Merci, madame la présidente.
Le projet de loi constitutionnelle, abandonné à cause de l'affaire Benalla, prévoyait dans son article 15 de modifier l'article 72 de la Constitution pour introduire un droit à la différenciation entre collectivités territoriales. Il permettait tout d'abord à certaines d'entre elles d'exercer des compétences dont ne dispose pas l'ensemble des collectivités de même catégorie. Il donnait surtout la possibilité aux collectivités et à leurs groupements de déroger, lorsque la loi ou le règlement l'ont prévu, aux dispositions législatives ou réglementaires encadrant leurs compétences. Cette dérogation pouvait être appliquée sans passer par une expérimentation.
L'expérimentation prévue à l'article 72 était maintenue par le projet à une importante différence près : l'expérimentation n'aurait plus eu comme seule conclusion possible une généralisation sur tout le territoire français ou un abandon : elle pouvait conduire à une différenciation pérenne. Or c'est, à quelques détails près, exactement ce que prévoit l'article 6 du présent projet de loi organique.
Celui-ci modifie la procédure de sortie des expérimentations. Ces dernières, actuellement, je le répète, s'achèvent par un abandon ou pas leur généralisation sur l'ensemble du territoire français. Le texte soumis à notre examen prévoit que les mesures expérimentales pourront être maintenues dans les collectivités expérimentatrices ou dans certaines d'entre elles. Elles pourront également être étendues à d'autres justifiant d'une différence de situation. C'est donc la généralisation d'une expérimentation seulement à certaines collectivités et donc dans une seule partie du territoire de la République qui introduit de fait la différenciation.
Une telle disposition est une atteinte au principe d'égalité devant la loi, d'unicité et d'indivisibilité de la République. Différencier, c'est créer des inégalités encore plus grandes entre les collectivités, qui engendreront elles-mêmes des inégalités abyssales entre nos concitoyens. Les collectivités les plus riches lanceront les expérimentations qu'elles seront capables de gérer et pérenniser ; les plus pauvres et leurs administrés resteront pour leur part sur le bas-côté.
Or l'urgence n'est-elle pas au contraire de renforcer l'égalité de tous devant la loi, de renforcer l'unité et l'indivisibilité de la France ? Qu'ont fait les députés de la majorité lorsqu'à l'occasion de l'examen du projet de loi censé conforter les principes de la République, nous avons proposé que la loi de 1905 s'applique enfin à l'ensemble du territoire français, abrogeant ainsi le concordat d'Alsace-Moselle et les statuts spécifiques en vigueur dans les collectivités d'outre-mer ? Notre république est en effet une et indivisible depuis 229 ans, lorsque la Convention nationale l'a proclamé le 25 septembre 1792.
Les conclusions de la Convention sont aujourd'hui reprises dans l'article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » De plus, l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le groupe La France insoumise votera contre le projet de loi organique.