est qu'une surqualification pénale. Avec la présente proposition de loi, il deviendrait le nom de l'infraction criminelle reprochée aux auteurs de tels faits. En effet, je crois important d'inscrire ce mot de façon très claire dans le code pénal. Dans le cadre de mes travaux, j'ai fait un constat assez édifiant : notre société a du mal à employer le mot d'inceste. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer l'actualité et de lire les articles parus avant l'affaire Duhamel : dans de nombreux cas, alors qu'il s'agit de faits d'inceste, il y a une réticence à utiliser ce mot. La loi pénale a aussi pour rôle d'impulser et d'accompagner des changements sociétaux. Si nous voulons faire avancer la société, mieux protéger les victimes et parler des cas d'inceste qui touchent de nombreux Français, il est impératif d'employer ce mot et de l'inscrire dans le code pénal ; il est d'ailleurs tout aussi impératif de le prononcer dans l'hémicycle. Aussi, je vous invite à voter cet amendement avec conviction.
L'amendement no 247 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je rejoins les propos de Mme la rapporteure et de M. le ministre : l'inceste doit être combattu fermement, quel que soit l'âge de la victime. M. le secrétaire d'État regrettait, tout à l'heure, que la proposition de loi ne traite pas suffisamment la question du handicap. Effectivement, des jeunes de 14, 15 ou 16 ans ont besoin d'affection et d'amour, et ont du désir. Il est important que nous les entendions, sans toujours décider à leur place.
Je vous remercie, cher collègue, d'ouvrir ce débat très important. J'ai toutefois un avis défavorable sur votre amendement. En effet, comme vous le savez, la proposition de loi vise surtout – et avant tout – à protéger les mineurs contre les violences sexuelles. Dans d'autres pays, il existe des systèmes juridiques qui, sur le fondement des bonnes moeurs et au motif de la lutte contre la consanguinité, sanctionnent l'inceste quel que soit l'âge de ceux qui le commettent. En France, ce n'est pas le cas depuis la Révolution : nous considérons que des adultes consentants sont libres de faire ce qu'ils veulent, dès lors que leur consentement est éclairé.
Par ailleurs, en visant deux personnes majeures, votre amendement fait disparaître le principe même de la victime : si deux majeurs de la même famille avaient une relation sexuelle, ils seraient tous deux automatiquement coupables d'inceste et passibles de vingt ans de prison. À ce sujet, j'aimerais vous faire part d'une observation très intéressante. Il y a quelques semaines, j'ai participé à un colloque où une psychologue, Mélanie Dupont, expliquait que les relations incestueuses sont rarement d'égal à égal ; très souvent, une personne prend l'ascendant sur l'autre. La disposition que vous proposez pourrait donc conduire à pénaliser une personne qui ne le mériterait pas. Aussi, je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Il est évidemment défavorable. Le législateur ne peut prévoir que même en l'absence de violence, de contrainte, de menace ou de surprise, comme nous le faisons lorsqu'il s'agit d'un mineur, des relations sont punies de vingt ans de réclusion criminelle. Nous l'avons rappelé tout à l'heure : le but de la proposition de loi est la protection des enfants. Il serait disproportionné de criminaliser toutes les relations sexuelles incestueuses entre adultes.
Je retire mon amendement. Vos propos, madame la rapporteure, monsieur le ministre, m'ont rappelé le cas d'un couple que je connais, formé d'un cousin et de sa cousine : leurs trois enfants sont nés avec la myopathie de Duchenne, et deux d'entre eux sont décédés. Dans ces situations, la consanguinité joue à plein.
L'amendement no 51 est retiré.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 291 , 230 , 246 , 269 , 290 , 284 , 115 , 82 , 287 et 289 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 291 , 230 , 246 , 269 et 290 sont identiques ; les amendements no 82 et 287 le sont également.
La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l'amendement no 291 .
Il a pour objet de préciser que le viol peut, le cas échéant, être constitué par des actes commis par la victime sur l'auteur du viol. Cet amendement corrige une omission rédactionnelle concernant les deux nouveaux cas de viols commis sur un mineur par un majeur, prévus par l'article 1er : il précise que ces viols concernent aussi les actes de pénétration sexuelle ou les actes bucco-génitaux commis par le mineur sur la personne de l'auteur du viol, comme le fait l'article 222-23 du code pénal depuis la loi d'août 2018.
La parole est à M. Dimitri Houbron, pour soutenir l'amendement no 230 .
Nous avons déjà eu ce débat : il s'agit de préciser que l'acte de pénétration peut être administré ou subi. Cette précision, apportée par la loi de 2018, consacre une jurisprudence constante. Il est important de la rappeler ici.
La parole est à Mme Alexandra Louis, rapporteure, pour soutenir son amendement no 246 .
Identique aux précédents, il vise à reprendre une avancée majeure de la loi de 2018, pour mettre fin à une terrible injustice. Je vous invite donc à le voter.
Il s'agit d'apporter une précision utile, pour les raisons qui viennent d'être exposées.
La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour soutenir l'amendement no 290 .
Proposé par notre collègue Philippe Dunoyer, il vise à détailler l'ensemble des personnes pouvant être concernées par la qualification de viol incestueux. En l'état, le texte ne couvre pas en totalité le champ des personnes relevant des termes génériques de famille ou d'environnement familial.
Fruit de nos échanges avec de nombreuses associations, il vise à apporter des précisions rédactionnelles : il s'agit de supprimer la mention des ascendants, inutile car déjà citée dans l'article 222-31-1 du code pénal, et surtout de supprimer la notion d'autorité de droit ou de fait concernant tous les parents pouvant commettre un inceste. J'espère que la rédaction que nous proposons sera retenue.
Il vise à apporter des précisions sur les auteurs des viols incestueux, car la rédaction actuelle de l'article est insatisfaisante à plusieurs égards. D'une part, les ascendants sont déjà inclus dans l'article 222-31-1 du code pénal, auquel renvoie le nouvel article 222-23-2. Il est donc superfétatoire de mentionner les ascendants. D'autre part, la condition supplémentaire de l'autorité de droit ou de fait est déjà incluse dans l'article 222-31-1 pour les conjoints. Cette précision dans la rédaction de l'article 222-23-2 risquerait de créer une insécurité juridique pour les viols incestueux commis par d'autres membres de la sphère familiale : frères, soeurs, oncles et tantes. Ces auteurs pourraient échapper à la qualification de viol incestueux s'ils arguent qu'ils n'ont pas exercé une autorité de droit ou de fait sur la victime.
Il s'agit de préciser que l'auteur d'un viol incestueux peut également être un membre de la famille par le sang ou par alliance, afin de signifier que les relations sexuelles avec un oncle, une tante ou un cousin entrent dans ce champ.
La parole est à M. Jean-François Eliaou, pour soutenir l'amendement no 31 .
Il me semble qu'il tombe du fait de l'adoption, cet après-midi, de l'amendement no 233 du Gouvernement, selon lequel l'article 222-31-1 du code pénal est abrogé. Mon amendement fait précisément référence à cet article du code pénal.
L'amendement no 163 vise deux objectifs auxquels je suis défavorable. En premier lieu, vous souhaitez élargir le périmètre de l'inceste. Nous l'avons déjà fait au début du texte, en incluant les grands-oncles et les grands-tantes. Vous ajoutez les demi-frères et demi-soeurs, mais ils sont déjà concernés, puisque la notion de frère et de soeur les inclut – nous l'avons rappelé tout à l'heure. Vous ajoutez aussi les cousins, sans autre précision ; or, à mesure qu'on remonte les degrés de parenté, nous sommes tous cousins les uns des autres. Il faudrait au moins préciser qu'il s'agit des cousins germains.
Ensuite, vous levez la condition d'autorité pour que l'auteur puisse bien se rendre coupable de viol incestueux. J'ai beaucoup réfléchi sur ce point, car votre mouvement est finalement assez logique ; mais je vous demande de bien comprendre la réflexion à l'oeuvre dans les articles que nous écrivons. Il s'agit d'imputer automatiquement une culpabilité à un majeur du simple fait de la minorité de la victime. Nous sommes tous d'accord, je n'y reviens pas : entre un individu de 45 ans et un enfant de 14 ans, il y a un auteur responsable et un enfant innocent. Mais dans les affaires d'inceste, et singulièrement d'inceste collatéral avec un âge de consentement de 18 ans, les choses ne sont pas si claires. Entre une soeur de 18 ans et un frère de 16 ans, êtes-vous vraiment convaincus que c'est la soeur qui est automatiquement coupable pour la simple raison qu'elle a deux ans de plus ? Êtes-vous certains que c'est elle qu'il faut envoyer aux assises du seul fait de sa majorité ? Je suis désolée, c'est une certitude que je n'ai pas. Dans les affaires qui impliquent des collatéraux, on ne peut pas se dispenser de regarder les faits pour voir qui a forcé l'autre. Il n'y a que dans les cas où il y a une autorité, c'est-à-dire chez un père, un oncle, un beau-père, que la responsabilité de dire non est clairement préétablie. Mais il est vrai qu'il y a beaucoup de situations particulières. Nombre de psychologues expliquent que dans les relations incestueuses entre collatéraux, une personne a bien souvent l'ascendant sur l'autre, et les premières apparences peuvent parfois être trompeuses. Seul un examen très précis des faits permet de prendre une bonne décision. C'est pourquoi, là encore, il faudra faire confiance, en l'espèce, aux magistrats.
Avec ce texte, nous donnons pour la première fois de notre histoire une véritable consécration à l'inceste dans le code pénal.
J'ajouterai quelques éléments de réponse sur l'amendement no 210 , puisque la notion de « collatéral », comme celle de « cousin », est trop imprécise pour être retenue. En effet, elle recouvre tous ceux qui partagent avec la victime un ancêtre commun, même si cet ancêtre remonte au Moyen-Âge. Ce n'est pas une considération théorique. En 2010, le législateur avait défini comme incestueux les actes commis au sein de la famille. C'était trop vague, car là aussi, la famille élargie n'a pas de limite. Dans une décision rendue le 16 septembre 2011 à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel avait censuré la loi. Je le cite, parce que c'est important : « S'il était loisible au législateur d'instituer une qualification pénale particulière pour désigner les agissements sexuels incestueux, il ne pouvait, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, s'abstenir de désigner précisément les personnes qui doivent être regardées, au sens de cette qualification, comme membres de la famille. »
Avis défavorable sur l'ensemble des amendements.
Je vous livre les conséquences qu'aurait l'adoption de l'amendement no 163 de M. Dunoyer : il s'agirait de rendre passible de la cour d'assises et de réprimer de façon automatique d'une peine pouvant aller jusqu'à vingt ans de réclusion criminelle le fait pour une jeune fille de 18 ans de faire l'amour avec son cousin âgé de 17 ans. Évidemment, je ne peux être que totalement défavorable à cet amendement. Pour les mêmes raisons, je suis également défavorable à l'amendement no 50 de M. Cinieri.
Quant aux amendements identiques nos 72 , 117 , 119 , 145 et 192 , qui visent à étendre le nouveau viol incestueux même en l'absence d'autorité de l'auteur des faits sur le mineur de 18 ans, je vais vous donner des exemples qui montrent qu'on ne peut pas les adopter. On ne peut pas criminaliser des relations consenties entre un mineur de 17 ans, par exemple, et sa tante de 18 ans qui n'a, il faut le préciser, aucune autorité sur lui, même s'il s'agit de relations incestueuses. Voilà pourquoi je suis défavorable à ces amendements.
L'amendement no 210 de M. Diard vise à étendre le viol incestueux aux faits commis par des collatéraux. Je me suis déjà exprimé sur cette question.
Je suis également défavorable à l'amendement no 49 de M. Cinieri.
L'amendement no 31 tend à réécrire la condition d'inceste dans le nouveau viol incestueux. J'y suis totalement défavorable, tant il est vrai que la rédaction proposée supprime en effet l'exigence essentielle selon laquelle le viol incestueux commis par un majeur sur un mineur de 18 ans suppose évidemment qu'il s'agisse d'un membre de la famille qui a autorité sur le mineur. Sinon, cela revient à criminaliser des relations qui peuvent être consenties entre un garçon de 17 ans, par exemple, et sa tante de 18 ans, ce qui n'est évidemment pas envisageable et serait du reste inconstitutionnel.
Vous aviez raison, monsieur Eliaou : l'amendement no 31 était en effet tombé.
L'amendement no 248 rectifié de Mme la rapporteure est rédactionnel.
L'amendement no 248 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il s'agit de rehausser à trente ans de réclusion criminelle la peine encourue pour des viols sur mineur de 15 ans.
L'amendement no 185 de Mme Valérie Bazin-Malgras a été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
La commission émet un avis défavorable, car il faut garder une cohérence dans l'échelle des peines. Seules les atteintes à la vie justifient aujourd'hui une peine de réclusion de trente ans et au-delà.
Au cours des travaux parlementaires, je me suis beaucoup posé la question de l'aggravation des peines. Les nombreuses associations avec lesquelles j'ai évoqué, notamment, la question de l'inceste m'ont rappelé que la reconnaissance ne passe pas nécessairement par l'aggravation des peines : elle passe avant tout par les incriminations, par le sens qu'on leur donne dans notre code pénal. On veut toujours mettre beaucoup de symboles, et c'est bien normal, dans les textes qui sont votés, mais il faut avoir en tête cette exigence de proportionnalité. S'il y a un combat à mener dans le champ pénal, il y en a aussi un à mener dans la société en matière de prévention, d'accompagnement. Voilà ce qu'il ne faut pas oublier.
Je suis évidemment totalement opposé à ces amendements, pour les raisons mêmes qui viennent d'être exposées. Je veux rappeler que trente ans, c'est ce qui sanctionne le meurtre. Il faut, dans l'échelle des peines, garder raison et conserver les équilibres qui sont les nôtres. Ce n'est pas plus compliqué que cela.
Permettez-moi d'ajouter que dans ces affaires, les victimes sont souvent dans une forme de conflit de loyauté. Pour en avoir défendu, je sais qu'elles souhaitent évidemment que soit reconnu le crime dont elles ont été victimes, mais qu'elles ne souhaitent pas forcément une peine très ou trop lourde, parce qu'elles restent dans un conflit de loyauté et que l'auteur peut être leur père – et s'il est un criminel, il est aussi leur père. Parfois même, des victimes demandent à la justice une sanction, mais une sanction mesurée. Dans ces affaires, le manichéisme n'est pas de mise. Il faut raison garder. J'ai essayé d'exprimer tout à l'heure, avec les mots qui étaient les miens, que la passion ne devait pas l'emporter. Bien sûr que ces affaires sont terribles, bien sûr qu'elles laissent les séquelles que nous savons, et c'est ce qui fait que nous sommes réunis ici. Mais on ne peut pas comparer cela à un meurtre. Il faut conserver, là encore, les gradations et les équilibres qui font l'honneur de notre code pénal.
Nous avons entendu votre argument concernant le rehaussement du niveau des peines. Sur ces bancs, nous sommes favorables à ce que toutes les personnes qui vont jusqu'à commettre ces actes soient vraiment punies et marquées. Face aux bouleversements dramatiques causés par les agressions sexuelles dans la vie des victimes mineures, il est nécessaire d'aller plus loin dans l'échelle des peines. Cet amendement de ma collègue Bazin-Malgras prévoit de rehausser le niveau de peine encouru afin de sanctionner les agressions sexuelles sur mineur par des peines de vingt ans d'emprisonnement et 250 000 euros d'amende. Nous vous proposons donc de modifier l'alinéa 5 de l'article 1er.
L'échelle des peines prévoit que les peines de réclusion criminelle sont exclusives des sanctions pécuniaires. On peut sans doute le regretter, mais les cours d'assises ne prononcent pas de peines d'amende. Revenir sur ce principe général supposerait une multitude de mesures de coordination qui dépassent de beaucoup l'objet de la présente proposition de loi. Avis défavorable.
Tout a été dit. Je suis défavorable à cet amendement.
Je me permets d'ajouter qu'une peine correctionnelle de vingt ans, cela n'existe pas, sauf en récidive.
L'amendement no 187 n'est pas adopté.
Cet amendement d'appel souligne la nécessité de considérer le viol en réunion sur mineur comme une circonstance aggravante. La rédaction actuelle de l'article 222-24 du code pénal retient comme circonstance aggravante le viol en réunion – lorsqu'il est donc commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice. Or étant donné que le viol sur mineur et le viol incestueux deviennent des infractions autonomes, il n'existe plus aucune circonstance aggravante pour un viol en réunion sur mineur, contrairement au viol en réunion commis sur les majeurs. Une nouvelle disposition en ce sens permettrait d'affirmer la volonté du législateur concernant la gravité des crimes sexuels commis à l'encontre des mineurs et d'exprimer l'intransigeance qui doit y être associée.
Ma chère collègue, vous présentez un amendement d'appel. Faut-il que les nouveaux viols prévoient des circonstances aggravantes, étant donné qu'ils sont réprimés par principe de vingt ans de réclusion criminelle, comme les viols aggravés actuels ? À cette question, la commission des lois a répondu non. D'une part, nous avons voulu préserver l'échelle des peines, qui réserve les peines de trente ans et plus aux atteintes à la vie. D'autre part, le droit en vigueur exclut le cumul des circonstances aggravantes. Un viol sur mineur est aujourd'hui toujours passible de vingt ans de réclusion, qu'il soit commis par un seul ou par plusieurs auteurs. J'ajoute, en espérant vous convaincre de retirer votre amendement, qu'il est de toute façon dénué d'effets, puisqu'il ne précise pas à combien serait portée la peine aggravée. Je vous invite donc à retirer votre amendement, tout en saluant votre volonté d'engager le débat sur les viols en réunion, qui sont hélas des faits courants.
L'argumentation de Mme la rapporteure est la mienne.
L'amendement no 278 n'est pas adopté.
Cet amendement de coordination réécrit les nouveaux délits d'agression sexuelle sur mineur prévus par l'article du code pénal que nous avons adopté en commission afin de retenir une rédaction cohérente avec celle prévue pour les viols.
Les amendements nos 227 de M. Dimitri Houbron et 249 de Mme la rapporteure sont défendus.
Je défendrai également l'amendement no 199 de Mme Chapelier. Ces amendements de cohérence avec ceux qui ont été adoptés précédemment – notamment celui du Gouvernement – visent à prendre en compte la possibilité que la victime soit conduite à commettre l'acte assimilé à une agression sexuelle sur la personne de l'auteur.
Les amendements nos 199 de Mme Annie Chapelier, 286 de M. Bertrand Bouyx et 288 de Mme Florence Provendier sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Monsieur le président, je suis étonnée que ces amendements ne soient pas tombés…
Vous avez raison : ces amendements sont tombés, ainsi que les amendements suivants, nos 150, 296, 102, 135, 14 rectifié, 45, 89, 97, 75, 90, 122, 125, 134, 71, 200, 3, 120, 124, 195, 33, 106, 201 et 4.
L'article 1er, amendé, est adopté.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
Nous sommes un peu perdus, monsieur le président !
Arriver à vous perdre, c'est une forme d'exploit, monsieur le ministre !
Sourires
Les amendements identiques nos 85 de M. Erwan Balanant et 175 de Mme Marie-Noëlle Battistel sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Demande de retrait au profit d'amendements similaires mais un peu plus complets, qui permettent de criminaliser l'auto-pénétration.
Même avis.
Madame la rapporteure, vous me demandez de retirer ces amendements au profit d'autres qui seraient plus complets. Pouvez-vous me les citer ?
Les nos 223, 219, 253 et 271 !
Actuellement, l'inceste commis par les cousins ou les grands-oncles et grands-tantes n'est pas reconnu par la loi. Cet amendement de ma collègue Anthoine propose de revoir la définition de l'inceste pour inclure l'ensemble de la sphère familiale. Il doit permettre d'élargir la définition de l'inceste. Aujourd'hui, les viols commis par les cousins, cousines, grands-oncles et grands-tantes ne sont pas considérés comme incestueux. Il est nécessaire de tenir compte des évolutions de la structure familiale et d'inclure de nouveaux membres de la famille dans le périmètre de la définition de l'inceste.
Monsieur Minot, votre amendement est satisfait concernant le grand-oncle et la grand-tante par ce que nous avons voté tout à l'heure, et c'est une avancée très intéressante pour la protection des victimes. Pour ce qui est des cousins, comme je l'ai déjà indiqué, on ne peut se satisfaire de termes aussi généraux, car nous sommes tous cousins à un certain degré. Votre rédaction est imprécise et donc contraire à la Constitution. C'est donc une demande de retrait et, à défaut, un avis défavorable ; même chose pour l'amendement no 211 .
Même avis. Nous sommes tous cousins !
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 95 .
Vous avez souhaité en commission remplacer le verbe « exercer » par le verbe « avoir ». Or le simple fait d'avoir une autorité de droit ou de fait n'apparaît pas suffisant pour caractériser l'existence d'une contrainte. Au contraire, l'exercice de cette autorité, impliquant un ou plusieurs actes positifs, apporte un élément matériel à l'infraction et la contrainte et l'exercice de l'autorité de droit ou de fait peuvent être démontrés par de nombreux facteurs auxquels les juges sont très attentifs. Mais présumer d'une personne qu'elle a utilisé la contrainte parce qu'elle a une autorité de droit ou de fait, même en l'absence d'éléments venant confirmer la contrainte, semble contraire à la présomption d'innocence. C'est pourquoi je vous propose de remplacer le verbe « avoir » par le verbe « disposer ».
Avis défavorable : « avoir autorité » est bien l'expression consacrée, comme l'ont relevé les sénateurs. On la retrouve ainsi aux articles 222-24, 222-28 et 222-30 du code pénal, pour s'en tenir à la seule section relative aux agressions sexuelles. Je vais donc vous demander de retirer l'amendement et d'en rester au travail intelligent accompli par les sénateurs sur cet article.
Mme la rapporteure vient de le dire, madame Ménard : le code pénal a déjà choisi le verbe « avoir ».
Je suis étonné que l'amendement no 32 n'ait pas été soumis à notre examen alors qu'il figurait au dérouleur après l'article 1er. Il est peut-être tombé, mais cela n'a pas été signalé.
Sourires
Puisqu'il faut respecter le travail intelligent des sénateurs, je vais retirer mon amendement.
L'amendement no 95 est retiré.
L'article 1er bis A est adopté.
La parole est à M. Ludovic Mendes, pour soutenir l'amendement no 79 , qui fait l'objet d'un sous-amendement de Mme la rapporteure.
Cet amendement vise à créer un nouveau délit, entre la sextorsion et la pédopornographie en ligne, déjà poursuivies. On assiste depuis quelques années à une explosion de la « cyberpédopornographie », infraction dont l'explosion accompagne le développement du numérique, les prédateurs s'adaptant aux moyens de communication qu'on leur offre.
Nous proposons de pénaliser le simple fait de solliciter une photo ou une vidéo à caractère pornographique d'un mineur de moins de 15 ans. On ne peut plus laisser ces prédateurs agir aussi facilement sur internet : il faut trouver une solution juridique.
J'en profite pour annoncer que l'amendement no 80 sera retiré au profit des amendements du Gouvernement et de la rapporteure.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir le sous-amendement no 304 .
Je vous remercie, cher collègue, d'avoir abordé ce sujet des violences sexuelles en ligne. C'est un phénomène en pleine expansion, au point qu'un responsable associatif a pu parler d'une génération sacrifiée sur les réseaux sociaux, tant de mineurs se retrouvant en grande difficulté derrière leurs écrans. On a tort de croire que les violences sexuelles en ligne sont moins graves parce qu'elles sont virtuelles : elles sont aussi graves, voire plus, parce qu'elles sont comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des victimes.
Sur le principe, je suis donc favorable à votre amendement. Je propose simplement par ce sous-amendement d'aligner le quantum de la peine sur ce qui ce qui est prévu aujourd'hui pour sanctionner le délit de corruption de mineurs, soit dix ans d'emprisonnement au lieu de sept.
Je suis favorable à l'amendement déposé par M. Mendes, à condition évidemment qu'on retienne l'amendement de Mme la rapporteure, qui est en effet très cohérent.
Rassurez-vous, monsieur le ministre, je n'ai nullement l'intention d'aller à l'encontre du sous-amendement de Mme la rapporteure, d'autant qu'il aggrave la peine que nous avions proposée, dans la logique développée jusqu'à présent. En cela, il est le bienvenu et nous permet de faire passer un message clair à l'extérieur de cet hémicycle.
Je voudrais, pour soutenir cet amendement, évoquer un tweet de la police nationale, qui indiquait il y a quelques jours qu'envoyer une photo de soi nu exposait au risque que cette image soit diffusée et que c'était donc presque consentir par avance à ce que des images de son intimité soient diffusées.
Aujourd'hui, les prédateurs sexuels utilisent certains réseaux sociaux comme TikTok, pour ne pas le nommer, pour demander à des jeunes des images à caractère pornographique, et il est extrêmement important de rappeler ici que ce ne sont pas ces jeunes filles, ces jeunes garçons qui sont responsables de la diffusion d'images à caractère intime et que ceux qui demandent ces images et qui ensuite les publient sont les vrais délinquants. De ce point de vue, c'est un amendement extrêmement important et je remercie la rapporteure pour son sous-amendement et le Gouvernement pour son avis favorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Le sous-amendement no 304 est adopté.
L'amendement no 79 , sous-amendé, est adopté.
L'amendement no 80 est retiré.
Dans un souci d'intelligibilité de la loi, nous proposons de doter la présente proposition de loi de titres désignant ses différents axes.
Non seulement je proposerai à l'Assemblée nationale de revenir sur cette expression d'« abus sexuels » qui me semble très mal venue, mais d'autres amendements aborderont des thématiques qui ne correspondraient pas à l'intitulé du chapitre. C'est la raison pour laquelle je vous invite à retirer cet amendement.
Même avis.
L'amendement no 69 est retiré.
Il s'agit d'un amendement de clarification.
Afin de faciliter la compréhension et l'accessibilité des dispositions par les justiciables, il est souhaitable de réorganiser le plan du chapitre VII en plaçant dans deux paragraphes distincts, au sein de la section 5 dudit chapitre, d'une part, les infractions de mise en péril de la santé et de la moralité des mineurs, et, d'autre part, les infractions sexuelles commises contre les mineurs, ainsi qu'en insérant au début du deuxième paragraphe un article renvoyant aux dispositions du chapitre II, lequel contient les nouvelles incriminations créées par la proposition de loi.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir son amendement no 250 .
L'amendement vise à rendre le texte plus intelligible. Il précise l'organisation du chapitre VII du titre II du livre II du code pénal relatif aux atteintes aux mineurs et à la famille. Le code sera ainsi plus lisible. Les incriminations créées par l'article 1er seront insérées dans les dispositions dédiées au viol et aux infractions sexuelles.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 251 .
J'ai longuement expliqué devant la commission des lois, avec le soutien de quelques députés que je salue, les raisons pour lesquelles il fallait exclure de la proposition de loi la notion d'abus sexuels. Celle-ci ne peut convenir à la définition d'une infraction sexuelle : elle laisse entendre l'usage excessif d'un droit ou d'une liberté. Or, il n'existe en France aucune liberté pour un majeur de se commettre sexuellement avec un mineur de 15 ans.
Je vous en donne acte, monsieur le garde des sceaux, le terme apparaît dans une directive européenne. Malheureusement, nous sommes habitués à voir les textes européens négociés en anglais et traduits ensuite en mauvais français – ce n'est qu'un exemple de plus – , mais nous ne sommes pas tenus par les choix de vocabulaire de l'Union européenne.
Je vous propose donc de nous exprimer dans une langue correcte et de conserver le terme d'atteinte sexuelle, qui, s'il n'est pas parfait, présente au moins l'avantage d'être connu de tous et de ne comporter aucun double sens regrettable.
Je défends les deux amendements, puisqu'ils sont identiques. Ceux-ci prévoient de porter la peine encourue en cas d'abus sexuel sur mineur de sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.
Je pourrais être favorable à ces amendements, car correctement rédigés, ils présenteraient l'avantage d'aligner le régime et les peines de l'atteinte sexuelle sur ceux de l'agression sexuelle. Une telle simplification ne serait pas négligeable, car la nécessité de couvrir les différentes situations envisageables aboutit à un système de plus en plus compliqué.
Ceci étant, les amendements ne prennent pas en compte les circonstances aggravantes de l'atteinte sexuelle : s'ils étaient adoptés, celles-ci deviendraient de simples surqualifications. Il n'est pas souhaitable de perdre ainsi en lisibilité ; c'est la raison pour laquelle je vous invite à retirer les amendements.
Il est défavorable. L'aggravation des peines proposée nous semble injustifiée à double titre. D'une part, l'article 227-26 du code pénal, qui définit les atteintes sexuelles aggravées, notamment lorsqu'elles sont commises en réunion ou par une personne ayant autorité, prévoit une peine de dix ans d'emprisonnement. Or, on ne peut pas punir de la même peine une infraction simple et une infraction aggravée. D'autre part, nous venons d'élargir le délit d'agression sexuelle sur mineur de 15 ans par un majeur, qui est également puni de dix ans d'emprisonnement. Pour tous les faits commis à compter de l'entrée en vigueur de la réforme, les actes sexuels commis sur un mineur de 15 ans par un majeur avec une différence d'âge d'au moins cinq ans constitueront soit un viol puni de vingt ans de réclusion, soit une agression sexuelle punie de dix ans d'emprisonnement. Il est donc cohérent que le délit d'atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans, qui pourra être retenu hors de ces hypothèses, donc dans le seul cas où la différence d'âge entre le majeur et le mineur est de moins de cinq ans, demeure puni de sept ans. Cette peine a été prévue par la loi d'août 2018 que vous avez adoptée – je rappelle qu'elle était auparavant de cinq ans.
Par cohérence avec l'échelle des peines du code pénal, le Gouvernement est donc défavorable aux amendements identiques.
Il s'agit d'un amendement de cohérence que nous avions commencé à évoquer en commission. Il propose d'étendre aux délits d'atteinte sexuelle la condition d'un écart d'âge de cinq ans que nous avons instaurée pour les crimes de viol et les délits d'agression sexuelle.
Pourquoi ? D'une part, pour être cohérent avec le choix de ne pas pénaliser les amours adolescentes et d'éviter à leurs protagonistes d'encourir sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende ; d'autre part, pour ne pas créer d'appel d'air. Si seul le délit d'atteinte sexuelle n'est pas soumis à la condition de l'écart d'âge, cela lui confère une certaine attractivité, si vous me permettez l'expression.
Le garde des sceaux l'a indiqué en commission, il faut être attentif à certaines situations sensibles pour lesquelles la qualification de viol est plus difficile à retenir. J'en profite pour le remercier chaleureusement, ainsi que son équipe, pour le travail que nous avons pu mener entre la commission et la séance et qui permet de créer une sorte d'exception dans l'exception. Ainsi, l'écart d'âge ne peut pas être avancé pour s'exonérer du délit dans le cas d'abus ou de pression. Ceux qui porteront alors atteinte aux mineurs pourront donc être poursuivis.
M. Jean Terlier applaudit.
L'amendement tire les conséquences des dispositions que nous avons adoptées à l'article 1er, en vertu desquelles les couples adolescents ne sont pas soumis au régime du viol ou de l'agression sexuelle au motif d'une différence d'âge limitée.
Vous allez plus loin en étendant cette exception à l'atteinte sexuelle. La relation serait donc pleinement légale, à moins d'établir une absence de consentement du fait de l'existence de pressions sur le mineur.
Mon objection porte sur le terme d'abus. Je vous propose donc de rectifier votre amendement afin de supprimer ce terme pour ne laisser subsister que la seule notion de pression, ceci en cohérence avec l'amendement que nous venons d'adopter à mon initiative. Sous cette réserve, mon avis est favorable.
Nous avons longuement discuté de ce point lors des débats devant la commission des lois, avant et après ceux-ci. Je suis tout à fait favorable à la partie de l'amendement qui vise à supprimer la terminologie d'abus sexuels.
L'amendement complète la définition de l'atteinte sexuelle par un alinéa excluant ledit délit en cas d'écart d'âge inférieur à cinq ans, sauf si le majeur a exercé une pression sur le mineur. L'alinéa répond aux légitimes interrogations qui avaient été soulevées lors des débats en commission : le délit d'atteinte sexuelle ne doit pas pouvoir être utilisé pour pénaliser les amours adolescentes.
Actuellement, le procureur de la République manie avec discernement l'incrimination en usant de son pouvoir d'opportunité des poursuites. À ma connaissance, aucune poursuite ou condamnation n'est intervenue dans les cas où le recours à une telle infraction aurait été injustifié. Est-il dans ces conditions indispensable d'inscrire dans la loi – ce que propose en réalité l'amendement – les critères d'opportunité des poursuites qui guident aujourd'hui les magistrats du parquet ? Je ne le pense pas, raison pour laquelle j'émets un avis de sagesse.
Madame Avia, acceptez-vous la rectification proposée par la rapporteure ?
Je l'accepte bien volontiers. L'amendement ainsi rectifié permet de faire passer un message clair à nos concitoyens.
La rectification consiste à supprimer le terme « abus » dans l'amendement. La parole est à M. Ludovic Mendes.
Les débats ont été longs sur ce sujet important. L'amendement permet de dissiper le flou entre les infractions de viol, d'agression sexuelle et d'atteinte sexuelle sur les mineurs de moins de 15 ans. Il permet de supprimer l'épée de Damoclès qui planait au-dessus de la tête d'un jeune majeur ayant déjà noué une relation avec un mineur. Celui-ci ne risquera plus d'être mis en cause par un policier ou un juge, il sera protégé. Le texte gagne en clarté.
L'amendement no 270 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l'amendement no 153 .
L'amendement vise à alourdir les peines prévues par l'article 227-27 du code pénal afin de les aligner sur celles encourues en cas d'abus sexuel sur un mineur de plus de quinze ans par une personne ayant une autorité de droit ou de fait sur celui-ci, en vertu de l'article 227-26. En cas d'abus d'autorité, la distinction entre mineurs de moins ou de plus de 15 ans ne se justifie pas à mes yeux. Il s'agit, dans les deux cas, de protéger des mineurs.
Avis défavorable. Il est question d'atteintes sexuelles sur des mineurs âgés de plus de 15 ans, qui disposent de leur liberté sexuelle. Les faits sont réprimés car ils sont commis par des personnes ayant autorité.
Je rappelle qu'il ne s'agit pas d'une autorité familiale, puisque l'inceste est toujours puni de dix à vingt ans de prison aux termes des dispositions adoptées à l'article 1er. Nous visons ici un policier, un professeur, un moniteur qui a une relation avec un mineur de 15 à 18 ans.
Je rappelle enfin que nous parlons d'une relation qui n'a donné lieu ni à violences, ni à contrainte, ni à menaces, ni à surprise – auquel cas il s'agirait d'une agression sexuelle ou d'un viol. La proposition de loi prévoit déjà de porter la peine de trois à cinq ans d'emprisonnement, ce qui me semble bien assez, compte tenu des faits. De plus, je ne veux pas que la répression soit la même lorsque le mineur a plus et moins de 15 ans, car la situation est différente du point de vue social. Je demande donc le retrait de l'amendement.
L'aggravation de la peine que vous proposez n'est pas cohérente avec les peines prévues par le code pénal pour les autres infractions sexuelles commises contre les mineurs. Je demande donc également le retrait de l'amendement. À défaut, avis défavorable.
L'amendement no 153 est retiré.
L'amendement no 62 procède d'une mauvaise compréhension de la loi, car il n'est pas question ici de membres de la famille. En effet, lorsqu'un membre de la famille ayant autorité touche à un mineur de 15 à 18 ans, il s'agit toujours soit d'un viol, soit d'une agression sexuelle, punis respectivement de vingt et dix ans d'emprisonnement. Il n'y aura plus désormais d'atteintes sexuelles incestueuses punies de cinq ans de prison et l'article ne vise que l'autorité extra-familiale, comme je l'ai déjà indiqué. Je demande donc le retrait de l'amendement. À défaut, avis défavorable.
Pour ce qui est de l'amendement no 108 , nous avons déjà eu cette discussion en examinant l'article 1er. Vous me semblez confondre, involontairement sans doute, les infractions sexuelles et une sorte d'abus de faiblesse dont pourraient être victimes les personnes handicapées sans qu'il y ait un lien direct avec leur minorité. Je rappelle donc encore une fois que la jurisprudence considère que le fait d'utiliser le handicap de quelqu'un pour lui faire subir un acte sexuel est un viol si la nature du handicap le justifie.
M. le garde des sceaux acquiesce.
C'est un domaine dans lequel il faut examiner les faits, car je suis tout à fait hostile à l'idée de priver les personnes handicapées de leur liberté sexuelle, or c'est ce à quoi votre amendement menace d'aboutir – bien malgré vous, j'imagine. J'en demande donc le retrait.
L'article 1er bis B, amendé, est adopté.
Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 219 , 224 , 253 et 271 , portant article additionnel après l'article 1er bis B.
Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour soutenir l'amendement no 219 .
Il vise à permettre une répression complète et adaptée de l'ensemble des comportements par lesquels des majeurs provoquent ou contraignent des mineurs, notamment par un moyen de communication électronique, à des actes sexuels – c'est ce qu'on appelle parfois le délit de sextorsion. Nous avons été interpellés à propos de cette pratique, dont nous avons débattu déjà en commission et qu'a évoquée tout à l'heure Mme Avia. Il est temps d'agir.
La parole est à M. Dimitri Houbron, pour soutenir l'amendement no 224 .
J'invoquerai les mêmes raisons que Mme Florennes. Ce phénomène d'ampleur a déjà été évoqué durant nos échanges et dans le rapport de Mme la rapporteure. Le fait pour un majeur de demander à un mineur de moins de 15 ans, par le biais des nouvelles technologies, de réaliser certains axes actes sexuels à distance bénéficie jusqu'à présent d'un vide juridique, que nous proposons de combler ce soir. J'espère donc que ces amendements seront votés.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 253 .
Cet amendement est très important car, après un long travail de rédaction, il permet d'aboutir à un dispositif auquel toute la commission des lois est attachée depuis la visite qu'elle a effectuée l'an dernier auprès de la brigade des mineurs. Cette visite, que je vous remercie d'avoir organisée, madame la présidente de la commission des lois, nous a donné l'occasion de voir un exemple terrifiant de prédateur agissant sur internet et poussant de jeunes victimes à s'auto-pénétrer et à s'avilir devant la caméra, puis répandant les fichiers photo et vidéo sur des forums internationaux de pervers.
Il fallait agir sur l'incrimination de corruption de mineur, qui réprime ces actes de dix ans d'emprisonnement, car sa rédaction archaïque rebute certains parquets. Nous avions déjà adopté une rédaction en ce sens le 18 février dernier, dans le cadre de la précédente proposition de loi relative aux violences sexuelles sur les mineurs. Mais nous allons plus loin : en modifiant la définition du viol et en indiquant qu'il est constitué même si la victime est contrainte de procéder elle-même à sa propre pénétration, nous apportons une réponse à la demande pressante des enquêteurs et permettons à l'autorité judiciaire de poursuivre pour viol et d'envoyer en cour d'assises les auteurs de ces faits ignobles.
Je tiens à saluer l'engagement de ces policiers de terrain qui nous ont fait profiter, grâce à cette visite, du fruit de leur réflexion. Si nous pouvons enfin progresser aujourd'hui, c'est bien grâce à eux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.
Mme la rapporteure souligne à juste titre que la commission des lois a été sensibilisée au vide juridique que représente l'absence de délit propre de sextorsion. La création de ce nouveau délit était très attendue des enquêteurs, et nous pouvons nous réjouir collectivement de faire oeuvre utile en la votant.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je m'étais engagé à ce que nous reprenions le travail sur cette question. Le travail a été fait, et bien fait. Le Gouvernement est donc particulièrement favorable à ces amendements.
Nous sommes très favorables à ces amendements, qui règlent une partie du problème. Cependant, ce délit de sextorsion est parfois commis aussi entre mineurs ; il faudra y réfléchir, non pas tant pour criminaliser ces pratiques que pour mieux prévenir ces situations qui peuvent conduire à des drames, comme nous l'a récemment montré l'actualité.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 78
Nombre de suffrages exprimés 78
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 75
Contre 3
Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, j'ai beaucoup travaillé sur la question de la prostitution des mineurs. En 2018, j'ai reçu à ma permanence deux mamans très courageuses dont les filles de 14 et 16 ans étaient victimes de proxénètes. J'ai par la suite auditionné des policiers, des juges, des procureurs, des représentants d'associations, des personnels de l'aide sociale à l'enfance, des victimes et leurs parents. Je suis ainsi devenu, malgré moi, un expert, ou du moins un familier du quotidien des difficultés des professionnels et des familles, et je passerai les détails glauques, sordides, que j'ai pu entendre dans le cadre de ce travail d'auditions.
Demain, mes chers collègues, je serai fier de pouvoir vous dire : « Nous l'avons fait : un acte sexuel avec un mineur de 15 ans est un viol ! » Comme vous l'avez dit, il faut protéger absolument nos enfants. On ne touche pas aux enfants, a fortiori lorsqu'ils sont victimes de proxénètes ou impliqués dans des conduites prostitutionnelles.
Mon amendement no 77 va dans ce sens : si le législateur reconnaît que nul enfant de moins de 15 ans ne saurait consentir à une relation sexuelle avec un adulte, ce principe de non-consentement doit s'appliquer également aux enfants livrés à la prostitution. L'achat par un majeur d'actes sexuels auprès d'un mineur de 15 ans étant considéré comme un viol, il paraît logique d'aligner la peine de prison actuelle pour proxénétisme sur un mineur de 15 ans avec celle qui s'applique pour viol sur un mineur de 15 ans.
Cet amendement tend à coordonner les dispositions sanctionnant le proxénétisme commis à l'encontre d'un mineur de 15 ans, prévu par l'article 225-7-1 du code pénal et puni de quinze ans de réclusion, et le recours à la prostitution d'un mineur de 15 ans, prévu par l'article 225-12-2 du même code et puni de sept ans d'emprisonnement, avec les nouvelles dispositions réprimant les viols et agressions sexuelles commis par un majeur sur un mineur de 15 ans.
Les amendements identiques nos 232 de M. Dimitri Houbron, 254 de Mme Alexandra Louis et 272 M. Mustapha Laabid sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Demande de retrait de l'amendement no 177 , car il est satisfait par les autres amendements, dont celui que j'ai présenté.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion commune ?
Le Gouvernement demande le retrait de l'amendement no 177 , au profit des amendements identiques.
Je reviens sur l'amendement no 272 , soutenu par le groupe La République en marche, qui tend à coordonner les dispositions sanctionnant le proxénétisme commis à l'encontre d'un mineur de 15 ans prévu à l'article 225-7-1 du code pénal et puni de 15 ans de réclusion, et le recours à la prostitution des mineurs de 15 ans, prévu à l'article 225-12-2 du même code et puni de sept ans d'emprisonnement, avec les nouvelles dispositions réprimant les viols et agressions sexuelles commises par un majeur sur un mineur de 15 ans.
Le majeur qui aurait une relation sexuelle avec un mineur prostitué de 15 ans commettrait alors un viol, puni de vingt ans de réclusion, même en cas de différence d'âge inférieure à cinq ans. Dans ce cas, le proxénète encourrait également une peine de vingt ans, et non de quinze ans.
Par ailleurs, l'amendement prévoit que le délit de recours à la prostitution d'un mineur de 15 ans ne s'appliquera qu'en dehors des cas dans lesquels ces faits constituent un viol, une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle. Dans ce cas, les peines encourues sont plus sévères.
Le délit ne s'appliquera donc que si les faits sont commis par un mineur ou, s'ils sont commis par un majeur, que lorsque ce dernier aura simplement sollicité ou accepté une relation sexuelle tarifée sans être passé à l'acte car, si la relation a été consommée, il s'agira d'un viol ou d'une agression sexuelle.
L'amendement no 177 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 78
Nombre de suffrages exprimés 78
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 75
Contre 3
Cet amendement, qui porte également sur la prostitution des mineurs, concerne ceux qui ont de 15 ans à 18 ans, et fait passer la peine encourue à cinq ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende, soit la condamnation applicable actuellement en cas de circonstance aggravante. Comme nous le disons depuis tout à l'heure, il n'est pas possible d'autoriser la prostitution des mineurs, qui d'ailleurs est répréhensible, et les peines qui la répriment ceux qui ont entre 15 et 18 ans sont beaucoup trop faibles par rapport à la réalité. Il est important de dire que les auteurs de ces faits sont de véritables prédateurs qui cherchent volontairement des mineurs dans le cadre de la prostitution. Nous devons donc exprimer un message clair et net et, surtout, rappeler à ces mineures qu'elles seront protégées quoi qu'il arrive.
Nous avons bien précisé à l'article 1er que tout acte sexuel avec un mineur de 15 ans dans un cadre prostitutionnel équivalait à un viol et était donc puni comme tel. L'amendement que vous proposez s'appliquerait donc, en pratique, aux seuls mineurs âgés de plus de 15 ans qui, conformément aux dispositions que nous avons adoptées précédemment, disposent donc de la faculté de consentir à une relation sexuelle.
Cependant, vous visez ici la prostitution. Or il est de la responsabilité de l'adulte de ne pas s'engager dans un tel rapport. C'est pourquoi cette infraction délictuelle est punie, comme vous l'avez souligné, de trois ans d'emprisonnement. Vous proposez de porter cette sanction à cinq ans d'emprisonnement. Comme il s'agit également du quantum retenu à l'article 1er bis B pour punir les atteintes sexuelles commises sur les mineurs de 15 à 18 ans par une personne extérieure au cercle familial ayant autorité, je trouve votre proposition cohérente et j'émets donc un avis favorable à votre amendement.
Je partage l'avis de la rapporteure : votre proposition est cohérente, et le Gouvernement y est donc favorable.
Je souscris tout à fait à cet amendement. J'avais moi-même déposé à l'article 1er un amendement qui tendait à qualifier de viol les relations sexuelles avec des mineurs de plus de 15 ans en échange d'une rémunération. En effet, il n'est pas normal de considérer la prostitution d'une mineure de 15 ans comme un viol, mais de laisser une mineure de 16 ans être prostituée par un majeur ! Je souscris donc à l'amendement de mon collègue, même si j'aurais aimé que l'on aille plus loin encore.
J'aimerais remercier Mme la rapporteure et le Gouvernement d'avoir émis un avis favorable : cela nous permettra d'avancer sur le sujet de la prostitution des mineures. Il est fort dommage qu'aujourd'hui, nous ne puissions pas parler de ce véritable fléau, auquel les mineures sont parfois contraintes par leur petit ami ou leur famille. Il est donc important qu'à l'avenir, nous ouvrions le débat sur ce sujet. Nous n'avons malheureusement pas pu le faire à l'occasion de ce texte, mais je sais, monsieur le ministre, que vous serez attentif à punir les proxénètes qui abusent de nos mineures.
L'amendement no 76 est adopté.
L'amendement no 138 de M. Mustapha Laabid est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis.
L'amendement no 138 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements, nos 141 , 139 et 182 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 139 et 182 rectifié sont identiques.
La parole est à M. Mustapha Laabid, pour soutenir l'amendement no 141 .
Il concerne à nouveau la prostitution des mineurs de moins de 15 ans.
Le droit actuel considère que les mineurs victimes de prostitution ont consenti aux actes sexuels commis par les clients majeurs. Or si le législateur reconnaît que nul enfant de moins de 15 ans ne saurait consentir à une relation sexuelle avec un adulte, alors il apparaît nécessaire que ce principe de non-consentement s'applique également aux enfants livrés à la prostitution.
La parole est à nouveau à M. Mustapha Laabid, pour soutenir l'amendement no 139 .
Il vise à instaurer pour les victimes de prostitution le même niveau de protection que celui accordé aux victimes de violence sexuelles commises par des adultes.
La parole est à Mme Florence Provendier, pour soutenir l'amendement no 182 rectifié .
Cet amendement identique au précédent s'inscrit dans le même esprit que celui adopté à l'article 1er, qui visait à protéger tous les mineurs en cas de prostitution. En effet, tout comme les autres mineurs de 15 ans, un enfant de 15 ans livré à la prostitution doit être considéré comme victime de viols ou d'agressions sexuelles en cas de relation sexuelle avec un majeur. Il est indispensable que ces enfants puissent bénéficier de la même protection que les autres.
Ces amendements sont satisfaits par ceux adoptés précédemment. Par conséquent, j'en demande le retrait.
Même avis.
L'amendement no 141 est retiré.
Les amendements identiques nos 139 et 182 rectifié sont retirés.
Il s'inscrit dans la lignée de l'amendement de mon collègue Ludovic Mendes, qui tendait à modifier l'article 222-12-1 du code pénal. L'article suivant, 222-12-2, traite de l'aggravation de la peine encourue en cas de prostitution dans certains cas, par exemple lorsque les faits sont commis par une personne abusant l'autorité qui lui a été conférée. Le dernier alinéa de cet article prévoit une peine spécifique lorsque la victime est un mineur de 15 ans.
Afin de réellement dissuader les clients de se tourner vers ces jeunes femmes, en particulier lorsqu'ils entrent dans l'une des catégories de circonstances aggravantes énoncées par l'article, mon amendement tend donc à alourdir la peine encourue à quinze ans d'emprisonnement et 250 000 euros d'amende.
Je ne voudrais pas dire une bêtise, mais il me semble qu'il est satisfait, monsieur le président. Par conséquent, je le retire.
L'amendement no 77 est retiré.
L'amendement est totalement satisfait, et nous sommes mêmes allés au-delà, puisque nous avons adopté à l'article 1er des amendements prévoyant qu'une relation sexuelle avec un mineur de 15 ans contre rémunération serait désormais considérée comme un viol et, à ce titre, punie de vingt ans de réclusion. Dans le cas où il n'y aurait ni pénétration, ni acte bucco-génital, l'agression sexuelle sur mineur est punie de dix ans d'emprisonnement. La peine ne demeure fixée à sept ans d'emprisonnement qu'en l'absence de tout contact physique entre le client et le mineur.
Par conséquent, je demande le retrait de l'amendement.
Même avis.
L'amendement no 154 est retiré.
La parole est à M. Mustapha Laabid, pour soutenir l'amendement no 152 .
L'amendement no 152 est retiré.
Dans un souci de clarté pour le public, il est proposé par trois amendements, dont celui-ci, de doter la proposition de loi de titres en présentant les différents axes – en l'occurrence, ici, « Dispositions communes ».
Demande de retrait. Je ne sais pas à quoi devraient être communes les dispositions placées sous cette division. Quoi qu'il en soit, c'est l'illustration que les votes en commission et en séance publique ne confirment pas forcément les prévisions ou craintes de l'opposition. Si vous y tenez, nous pourrons structurer la proposition de loi en deuxième lecture.
Même avis.
L'amendement no 70 est retiré.
Je défendrai également l'amendement no 37 , qui porte sur une notion connexe. Les deux amendements ont été proposés par la Fondation des femmes, qui oeuvre depuis des années pour les femmes, et dont on sait l'attachement à la clarté de nos débats et, surtout, des lois.
L'objectif de ces amendements est d'intégrer la notion de consentement dans la définition de l'agression sexuelle – c'est l'objet de l'amendement no 36 – et du viol – c'est l'objet de l'amendement no 37 – , conformément au deuxième alinéa de l'article 36 de la Convention d'Istanbul, ratifiée par la France le 4 juillet 2014.
Il s'agit en particulier de prendre en considération les circonstances environnantes et la notion de sidération psychique, ce qui faciliterait la preuve de l'absence de consentement de la victime.
Vous proposez d'ajouter un critère constitutif à l'infraction du viol et de l'agression sexuelle : le caractère coercitif de l'environnement.
Mon avis est défavorable pour deux raisons. Tout d'abord, s'il y a coercition, c'est qu'il existe une contrainte. La loi actuelle doit alors être en mesure de saisir les faits pour leur attribuer leur juste qualification.
Ensuite, j'y suis défavorable par cohérence avec la discussion que nous venons d'avoir au sujet de la notion d'abus sexuels. En effet, j'ai expliqué être hostile à cette innovation car, même si elle figure dans un texte international, une directive européenne, en l'occurrence, je la considère comme une mauvaise traduction de l'anglais. Il me semble que nous sommes ici exactement dans la même situation : qu'entend-on par « environnement coercitif » ? Si la coercition est environnementale, à qui impute-t-on la culpabilité des faits ? Ce n'est pas parce qu'une notion figure dans un traité international négocié en anglais que nous devons l'importer dans notre droit sans aucune adaptation.
Enfin, la victime hors d'état de formuler son consentement est déjà protégée par le droit actuel : il est important de rappeler qu'être endormie ou ivre, par exemple, ne signifie pas être consentante. Pour sa part, la jurisprudence assimile cet état à la surprise, et elle a bien raison.
Par conséquent, avis défavorable.
Même avis.
Nous venons de débattre du problème de la sextorsion, phénomène qui prend en effet de l'ampleur. J'ai moi aussi rencontré le collectif Stop Fisha, qui dénonce les conséquences particulièrement graves de ce phénomène sur des femmes, des jeunes filles, voire de très jeunes filles.
Je vous propose donc une nouvelle rédaction de l'article 227-22 du code pénal, afin de permettre de sanctionner efficacement les prédateurs qui utilisent internet pour pousser des mineurs de 15 ans à commettre des actes de nature sexuelle face à des caméras.
Le délit de corruption de mineur existe déjà, qui permet de condamner ces faits, mais le droit existant gagnerait à être plus clair. En outre, la rédaction que je propose est plus en adéquation avec la jurisprudence, notamment l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 29 mai 2012.
Votre amendement a pour objectif de réécrire l'infraction de corruption de mineurs, à la fois pour la clarifier et pour codifier la jurisprudence.
Je suis embêtée, car si j'approuve l'objectif de l'amendement, je ne suis pas d'accord avec le dispositif que vous proposez. En effet, votre amendement reprend longuement les différentes circonstances aggravantes et faits retenus dans la jurisprudence, mais il ne traite pas le fond du problème : pourquoi les magistrats sont-ils réticents à utiliser cette incrimination ?
Dans l'alinéa 1 de votre amendement, vous ne définissez pas exactement ce qu'est la corruption de mineur. C'est peut-être mieux, d'ailleurs : tant que la Cour de cassation refuse de transmettre les questions prioritaires de constitutionnalité, il est utile de compter dans l'arsenal judiciaire cette infraction plastique capable, au besoin, de recouvrir des situations nouvelles auxquelles le législateur n'avait jamais pensé.
Par conséquent, je vous demande de retirer l'amendement.
Même avis.
L'amendement no 39 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
Il vise à mieux accompagner et soigner les mineurs victimes de violences sexuelles, en rendant obligatoire l'examen médical de tout mineur victime de violence ou d'exploitation sexuelle. Cet examen doit avoir lieu au plus tard lors de l'engagement de poursuites judiciaires à l'encontre du ou des agresseurs.
En l'état actuel, les moyens d'enquête et d'expertise ordonnés par les magistrats ont essentiellement pour objectif d'instruire les dossiers des personnes mises en examen. En revanche, les victimes, interrogées sur les faits, ne sont pas examinées médicalement. Elles n'ont donc pas accès aux soins indispensables à leur rétablissement physique et psychologique, notamment en matière de psycho-traumatisme, et ne bénéficient bien souvent pas du même niveau d'expertise médicale que leurs agresseurs.
La parole est à Mme Florence Provendier, pour soutenir l'amendement no 212 .
Il est dans la même veine que celui de mon collègue, à ceci près qu'il n'impose pas au juge de faire procéder à l'examen médical de la victime au plus tard lors de l'engagement des poursuites.
En effet, il ne faudrait pas que l'incitation à ce qu'un examen médical physique et psychologique soit systématiquement réalisé ne se retourne contre les victimes pour une simple question de chronologie.
Je l'ai indiqué lors de l'examen du texte par la commission des lois : ces amendements partent d'un bon sentiment, mais ils manquent finalement leur cible.
Monsieur Laabid, vous souhaitez accélérer l'examen médical des mineurs victimes de violences sexuelles en prévoyant qu'il aura lieu au plus tard lors de l'engagement des poursuites. Dans les faits, votre rédaction interdira de le réaliser une fois les poursuites engagées : il n'y aura plus d'expertises tardives parce qu'il n'y aura plus d'expertises du tout si elles ne sont pas effectuées à temps. Loin d'amener un progrès, cela pourrait même frapper de nullité toute la procédure, à la grande satisfaction des auteurs de tels faits. Les parquets sont diligents, lorsqu'ils le peuvent. Il est vrai que des difficultés empêchent très fréquemment la réalisation des expertises dans certains délais : c'est là un vrai sujet.
Madame Provendier, votre amendement est déjà satisfait, si l'on considère la volonté des magistrats.
Je demande le retrait de ces deux amendements ; à défaut, avis défavorable.
Sur cette question, il faut laisser beaucoup de latitude notamment aux procureurs de la République. Ces expertises sont parfois très intrusives, très douloureuses, peut-être parce que le moment a été mal choisi ; il peut être opportun de les réaliser plus tard. Il ne faut pas rigidifier les choses. De surcroît, Mme la rapporteure a raison.
Je comprends votre idée, mais ce serait une fausse bonne idée, du moins dans sa traduction judiciaire. Avis défavorable.
J'ajouterai aux propos du garde des sceaux qu'Olivier Véran et moi-même mettons tout en oeuvre pour que le suivi psychologique de ces victimes mineures soit effectif, conformément à l'annonce faite le 23 janvier par le Président de la République. Au-delà de l'importante question de l'expertise – je ne reviens pas sur ce qu'ont dit le garde des sceaux et la rapporteure – , il faut que chaque enfant victime de violences sexuelles bénéficie de cette aide psychologique, aujourd'hui insuffisante voire très largement défaillante.
Dans ce but, nous allons renforcer les moyens hospitaliers, organiser la prise en charge systématique du psychotraumatisme. Le plan de lutte contre les violences faites aux enfants du 20 novembre 2019 prévoit ainsi la création de cinq centres supplémentaires de prise en charge : il en faudrait davantage. Aux termes du Ségur de la santé, 160 postes doivent également être créés pour renforcer les centres médico-psychologiques. Là encore, il en faudrait beaucoup plus ; nous sommes en train d'y travailler, ainsi qu'à un accès sans frais – notamment dans les centres de santé et les maisons de santé – aux psychologues libéraux, auxquels ne peuvent aujourd'hui recourir que ceux qui en ont les moyens, d'où une réelle inégalité. Voilà l'ensemble des pistes sur lesquelles nous progressons, afin que, dans ce pays, tout enfant victime de violences sexuelles puisse bénéficier d'une prise en charge psychologique.
Si cela présente une telle importance, monsieur le secrétaire d'État, inscrivons-le tout simplement dans la future loi. Je maintiens donc mon amendement.
Quant à moi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que vous éclairiez ma lanterne. Vous indiquez qu'il est prévu que cette prise en charge soit systématique, ce qui est le sens de mon amendement.
Pas dans le cadre judiciaire !
Le témoin d'un meurtre peut bénéficier d'une expertise et d'un accompagnement ; pourquoi n'en irait-il pas toujours de même pour un enfant victime de violences sexuelles ? Nous admettons tous que ce serait fondamental. Je ne retire pas mon amendement.
L'amendement no 255 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 4 bis, amendé, est adopté.
La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l'amendement no 239 , visant à supprimer l'article 4 ter.
Cet article modifie l'article 8 du code de procédure pénale en vue d'allonger les délais de prescription du délit de non-dénonciation de sévices commis sur un mineur. Or l'amendement no 238 à l'article 4 quater, que je vous présenterai dans un instant, prévoit une réécriture complète et cohérente des modifications apportées en matière de prescription.
Avis favorable. Le Gouvernement entend proposer à l'article 4 quater un aménagement général des règles de prescription en matière d'infractions sexuelles sur mineur : par souci de cohérence, il suggère donc de supprimer l'article 4 ter, dont le contenu sera évidemment repris plus loin. Je n'ai aucune raison de m'y opposer.
Cet amendement me permet en outre de vous communiquer mon opinion au sujet de la prescription ; je reprendrai peu la parole par la suite. C'est avec la plus grande circonspection que je vois les modifications se multiplier en la matière, à un rythme beaucoup trop rapide. Les juristes savent qu'il est difficile de calculer la durée d'une prescription et que l'empilement, dans ce domaine, des réformes successives est particulièrement dommageable. Je surmonterai néanmoins ce sentiment pour tendre la main aux sénateurs, qui ont souhaité aborder le sujet dans le cadre de cette proposition de loi, et prendre acte de la volonté d'une nouvelle évolution chez la majorité de nos collègues. Je salue le garde des sceaux qui, au cours des semaines passées, n'a pas ménagé sa peine pour élaborer une rédaction qui tienne compte des diverses contraintes.
Le mécanisme de prescription glissante adopté en commission des lois répondait à la volonté de juger pour tous leurs actes des violeurs et autres criminels en série qui, selon le droit en vigueur, n'en auraient répondu qu'en partie. Nous savons que les effets en droit seront voisins, puisque le régime français est celui de la confusion des peines et que le jury se saisit de l'ensemble des faits qui lui ont été présentés, même si les victimes dont l'affaire est prescrite ont le statut de témoin, non celui de partie civile. Il n'y aura donc là qu'une forme de reconnaissance des victimes, ce à quoi je n'aurai garde de m'opposer. Les quelques imperfections soulignées lors de l'examen du texte en commission seront corrigées par le Gouvernement : c'est une très bonne chose. Je vous conjure cependant de repousser la tentation d'aller encore plus loin : plus on avance vers l'imprescriptibilité, plus on confond le travail de l'enquêteur et celui de l'historien. Gardons ce régime spécial, exceptionnel, pour les crimes spéciaux, exceptionnels.
Avant que nous ne procédions à l'examen de cet article et des règles de prescription auxquelles il a trait, je voudrais rappeler que, comme le disait Mme la rapporteure, nous ne devons les retoucher que d'une main tremblante : le régime des prescriptions assure la stabilité de notre système juridique, et donc la paix sociale. Nous le disions déjà tout à l'heure, lors de la discussion générale. Toutefois, nous partageons aussi le constat que, pour une société telle que la nôtre, il est inadmissible, voire intolérable, que des victimes soient reléguées au rang de simples témoins dans la procédure ouverte à l'encontre de celui qu'elles accusent.
Nous avons donc à trancher une question difficile, qu'il faut aborder, je le répète, avec la plus grande prudence. Nous n'avons pas intérêt à laisser croire que nous allons instaurer une forme d'imprescriptibilité, comme le suggère la rédaction quelque peu confuse du texte. J'ai évoqué le risque de récidive lorsque les faits ne sont pas dénoncés et que leurs auteurs, par conséquent, échappent aux poursuites ; il importe que les victimes, même si c'est difficile – mais nombre d'acteurs sont là pour les accompagner – , trouvent le courage de cette dénonciation, pour elles-mêmes, mais aussi pour toutes les autres victimes potentielles de leur agresseur.
Je suis saisi de cinq amendements, nos 111 , 225 , 8 , 238 et 220 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 238 et 220 sont identiques.
L'amendement no 238 fait l'objet d'un sous-amendement, no 297 .
Sur l'amendement no 111 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale
La parole est à Mme Isabelle Santiago, pour soutenir l'amendement no 111 .
Le débat auquel cet amendement a trait n'est pas simple, d'où l'importance du fait que nous l'ayons en séance. Il s'agit du débat sur l'imprescriptibilité. Le sujet n'a rien de neuf, bien sûr, mais la rédaction de cet amendement permet d'écarter une critique de poids. Il a souvent été dit, par exemple le 18 février dans cet hémicycle, ou bien au Sénat, que l'imprescriptibilité ne pouvait s'appliquer aux viols sur mineur. Nous avons donc recouru au droit comparé. Il résulte de nos travaux que tous les crimes commis sur des mineurs peuvent faire l'objet d'une imprescriptibilité, ce qui est le but de cet amendement. J'espère donc le voir, sinon adopté, du moins discuté ; il faut que les victimes entendent ce que nous avons à leur dire.
La parole est à M. Dimitri Houbron, pour soutenir l'amendement no 225 .
L'un des objectifs de cette proposition de loi, comme de nos débats, est de libérer la parole : celle des victimes, mais aussi celle de ceux qui savent et qui se taisent. Tel est le sens de cet amendement, qui vise à calquer les délais de prescription du délit de non-dénonciation sur ceux qui s'appliquent aux faits mêmes en cause, c'est-à-dire dix ans pour un délit et vingt ans pour un crime. Nous souhaitons cette mesure depuis longtemps ; nous la proposions déjà lors de l'examen de la proposition de loi de Mme Santiago renforçant la protection des mineurs victimes de violences sexuelles, et nous continuerons à le faire si elle n'est pas adoptée aujourd'hui.
Il prévoit que, lorsque l'auteur présumé d'un viol sur mineur est déclaré coupable de viol sur un autre mineur, le délai de prescription du premier crime sera rouvert pour cinq ans, ce qui laisserait à une autre victime le temps de prendre conscience de la condamnation de son agresseur et de libérer une parole qu'elle saura désormais pouvoir être entendue. Pour autant, la proposition contraire de Mme Santiago, celle d'une imprescriptibilité que nous assumerions alors à titre collectif, n'est pas inintéressante, et en tout cas bien plus lisible, plus stable, que d'autres formules.
La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l'amendement no 238 .
Il s'agit en réalité d'envisager la prescription sous un angle différent, dans cette matière spécifique qui nous occupe. J'ai assisté à des scènes dramatiques où les victimes de faits non prescrits, en quête de justice, étaient confrontées aux victimes de faits prescrits, venues en qualité de témoins – exclusivement, d'ailleurs, de la personnalité de l'accusé – , qui, leur déposition achevée, allaient se rasseoir et n'avaient plus voix au chapitre. Prolonger les délais de prescription me semble indispensable. C'est pourquoi s'est posée en commission des lois la question suivante : si la prescription est différée par une affaire qui fait l'objet d'un non-lieu ou d'un acquittement, quid ?
Après avoir échangé, réfléchi et travaillé, nous avons donc envisagé d'inclure un autre mécanisme, celui de la connexité : le mécanisme de prescription prolongée, qui fait bénéficier toutes les victimes de la prescription la plus longue, sera désormais complété par une disposition permettant que la plainte de la dernière victime interrompe la prescription de tous les crimes précédents. Ce mécanisme de connexité est spécifique aux infractions sexuelles commises sur les mineurs. Ainsi, même si le dernier crime n'est finalement pas poursuivi faute de preuves et qu'il fait l'objet d'un acquittement, les autres crimes révélés grâce à ce dernier crime pourront être jugés. Il s'agit d'une avancée majeure pour toutes les victimes, et c'est évidemment la reconnaissance de leurs souffrances.
La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour soutenir l'amendement no 220 .
J'aimerais souligner l'accord du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, qui a déposé un amendement identique à celui du Gouvernement. Je tiens aussi à vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que la chancellerie. Nous savons bien en effet que cette question est complexe et qu'elle a été difficile à résoudre. Cela fait des années qu'elle se pose pour les victimes. La solution de la connexité me semble à même d'apporter un vrai soulagement aux victimes qui, dans un certain nombre de cas, se trouvent ignorées des jugements. Je renouvelle mes remerciements, au nom de mon groupe, pour le travail effectué.
Si nous adoptons – ce qui fait peu de doute – votre version de l'article 4 quater et de la prescription, monsieur le ministre, il conviendrait à tout le moins de supprimer le dispositif de prescription glissante pour les délits, d'abord pour retrouver une certaine stabilité juridique, ensuite parce qu'avec ce dispositif, la prescription pour un délit pourra courir jusqu'à quarante ans après la majorité du mineur, soit jusqu'à l'âge de 58 ans. En matière de crime, le travail d'instruction est extrêmement important ; il l'est tout autant en matière de jugement des crimes, devant la cour d'assises ou la cour criminelle, et se déroule en présence de nombreux experts. Mais pour apporter la preuve d'un délit devant un tribunal correctionnel, où l'instruction est plus rapide et le délai d'audiencement beaucoup plus court, on risque d'exposer des victimes à des souffrances et à un long parcours judiciaire qui, trente ans après, risque fort selon moi de se solder pour elles par un échec, pour un simple délit. Je répète que le travail sur un crime n'est pas le même ; c'est la raison pour laquelle nous vous proposons de supprimer ce dispositif pour les délits.
Sur les amendements qui proposent l'imprescriptibilité, notamment l'amendement no 111 , j'émets un avis défavorable pour les raisons que j'ai exposées il y a quelques instants.
S'agissant de l'amendement no 225 , cette disposition a été discutée et repoussée en commission des lois. Je vous propose de retirer votre amendement pour vous rallier à la rédaction proposée par le Gouvernement.
Au sujet de l'amendement no 8 , vous aviez pointé avec justesse les difficultés que posait le premier dispositif proposé en commission, monsieur Savignat. Le Gouvernement ayant tenu compte de votre avis, je vous invite également à vous rallier à la rédaction qu'il propose.
Je suis bien sûr favorable aux amendements identiques du Gouvernement et de Mme Florennes.
Sur le sous-amendement no 297 , enfin, j'émets un avis défavorable.
Monsieur, le ministre, je vous suppose favorable à votre amendement et défavorable aux autres…?
Absolument, monsieur le président !
J'avais déposé un amendement au sujet de l'imprescriptibilité – un sujet dont vous savez tous, dans cet hémicycle, que je le défends depuis longtemps. Or je pense que l'adoption de la rédaction proposée par Gouvernement le fera tomber. Je prends donc la parole en cet instant pour m'exprimer au nom de certaines associations et victimes qui ne comprendraient pas que je n'aie pas pu porter leur parole.
Je voudrais répondre à quelques arguments régulièrement avancés pour signifier qu'il n'y a pas lieu d'aller jusqu'à l'imprescriptibilité, en rappelant tout d'abord rappeler l'avis rendu par le Conseil d'État le 1er octobre 2015 : « Le législateur dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour décider du principe et des modalités de la prescription de l'action publique et de la peine. » Rien ne s'oppose donc à l'imprescriptibilité, d'autant que « ni la Constitution, ni la Convention européenne des droits de l'homme, ne comportent de disposition relative à la prescription en matière pénale ». J'évoquerai aussi l'avis du Conseil de l'Europe qui, dans sa résolution 2330, exhorte tous les États européens à supprimer la prescription.
L'un des arguments qui nous est le plus fréquemment opposé est le caractère exceptionnel de l'imprescriptibilité qui, en France, est réservée aux seuls crimes contre l'humanité. Or cette exception peut parfaitement être complétée par le législateur pour inclure les crimes, sexuels en l'occurrence, contre les mineurs. Dans le rapport de 2017 de la mission de consensus présidée par Flavie Flament, il est précisé que « la réserve de l'imprescriptibilité aux seuls crimes contre l'humanité était également fondée sur le fait qu'ils pourraient être révélés – et donc poursuivis – longtemps après qu'ils sont survenus, et que, par ailleurs, les victimes pourraient avoir besoin de temps pour être en capacité de porter les faits devant la justice ». Nous savons aujourd'hui que ce critère de temps peut tout à fait s'appliquer aux crimes sexuels contre les mineurs.
Le troisième argument, enfin, concernant la déperdition des preuves, ne peut lui non plus être retenu : dans ces affaires, la majorité des preuves apportées sont des indices graves et concordants, des preuves matérielles ayant par définition une durée de vie limitée.
Pour toutes ces raisons, je voterai l'amendement de notre collègue Isabelle Santiago.
La probable adoption de l'amendement présenté par le Gouvernement aura pour conséquence de faire tomber un certain nombre d'amendements. Je voudrais donc, à ce stade, aborder deux sujets.
Premièrement, je suis plutôt d'accord avec le sous-amendement de notre collègue Savignat qui distingue entre crimes et délits, pour les raisons qu'il a soulignées, concernant notamment l'allongement des délais, et parce qu'il me semble nécessaire de revenir au sens du droit pénal. Celui-ci s'adresse en effet à la société et aux auteurs d'infractions pénales, dans le but qu'ils réparent leur faute. La notion de victime est présente dans le droit pénal ; elle est cependant non pas en concurrence avec l'objet du code pénal, c'est-à-dire la répression ; elle en est plutôt complémentaire.
Quant au deuxième sujet que je tiens à évoquer, il a déjà fait l'objet d'un débat en commission et c'est un combat dans lequel un certain nombre d'associations se sont engagées : il s'agit du syndrome d'amnésie traumatique. Celui-ci n'est pas pris en considération dans le droit aujourd'hui mais peut justifier, pour partie, la nécessité d'allonger les délais de prescription et expliquer que, plusieurs années voire dizaines d'années après les faits, une victime semble retrouver la mémoire qu'elle avait perdue. Les mécanismes de ce syndrome sont bien connus en matière médicale et peuvent donc tout à fait être objectivés. L'amendement de notre collègue Dunoyer portant sur cette question ne sera pas examiné mais je tenais absolument à verser ce sujet à nos débats.
Plusieurs amendements de notre groupe risquant de tomber, je tiens à expliquer ce que proposaient les amendements nos 67 et 66 . Il nous semble nécessaire de prendre en compte en droit, et donc dans le décompte de la prescription, un fait médical avéré : l'amnésie traumatique. En effet, si une victime ne sait pas qu'elle est victime, il n'est point de justice puisqu'elle ne peut en aucun cas poursuivre son bourreau. Aussi proposions-nous avec l'amendement no 67 que le délai de prescription soit adapté à la détection d'une telle amnésie par un expert médical afin que les victimes, qui ont été choquées au plus haut point – au point qu'elles entrent dans une forme de déni de leur état de victime, au point qu'elles n'en sont plus conscientes – puissent réclamer justice, reprendre leur existence et se reconstruire après les drames subis.
À l'amendement no 66 , nous proposions d'ajouter à la rédaction actuelle le fait que si un adulte commet une agression ou un abus sexuel sur un mineur, la prescription glissante fait repartir le délai dans le cas où il commet de nouveau un viol, une agression ou un abus sexuel. En effet, si c'est un viol qu'il commet, il n'y a que dans le cas où il commet un nouveau viol que la prescription glissante s'active : s'il commet ensuite une agression ou un abus sexuel, le délai n'est pas allongé en conséquence. Or même si nous créons des peines distinctes dans le code pénal, il n'y a pas de différence de gravité entre ces infractions. Cette différence relève du jugement moral, qui n'a pas sa place ici. Nous proposions donc une prescription glissante qui s'appliquerait en cas de nouvelle infraction sur un mineur, quelle que soit l'infraction d'origine et quelle que soit la nouvelle infraction. Cela relèverait, je crois, du bon sens.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 74
Nombre de suffrages exprimés 69
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 7
Contre 62
L'amendement no 111 n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 297 n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 238 et 220 sont adoptés ; en conséquence, l'article 4 quater est ainsi rédigé et les autres amendements à l'article 4 quater, ainsi que les amendements nos 7 rectifié , 57 rectifié et 196 rectifié , portant article additionnel après l'article 4 quater, tombent.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement no 167 .
Cet amendement de notre collègue Dunoyer, propose de considérer comme infractions connexes « les crimes ou délits sexuels commis sur des mineurs par le même auteur, qui procèdent d'une même conception, sont déterminés par la même cause et tendent au même but que ceux dont une juridiction pénale est saisie ». Il aura ainsi pour effet d'allonger les délais concernant des crimes ou délits anciens, qui auraient dû être prescrits, si l'auteur des infractions a renouvelé ses agissements.
J'avais moi-même défendu le dispositif de connexité entre les infractions, qui présentait l'avantage d'être connu et utilisé par les juridictions. Le Gouvernement l'ayant repris dans l'amendement que nous venons d'adopter, je considère votre demande comme satisfaite et vous invite à retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.
Même avis.
Ce dispositif est effectivement connu des juridictions, madame la rapporteure, mais il est jurisprudentiel. Or, pour lier la prescription glissante à la connexité, ne serait-il pas préférable de définir clairement cette dernière afin qu'il n'y ait pas de débat sur ce point ? Je me demande pour ma part si l'amendement no 167 ne serait pas indispensable au bon fonctionnement de l'article 4 quater.
L'amendement no 167 n'est pas adopté.
Les amendements nos 277 de Mme Maud Petit et 166 de M. Philippe Dunoyer sont défendus.
Je suis saisi de trois amendements, nos 112 , 96 et 137 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 96 et 137 sont identiques.
Sur l'amendement no 112 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Isabelle Santiago, pour soutenir cet amendement.
Quand on parle de protéger les enfants, un principe de précaution s'impose dans le cadre des droits de visite et d'hébergement. En fonction évidemment des décisions des magistrats, car ce sont des situations éminemment complexes, qui nécessitent toujours une évaluation, nous souhaitons que l'enfant soit protégé et que la demande d'un parent auprès du parquet puisse être traitée très rapidement afin que l'enfant n'ait pas à se rendre chez un parent suspecté de violences sexuelles, ou de mauvais traitements d'ailleurs.
Autant je soutiens bien évidemment la justice et les magistrats, autant nous savons que les délais sont parfois longs. Dans ces questions de protection des mineurs, c'est l'intérêt de l'enfant qui doit primer. Il peut être bon, durant l'évaluation, de supprimer le droit de visite.
Mme Karine Lebon applaudit.
Cet amendement vise à instaurer un principe de précaution permettant que les enfants ne soient pas confiés à leur violeur présumé pendant le temps de l'enquête pénale. Les parents protecteurs se trouvent en effet confrontés à un douloureux dilemme : doivent-ils protéger leur enfant ou respecter la loi, et les droits de visite et d'hébergement décidés par le tribunal aux affaires familiales ?
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 137 .
C'est un amendement qui obéit au principe de précaution mais surtout à un principe de bon sens : en cas de suspicion d'inceste, le juge aux affaires familiales ou le juge des enfants doit pouvoir être saisi pour statuer sur la suspension des droits de visite et d'hébergement du titulaire de l'autorité parentale mis en cause. C'est la moindre des choses que le juge soit saisi et statue rapidement.
Si je comprends la préoccupation de nos collègues, je crois pouvoir les rassurer. Le procureur de la République est le protecteur des enfants et, dès lors qu'une procédure pénale fait apparaître un danger pour l'enfant, il prend bien évidemment toutes les mesures urgentes qui s'imposent et saisit le juge compétent pour décider de mesures pérennes. Ces amendements me semblent satisfaits par le droit en vigueur ; c'est pourquoi j'invite nos collègues à les retirer.
Je ne sais pas si l'on imagine les risques d'instrumentalisation de la procédure pénale en la matière. C'est énorme ! Il ne faut pas obliger le procureur et au contraire lui laisser toute liberté pour apprécier la situation. Je suis totalement défavorable à ces amendements.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 60
Nombre de suffrages exprimés 57
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 9
Contre 48
L'amendement no 112 n'est pas adopté.
L'amendement no 256 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 257 de la commission est un amendement de coordination.
L'amendement no 257 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 5, amendé, est adopté.
On a peut-être oublié dans cette proposition de loi de sanctionner l'exhibition sexuelle plus sévèrement dès lors que c'est un mineur qui en est victime.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 258 .
C'est un amendement auquel je tiens tout particulièrement. Il m'a, là encore, été inspiré par les policiers de terrain, qui m'ont fait part d'une lacune dans notre droit.
Il s'agit du délit d'exhibition sexuelle. L'interprétation qu'en fait la Cour de cassation octroie l'impunité aux individus qui se masturbent en public, par exemple dans les transports parisiens, souvent devant des mineurs ; ils ne font l'objet d'aucune répression pénale puisque le délit d'exhibition sexuelle exige un élément de nudité. Paradoxalement, nous avons tous entendu parler des affaires de Femen poursuivies du chef d'exhibition sexuelle alors que la finalité de leur action était politique et nullement sexuelle.
C'est la raison pour laquelle, tirant les conséquences de ces constats, je propose une nouvelle définition de l'exhibition sexuelle, afin de ne plus rendre nécessaire cet élément de nudité, et ainsi de pouvoir mieux réprimer. Il est important que les personnages qui se livrent à ces agissements puissent être jugés, notamment en comparution immédiate, parce que ce sont souvent des profils inquiétants. Il est important de pouvoir vérifier leurs antécédents judiciaires mais également, au besoin, de les soigner, de les suivre, et évidemment de les réprimer.
Le premier amendement porte la peine encourue à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende lorsque le délit d'exhibition sexuelle est dirigé à l'encontre d'un mineur, considérant qu'il s'agit là d'une circonstance aggravante.
Le second rejoint les explications apportées par Mme la rapporteure. C'est un vrai problème de société. Au siècle dernier, tout acte obscène était classé dans la catégorie de l'exhibitionnisme mais, en 2016, la chambre criminelle de la Cour de cassation a changé d'avis en disant qu'un homme ou une femme qui se touche fortement le sexe en dessous d'un pantalon ou d'un short ne commettait pas d'exhibitionnisme. Le fait que l'absence de nudité empêche de poursuivre des pratiques de masturbation sous le pantalon, notamment dans les transports publics, me semble une faille de nos lois. Les usagers, notamment les personnes mineures, doivent être protégées de ces actes.
Dans la mesure, chers collègues, où vos amendements sont couverts par ma rédaction plus complète, je vous invite à les retirer ; évidemment, nous visons ici le même objectif.
Même avis.
L'amendement no 91 n'est pas adopté.
Complémentaire de l'article 5, cet article 6 est issu de l'adoption par la commission des lois du Sénat d'un amendement présenté par Valérie Boyer et plusieurs de ses collègues. Il vise à obtenir l'inscription d'un plus grand nombre de personnes dans le fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes – FIJAIS – en rendant automatique l'inscription dans certains cas et quel que soit le quantum de la peine encourue.
Actuellement, cette inscription est automatique dans les affaires qui concernent des crimes ou des délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. En dessous de ce seuil, l'inscription au fichier est laissée à l'appréciation de la juridiction ou du procureur.
L'inscription d'un plus grand nombre de personnes dans le fichier permettra de mieux protéger les mineurs en évitant que des personnes ayant des antécédents judiciaires soient placées à leur contact. Si ce fichier a été créé en 2004, la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a fait évoluer la liste des infractions pouvant entraîner une inscription dans le fichier, en y ajoutant le délit de consultation habituelle d'images pédopornographiques. Par ailleurs, l'inscription à ce fichier permettra de disposer d'une base de renseignements utilisable par les services d'enquête, et permettra de contrôler les antécédents judiciaires d'un individu avant de l'embaucher pour occuper un poste où il se trouverait placé au contact de mineurs.
Cette inscription constitue aussi une mesure de sûreté puisque les personnes inscrites au fichier doivent régulièrement justifier de leur domicile auprès de la police ou de la gendarmerie. L'objectif est de prévenir la récidive et de faciliter l'identification et la localisation des personnes fichées. Accroître le nombre d'inscriptions automatiques à ce fichier pour les infractions sur mineurs, quelle que soit la peine encourue, apparaît essentiel et permettra, je l'espère, de prévenir la récidive.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera cet article sans réserve, en souhaitant que tous les moyens humains et techniques soient déployés pour la bonne tenue de ce fichier.
L'amendement no 260 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 236 et 259 rectifié .
La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l'amendement no 236 .
L'article 6 adopté par le Sénat a modifié les règles concernant le FIJAIS afin de prévoir que toutes les personnes condamnées pour des délits commis contre des mineurs, quelle que soit la peine encourue, seraient automatiquement enregistrées dans le fichier. Ce sera donc notamment le cas des auteurs d'exhibition sexuelle commise sur des mineurs.
Ces dispositions renforcent ainsi l'efficacité et la sévérité du FIJAIS car, actuellement, les règles d'enregistrement sont les suivantes : enregistrement automatique en cas de crime ou délit puni de plus de cinq ans d'emprisonnement ; enregistrement automatique en cas de délit puni de cinq ans d'emprisonnement mais la juridiction peut, par décision motivée, exclure l'enregistrement ; enregistrement sur décision expresse de la juridiction pour les délits punis de moins de cinq ans d'emprisonnement.
Cet amendement précise le texte adopté par le Sénat afin de prévoir que la juridiction pourra par décision spécialement motivée ne pas inscrire dans le FIJAIS cette décision concernant un délit commis sur un mineur lorsque ce délit est puni d'une peine de moins de cinq ans.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 259 rectifié .
L'amendement étant identique, je renvoie aux explications très claires du garde des sceaux.
Les amendements identiques nos 236 et 259 rectifié sont adoptés.
L'article 6, amendé, est adopté.
L'amendement no 25 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 261 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement de notre collègue Philippe Dunoyer vise à rendre obligatoire la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs pour toute personne condamnée pour violences sexuelles sur mineur.
L'amendement no 203 de Mme Annie Chapelier est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Ces amendements sont contraires à la Constitution qui interdit à la loi d'infliger des peines automatiques. Sanctionner est bien le rôle du juge. Le Sénat est allé aussi loin que possible dans les possibilités laissées au Parlement d'orienter sa plume. Je vous demande donc le retrait de ces amendements, qui mettraient en péril l'opérationnalité de cette disposition.
L'amendement no 293 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Compte tenu de la gravité des faits, la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs doit s'appliquer largement, et si une dérogation reste possible, le juge doit pouvoir prononcer cette peine complémentaire pour une durée allant jusqu'à vingt ans.
Les peines complémentaires ne sont jamais prononcées pour une durée supérieure à dix ans. La seule alternative, lorsque le juge le souhaite, est de les prononcer à titre définitif, ce qui est déjà la piste privilégiée par la rédaction adoptée par le Sénat. Avis défavorable.
Avis défavorable. La surenchère est inutile !
L'amendement no 131 n'est pas adopté.
L'amendement no 262 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 47 de M. Fabien Di Filippo, 104 de M. Dino Cinieri, 169 de M. Philippe Dunoyer et 292 de Mme Annie Chapelier. Ils sont défendus.
L'amendement no 294 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 130 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La République ne peut pas laisser des prédateurs sexuels continuer d'exercer des professions au contact des enfants. Il faut donc faire en sorte que, le cas échéant, une interdiction soit immédiatement communiquée aux organismes employeurs, afin qu'elle entraîne une révocation immédiate de la personne définitivement condamnée.
Votre préoccupation a été satisfaite, au-delà même de la rédaction que vous proposez, par la loi du 14 avril 2016 relative à l'information de l'administration par l'autorité judiciaire et à la protection des mineurs. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
Même avis.
L'amendement no 55 n'est pas adopté.
L'article 7, amendé, est adopté.
L'amendement no 26 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement de coordination relatif aux outre-mer. Il convient de modifier les articles du code de procédure pénale et du code pénal relatifs à leur application outre-mer sans faire référence à leur rédaction actuelle, car plusieurs textes modifiant ces codes sont en discussion en même temps devant le Parlement.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 263 .
Il est identique ; je vous renvoie donc aux explications qui viennent d'être fournies par le ministre. Je voulais juste en profiter pour saluer le travail de notre collègue Philippe Dunoyer, qui a beaucoup appelé mon attention sur ce point.
Quelle élégance !
Je défends ici l'amendement de notre excellente collègue Valérie Beauvais. Depuis plusieurs années maintenant, il est constaté une recrudescence des faits de violences sexuelles commis par des mineurs sur d'autres mineurs. Aujourd'hui, la réponse judiciaire n'est ni adaptée à ces faits ni à la hauteur de l'augmentation de leur fréquence.
En effet, la part des mineurs condamnés pour des violences sexuelles ne cesse d'augmenter dans les statistiques judiciaires : ils étaient onze fois plus nombreux en 2010-2011 qu'en 1984-1985 et 54 % des condamnations pour viol sur mineur de 15 ans frappent des mineurs.
Légalement, un mineur ne peut être incriminé pour des atteintes sexuelles qui ne se doublent pas de violence, de contrainte, de menace ou de surprise. Le présent amendement vise donc à prendre en considération cet état de fait et à demander au Gouvernement de dresser un état des lieux et de proposer les aménagements législatifs et réglementaires susceptibles de pallier ces violences.
Vous connaissez bien les règles qui gouvernent les demandes de rapport ; je vais donc laisser répondre le ministre, puisque c'est le Gouvernement qui est interpellé, puis je vous inviterai à retirer votre amendement.
Défavorable.
L'amendement no 10 n'est pas adopté.
L'amendement no 213 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit là aussi d'une demande de rapport, cette fois sur les mesures de prévention et les dispositifs de sensibilisation destinés à lutter contre les violences sexuelles sur mineurs. Nous sommes tous d'accord : l'éducation et la prévention constituent la première arme contre ces violences.
Il me semble important que nous disposions d'un état des lieux des actions de sensibilisation menées en ce sens, en particulier des formations destinées aux professionnels intervenant auprès des enfants, qui doivent leur permettre de détecter, de repérer les enfants victimes de maltraitance et de les orienter vers des institutions médicales, sociales, psychologiques et juridiques.
Il faudrait aussi donner une plus grande visibilité aux journées de novembre relatives aux droits et à la protection des enfants : le 18 novembre, qui depuis 2015 est la journée européenne de protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels ; le 19 novembre, qui depuis 2000 est la journée mondiale pour la prévention des abus envers les enfants ; et le 20 novembre, qui est la journée internationale des droits de l'enfant. Aucune de ces journées ne bénéficie d'ailleurs d'un statut officiel en France.
Enfin, peut-être serait-il souhaitable de généraliser l'expérimentation de la seule institution où peuvent se réfugier les victimes d'inceste en France, la maison d'accueil Jean Bru. Il est essentiel que le sujet soit soulevé.
Comme vous le savez, je ne suis pas favorable, par principe, aux demandes de rapport. Toutefois, je vous remercie d'évoquer le sujet de la prévention. Je l'ai dit lors de la discussion générale, vous aussi, et vous avez raison de le rappeler : la prévention est la première des armes pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes. Je dois dire également que cet enjeu a été souligné lors de toutes les auditions que j'ai menées ; je sais que c'est aussi le cas pour vous et que de nombreuses actions sont entreprises sur ce terrain. Je vous remercie donc encore pour votre demande ; rappelons-nous que la prévention doit toujours primer sur le reste, ce qui ne nous empêche pas d'avancer dans le champ pénal.
Dans le cadre des travaux que nous menons avec Jean-Michel Blanquer sur le repérage des violences sexuelles qui peuvent avoir été subies par des enfants, en primaire puis au collège, nous cherchons à sensibiliser les enfants eux-mêmes aux violences sexuelles dont ils pourraient être victimes. Cela soulève évidemment la question de la formation de tous les professionnels concernés, dans le domaine de l'éducation mais aussi dans ceux de la justice et de la santé.
D'autre part, la prévention est un des axes de travail prioritaires de la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, qui remettra un premier rapport d'étape au plus tard au cours du premier trimestre 2022 – même si elle ne s'interdit pas d'émettre des avis avant cette date. Une de ses co-présidences est d'ailleurs assurée par Nathalie Mathieu, directrice générale de l'association Docteurs Bru, que vous évoquiez dans votre intervention.
Enfin, monsieur Minot, sachez que la question des violences perpétrées par des mineurs sur d'autres mineurs fait également partie des axes de travail de ladite commission.
L'amendement no 128 n'est pas adopté.
L'amendement no 151 de Mme Bérangère Couillard est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis.
L'amendement no 151 est retiré.
Cet amendement demande que, dans les six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette un rapport au Parlement détaillant les mesures dédiées à la lutte contre les violences sexuelles, à l'accueil et à la prise en charge des victimes de viol et d'inceste, ainsi que les nouveaux dispositifs qui pourraient être déployés, en s'appuyant notamment sur les initiatives de nos voisins européens.
Il demande que le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant les moyens budgétaires et matériels dédiés à la lutte contre les violences sexuelles, à l'accueil et à la prise en charge des victimes de viols et d'inceste, et détaillant les dispositifs nouveaux qui pourraient être déployés.
Il vise à ajouter au titre de la proposition de loi les délits sexuels et l'inceste, conformément aux différentes dispositions adoptées par l'Assemblée nationale.
Je suis tout à fait favorable aux amendements identiques nos 214 , 228 , 264 et 266 : la présente proposition de loi vise à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste ; le titre proposé reflèterait donc parfaitement son objectif et son contenu. S'agissant des amendements nos 132 et 59 , j'en demande le retrait.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par les groupes La République en marche et UDI et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Pascal Brindeau, pour le groupe UDI et indépendants.
Je ne souhaite pas prolonger inutilement les débats, mais je voudrais éviter que nous laissions l'impression à ceux qui les suivent que l'accélération un peu forcenée de l'examen des articles et des amendements du texte, notamment dans la dernière heure, est due au fait que nous voulons absolument terminer pour terminer, quitte à ne pas aborder l'ensemble des sujets que les collègues voulaient introduire par leurs amendements. Je souhaite que nous restions sur la note très positive que représente l'adoption de cette proposition de loi dans la version issue de nos travaux.
Oui, grâce à elle, nous protégeons désormais mieux les mineurs des crimes sexuels. C'est ce qu'il faut retenir, avec des mesures telles que le seuil à 15 ans ou la prescription glissante. D'autres questions demeurent ouvertes : je pense en particulier à l'amnésie traumatique, mais il y en a d'autres, abordés par d'autres collègues. C'est le rôle de la navette parlementaire que d'améliorer éventuellement le texte, si cela est possible, mais je ne voulais pas que l'on reste sur le sentiment d'avoir voté peut-être pas en catimini mais tout de même en accélérant fortement nos débats, particulièrement à la fin de l'examen.
Franchement, il ne faut pas dire des choses pareilles. Ce n'est pas la peine de susciter la suspicion sur un tel texte !
La parole est à M. Jean Terlier, pour le groupe La République en marche.
Il me semble pouvoir confirmer à notre collègue Pascal Brindeau que personne ici n'a l'impression d'avoir examiné ce texte en catimini. Au contraire, chacun peut se dire qu'il a contribué, en commission puis en séance, à faire grandement avancer la cause des mineurs et la lutte contre les violences dont ils sont victimes.
Au nombre des belles avancées, il faut compter la nouvelle définition du viol : on ne se posera plus la question du consentement pour les mineurs de 15 ans, ce qui marque l'interdit de manière forte. Après avoir beaucoup discuté de ce nécessaire écart d'âge de cinq ans, nous sommes parvenus à un dispositif équilibré en la matière. Rappelons la nouvelle incrimination de l'inceste, le nouveau délit de sextorsion, et une avancée majeure concernant la prescription. Réjouissons-nous de ces dispositifs qui vont accroître la protection des mineurs.
Je voudrais remercier tous les collègues qui ont contribué à l'élaboration de ce texte, en premier lieu Mme Alexandra Louis, la rapporteure.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je n'oublie pas non plus M. Pacôme Rupin, Mme Laetitia Avia et M. Ludovic Mendes qui ont beaucoup travaillé sur ces sujets, dont ils se sont une nouvelle fois emparés lors de l'examen de cette proposition de loi. Merci aux oppositions, …
… notamment à M. Antoine Savignat et Mme Isabelle Santiago, qui ont aussi fait avancer le débat. Les avancées permises par ce texte nous offrent un beau motif de satisfaction collective.
S'il n'y a pas d'autres explications de vote, je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 67
Nombre de suffrages exprimés 67
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 67
Contre 0
La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Vote solennel sur le projet de loi constitutionnel complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement.
La séance est levée.
La séance est levée, le lundi 15 mars 2021, à zéro heure vingt.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra