Les mineurs non accompagnés ne sont pas systématiquement des jeunes arrivant de pays en guerre et relevant du droit d'asile ; il y a aussi une importante immigration économique en provenance du Maghreb et d'Afrique de l'Ouest, appuyée par des trafiquants d'être humains.
Le droit des MNA se révèle aussi complexe que débattu. La détermination de leur identité, et donc de leur âge, est une question compliquée à laquelle notre système juridique n'offre que trop peu de réponses efficaces. Les départements, qui gèrent et supportent seuls le coût de la prise en charge de ces mineurs – ou supposés tels – sans protection familiale, ne cessent d'appeler l'attention sur les drames et sur les difficultés administratives et financières que suscitent cette administration.
Les MNA représentent entre 15 % et 20 % des mineurs pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance. Le coût est considérable et inéquitablement réparti. Les départements qui prennent en charge des mineurs étrangers jusqu'à leur majorité et, souvent, au-delà sont démunis face à des arrivées massives et plus importantes que prévu. Le phénomène de saturation des structures d'accueil s'accentue.
La vérification de la minorité est sujette à controverse. Les exemples de fraude à la détermination de la minorité deviennent légion, et l'on ne compte plus les cas où des hommes, paraissant avoir bien plus de 18 ans, sont considérés comme des MNA. Ceux-ci savent qu'ils ont parfaitement le droit de refuser un examen médical et peuvent ainsi dissimuler leur majorité, la sanction encourue n'étant pas dissuasive et l'examen étant trop rarement ordonné par les juridictions.
Les auteurs de la proposition de loi ont une intention louable : responsabiliser ceux qui fraudent le dispositif d'accompagnement des mineurs non accompagnés, en posant une présomption de majorité dès lors que l'intéressé refuse de se soumettre au test de détermination de l'âge. Ils entendent mettre un terme au phénomène massif de fraude pour permettre une meilleure allocation des ressources publiques, objectif unanimement partagé.
Il n'en demeure pas moins que la solution proposée, à savoir l'inversion de la charge de la preuve de la minorité, soulève des problèmes. Dans le cadre de la mission d'information que Jean-François Eliaou et moi avons menée, nous nous sommes posé cette question, tant il semblait s'agir là d'un moyen efficace pour mettre un terme à cette situation.
Or, à force d'échanges avec les professionnels, il nous est apparu que cette solution ne pouvait pas être la bonne. En premier lieu, parce qu'elle comporte le risque de mettre à la rue des mineurs dans l'incapacité de démontrer leur minorité, ce qui serait contraire tant aux conventions internationales qu'à la Constitution. En second lieu, parce que cette mise à la rue, faute de prise en charge, ne pourrait que provoquer un surcroît de délinquance. Enfin, parce qu'elle conduirait à un renforcement des réseaux, qui, en plus de jouer le rôle de passeurs, ne manqueraient pas de devenir fournisseurs de papiers et d'identités.
Pour endiguer le phénomène, nous devons l'aborder à la source. La coopération avec les pays d'origine est une priorité : la France doit user de tous les moyens pour les contraindre à se mettre autour de la table et à en discuter. Nous devons également faire la chasse aux réseaux, véritable fléau qui alimente le phénomène et contre lequel nous ne luttons pas, ou trop peu, faute de moyens. Il faut aussi nous doter d'un système juridique permettant l'identification à tout prix. Pour parvenir à donner un âge et une identité à ces jeunes, la prise d'empreintes reste un élément essentiel, pour peu qu'elle soit couplée avec la coopération internationale.
Ces mesures ne relèvent pas toutes de la loi, mais dépendent d'une véritable volonté de l'exécutif de mettre un terme à ce phénomène, source de craintes, de critiques, mais également de troubles dans les villes et départements les plus touchés. Plus de diplomatie, des moyens pour la police, des fichiers généralisés et encadrés, ce seraient là de grands pas, qui ne sont pas du domaine de la loi. En revanche, c'est bien une importante réforme législative qui pourrait rendre l'identification par prise d'empreintes obligatoire bien plus stricte et dissuasive qu'elle ne l'est actuellement.
S'il a le mérite de susciter un nécessaire débat, ce texte ne propose pas la réponse la plus adaptée.