Dix-huit ans après l'acte II de la décentralisation introduit par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 créant les expérimentations par les collectivités territoriales sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, nous voilà réunis pour discuter d'un dispositif dont les collectivités ont finalement eu du mal à se saisir. En effet, comme vous le rappeliez tout à l'heure, madame la ministre, seules quatre expérimentations ont eu lieu depuis 2003 sur le fondement de cet article. Déposé le 29 juillet 2020, le projet de loi organique propose une réforme consensuelle et soutenue par toutes les associations d'élus locaux. Nous saluons le travail des sénateurs qui, saisis du texte en première lecture, ont enrichi le dispositif de manière équilibrée et constructive.
Le projet de loi organique met sur la table un certain nombre d'améliorations et de simplifications destinées à encourager les collectivités territoriales à recourir davantage à ce dispositif. Aujourd'hui, les expérimentations souffrent d'un important défaut d'attractivité provoqué par une lourde procédure de lancement. Le projet de loi y répond efficacement, puisqu'il la simplifie très largement en permettant aux collectivités territoriales de participer à une expérimentation sur simple délibération de leur assemblée délibérante. Les formalités de publicité sont également allégées puisque la publication au Journal officiel ne sera plus faite qu'à titre informatif, alors qu'elle conditionne l'entrée en vigueur de l'expérimentation dans le dispositif actuel. Cet important effort procédural devrait permettre de réduire le délai moyen d'entrée en vigueur de l'expérimentation d'un an à deux mois.
La sécurité juridique est au coeur du projet de loi, puisque celui-ci met fin au contrôle de légalité renforcé du préfet sur l'ensemble des actes pris dans le cadre des expérimentations et limite celui-ci à la seule décision d'entrée dans l'expérimentation. C'est évidemment une avancée majeure.
Le défaut d'attractivité du dispositif actuel réside également dans sa finalité. Actuellement, deux issues sont possibles : une généralisation à toutes les collectivités, ou l'abandon de l'expérimentation. La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, dont M. le rapporteur, Stéphane Mazars, rapporte les propos dans le document faisant état de l'avancement de ses travaux, a parfaitement résumé la situation en expliquant que « l'ensemble des acteurs locaux entendus par la mission a fait le constat que cette conception restrictive de l'issue de l'expérimentation a constitué un frein non seulement psychologique mais aussi financier à l'utilisation de ce nouvel outil. Pourquoi consacrer du temps et des moyens humains et financiers pour concevoir, mettre en oeuvre et évaluer une expérimentation qui risque, in fine, d'être abandonnée ? »
Le projet de loi prend acte de cette problématique et y répond directement en ouvrant la voie à deux possibilités supplémentaires : ainsi, après évaluation, les mesures prises à titre expérimental pourront être maintenues dans les collectivités ayant participé à l'expérimentation, ou dans certaines d'entre elles, et pourront également être étendues à d'autres collectivités. De plus, les dispositions régissant l'exercice de la compétence ayant fait l'objet de l'expérimentation pourront être modifiées.
Toutefois, le projet de loi ne constitue pas une fin en soi. Il doit s'inscrire dans la stratégie plus globale du droit à la différenciation prévu dans le futur projet de loi 4D. La révision du dispositif des expérimentations locales devra aussi s'accompagner d'une augmentation des marges de manoeuvre données aux collectivités territoriales, notamment par le biais du renforcement du pouvoir réglementaire local et la clarification des compétences dévolues aux collectivités. Mais, grâce au projet de loi organique, nous franchissons une première étape importante, et le groupe Agir ensemble sera bien évidemment à vos côtés, madame la ministre, pour le soutenir.