Claude Bernard, le père de la méthode expérimentale, a ouvert la voie à cette approche scientifique, qui veut que l'on observe, que l'on expérimente, que l'on raisonne, pour ensuite voir arriver toutes les explications teintées de « la couleur de l'esprit de chacun ».
Si le droit public est longtemps resté fermé à cette démarche scientifique, parce que la loi devait s'appliquer à tous les cas et à toutes les personnes entrant dans les prévisions abstraites des textes régulateurs, la confrontation de cette conception universelle avec les réalités territoriales de notre pays a changé la donne.
La révision constitutionnelle de 2003 a ainsi inséré dans notre loi fondamentale l'expérimentation, donnant au pouvoir local une extension attendue, inscrite dans l'organisation décentralisée de la République. Le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution permet désormais aux collectivités territoriales de déroger, lorsque la loi ou le règlement l'a prévu, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences.
Or, comme a pu le souligner le rapporteur, dix-huit ans après cet acte fondateur, force est de constater que le processus expérimental n'a pas atteint dans les collectivités territoriales le degré de maturité espéré. Depuis 2003, seules quatre expérimentations ont eu lieu sur le fondement de l'alinéa 4 : deux ont été généralisées avant leur évaluation finale, une a été abandonnée et une autre a été prolongée.
Le texte qui nous réunit aujourd'hui vise donc à simplifier le recours à ces expérimentations locales. Au lieu d'une procédure quelque peu dissuasive comptant de nombreuses étapes, ce projet de loi organique propose que toute collectivité entrant dans le champ d'application de l'expérimentation décide, par délibération motivée, d'y participer, sous le contrôle du préfet. Il prévoit également de sortir du schéma binaire – généralisation ou abandon – qui prévaut aujourd'hui en ce qui concerne l'issue des expérimentations locales. Ce texte propose ainsi que l'expérimentation puisse également aboutir, d'une part, au maintien des mesures prises à titre expérimental dans les collectivités territoriales ayant participé à l'expérimentation ou dans certaines d'entre elles, d'autre part, à leur extension à d'autres collectivités territoriales.
Il propose aussi que la loi puisse modifier les dispositions régissant l'exercice de la compétence ayant fait l'objet de l'expérimentation. En incitant les collectivités locales à se saisir de cet outil au service de politiques publiques innovantes et efficaces, qui permet également d'associer le citoyen à leur élaboration, nous pourrons avancer sur la mise en oeuvre du principe de différenciation territoriale.
Pour le groupe Dem, ce texte, qui s'inscrit dans la suite de l'étude demandée en 2019 par le Premier ministre au Conseil d'État, va dans le bon sens. Il est indispensable de faire confiance aux collectivités et à leurs élus locaux. Leur laisser plus de latitude, c'est leur permettre de mieux appréhender leur territoire et de répondre au mieux à ses besoins.
Le plan national Action, coeur de ville ou le programme Petites Villes de demain sont l'illustration de la nouvelle donne territoriale que nous souhaitons mettre en oeuvre, afin que chaque collectivité ait le moyen de concrétiser son projet, adapté aux besoins des habitants et répondant aux enjeux majeurs des territoires. Les collectivités territoriales, qui ont cette capacité d'innovation, ont démontré une fois de plus, depuis le début de la crise sanitaire de la covid-19, leur réactivité, leur ingéniosité, leur agilité et l'atout que représente leur proximité avec nos concitoyens.
Mes chers collègues, si nous voulons, en tant que législateurs, contribuer à la restauration du lien de confiance avec nos concitoyens, soutenir et accompagner la vitalité des territoires, tout en permettant une déclinaison efficace des politiques publiques au niveau local, il est essentiel que nous donnions davantage de liberté et de marge de manoeuvre aux collectivités territoriales. Ensuite, à elles de s'en saisir, accompagnées, au mieux, par les services de l'État.