Intervention de Bernard Perrut

Séance en hémicycle du mardi 23 mars 2021 à 21h00
Seniors face à la crise sanitaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Perrut, LR :

Huguette, 72 ans, depuis quatre ans dans un EHPAD, est décédée en plein confinement, loin de sa famille et de sa soeur infirmière, qui n'a pu lui tenir la main dans ses derniers instants. Cécile, 82 ans, est morte des suites de la covid-19 ; sa fille unique ne pouvait plus lui rendre visite depuis plusieurs semaines et n'a pu assister à sa crémation. Michel, 76 ans, a contracté la covid-19 et a été placé en réanimation ; il s'est éteint cinq semaines plus tard, sans avoir revu sa famille après son entrée à l'hôpital, où les visites étaient interdites. Jean, 80 ans et encore en bonne santé, est décédé sans avoir pu retrouver sa famille durant plusieurs mois. Yves, 66 ans, encore en activité, est emporté par le coronavirus après vingt jours de lutte à l'hôpital, sans avoir revu sa femme ni ses enfants, auxquels il n'avait plus la force de téléphoner. Tous étaient des « seigneurs » de mon département – appelons-les ainsi. Ils sont aujourd'hui décédés de la covid-19.

Si la crise sanitaire fait encore rage et si nos existences demeurent rythmées par les annonces journalières du nombre de contaminations, d'hospitalisations et de décès, ce décompte ne doit pas nous faire oublier que derrière ces chiffres, il y avait des vies – et souvent, pour les « seigneurs », des vies qui se sont achevées dans une grande solitude. Cet isolement ne touche d'ailleurs pas que les « seigneurs ». La santé des jeunes nous préoccupe tout aussi gravement, mais cette situation est d'autant plus difficile au crépuscule de la vie. L'épidémie touche ainsi les plus vulnérables ; elle tue et blesse aussi durablement par l'isolement qu'elle engendre.

Nos jeunes « seigneurs », parfois encore en activité, ont subi la crise. Certains ont perdu leur emploi ; d'autres, à l'aube de la retraite, vivent difficilement cette période de transition avec la vie professionnelle – angoisse, baisse du moral, pessimisme. Les « seigneurs » plus âgés vivant chez eux ont subi de plein fouet le confinement, n'ayant pour seule intégration sociale que l'éventuelle présence d'un infirmier ou d'une aide à domicile – pas d'autres visites. Pour ceux résidant en établissement, les visites étaient interdites, et nous mesurons l'importance de tous les personnels qui les accompagnent. Je veux les remercier et les saluer.

Les « seigneurs » ont ainsi été éloignés de leurs familles, de leurs enfants, de leurs petits-enfants, de leur vie, quand celle-ci ne leur a pas été tout simplement ôtée. Pour les familles aussi, cet éloignement est insupportable. Comment accepter qu'un proche demeure sans affection et en souffrance ? Comment accepter qu'il meure seul, sans avoir les siens à ses côtés ? À ceux-là, madame la ministre, ce n'est pas seulement la vie qui a été prise, c'est le droit de mourir dans la dignité. Aussi, je partage avec mon collègue Julien Aubert et d'autres députés du groupe Les Républicains l'objectif de sanctuariser le droit de visite des familles dans les établissements médicaux publics et privés et dans les EHPAD – un droit à la fois pour le patient et pour sa famille. Pourrions-nous, madame la ministre, intégrer cette garantie à un protocole de confinement en cas d'épidémie ?

C'est sans compter combien ce sentiment d'isolement, qui découle directement de l'impossibilité de recevoir des proches, affecte aussi durablement le moral des « seigneurs », pourtant essentiel à leur guérison. Nous ne pouvons pas soigner le corps sans soigner l'esprit. Cette détresse psychique doit absolument être mieux prise en compte. Comment comptez-vous faire, madame la ministre, pour soigner nos aînés dans de meilleures conditions ? Comment prendre en charge les éventuelles séquelles des rescapés de la covid-19, qui peuvent souffrir de certaines manifestations persistantes de la maladie ? Nous pouvons ici évoquer le covid long et sa prise en charge à tous les âges.

L'isolement est également un obstacle à la vaccination, quand la majorité des rendez-vous se prennent sur internet, outil difficilement maîtrisé par les personnes âgées, ou après des dizaines d'appels restés sans réponse – l'attente d'un rendez-vous peut durer des jours. Que faire, madame la ministre, pour assurer l'administration des doses de vaccin à tous les « seigneurs », quelle que soit leur situation ? Depuis la reprise de la vaccination avec le vaccin AstraZeneca, la France administre le vaccin aux plus de 55 ans, alors qu'elle ne l'administrait pas auparavant après 65 ans et que l'Espagne ne l'administre qu'aux moins de 55 ans. Ce flou sur le public éligible à ce vaccin est anxiogène pour les « seigneurs », directement concernés. Pouvez-vous faire le point sur ce sujet et restaurer la confiance ?

Pour finir sur une note plus positive, je veux vous remercier de ne pas avoir cédé aux sirènes médiatiques, qui évoquaient la possibilité de reconfiner les « seigneurs ». En ces temps difficiles, il est plus que jamais essentiel de faire preuve de solidarité et d'empathie, notamment à l'égard de ceux d'entre nous qui sont les plus vulnérables. Je parle bien sûr des aînés, de celles et ceux qui ont travaillé une vie entière pour notre pays : nos pères, nos mères, nos grands-parents, qui méritent non seulement notre considération et notre respect, mais surtout notre aide. Je souhaite que l'isolement qu'ils ont vécu en 2020 ne se reproduise jamais plus.

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