Intervention de Jacqueline Gourault

Séance en hémicycle du mardi 16 mars 2021 à 15h00
Article 1er de la constitution et préservation de l'environnement — Présentation

Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales :

Je suis heureuse d'être avec vous aujourd'hui pour examiner ce projet de loi organique consacré à l'assouplissement des expérimentations. Le texte que je présente répond concrètement aux deux principaux besoins exprimés ces dernières années par les élus et les citoyens quant à l'action publique : la proximité et l'efficacité.

Je crois que, désormais, nous sommes tous d'accord : la décentralisation doit permettre d'adapter les politiques publiques à la diversité des territoires. La solution, c'est la différenciation. Ce texte renforce l'un des outils permettant sa mise en oeuvre concrète. Il permettra d'adapter les règles applicables dans certains domaines aux particularités des territoires, que celles-ci tiennent à leur géographie, à leur démographie ou encore à leur situation économique et sociale.

Il sera complété par d'autres outils dans le projet de loi 4D – décentralisation, différenciation, déconcentration, décomplexification – , par exemple par des transferts de compétences aux seules collectivités volontaires, par un pouvoir réglementaire local renforcé ou encore par des mesures de déconcentration spécifiques. Vous l'avez compris, les transferts en bloc ne sont plus adaptés à notre temps. Les territoires ont besoin de cousu-main pour être plus agiles.

Toutefois, la cohésion des territoires, dont j'ai la charge, impose de marcher sur une ligne de crête, de trouver le point d'équilibre entre la pente naturelle vers davantage de liberté et l'impératif de cohésion nationale, c'est-à-dire d'unité de la République et d'équité entre les territoires. Ce débat est essentiel. D'ailleurs, les amendements qui ont été déposés, notamment par les groupes FI et GDR, reposent légitimement sur cette question.

Le projet de loi organique que je présente vise à faciliter les expérimentations pour les collectivités locales, afin qu'elles ouvrent la voie à une différenciation durable. Trop d'éléments bloquants demeurent à ce jour. Ainsi, seules quatre expérimentations ont été menées depuis 2003 sur la base de l'article 72, alinéa 4, de la Constitution. Le texte, issu en grande partie d'une étude du Conseil d'État, que nous avions saisi du sujet, doit permettre d'assouplir les conditions des expérimentations territoriales, de les rendre à la fois plus simples d'accès, plus rapides à mettre en oeuvre et plus attractives pour les collectivités.

Premier objectif : simplifier considérablement la procédure d'entrée dans l'expérimentation. Les collectivités répondant aux conditions déterminées par la loi prévoyant l'expérimentation pourront désormais décider d'elles-mêmes d'y participer, alors qu'actuellement, vous le savez, elles ne peuvent qu'en faire la demande, la décision finale relevant du Gouvernement qui fixe par décret la liste des collectivités admises à participer. Ainsi, l'accès à l'expérimentation sera considérablement facilité, les collectivités s'y engageant par simple délibération de leur assemblée délibérante et à mesure qu'elles le décideront. Cette procédure devrait réduire le délai moyen d'entrée dans l'expérimentation, qui est actuellement d'un an, à deux mois.

Les actes pris dans le cadre des expérimentations ne seront plus publiés qu'à titre d'information au Journal officiel, alors que cette publication conditionne aujourd'hui leur entrée en vigueur. Par ailleurs, le contrôle de légalité sera allégé. Actuellement, tous les actes pris dans le cadre des expérimentations sont soumis à un contrôle de légalité renforcé et dérogatoire, avec un déféré suspensif. Le projet de loi organique ne restreint ce régime spécial qu'à la décision d'entrer dans l'expérimentation, pour éviter que des collectivités ne répondant pas aux conditions prévues par la loi n'entament sa mise en oeuvre.

Deuxième objectif : assurer une évaluation plus pertinente des expérimentations. Le rapport d'évaluation finale de chaque expérimentation transmis au Parlement est naturellement maintenu. Il s'agit d'un préalable indispensable aux décisions sur le devenir des mesures prises à titre expérimental.

D'autre part, le Sénat a introduit un rapport d'évaluation à mi-parcours de chaque expérimentation. J'y suis favorable et je sais que de nombreux députés sont également sensibles à cette question de l'évaluation. Ce rapport constitue à mon sens un document utile pour les collectivités participantes et pour celles qui hésiteraient à rejoindre l'expérimentation.

Enfin, le Sénat a également réintroduit le rapport annuel recensant les propositions et les demandes d'expérimentation, que nous avions initialement jugé superflu, puisque chaque expérimentation fait l'objet d'une évaluation, mais il est vrai que, plus on communiquera sur les expérimentations, plus les collectivités se saisiront de ce nouvel outil. D'ailleurs, votre commission des lois a décidé de conserver ce rapport.

Troisième objectif, et c'est un élément décisif de notre texte : nous permettons la sortie de l'alternative binaire entre la généralisation ou l'abandon de l'expérimentation. Le législateur aura désormais quatre options à l'issue de la période d'expérimentation.

La première est la prolongation de l'expérimentation pour une durée ne pouvant excéder trois ans – c'est-à-dire qu'il y aura au total cinq plus trois ans. Deuxième option : la pérennisation et la généralisation des mesures prises à titre expérimental à l'ensemble du territoire.

Troisième solution : la pérennisation des mesures prises à titre expérimental, soit uniquement pour les collectivités territoriales ayant participé initialement à l'expérimentation, soit seulement pour certaines d'entre elles, soit pour d'autres collectivités où elle serait pertinente. Enfin, quatrième option : l'abandon de l'expérimentation si son évaluation n'est pas concluante.

Compte tenu du bilan du dispositif expérimenté, la loi pourra naturellement modifier les dispositions régissant l'exercice de la compétence ayant fait l'objet de l'expérimentation. Il s'agit – j'insiste sur ce point – de laisser au législateur une marge d'adaptation pour effectuer les ajustements nécessaires. La pérennisation de mesures prises à titre expérimental dans certaines parties du territoire devra naturellement s'inscrire dans le respect du principe constitutionnel d'égalité. Nous y reviendrons lors de la discussion de la motion de rejet préalable.

Enfin, simplifier ne suffit pas : il faut aussi accompagner. Pour assurer l'effectivité des futures expérimentations, nous renforcerons notre organisation institutionnelle en vue de mieux accompagner les collectivités qui les instaureront. Ainsi, nous allons suivre la recommandation du Conseil d'État de créer des guichets permanents qui seront placés auprès des préfets afin de favoriser les initiatives. Il s'agit d'une disposition de nature réglementaire que je m'engage à prendre. D'ailleurs, une circulaire, que nous vous communiquerons, viendra très prochainement en préciser les modalités de fonctionnement.

Ce texte, dont je rappelle qu'il a été – pour une fois – très peu modifié et très largement adopté par les sénateurs, est équilibré et répond à une véritable attente des élus locaux. Je voudrais remercier l'ensemble des groupes puisque je constate que beaucoup partagent les objectifs de ce texte. Je termine en espérant un vote le plus large possible marquant, j'en suis convaincue, une véritable avancée pour la différenciation.

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