C'est une proposition qui n'est absolument pas une proposition d'opposition de parents entre eux, ou des uns contre les autres ! J'ai une histoire personnelle, mais je n'appartiens à aucun groupe de pression.
Que l'on reproche à ce texte de ne pas parler de violence, je peux le comprendre, et le sujet sera abordé par les amendements. En revanche, les réactions que cette proposition de loi a suscitées ont été d'une violence rare, notamment sur les réseaux sociaux, des deux côtés d'ailleurs. Je le regrette.
La proposition de loi est peut-être mal rédigée, je l'ai dit. Les allers et retours avec des juristes l'ont probablement d'ailleurs vidée d'une partie de sa substance. Elle ne vise pas à définir la garde alternée comme obligatoire, ou automatique, ou à imposer une répartition du temps égalitaire. De cela, il n'est pas question. Le texte dispose simplement que lorsque l'enfant atteint un certain âge, dans son intérêt et uniquement dans son intérêt, le juge, s'il est amené à trancher un conflit entre les parents, considère la résidence alternée comme la première option. Il regarde si c'est faisable, si cela permet à l'enfant de profiter de ses deux parents.
Cette proposition ne chamboule pas les règles de la jurisprudence ; elle ne modifie pas le rôle du juge aux affaires familiales. Les amendements du rapporteur et du groupe La République en Marche vont dans le sens de la proposition initiale en clarifiant ces points. Les cas de violence sont exclus. L'âge de l'enfant et la proximité des domiciles des deux parents sont des critères importants.
Je veux bien que l'on dise que le nombre de cas est faible. Mais ils sont faibles en pourcentage ! Cela représente beaucoup de gens. De plus, la situation actuelle amène à une forte judiciarisation. Il y a régulièrement des arrêts de cour d'appel, d'autres arrêts qui reviennent sur des arrêts antérieurs… Il faut donc trancher, expliquer clairement pourquoi et dans quelles conditions la garde alternée peut être utilisée.
J'appelle donc à l'apaisement. La loi envoie un signe : un enfant a besoin de ses deux parents, dans des proportions différentes et au cas par cas. Le juge aux affaires familiales a le pouvoir de trancher. Mais lorsqu'il a les deux parents en face de lui dans son cabinet, il peut poser la question, et la discussion peut être plus apaisée.
Enfin, s'agissant des arguments économiques, en cas de résidence alternée, il n'y a plus de pension alimentaire, mais une contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ; elle est ordonnée par le juge aux affaires familiales, selon un barème fixé et public qui tient compte des revenus des deux parents et qui intègre les conséquences fiscales et sociales de la résidence alternée. Celui qui a des moyens plus importants verse cette contribution à l'autre.
Le fait que des pensions alimentaires ou des contributions ne soient pas payées, c'est un autre problème. C'est un problème véritable, bien sûr, mais dire que la résidence alternée aura un effet économiquement délétère sur la situation de l'un ou l'autre des parents, c'est faux. Des mauvaises langues pourraient faire un calcul mathématique tout bête – prenez la différence entre les montants de la contribution en cas de résidence alternée et celui de la pension alimentaire en cas de résidence chez l'un des deux parents, multipliez par le nombre de mois jusqu'à la majorité de l'enfant, et vous aurez une valeur de l'enfant !
Il n'est pas question ici de valeur de l'enfant, mais de son intérêt. L'enfant doit pouvoir, pour se construire, bénéficier de la présence de ses deux parents, selon des modalités qui sont bonnes pour lui, qui ne sont pas forcément égalitaires et qui ne sont pas forcément imposées.
Enfin, les modalités de la garde des enfants – comme le prévoit la jurisprudence – peuvent évoluer, au rythme des besoins de l'enfant.
J'ai essayé jusqu'ici de ne pas utiliser de genre, car le combat n'est pas là, vraiment pas. Mais je vais devoir le faire. Beaucoup de garçons, à l'adolescence, éprouvent des difficultés dans leurs relations avec leur mère. Certaines mères demandent alors au père d'être plus présent. Les associations nous ont dit, au cours des auditions, que la co-parentalité, même inégale, permettait une construction plus équilibrée des enfants.
Encore une fois, les modalités de garde peuvent évoluer ; la garde peut devenir égalitaire si elle ne l'était pas, ou devenir inégalitaire, voire évoluer vers une garde exclusive. Cette proposition de loi vise simplement à insister sur la co-parentalité. Elle paraîtra peut-être cosmétique à certains, mais elle permettra d'expliquer aux enfants que les deux parents sont importants, que les deux parents ont un rôle.
Quant aux violences, tout le monde les condamne évidemment, et il ne peut pas y avoir de résidence alternée en cas de violences déjà prouvées. Le problème des violences, c'est que certains procureurs donnent ordre aux autorités de police de ne plus prendre les mains courantes. Or ces signaux faibles permettaient ensuite d'aller voir le juge aux affaires familiales.
On nous dit que la proposition de loi va créer de nouveaux points de conflits. Mais ils sont déjà là ! L'autorité parentale est partagée : pour toute décision, pour le droit à l'image de l'enfant par exemple, il faut l'accord des deux parents. Il y a donc déjà des points de rencontre : la proposition de loi n'y change rien. La proposition de loi prévoit même des lieux neutres ou des tiers de confiance.
C'est une proposition qui modernise notre droit.