La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à l'accompagnement des enfants porteurs de pathologie chronique ou de cancer (nos 3863 rectifié, 3988).
Ce matin, l'Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi, s'arrêtant à l'article 2.
L'article 2 est important pour la scolarité des élèves atteints de cancer ou de maladies chroniques car il prévoit l'organisation d'une réunion avec l'ensemble des acteurs concernés – les responsables légaux, le directeur de l'établissement scolaire, si nécessaire un représentant de la collectivité territoriale et d'autres professionnels encore – pour aborder les conséquences de la maladie et les modalités de mise en oeuvre du projet d'accueil individualisé, le PAI.
Cette réunion doit être organisée si possible dans un délai de vingt-et-un jours à compter de l'annonce du diagnostic d'une pathologie chronique ou d'un cancer ou lors de l'arrivée de l'enfant dans l'établissement. Dans un esprit consensuel, pour ne mettre personne en difficulté, nous proposons que cette réunion soit organisée si possible dans ce délai. Sur ce point, l'article 2 rejoint l'objectif de la circulaire interministérielle du 10 février 2021 qui actualise les modalités d'élaboration et d'application du PAI pour raison de santé.
Rappelons que le PAI prévoit déjà une réunion entre les différents acteurs, mais que celle-ci ne se tient pas de manière systématique et bien rarement au cours des premières semaines suivant l'arrivée de l'enfant dans un établissement, comme le demande la proposition de loi. L'article 2 permet donc une avancée importante pour tous les enfants malades et leurs familles.
Cette réunion unique après l'annonce du diagnostic de la maladie permettra de mettre en évidence les points qui requièrent la plus grande attention du point de vue des conséquences de la maladie sur la journée scolaire de l'enfant. Je souscris donc à ce dispositif, qui représentera un cadre rassurant pour la communauté éducative. Alors que le Gouvernement travaille à la mise en place d'une école inclusive, l'article 2 de la proposition de loi est bienvenu pour renforcer la confiance des familles.
Pour les enfants qui souffrent de maladies chroniques ou de cancer, deux possibilités existent afin de poursuivre leur scolarité.
La première consiste à réintégrer l'école après un séjour à l'hôpital grâce au soutien des AESH, les accompagnants – bien souvent des accompagnantes – d'élèves en situation de handicap. Ce dispositif se heurte malheureusement à deux obstacles, dénoncés par la fédération Grandir sans cancer.
Le premier concerne la lourdeur du dossier à fournir à la MDPH, la maison départementale des personnes handicapées. Ce dossier est volumineux et très long à remplir pour les parents à un moment où ils ont bien d'autres préoccupations. Il paraît indispensable de remédier à cette difficulté.
La situation des AESH elle-même constitue le second obstacle. Ces professionnelles sont sous-payées et tentées d'abandonner leur métier. Elles sont découragées par la création des pôles inclusifs d'accompagnement localisés, les PIAL, qui les obligent à se consacrer à plusieurs élèves et à courir d'un établissement à l'autre. Je saisis d'ailleurs cette occasion pour appeler le Gouvernement à davantage de vigilance s'agissant de la mise en place des PIAL : dans la pratique, nous sommes loin de l'école inclusive ! Ce nouveau dispositif décourage les AESH davantage qu'il ne facilite l'exercice de leur mission.
La seconde possibilité pour les enfants qui souffrent de maladies chroniques ou de cancer de poursuivre leur enseignement scolaire est l'enseignement à domicile, quand leurs soins exigent qu'ils restent chez eux. En commission, j'avais déposé un amendement visant à prévoir un accompagnement à domicile grâce à l'intervention d'un enseignant, mais on m'a expliqué que cela existait déjà puisque c'est précisément le rôle des services d'assistance pédagogique à domicile, les SAPAD, dont, je l'avoue, j'ignorais l'existence. J'ai retiré mon amendement, mais je réitère ma demande, car je ne suis pas le seul à ignorer l'existence de ces services : de nombreux enseignants, mais aussi des inspecteurs d'académie, ne les connaissent pas. En outre, l'accompagnement qu'ils proposent se fait sur la base du volontariat. Or on ne trouve pas toujours un enseignant volontaire pour se rendre au domicile d'un enfant malade. La fédération Grandir sans cancer a recueilli un grand nombre de témoignages qui vont dans le même sens : il faut souvent attendre de longs mois avant qu'un enseignant n'intervienne au domicile d'une famille.
On aura beau constituer un PAI pour permettre à un enfant de poursuivre sa scolarité, si les établissements manquent d'AESH et si les enseignants volontaires sont trop peu nombreux, le PAI restera lettre morte. Pour faire vivre l'article 2, il est indispensable de prévoir des moyens supplémentaires pour les AESH, mais aussi de renforcer les SAPAD.
La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, pour soutenir l'amendement no 41 rectifié .
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire, pour donner l'avis du Gouvernement.
Cet amendement est en effet rédactionnel, madame la rapporteure, mais il concerne un nouvel article du code de l'éducation, l'article L. 351-5. D'après l'exposé sommaire de l'amendement, nous comprenons qu'il s'agit de ne pas restreindre les situations de handicap qui sont ici prises en compte, mais vous ne mentionnez pas le nouvel article dans l'amendement lui-même, alors que vous y faites explicitement référence dans votre amendement no 40 . De ce fait, l'amendement no 41 rectifié ne peut pas être accepté en l'état. Avis défavorable.
Je précise que le service de la séance a distingué les deux amendements pour une question de cohérence.
L'amendement no 41 rectifié est adopté.
La parole est à Mme Sereine Mauborgne, pour soutenir l'amendement no 38 .
Cet amendement, déposé à l'initiative de Mme Mirallès et plusieurs de nos collègues, tend à mettre en conformité l'article du code de l'éducation visé par l'article 2 avec les modifications apportées par la proposition de loi. L'extension des dispositifs d'adaptation scolaire aux enfants atteints de cancer est pertinente et le texte doit refléter cette évolution.
Je comprends l'objectif de cet amendement, mais les mots « un traitement médical lourd » sont trop vagues. La modification que vous proposez concerne, en outre, un alinéa du code de l'éducation spécifiquement consacré au handicap, puisqu'il mentionne notamment le projet personnalisé de scolarisation, le PPS. Avis défavorable.
L'amendement no 38 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 30 et 42 rectifié .
La parole est à Mme Jacqueline Dubois, pour soutenir l'amendement no 30 .
Cet amendement rédactionnel vise à déplacer en fin de paragraphe une phrase qui concerne la documentation.
L'amendement no 42 rectifié de Mme la rapporteure est défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Avis favorable également. Je propose toutefois une légère modification de nature rédactionnelle afin d'éviter une répétition. Il s'agirait de remplacer le terme « permettant » par les mots « concourant à » dans la phrase suivante : « Une documentation concourant à un suivi adapté est accessible aux équipes pédagogiques. »
Madame Dubois, acceptez-vous cette modification de l'amendement no 30 ?
Les amendements identiques nos 30 et 42 rectifié , tels qu'ils viennent d'être rectifiés, sont adoptés ; en conséquence, l'amendement no 26 devient sans objet.
Cet amendement de cohérence, qui s'inscrit dans le prolongement de la modification adoptée par l'amendement no 41 rectifié , vise à codifier la réunion portant sur les modalités de mise en oeuvre du PAI et la documentation permettant un suivi adapté par la rédaction d'un nouvel article inscrit dans le titre précédemment modifié.
L'amendement no 40 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 44 , qui fait l'objet d'un sous-amendement.
La parole est à Mme Jacqueline Dubois, pour soutenir le sous-amendement no 47 .
Il est également rédactionnel et précise que l'élève est présent à la réunion lorsqu'il est majeur.
Là encore, avis favorable sous réserve d'une légère modification rédactionnelle. Ce sous-amendement de précision vise à insérer l'élève, s'il est majeur, dans la liste des participants à la réunion. Quel que soit son âge, l'élève doit être partie prenante des décisions qui le concernent : nous ne pouvons qu'être d'accord avec cela. Il doit donc être convié systématiquement aux réunions. Libre à lui d'accepter ou de refuser d'y assister.
La circulaire précise bien que le PAI « est élaboré avec le jeune et ses responsables légaux, à leur demande ou en accord avec eux et avec leur participation » et qu'il « associe l'enfant ou l'adolescent, ses responsables légaux, l'équipe éducative ou de la structure d'accueil, … ».
La formulation que je vous propose va au-delà de votre proposition, madame Dubois, puisqu'il s'agit d'insérer les mots suivants à l'alinéa 4, après le mot « légaux » : « de l'élève, s'il le souhaite, sauf s'il est majeur, auquel cas sa présence est obligatoire. »
Nous nous sommes interrogés sur la nécessité de rendre cette présence obligatoire. Je considère qu'il s'agit d'une très bonne idée.
Le sous-amendement no 47 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.
Il concerne le délai de trois semaines initialement prévu avant l'installation des protocoles. Lorsque la pathologie est déjà installée ou connue, la préparation de l'arrivée de l'enfant pourrait commencer dès la fin de l'année scolaire ou à la rentrée des classes. En tout état de cause, un délai de trois semaines est beaucoup trop long.
La parole est à Mme Jacqueline Dubois, pour soutenir le sous-amendement no 46 .
La proposition de Mme Robert est très intéressante, mais je propose de modifier légèrement la rédaction de l'amendement afin de recommander également que la réunion se tienne, lorsque c'est possible, en amont de l'arrivée de l'enfant dans l'établissement – lors d'un changement d'établissement et quand la maladie est déjà connue – , et plus seulement dans les vingt-et-un jours, si possible, après l'annonce du diagnostic. D'où la rédaction suivante : « si possible, dans un délai de vingt-et-un jours à compter de l'annonce du diagnostic d'une pathologie chronique ou d'un cancer, ou en amont de l'arrivée de l'enfant dans l'établissement. »
Il concerne également le délai de vingt-et-un jours. Nous en avons parlé en commission et nous nous étions dans un premier temps ralliés à la rédaction proposée par la rapporteure, mais elle avait elle-même concédé que les circonstances ne rendaient pas toujours possible le respect d'un tel délai et qu'il faudrait sans doute réécrire l'alinéa. L'amendement no 27 sous-amendé permet de gagner en précision, mais le mien a le mérite de la sobriété : il propose que la réunion se tienne « dans les meilleurs délais », soit le plus vite possible. S'agissant par exemple d'un PAI, plus on fait vite, mieux c'est pour la famille et pour l'enfant.
Je suis favorable à l'amendement no 27 de Mme Robert puisqu'il va dans le sens de notre proposition de loi en créant les conditions d'un accueil de l'enfant qui soit le meilleur et le plus précoce possible. Je suis également favorable au sous-amendement no 46 de Mme Dubois.
En revanche, je donne un avis défavorable à l'amendement de M. Reiss. Écrire que la réunion doit se tenir « dans un délai de vingt-et-un jours », comme nous l'avons fait, permet de fixer une durée plus précise que les « meilleurs délais » dont on ne sait pas exactement à quoi ils correspondent. Pourquoi vingt-et-un jours ? Nous l'avons expliqué : il faut un délai qui puisse être tenu par les établissements. Dès lors qu'un diagnostic est posé au cours de l'année scolaire, la réunion peut être organisée très rapidement, mais c'est aussi possible dans le cas où plusieurs élèves – par exemple une dizaine – arrivent dans un collège à la rentrée scolaire après avoir fait l'objet d'un PAI. Le délai de vingt-et-un jours me paraît raisonnable, d'autant qu'il n'est pas contraignant – nous avons ajouté les mots « si possible ». La formulation proposée par M. Reiss ne me satisfait pas car elle laisse trop de marge de man? uvre. Avis défavorable.
S'agissant de l'amendement no 27 de Mme Robert, le fait qu'il systématise la tenue d'une telle réunion pour tous les enfants atteints d'une pathologie chronique, quelle qu'elle soit, me gêne. Je suis favorable à davantage de souplesse et je préférerais que nous nous contentions de recommander la tenue de la réunion. Avis défavorable, donc, ainsi qu'au sous-amendement no 46 qui, de même, impose la tenue d'une réunion en amont de l'arrivée de l'enfant dans l'établissement.
Je suis en revanche favorable à l'amendement no 11 de M. Reiss : en proposant d'organiser la réunion « dans les meilleurs délais », par exemple en fonction de la gravité de la pathologie, il laisse de la souplesse aux médecins et leur permet d'apporter une réponse graduée et adaptée.
Permettez-moi, madame la secrétaire d'État, d'exprimer un avis différent. Je trouve la rédaction proposée par M. Reiss magnifique ; elle est fluide, très jolie, et je l'ai d'ailleurs moi-même utilisée ce matin au cours de la discussion générale. Je lui rends donc hommage.
Cependant, nous devons fixer un cap. Pour avoir été enseignante – je suis du cru – , je sais combien il peut être difficile d'organiser de telles réunions ; il est donc essentiel de disposer d'un cap afin de savoir à peu près où l'on va. En proposant que la réunion soit organisée « en amont » mais seulement « si possible », notre sous-amendement n'implique rien d'obligatoire. À titre personnel, je voterai l'amendement de Mme Robert sous-amendé.
Je vous remercie pour vos avis. Mon amendement a le mérite de la sobriété ; en outre, il fait appel à la conscience professionnelle des chefs d'établissements et des directeurs d'école qui, confrontés à une situation nouvelle, doivent lui apporter une réponse « dans les meilleurs délais ». Une telle souplesse permettrait de réagir le plus rapidement possible. Nous avons tendance à produire des lois trop bavardes et j'avoue que par sa rédaction un peu trop détaillée – « si possible, dans un délai de vingt-et-un jours » – , l'autre amendement me paraît plus compliqué à appliquer.
Je voudrais simplement revenir sur un point important. L'enseignant participe à l'élaboration du PAI en concertation avec l'ensemble de l'équipe pédagogique, mais pensons à celui qui reçoit dans sa classe un enfant atteint par exemple d'un diabète de type 1 ou d'épilepsie : s'il faut qu'il attende trois semaines voire davantage alors qu'il sait depuis le mois de juin qu'il accueillera un enfant souffrant de ces pathologies, je trouve que c'est une perte de temps qui met en danger la vie de l'enfant. Je veux bien de la souplesse mais je veux surtout de la sécurité, à la fois pour l'enseignant et pour la famille de l'enfant concerné. Quand c'est possible et quand la pathologie est connue, il faut agir le plus tôt possible.
Pour mettre tout le monde d'accord et revenir sur les propos tenus par François Ruffin tout à l'heure, je voudrais rappeler que la maladie n'est pas toujours diagnostiquée en juin ou en septembre, au moment de la rentrée scolaire. Il y a donc une nuance importante entre l'élaboration en amont d'un plan qui permettra de sécuriser l'ensemble des personnes concernées, et son application au moment du retour de l'enfant à l'école, après sa première hospitalisation.
Je le dis d'expérience, pour avoir vécu de nombreuses annonces de diagnostic à des enfants malades : la première hospitalisation est souvent assez longue, même en cas d'épilepsie ou de diabète de type 1. Le fait de prendre une décision dans un délai de quinze jours à trois semaines à compter de l'annonce du diagnostic permet aussi de préparer l'enfant et les moyens qui accompagneront son retour à l'école, car ils ne seront parfois déclenchés que plusieurs semaines plus tard. Dès lors, il ne me paraît pas absurde que le ministère exige de respecter cette contrainte des trois semaines, dans la mesure du possible.
Le sous-amendement no 46 est adopté.
Sur le même sujet, il propose de préciser qu'« un professionnel de santé ou de la médecine scolaire participe à la réunion ». Nous en avions parlé en commission et la rapporteure nous avait expliqué pourquoi elle ne souhaitait pas rendre cette présence obligatoire, afin d'éviter d'introduire un frein à la tenue de la réunion. Cependant, il nous semble qu'en vertu de son expertise, la présence d'un professionnel de santé est indispensable à la bonne intégration de l'enfant au sein de l'établissement scolaire ; se contenter de la recommander n'est pas suffisant.
Nous en revenons à la discussion que nous avons eue tout à l'heure sur la présence insuffisante de la médecine scolaire dans les établissements – encore une fois, il y a un médecin scolaire pour 12 572 élèves et un infirmier pour 1 300 élèves. Par cet amendement, nous voulons insister sur son rôle primordial, même si nous n'avons pas ici le pouvoir d'en augmenter les effectifs. Il est nécessaire qu'un membre du personnel médical soit présent à la réunion.
Comme je l'ai dit en commission, je comprends parfaitement vos arguments. Bien entendu, la présence d'un professionnel de santé ou d'un médecin scolaire est fortement souhaitable, mais, comme vous le disiez, je ne voudrais pas que son absence crée un blocage. Je rappelle qu'au moment où la réunion a lieu, le PAI a été rédigé par un médecin et validé par un médecin de l'éducation nationale en tenant compte des certificats délivrés par les spécialistes qui suivent l'enfant. Il existe donc un document sur lequel les participants à la réunion pourront s'appuyer.
Je voudrais aussi insister sur le fait que la réunion a vraiment une visée pédagogique. Il ne s'agit pas d'y évoquer la maladie elle-même mais d'envisager les répercussions qu'elle pourrait avoir sur la scolarité de l'enfant, afin de l'aider au mieux. Avis défavorable, donc, même s'il est évidemment préférable qu'un professionnel de santé soit présent, comme le précise déjà le texte.
J'irai dans le même sens que la rapporteure en insistant de nouveau sur le rôle primordial des médecins scolaires – nous sommes évidemment tous d'accord là-dessus – et sur le caractère indispensable de leur action auprès des élèves, notamment ceux qui sont atteints d'une maladie chronique.
Toutefois, la situation de ces élèves ne justifie pas toujours la présence d'un professionnel de santé à leur arrivée dans un établissement. Là encore, je ne souhaite pas que l'on fige les choses car cela pourrait finalement s'avérer contre-productif et se retourner contre nos objectifs. Avis défavorable.
L'amendement no 4 n'est pas adopté.
Celui-ci se place du point de vue du personnel scolaire, en particulier des enseignants : nous souhaitons que la réunion soit comptabilisée dans leur emploi du temps. Nous le savons, leurs tâches s'accumulent et sont de plus en plus nombreuses et variées ; à force de charger la barque, pour utiliser une expression un peu familière, on finit par aboutir à une situation où les personnels n'ont plus la motivation pour faire les choses aussi bien qu'ils le pourraient et qu'ils le devraient.
Vous pourriez m'objecter qu'il ne s'agit que d'une réunion dans l'année et qu'elle ne mérite pas de figurer dans l'emploi du temps, mais les répercussions de la maladie sur la pratique pédagogique des enseignants et sur la façon dont ils vont devoir travailler ne peuvent se mesurer qu'au fur et à mesure. Une seule réunion ne suffit pas à observer comment le PAI est appliqué. Il me semble donc que des rendez-vous réguliers sont nécessaires ; pour qu'ils puissent avoir lieu et se dérouler dans de bonnes conditions, il faut absolument qu'ils soient prévus comme des temps de concertation, sur le modèle de ce qui existait auparavant pour certaines classes en difficulté.
Pour avoir travaillé de longues années dans l'éducation nationale, je sais que les réunions y sont relativement fréquentes.
Sourires.
Cependant, il me semble que ce que vous proposez ne relève pas de la loi. Par ailleurs, comme je l'ai dit en commission, je sais qu'en maternelle ou en élémentaire – je connais mieux l'école primaire – , de telles réunions entrent dans le cadre des 108 heures annuelles prévues en dehors de la présence d'élèves : nous les intégrions dans nos tableaux de service. Il faudrait peut-être affiner le dispositif et voir comment les choses se passent dans le secondaire, mais je pense que l'organisation interne des établissements peut déjà permettre de satisfaire votre demande. Avis défavorable.
J'irai là encore dans le même sens que la rapporteure. L'accompagnement des élèves fait évidemment partie intégrante du travail des personnels enseignants, de direction et de santé. Nous pourrions nous pencher sur les 108 heures d'obligations de service et voir éventuellement s'il est possible améliorer le dispositif, mais quoi qu'il en soit, nous ne pouvons le faire dans le cadre de la loi. Avis défavorable.
Je comprends l'écueil qui s'oppose à ma demande, qui ne relève pas du domaine de la loi. Mais comme chacun parle de ce qu'il connaît le mieux, je faisais plutôt référence au secondaire : on sait bien qu'à ce niveau, une heure de réunion par mois ne correspondra finalement qu'à un quart d'heure en heures supplémentaires année. Des aménagements doivent donc être réalisés ; si ce n'est pas possible d'un point de vue législatif, il faudra vraiment que nous nous penchions sur la question et que ces moments soient correctement reconnus dans le secondaire, afin que chaque enseignant puisse prendre tout au long de l'année le temps nécessaire au suivi des jeunes concernés.
L'amendement no 5 n'est pas adopté.
L'amendement no 43 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 2, amendé, est adopté.
Après le bouleversement de la vie quotidienne de l'enfant et le retour à la maison, vient le moment du retour à l'école. Lorsque l'élève le souhaite, cette étape nécessite d'informer le milieu scolaire – enseignants, camarades, personnel administratif. Ce travail est vraiment important quand il s'agit d'enfants atteints d'un cancer, par exemple, qui peuvent revenir à l'école après avoir perdu leurs cheveux.
Il est alors primordial de s'appuyer sur les compétences et le rôle de formateur des professionnels de santé de l'éducation nationale, qui pourront former et informer les professionnels de l'éducation, informer les familles de leurs droits et accompagner l'accueil des jeunes atteints d'une maladie chronique.
Le but de l'amendement est donc d'inscrire dans la loi l'information et la formation des élèves et étudiants, du personnel enseignant et des enseignants d'éducation physique et sportive à la question des pathologies chroniques et du cancer.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir le sous-amendement no 50 rectifié .
Je serais favorable à l'amendement à condition qu'il soit légèrement modifié. Je comprends parfaitement l'objectif de cet amendement, qui vise à renforcer l'information et la formation des élèves et étudiants et du personnel, mais sa rédaction, qui fait référence à deux articles du code de l'éducation, pose un problème. Le premier alinéa se réfère à l'article L. 312-4 et le deuxième alinéa à l'article L. 541-1. Or ce dernier article n'a rien à voir avec la formation des enseignants.
Par ce sous-amendement, je propose de supprimer le deuxième alinéa de votre amendement, c'est-à-dire la mention suivante : « La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 541-1 est complétée par les mots : et notamment en cas de maladie chronique ou de longue durée. »
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement et sur l'amendement no 35 ?
Le sous-amendement no 50 rectifié est adopté.
L'amendement no 35 , sous-amendé, est adopté.
Cet amendement vise à prévoir la formation des enseignants et des équipes pédagogiques aux pathologies chroniques chez l'enfant. Tout le monde s'accorde à penser que cet accompagnement nécessite une connaissance des pathologies et un savoir-faire pour s'adresser aux camarades de classe de l'enfant. Quelle forme cette formation pourrait-elle prendre ? Il faudrait que nous en rediscutions, et ses modalités devraient être définies par décret.
Quoi qu'il en soit, on peut imaginer qu'elle soit plutôt générale au cours de la formation initiale, puis qu'elle se déroule sous forme de modules particuliers en formation continue. Lors de cette deuxième phase, l'enseignant pourrait aborder les situations et pathologies auxquelles il est régulièrement confronté en classe.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir le sous-amendement no 48 .
Toute mesure permettant d'approfondir les connaissances des enseignants sur les maladies chroniques doit en effet être encouragée. Cependant, la mise en place d'une formation spécifique semble difficile – je ne reviens pas sur tous les arguments soulevés en commission à ce sujet. Par le biais de ce sous-amendement, nous préférons donc insérer une sensibilisation dans le cadre des dispositifs existants en matière de handicap.
Cette formation aux pathologies chroniques, proposée par Mme Victory, est déjà dispensée dans les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation – INSPE – et présente dans leur référentiel. Le code de l'éducation prévoit que les INSPE organisent des formations de sensibilisation « à la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers, dont les élèves en situation de handicap et les élèves à haut potentiel. (…) Ils préparent les enseignants aux enjeux de l'entrée dans les apprentissages et à la prise en compte de la difficulté scolaire dans le contenu des enseignements et la démarche d'apprentissage. » Cette présentation générale englobe le cas d'un élève ayant un PAI pour un simple régime particulier.
C'est pourquoi je suis défavorable à l'amendement et au sous-amendement, déjà satisfaits.
Pour ma part, je pense que l'amendement n'est pas tout à fait satisfait : dans le texte auquel vous faites référence, il est question de handicap. La sensibilisation effectuée dans les INSPE risque d'être assez générale. Il faudrait vraiment prévoir une formation spécifique répondant aux besoins des enseignants qui seront confrontés à ces situations particulières au cours de leur carrière.
Pour rassurer Mme Victory, je signale que lors des auditions, les organisations professionnelles des enseignants ont indiqué qu'elles étaient davantage intéressées par la prise en charge des conséquences de la maladie plutôt que par la maladie elle-même. Or la formation englobe déjà la prise en charge de besoins particuliers. Il a aussi été proposé d'ajouter une mention complémentaire relative aux maladies chroniques sur la plateforme numérique Cap école inclusive, où elle serait aisément consultable par les enseignants.
Il me paraît compliqué de mettre en place une formation, je le répète. La documentation préconisée à l'article 2 aidera l'enseignant au moment où il est confronté à la situation, alors que sa formation initiale est parfois déjà lointaine. Cela étant, le sous-amendement me semble intéressant dans la mesure où il introduit la notion de sensibilisation aux maladies chroniques. Si une formation serait lourde et compliquée, une sensibilisation me semble opportune.
Ce matin, madame la rapporteure, vous nous avez interpellés sur le handicap en général, disant que vous faisiez bien la différence entre les maladies chroniques, le cancer et le handicap. Pour que nous nous comprenions bien, je vais clarifier les choses. Dans les textes en vigueur, la situation de handicap concerne d'une part les enfants présentant un handicap et, d'autre part, les enfants atteints d'un trouble de la santé invalidant – physique ou psychique, celui-ci ne doit pas être réduit aux seules maladies chroniques et au cancer.
Cela étant, après avoir entendu votre argumentation, j'émets un avis de sagesse sur le sous-amendement et sur l'amendement.
Le sous-amendement no 48 est adopté.
L'amendement no 6 , sous-amendé, est adopté.
En commission, j'avais présenté un amendement visant à ce que les enseignants puissent se rendre au domicile d'un enfant malade ne pouvant pas aller à l'école. Comme vous m'aviez répondu qu'il était déjà satisfait, madame la rapporteure, je l'avais retiré.
Après vérification, cette demande ne me paraît satisfaite qu'en théorie. Dans les faits, le dispositif est souvent ignoré des enseignants eux-mêmes, des directeurs d'école, voire des inspecteurs d'académie. Selon la fédération Grandir sans cancer, cette pratique se passe très bien dans certains endroits alors qu'elle est inexistante ailleurs.
Voici le témoignage d'un père dont l'enfant s'appelle Timoty. « Mon petit bonhomme de 6 ans a été diagnostiqué d'un ostéosarcome », écrit-il, indiquant que l'enfant pouvait reprendre des cours à domicile après avoir passé plusieurs mois à l'hôpital. Et de poursuivre : « Or, malgré diverses sollicitations, notamment auprès de l'inspecteur de la circonscription de Guéret, aucune suite n'a été donnée à ma requête. Il a fallu l'intervention de l'association « Eva pour la vie » auprès de Jean-Michel Blanquer pour que la situation se débloque, et que mon enfant obtienne une enseignante. »
Dans certains endroits, le SAPAD intervient en une semaine – c'est-à-dire très rapidement – alors qu'il met plus d'un an à le faire ailleurs. Dans certaines circonscriptions, on demande aux parents de trouver eux-mêmes un enseignant. Surtout, tout repose sur le volontariat de l'enseignant. Il faut maintenir l'idée du volontariat, mais imposer que l'enseignement à domicile se fasse même en l'absence de volontaires.
Nous proposons une expérimentation dans trois régions pendant deux ans, en précisant qu'une solution doit être trouvée quand il n'y a pas d'enseignant volontaire.
En effet, monsieur le député, je vous ai répondu en commission que le dispositif existe, en précisant qu'il y a parfois des difficultés d'application. Vous mettez l'accent sur la diversité des situations selon les territoires, qui est réelle et se retrouve, d'une manière générale, dans l'accompagnement des enfants malades.
En revanche, je ne pense pas que les directeurs académiques des services de l'éducation nationale – DASEN – , les chefs d'établissements et les enseignants ignorent le dispositif ; du moins, j'espère qu'ils le connaissent. Je ne pense pas non plus que l'expérimentation ait ici sa place car je ne vois pas comment nous pourrions la conduire. En me tournant vers Mme la secrétaire d'État, je dirais cependant que le dispositif peut être amélioré et que nous pourrions y travailler, si elle en est d'accord.
Bien sûr !
Je ne saurais mieux dire que Mme la rapporteure : j'émets un avis défavorable pour les mêmes raisons. Je retiens aussi votre proposition de travailler sur le sujet, madame la rapporteure.
L'expérimentation ne me semble pas poser trop de problèmes. Il s'agit de tester, dans certaines régions, l'obligation d'apporter ce service à domicile en l'absence de volontaire. En fait, je ne vois pas comment vous pourrez vous dispenser d'obliger l'éducation nationale à fournir ce service à l'enfant maintenu à domicile, au moins quelques heures par semaine, quand il n'y a pas de volontaire. Vous pouvez me dire que ce n'est pas le lieu et le moment, que cela nécessite d'en passer par un texte spécifique. De toute façon, je ne peux faire mieux que cette demande d'expérimentation dans certaines régions. Nous pourrions au moins commencer par là.
J'avais également demandé la parole lors de l'examen de l'amendement précédent, mais vous ne m'avez pas vue, madame la présidente…
Sourires.
L'amendement de M. Ruffin met en lumière un vrai problème. J'ai été enseignante et je n'étais pas forcément au courant de ces dispositifs. J'entends bien la volonté de la rapporteure et de la secrétaire d'État d'approfondir la question. Il serait intéressant de créer une sorte de brigade, comme cela existe pour la restauration scolaire, ce qui serait une manière d'utiliser les ressources humaines dont nous disposons et qui ne sont pas toujours employées – je pense à tous les enseignants qui, du fait de pathologies, ne peuvent plus exercer devant une classe complète et qui pourraient peut-être devenir les acteurs de l'expérimentation que propose M. Ruffin. Il y a en effet à creuser en ce sens.
L'amendement no 18 n'est pas adopté.
Il s'agit ici aussi d'une demande d'expérimentation. Nous voudrions que soit mise en place une formation pour les accompagnants des élèves en situation de handicap avant la prise en charge d'un élève. Au-delà, j'appelle votre attention sur l'urgence de la situation des AESH. D'un côté, je le vois à Amiens, des gens se sont formés à l'autisme et autres handicaps sur le terrain ou se sont formés eux-mêmes grâce à internet, et, au bout de quelques années, ils abandonnent, par désespoir d'être payés 700 ou 800 euros par mois avec des temps partiels contraints. Sur le plan matériel, ce métier apporte peu de satisfaction alors qu'il en apporte par son utilité, au jour le jour, pour les enfants : on les voit évoluer, on les aide…
Or la mise en place des PIAL est partout dénoncée. J'étais encore le week-end dernier à Lyon où des AESH m'ont alerté : on leur demande de mutualiser leur activité, de faire du saute-mouton d'un élève à l'autre, d'une classe à l'autre, voire d'un établissement à l'autre. Et ce qui leur restait de leur goût du travail, à défaut d'être bien payés, à défaut d'avoir un temps complet, ce qui leur restait de souci du travail bien fait, on le gâche uniquement parce que, comme le nombre de demandes d'accompagnement en MDPH est en hausse et qu'on n'augmente pas d'autant les effectifs, on mutualise les tâches.
Cette pratique provoque chez les AESH le dégoût de leur travail qu'ils ont en effet le sentiment de mal faire. Je tiens donc vraiment à alerter le Gouvernement sur l'instauration de ces PIAL, bien souvent contre le gré des équipes éducatives, des AESH en particulier.
Vous avez raison, monsieur Ruffin, la formation des AESH reste un vrai problème même si elle beaucoup évolué. Vous savez combien l'accompagnement des élèves handicapés et la situation des AESH me sont chers. Toutefois, je pense que ces questions ne relèvent pas du texte que je propose ici et qui concerne plus particulièrement les élèves malades qui, la plupart du temps, sauf notification de la MDPH, ne sont pas accompagnés par une AESH. Je vous demande par conséquent de retirer votre amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Je vous renvoie à l'article 25 de la loi pour une école de la confiance, lequel prévoit l'obligation professionnelle des AESH. Je vous renvoie également à l'arrêté d'octobre 2019 qui fixe le cahier des charges de la formation continue spécifique des AESH – je pense en particulier à la formation de soixante heures dès la première année d'exercice. Votre amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer ; sinon, mon avis sera défavorable.
Non, madame la ministre, mon amendement n'est pas satisfait ni moi non plus.
Ça ne m'étonne pas !
Et, madame la rapporteure, alors que j'ai eu la chance de passer le filtre de la recevabilité, je ne vais pas retirer mon amendement même si vous considérez qu'il n'est pas pleinement en phase avec le texte. Que les choses soient claires : j'utilise le moment qui m'est donné pour une vigoureuse interpellation sur la situation des AESH. À la préfecture d'Amiens, j'ai fait rencontrer à Mme Cluzel des AESH qui étaient au bord des larmes : comment vit-on avec 700 ou 800 euros par mois ?
Mais si, c'est le sujet ! Nous prévoyons comment se passera la réunion sur les PAI ; très bien, mais dès lors que les professionnels sont absents parce qu'ils ne sont pas assez nombreux, qu'ils sont malheureux dans leur travail ou parce qu'on leur demande de faire du saute-mouton d'un élève à l'autre, on est pleinement dans le sujet ! La qualité du suivi ne doit pas être seulement théorique avec une réunion formalisée sur un bout de papier, mais elle doit être bien réelle, et cela grâce au travail de l'AESH, à son engagement auprès de l'enfant – et son épanouissement contribue à celui de l'enfant.
Nous vous entendons bien, monsieur Ruffin, et nous sommes d'accord avec vous. Il faut travailler encore et encore à la professionnalisation des AESH et améliorer leur revenu. Seulement, aujourd'hui, nous examinons le cas des enfants atteints d'une maladie chronique ou d'un cancer et pour lesquels on établit un PAI, lequel n'a rien à voir avec un PPS, c'est-à-dire un projet personnalisé et réservé aux enfants en situation de handicap ou affectés d'une maladie causant un grave trouble invalidant. Bien que vos remarques soient pertinentes, elles n'entrent pas dans le champ de notre discussion.
L'amendement no 23 n'est pas adopté.
Nous proposons d'instaurer un temps d'échange entre les AESH et les enseignants qui soit intégré dans l'emploi du temps. L'objectif est double : intégrer plus encore les AESH à l'équipe pédagogique – je ne nie pas les progrès réalisés en la matière pendant cette législature – et augmenter leur temps de travail afin de les sortir du temps de travail partiel contraint et par là augmenter leur salaire. L'une des pistes que je propose avec Bruno Bonnell, avec qui j'ai rédigé un rapport d'information sur les métiers du lien, c'est de prévoir davantage de temps d'échange intégré et d'intégrer au temps de travail le temps d'autoformation du soir.
Bien sûr que le temps d'échange est important. L'article 2 y est consacré : c'est donc que j'y suis très attachée. Mais encore une fois, vous avez évoqué les enfants handicapés alors que ce n'est pas l'objet de la présente discussion. Tout ce que vous dites, je le partage presque entièrement : oui, les AESH doivent être défendues ; oui, elles doivent bénéficier de contrats de travail de bien plus de vingt ou vingt-cinq heures afin de toucher un salaire correct dont elles sont loin. Néanmoins, je ne peux donner suite à votre proposition puisqu'elle ne correspond pas au texte.
Même avis : défavorable.
Il va donc falloir proposer un nouveau métier, madame la rapporteure, celui d'accompagnant d'enfants en situation de maladie chronique.
Mais si ! J'ai reçu des témoignages concernant des enfants atteints d'une maladie chronique et pourtant suivis par des AESH. Nous ne sommes donc pas hors sujet.
Pour faire simple : il y a des enfants atteints d'une maladie chronique – diabète ou, plus souvent, épilepsie… – qui est notifiée par la MDPH. Ils peuvent donc être accompagnés par une AESH. Seulement, j'ai vraiment voulu concentrer ma proposition de loi sur les enfants qui ne relèvent pas de la MDPH et qui, n'étant pas notifiés, ne bénéficient pas d'accompagnant. C'est pour ces enfants-ci que j'entends que nous agissions en leur permettant d'avoir le meilleur suivi possible de la part de leurs enseignants. Alors, vous avez raison : des enfants épileptiques ont bénéficié d'une AESH mais, dans ce cas, ils relèvent d'un handicap notifié par la MDPH.
L'amendement no 24 n'est pas adopté.
Il porte sur l'organisation d'un temps d'échange, lors du retour d'un enfant malade à l'école, avec un intervenant du monde associatif conjointement avec l'enseignant. J'en profite pour rendre un immense hommage aux associations de parents d'enfants malades, en particulier au consortium d'associations qui a publié le livre intitulé Regards, témoignage très touchant de leur épreuve quotidienne et de la difficulté d'accompagner un enfant atteint d'un cancer. Ayant personnellement vécu cette réalité, je crois profondément que les acteurs du monde associatif et du monde médical, forts de leur expérience, sont à même de soutenir l'enseignant.
L'implication d'une personne extérieure – c'est du vécu – permet d'apporter une forme de neutralité, encourage la parole de l'enfant et s'inscrit dans la continuité du travail de l'enseignant en faveur de son inclusion. C'est pourquoi, au nom du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, je vous demande de vous associer à ma démarche d'inclusion de l'enfant malade au sein de son milieu scolaire.
Vous avez raison, madame Josso : tenir compte des autres élèves de la classe est particulièrement important. J'ai néanmoins du mal à comprendre si vous évoquez l'intervention d'un représentant du monde associatif au sein de la classe, auprès des élèves, ou bien au sein de l'établissement et donc dans le cadre de la réunion préconisée à l'article 2. Cela dit, une telle intervention, en binôme avec l'enseignant, ne peut être qu'un plus. Dès lors que l'enseignant a bien compris lui-même la pathologie de l'enfant, il sera en mesure de trouver les bons mots pour échanger avec ses élèves. La présence d'une autre personne peut être rassurante. Aussi vais-je donner à votre amendement un avis favorable, à titre personnel, même si je ne suis pas sûre qu'il relève du domaine de la loi – la pratique que vous préconisez existe déjà et la question est de savoir s'il faut la généraliser par le biais d'un texte de loi.
À la lecture de votre amendement, j'avoue me poser la même question que la rapporteure : je comprends la démarche que vous préconisez mais je me demande si elle doit être inscrite dans la loi. C'est pourquoi je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Je découvre en séance cet amendement et je comprends l'hésitation qui vient d'être exprimée – et donc que le Gouvernement s'en remette à la sagesse de l'Assemblée. En outre, il est ici question des parents alors qu'on se réfère par ailleurs aux représentants légaux. Il faudra donc sans doute, par la suite, toiletter quelque peu l'amendement pour le rendre cohérent avec le texte.
L'amendement no 1 est adopté.
Puisque nous arrivons au terme de l'examen de cette proposition de loi, je tiens à remercier notre collègue Béatrice Descamps du travail remarquable qu'elle a fourni sur cette question essentielle. Pour avoir eu l'occasion, par le passé, de travailler dans le même bassin d'éducation prioritaire qu'elle – elle enseignait à l'école de Crespin tandis que j'étais enseignante au collège de Quiévrechain – , je connais son engagement intime et professionnel en faveur des jeunes. Je sais à quel point elle travaille avec c? ur et acharnement, et je suis certaine que chaque mot de cette proposition de loi a été pesé et réfléchi pour offrir la meilleure solution possible à ces jeunes.
Ce texte constitue la première étape du combat que nous partageons également avec le jeune Hakaroa, que je veux saluer ici.
Applaudissements sur divers bancs.
Je sais que la plupart d'entre vous l'ont rencontré. J'espère que nous continuerons à faire progresser l'inclusion des jeunes qui sont malheureusement atteints de maladie chronique ou de cancer et qui se heurtent à des obstacles pour accéder à certains emplois. J'espère également que les engagements pris par certains ministres pour lever, par des textes réglementaires, les freins à l'accès à certaines professions – que ce soit dans les domaines de la police ou de l'armée – seront tenus et que le travail de Mme Descamps permettra de mettre en avant la nécessité de regarder ces jeunes comme des jeunes, tout simplement.
Dans l'article 3 est abordé un temps important de la vie d'un élève, à savoir celui des examens et des concours, auxquels une attention particulière est portée. Ce souci figure déjà dans les projets d'accueil individualisé tels qu'ils sont rédigés actuellement, puisqu'ils peuvent comporter un paragraphe consacré au passage des examens et prévoir un aménagement pédagogique. Nous souhaitons, sur la base de l'intention initiale de la rapporteure, appeler l'attention des centres d'examen sur la santé des élèves qui en ont le plus besoin.
Nous en venons au troisième article de la proposition de loi, dont je ne doute pas, à ce stade, qu'elle sera adoptée. Je veux d'ailleurs à nouveau remercier et féliciter la rapporteure pour son travail.
Les dispositions prévues à ces trois premiers articles permettront de renforcer la dimension humaine au prisme de laquelle la société considère les enfants atteints de pathologies ainsi que leurs parents, qui doivent surmonter un défi gigantesque lorsque la maladie survient. C'est grâce à ce type de « petites lois », souvent d'initiative parlementaire, que nous devenons plus humains face aux malades. Tout comme la proposition de loi visant à mettre fin à la discrimination subie par les personnes atteintes de maladies chroniques sur le marché du travail, comme celle relative à l'allongement du congé de deuil pour les parents d'un enfant décédé, ou encore comme celle de notre collègue Nadia Essayan visant à améliorer l'accessibilité des personnes handicapées aux grandes surfaces, le présent texte s'inscrit dans une dynamique grâce à laquelle la législation imposera progressivement une meilleure prise en considération des malades en tant qu'individus, avec leurs spécificités.
L'article 3 complète cette réflexion et promeut une démarche globale en traitant, après les parents et le corps enseignant, d'une étape essentielle : celle du parcours scolaire et du passage des examens. Nous avons tous été témoins de situations dans lesquelles un jeune a dû affronter ce moment très important après s'être trouvé dans un état de santé précaire ou difficile la veille ou le matin même. Combien d'enfants ont été dans l'impossibilité de se présenter à un examen, ou alors dans des conditions de fébrilité extrême ? L'article 3 a toute sa place et me paraît particulièrement opportun dans le cadre de la réflexion globale que nous devons mener.
Plus largement, au vu du consensus qui règne sur cette question, j'ai la conviction qu'en continuant à travailler ensemble, en dialoguant et en partageant des principes de solidarité comme nous le faisons aujourd'hui, nous pourrons aller plus loin encore dans les années à venir et, pourquoi pas, travailler à la création d'un statut de parent d'enfant malade – statut qui prévoirait l'indemnisation, même partielle, des pertes liées à la cessation ou à la réduction de l'activité professionnelle, suspendrait les créances de la famille et maintiendrait les droits à la retraite et au chômage des parents.
S'agissant de l'article 3 que nous nous apprêtons à examiner, il procède d'une meilleure prise en considération de l'intérêt de l'enfant. Le groupe Dem le votera bien évidemment.
Je saisis l'occasion de l'examen de l'article 3 pour rappeler qu'il y a exactement quinze mois, nous vivions un moment très important – et très intense, comme en avaient témoigné les larmes du jeune Hakaroa dans cet hémicycle – lors de l'adoption de la proposition de loi visant à lutter contre la discrimination dans l'accès aux métiers et aux études, que je défendais au nom du groupe Agir ensemble. À ce jour, le Sénat ne s'est toujours pas saisi de ce texte. D'après les dernières informations dont j'ai eu connaissance, cela ne devrait toutefois plus tarder : enfin, nous franchirions, tous ensemble, une nouvelle étape – car, comme l'a souligné notre collègue Fuchs, sur cette question c'est bien en procédant par petits pas que nous pourrons offrir des solutions aux enfants malades et à leurs familles. Nous pouvons nous enorgueillir de ce travail collectif – j'insiste sur ce terme, car toutes ces propositions de loi ont été adoptées de façon unanime, consensuelle et transpartisane. Il faut s'en féliciter, car nous le devons à nos concitoyens.
Nous en venons, comme l'a souligné M. Fuchs, à ces moments particulièrement importants que sont les examens – moments angoissants s'il en est, et plus encore pour des adolescents malades. Il me paraissait important d'y consacrer un moment dans notre réflexion. Certes, ma proposition initiale, consistant à imposer la présence d'un médecin ou d'un infirmier scolaires dans chaque centre d'examen, était utopique. Je l'entends bien. J'oserai même dire, peut-être, que je le savais mais que je souhaitais que nous abordions tout de même la question. Cette position de départ a d'ailleurs ouvert des échanges intéressants en commission.
L'article 3, tel que la commission l'a adopté, dispose qu'il peut être indiqué dans le PAI si la présence d'un professionnel de santé est souhaitable dans le centre d'examen au cours des épreuves. C'est déjà un grand pas. Je propose d'aller plus loin, conformément à nos échanges et à la proposition que j'avais déjà formulée en commission, en précisant que le PAI doit être transmis au centre d'examen si les épreuves n'ont pas lieu dans l'établissement où l'élève est inscrit.
Nous évoquions tout à l'heure la diversité qui existe entre certains territoires. Je peux affirmer qu'en la matière, elle est flagrante : dans le département du Nord, par exemple, cette pratique est déjà observée, alors qu'elle ne l'est pas du tout dans certains départements, et qu'elle a cours de façon non officielle dans d'autres. Il me semble donc important de mentionner la transmission du PAI dans le texte.
L'article tel qu'il serait ainsi rédigé traduirait fidèlement les échanges que nous avons eus en commission. Par cohérence, il conviendra également de modifier l'intitulé du chapitre du code de l'éducation concerné.
La parole est à Mme Jacqueline Dubois, pour soutenir l'amendement no 32 .
Nous proposons, dans le même esprit, de créer dans le code de l'éducation un nouvel article relatif au passage des examens, afin que « selon des conditions définies par voie réglementaire, pour tout examen ou concours de l'enseignement scolaire, le projet d'accueil individualisé soit transmis au centre d'examen, si celui-ci est différent de l'établissement d'affectation de l'élève ». Cet article serait complété par la disposition déjà adoptée en commission : « Il peut y être mentionné par le médecin si la présence d'un professionnel de santé dans le centre d'examen est souhaitable lors de ces épreuves. » L'objectif est d'apporter une solution sur mesure aux adolescents concernés.
Tout d'abord, permettez-moi de souligner qu'à la lecture de texte, on mesure tout le chemin parcouru depuis la loi du 11 février 2005, à travers laquelle nous commencions à nous préoccuper des élèves en situation de handicap ou atteints d'un trouble de santé invalidant : la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui entre presque dans les détails, puisque nous allons jusqu'à veiller à ce que les enfants malades puissent passer leurs examens dans de bonnes conditions.
Ces trois amendements présentent un point commun : alors que les débats en commission ont permis d'établir clairement que le premier jet de la rapporteure n'était pas satisfaisant, la rédaction adoptée en commission n'était visiblement pas la bonne non plus, puisqu'il s'agit aujourd'hui de réécrire l'article 3 en séance publique. Chacune des rédactions proposées a probablement ses avantages et ses inconvénients – Mme la secrétaire d'État nous livrera son sentiment en la matière. Dans celle que je vous soumets, je n'opère pas de distinction entre les cas dans lesquels l'établissement d'affectation de l'élève est différent du centre d'examen et les autres.
Il convient également de préciser, comme Mme la rapporteure l'a fait, que la pratique consistant à transmettre les PAI au centre d'examen a déjà cours dans certaines académies. Il est nécessaire, selon moi, d'ajouter, comme je le propose dans mon amendement, que cette transmission intervient « sauf opposition d'un responsable légal de l'élève ou de celui-ci s'il est majeur ». Il me semble important d'inscrire ce point, que nous avions déjà évoqué en commission, à cet endroit du texte.
Il est favorable à mon propre amendement et donc défavorable aux deux autres. Sur le fond, chacun aura compris que nous partageons le même objectif. Sans aucune prétention, je crois que l'amendement que j'ai présenté est juridiquement mieux rédigé, mais je peux faire erreur. Peut-être Mme la secrétaire d'État peut-elle nous éclairer sur ce point.
Je demande une suspension de séance, madame la présidente.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.
On me dit qu'un sous-amendement aurait été déposé mais j'ignore qui en est l'auteur. C'est un peu folklorique !
Sourires.
Ce matin, j'avais fait part à Mme la rapporteure de la possibilité de déposer un sous-amendement mais celle-ci m'a répondu que ce n'était pas nécessaire car l'amendement no 32 ne lui posait pas de problème. Il me semble que la rédaction de cet amendement est considérée comme étant la meilleure mais je laisse Mme la secrétaire d'État exprimer son avis.
Puisqu'il n'y a pas de sous-amendement, madame la secrétaire d'État, quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
La rédaction originelle de l'article me semblait problématique, notamment concernant la transmission du PAI, un document important qui contient des informations médicales confidentielles sur les élèves. Il fallait donc trouver les moyens de sécuriser cette navette.
Avec ces trois amendements, trois rédactions nous sont proposées, l'objectif étant le même : communiquer le PAI au centre d'examen. L'amendement de Mme la rapporteure prévoit qu'un décret précise les conditions d'application de cet article, donc les conditions de circulation de cette navette. Celui de Mme Dubois prévoit que ces précisions seront apportées par voie réglementaire, ce qui, me semble-t-il, donne plus de souplesse et permet de disposer d'un spectre plus large.
Je donne donc un avis favorable au no 32 et un avis défavorable aux nos 39 et 12.
J'entends, comme chacun ici sans doute, l'argument de la ministre selon lequel la voie réglementaire, qui supposerait de prendre éventuellement un arrêté plutôt qu'un décret, est plus souple.
Cependant, et puisque nous évoquons des questions d'ordre rédactionnel, je ferai remarquer que l'article, tel que le prévoit l'amendement no 32 , commencerait par les mots : « Selon des conditions définies par voie réglementaire ». Or cette mention figure généralement après la disposition prévue par l'article. Je ne sais s'il faut sous-amender dès maintenant cet amendement mais je signale qu'il faudra veiller, au cours de la navette, à rétablir l'ordre habituel.
Ils visent à compléter l'article 3 en reprenant des éléments figurant dans la première rédaction de cet article.
Le no 13 prévoit qu'un infirmier scolaire soit présent dans chaque centre d'examen et qu'en cas d'absence, il soit possible de faire appel à un médecin scolaire, joignable pendant la durée des épreuves. Le no 14 est un amendement de repli.
Défavorable aux deux amendements. Vous proposez de rendre obligatoire la présence d'un infirmier scolaire lors des examens, mais que se passerait-il si l'infirmier n'était pas disponible le jour de l'épreuve ? En rendant cette présence obligatoire, on ajouterait une difficulté supplémentaire.
Tout à l'heure à la tribune, j'ai décrit la situation financière et sociale difficile dans laquelle se retrouvent les parents d'enfants atteints de maladie chronique, avec des crédits, une perte d'emploi et des dépenses supplémentaires pour se loger à proximité de l'hôpital et pour se déplacer.
Je faisais remarquer, en citant plusieurs témoignages, que nous avions le pouvoir, non pas, certes, de soigner la maladie – ce pouvoir-là est entre les mains des scientifiques, des chercheurs et des médecins – mais au moins d'alléger, voire de supprimer, l'angoisse financière qui s'ajoute aux autres difficultés.
C'est, je pense, votre horizon comme le mien. Vous ne pourrez atteindre cet objectif immédiatement, j'en conviens. Allons-y à petits pas. Mais demandons au moins qu'un rapport soit rédigé afin d'étudier ce qu'apporterait le statut de parent protégé. Je rappelle que la demande de création de ce statut émane de la fédération Grandir sans cancer. Les parents auxquels ce statut serait accordé bénéficieraient d'un gel des crédits, d'un arrêt maladie ou encore d'un emploi garanti – d'autres pistes encore pouvant être explorées dans le rapport.
Tous les députés souhaitent que ce progrès humain soit la réalité de demain. Que cette demande de rapport soit aujourd'hui approuvée et validée est à mes yeux le minimum. Un tel rapport permettra peut-être, dans quelques mois, dans quelques années – le plus vite possible, j'espère – d'accoucher d'un dispositif qui sécurise les parents confrontés à ce chemin de croix.
Vous avez raison, monsieur Ruffin. Certaines familles rencontrent d'immenses difficultés. Nous avons tous entendu des témoignages poignants à ce sujet. Une nouvelle fois, je ne pense pas qu'un rapport soit la bonne solution mais le problème que vous soulevez étant bien réel – j'insiste – , j'émets un avis de sagesse à titre personnel.
Je suis moi aussi consciente du problème que vous évoquez. Il n'est pas anodin, loin de là. Il faut y réfléchir et travailler ensemble pour apporter à ces parents des solutions concrètes.
Lorsqu'un parent interrompt son activité professionnelle pour assumer la charge d'un enfant malade, handicapé ou accidenté, les conséquences sont lourdes pour la famille, y compris sur le plan financier, comme vous l'avez dit.
Néanmoins, je rappelle qu'il peut déjà aujourd'hui bénéficier d'un congé de présence parentale indemnisé de deux fois 310 jours, que votre assemblée a adopté d'autres dispositifs comme le congé de proche aidant et que, si le handicap ou la maladie nécessite des dépenses importantes, des compléments pour frais peuvent être attribués aux familles modestes. Bref, les dispositifs sont là. Je comprends vos motivations, monsieur le député, et le sujet que vous soulevez me semble évidemment très important, mais, au regard des dispositifs existants, je ne peux malheureusement donner un avis favorable à votre amendement.
Je vous remercie, monsieur Ruffin, pour vos propos, en particulier parce que vous avez cité dans l'exposé sommaire de votre amendement le cas d'Evan, que je connais trop bien : il a disparu il y a presque deux ans maintenant et sa maman Sonia, pour qui j'ai une pensée, habite dans ma circonscription.
Au-delà de cette demande de rapport, il est très intéressant de se poser la question de la souplesse et de l'adaptation des aides. À titre personnel, je voterai cet amendement parce que nous avons un gros travail à réaliser, madame la secrétaire d'État, …
Oui, oui, je l'entends !
… notamment en matière de forfaitisation. Il faut sortir des dogmes et des propositions simplistes. Il reste énormément de choses concrètes à inventer autour de ce qu'on appelle le « pendant ». Je rappellerai simplement qu'on est plus aidé après s'être cassé une cheville : on a alors droit à trente heures d'aide ménagère au titre d'un accident de la vie, ce qui n'est pas le cas quand on apprend une maladie grave pour soi-même ou pour son enfant. Voilà un exemple de mesure que nous pourrions cranter dans le temps, dans une perspective de long terme, plutôt que de perdre parfois notre temps à discuter de petites choses.
Madame la rapporteure, madame la secrétaire d'État, mon idéal n'est pas de produire du papier, un rapport de plus… Mais vous ne proposez rien à la place, vous n'évoquez pas de projet de loi en préparation.
Par ailleurs, un tel rapport pourrait nous aider à savoir combien de familles sont concernées, quelles seraient les meilleures pistes pour les sécuriser et leur coût éventuel. Vous dites, madame la secrétaire d'État, qu'il faut y réfléchir ensemble, mais il me semble qu'un rapport, avec toutes ses limites, peut être le premier petit pas en ce sens, étant entendu qu'« ensemble » ne signifie pas seulement avec nous, députés, mais aussi avec les associations, notamment avec la fédération Grandir sans cancer.
Vous avez fait la liste, madame la secrétaire d'État, des dispositifs existants, des congés et des aides possibles. Je ne nie pas leur existence, mais un rapport qui montrerait les trous dans la raquette, ce qui ne marche pas, les formalités superflues accomplies par des parents qui ont la tête à tout autre chose, bref un rapport qui dresserait un bilan de tous ces dispositifs et leurs limites, pourrait être un premier pas dans la direction que vous indiquez. Ce serait bien de votre part de vous en remettre à la sagesse de l'Assemblée sur cet amendement, qui ne propose rien d'extravagant.
Mme Sereine Mauborgne applaudit.
Encore une fois, monsieur Ruffin, j'entends parfaitement ce que vous dites, mais je doute de l'efficience d'un tel rapport. En outre, la commission des affaires culturelles et de l'éducation n'est pas la mieux placée pour se saisir des problèmes que vous évoquez. Il me semblerait plus pertinent que la commission des affaires sociales ouvre une réflexion à ce sujet, par exemple dans le cadre d'une mission d'information. Cela nous permettrait d'identifier précisément les problèmes et, probablement, d'apporter les bons éléments de réponse.
Monsieur Ruffin, je ne peux pas vous donner une deuxième fois la parole après les avis.
La parole est à Mme Michèle Victory.
Je vais dans le sens de notre collègue Ruffin. Nous demandons souvent des rapports, lesquels nécessitent, on le sait, beaucoup de travail et sont facteurs d'une certaine lourdeur. Toutefois, pour réfléchir sur un tel sujet, il faut bien partir d'éléments clairement identifiés. Je ne comprends pas l'argument selon lequel un rapport ne serait pas la bonne réponse. Ce serait un premier petit pas, qui s'inscrirait dans la suite logique de nos échanges. Je ne vois pas bien ce que cela coûterait, ni en quoi cela dérange.
Le sujet est important, tout le monde en est d'accord – Mme la secrétaire d'État le reconnaît elle-même. Dès lors, il doit être documenté. En règle générale, je ne supporte pas les demandes de rapport : si l'Assemblée nationale demande tout le temps des rapports, c'est parce qu'elle n'exerce pas la réalité du pouvoir, la Constitution de la Ve République la réduisant à l'impuissance. Regardons les choses en face : depuis bon nombre de législatures, tous les groupes politiques multiplient les demandes de rapport, faute de mieux. Toutefois, ce n'est pas le cas sur ce texte.
Puisque cette demande de rapport pose problème, il me semble, madame la vice-présidente de la commission, qu'il faudrait créer une mission flash, en accord avec le Gouvernement, pour faire le point sur la situation. Ce serait vraiment une solution de sortie raisonnable : ne pas ajouter dans la loi un rapport de plus, mais documenter le sujet pour que le Gouvernement et le Parlement puissent avancer.
La parole est à Mme Constance Le Grip, vice-présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Je n'avais pas prévu d'intervenir dans ce débat, restant très modestement à ma place de vice-présidente suppléant le président Studer, mais comme nous abordons les relations entre l'exécutif et le législatif à la faveur d'un amendement demandant un rapport du Gouvernement au Parlement, et comme il a été fait mention des travaux que pourrait mener telle ou telle commission de notre assemblée, j'apporte volontiers ma contribution au débat.
Je rappellerai tout d'abord que le sujet tout à fait réel et poignant qu'évoque notre collègue François Ruffin ne relève pas des compétences de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Bien sûr !
La commission des affaires sociales pourrait certainement s'en emparer. Il ne m'appartient évidemment pas d'aller plus loin à cet égard, mais je veux bien relayer auprès du président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation les propos échangés cet après-midi sur ce sujet qui avait affleuré à plusieurs reprises dès la discussion générale et lui suggérer de voir avec son homologue de la commission des affaires sociales s'il n'y a pas là matière à une mission d'information ou à une mission flash, en tout cas à une initiative qui honorerait notre assemblée. Nous avons besoin en effet de collecter un certain nombre d'informations pour pouvoir approfondir le sujet.
L'amendement no 19 est adopté.
Mme Sereine Mauborgne applaudit.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 49 , qui tend à supprimer l'article 4.
Il s'agit de lever le gage.
L'amendement no 49 , accepté par la commission, est adopté ; en conséquence, l'article 4 est supprimé.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 8 .
L'amendement no 8 est retiré.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe UDI et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je crois que nous pouvons nous réjouir d'avoir eu des débats instructifs, admirablement éclairés par la rapporteure, que je souhaite une fois de plus saluer pour son travail et pour son engagement. Je suis persuadé que de nombreuses familles qui ont connu tant de peine nous regardent aujourd'hui et se réjouissent de voir que la représentation nationale ne les oublie pas.
Ce texte est un premier pas nécessaire pour reconnaître les difficultés des enfants et de leurs parents. Je suis sûr qu'il conduira à des améliorations encore plus importantes dans l'accompagnement de nos concitoyens qui connaissent de telles épreuves de la vie. Il s'inscrit dans la droite lignée de nombreux travaux menés ces dernières années pour une école plus inclusive. L'école de la République doit donner la chance à tous les enfants de s'épanouir, et nous devons nous féliciter que les enfants atteints de maladie chronique ne soient pas oubliés dans ce combat quotidien pour une école pour tous.
Madame la rapporteure, chère Béatrice, vous savez que vous avez le plein soutien de l'ensemble du groupe UDI et indépendants, qui votera ce texte avec enthousiasme. J'invite l'ensemble de nos collègues à faire de même.
Le groupe Libertés et territoires salue cette proposition de loi, qui répond à un double enjeu : d'une part, elle reconnaît véritablement la difficulté à concilier la vie privée et la vie professionnelle lorsque survient l'annonce d'une maladie chronique ou d'un cancer chez son enfant ; d'autre part, elle vise à renforcer l'accompagnement des enfants atteints de maladie chronique durant leur scolarisation, étape absolument essentielle dans leur sociabilisation.
Cependant, nous sommes tout de même inquiets de l'insuffisance de la médecine scolaire, qui a été soulignée à plusieurs reprises. Nous espérons que le fait d'avoir mis le sujet des enfants atteint de maladie chronique sur la table permettra de renforcer les moyens de cette médecine.
Le groupe Libertés et territoires est très honoré de pouvoir voter une telle proposition de loi.
Je tiens à saluer le travail accomplir dans la durée par le groupe UDI-I sur cette question : cette proposition de loi de Mme Descamps fait suite à celle de Guy Bricout et une autre de Paul Christophe ; un chemin a ainsi été tracé. Il s'agit de mini-pas sur la voie d'un progrès humain.
Je considère que la société régresse dans de nombreux domaines, qu'elle va vers le pire, parfois dans le mur. Il suffit de regarder les situations de précarité au travail, auxquelles on s'habitue. En revanche, pour ce qui est du handicap, des maladies et du suivi des enfants concernés, on va vers le mieux… lentement. Les gens qui travaillent dans ces secteurs ont le sentiment que cela n'avance pas.
Je voterai ce texte sans hésitation, mais il y a un fossé entre les intentions affichées et les moyens alloués sur le terrain pour que les enseignants interviennent au domicile des enfants malades ou pour que les AESH assurent un véritable suivi des enfants à l'école. On peut être heureux de voter des textes, mais encore faut-il qu'ils prennent force de réalité, ce qui suppose que les moyens suivent et que l'on ne fonctionne pas à l'économie. En tous cas, je vous remercie, madame Descamps, pour votre travail et je salue une fois encore celui de l'ensemble du groupe UDI-I.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et GDR.
Vous le savez, chers collègues, nous comptons dans nos classes de plus en plus d'élèves atteints de maladie chronique. Dans la lignée des engagements continus en faveur d'une société et d'une école inclusives, la proposition de loi du groupe UDI-I, si nous l'adoptons, permettra aux parents de bénéficier désormais de deux jours de congé après l'annonce du diagnostic si cette pathologie nécessite l'apprentissage de gestes thérapeutiques – sur le modèle de ce qui exsite en cas d'annonce du handicap d'un enfant. Il permettra aussi l'organisation d'une réunion au sein de l'établissement scolaire pour offrir à l'élève malade les meilleures conditions de scolarisation sur tous les temps de présence. Enfin, au moment du passage des examens, une attention particulière sera accordée à l'état de santé de l'élève.
Je salue le soutien enthousiaste à la proposition de loi exprimé sur l'ensemble des bancs de l'Assemblée. Le groupe LaREM la votera avec grand plaisir.
Le groupe Les Républicains considère que la santé scolaire est essentielle, car elle participe à la santé globale et à la prévention, qui sont absolument fondamentales pour la vie des enfants mais aussi pour notre système de santé. Nous approuvons l'article 1er, qui prévoit la mise en place d'un congé de deux jours à la suite de l'annonce du diagnostic d'une maladie chronique ou d'un cancer pour un enfant. En effet, nous considérons que la pédagogie à faire auprès de l'enfant et, le cas échéant, l'adaptation de sa vie nécessitent un temps de prise de conscience et d'apprentissage pour les parents. En outre, le PAI et l'assurance du bon déroulement des examens constituent de réelles avancées.
Je regrette néanmoins que l'examen de la proposition de loi, par ailleurs plutôt consensuelle, ait parfois manqué de rigueur – je pense aux moments de flottement que nous avons connus à l'article 3. Malgré cela, le groupe Les Républicains votera résolument en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe UDI-I.
Le groupe Dem se réjouit des avancées permises par le texte, pour les enfants et pour les parents.
Je tiens à remercier sincèrement la rapporteure, Béatrice Descamps, de nous avoir permis d'aborder ces situations bien réelles et vraiment douloureuses – certains d'entre nous le savent – , mais que l'on a souvent tendance à oublier. C'était important de le faire. Même si notre groupe aurait souhaité aller plus loin – par exemple s'agissant du congé – et s'il reste un chemin important à parcourir, nous nous réjouissons des petits pas franchis.
La proposition de loi révèle un point noir, celui de la médecine scolaire. Nous en avions déjà discuté lors de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance. Nous devons être conscients du problème et progresser sur cet énorme dossier, car l'avenir des jeunes enfants est en péril.
Bien évidemment, le groupe Socialistes et apparentés votera ce texte, avec un grand plaisir.
C'est à la fois avec fierté et enthousiasme que le groupe Agir ensemble votera la proposition de loi de notre collègue Béatrice Descamps, que je remercie pour tout le travail qu'elle a accompli. Il ne faut pas le nier : le pas que nous franchissons aujourd'hui est une grande avancée, tant pour les enfants que pour les parents, qui vont se sentir accompagnés lorsque survient l'annonce d'un cancer ou d'une pathologie chronique.
Ce texte nous fait prendre conscience davantage encore qu'il est nécessaire et urgent d'agir dans le domaine dans la médecine scolaire. Comme nous le verrons dans les semaines et les années à venir, l'enjeu concerne non seulement les cancers et les pathologies chroniques, mais aussi, plus largement, la prise en charge des enfants.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 83
Nombre de suffrages exprimés 83
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 83
Contre 0
La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.
Applaudissements sur tous les bancs.
Je tiens à vous remercier, mes chers collègues, pour votre vote et, plus encore, pour l'intérêt que vous avez porté au texte. C'est un petit pas, mais nous avons posé une première pierre : les maladies chroniques sont désormais prises en compte dans le code de l'éducation. Je suis émue parce que je mesure toute l'importance de ce que nous venons d'accomplir.
Je remercie toutes les personnes avec qui j'ai travaillé, l'association Aide aux jeunes diabétiques, qui avait réalisé, en amont, un travail très important sur la question de la scolarisation des enfants diabétiques,
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LaREM
le docteur Simone Fortier de Valenciennes, de l'association Épilepsie France, ainsi que la fédération Grandir sans cancer.
Merci à vous, madame Dubois, pour votre collaboration. D'emblée, vous avez dit comprendre l'intérêt de mes propositions. Merci à vous également, madame la secrétaire d'État. J'adresse aussi mes remerciements à la commission des affaires culturelles et de l'éducation, notamment à son administrateur, qui a accompli un travail considérable à mes côtés, ainsi qu'à Clément, collaborateur du groupe, et à mes collaborateurs.
Merci à tous. Merci notamment à mon groupe parlementaire de m'avoir fait confiance et d'avoir inscrit cette proposition de loi à l'ordre du jour. À cet instant, je pense à beaucoup d'enfants et beaucoup de familles.
Applaudissements sur tous les bancs.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
La parole est à Mme Agnès Thill, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Le groupe UDI et indépendants a fait le choix d'inscrire à l'ordre du jour de la journée qui lui est réservée une proposition de loi visant à lutter contre la fraude à l'identité pour mieux protéger les mineurs non accompagnés, les MNA. Certains se sont émus que notre groupe se saisisse de ce sujet, …
… mais le problème est urgent. Des solutions doivent être apportées aux départements, aux magistrats, aux services de police, aux travailleurs sociaux et, surtout, aux enfants étrangers isolés que nous n'arrivons plus à prendre en charge et que nous laissons parfois dormir dans des chambres d'hôtel.
Je dois dire que je suis déçue. Alors que de nombreuses propositions sont sur la table, la majorité n'a pas daigné amender le texte et profiter du véhicule législatif qui lui était offert. Par orgueil – et aux dépens des personnes qui sont sur le terrain – , elle semble préférer attendre le dépôt hypothétique d'une proposition de loi issue de ses rangs. C'est dommage et ce n'est pas conforme à la promesse du quinquennat.
Ma proposition de loi ne stigmatise pas les MNA. Rappelons que seuls 10 % d'entre eux commettent des infractions. Les autres sont venus en France pour travailler et soutenir leur famille ; ils veulent s'insérer. En matière civile comme en matière pénale, ils doivent bénéficier des protections que notre droit leur accorde.
Encore faut-il que ces mineurs le soient vraiment. Or 60 % à 90 % d'entre eux sont majeurs.
Ces chiffres figurent dans des rapports du Sénat, de l'Assemblée nationale et de l'Assemblée des départements de France. La situation n'est plus tenable, car elle met en péril l'ensemble de notre modèle de protection de l'enfance. Il est donc urgent de pouvoir mieux identifier ces jeunes qui se prétendent MNA et d'évaluer leur minorité plus efficacement.
Quelle est la situation ? Un jeune majeur peut se présenter sous plusieurs identités, avec plusieurs dates de naissance, dans plusieurs départements. Lorsqu'il existe un doute sur la minorité du jeune, le conseil départemental ou le service de police procède à une évaluation de son âge. En dernier recours, ils peuvent demander au juge de faire procéder à un test osseux. Si le juge estime le doute légitime, le test est proposé au jeune. Or, en cas de refus de ce dernier, le juge n'a absolument aucune solution ; il est confronté à un dilemme : soit, faute de preuves matérielles, il considère le jeune comme mineur – au risque de mettre un majeur au contact de jeunes mineurs dans les établissements de l'aide sociale à l'enfance, l'ASE, ou dans les établissements pénitentiaires pour mineurs ; soit il le considère comme majeur sur sa seule apparence physique, et le tribunal correctionnel risque de se déclarer incompétent.
Il faut sortir de cette impasse. Tel est l'objet de ma proposition de loi, qui répond à une difficulté récurrente : le refus de certains jeunes d'effectuer les examens radiologiques, aussi appelés tests osseux, afin que leur majorité ne soit pas révélée. Cette stratégie est bien connue des réseaux criminels qui les embrigadent et utilisent cette méthode pour les rassurer. Je souhaite donc que l'on puisse, en cas de refus, présumer – et seulement présumer – que l'intéressé est majeur.
Les tests osseux ont été inscrits et encadrés par le législateur dans la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant. Pour mémoire, en l'état du droit, trois conditions sont requises pour procéder à un test osseux : l'absence de documents d'identité valables, une décision de l'autorité judiciaire et le consentement éclairé de l'intéressé.
Cet examen, qui s'opère à partir d'une radiographie des os – poignet ou clavicule – ou des dents, intervient de manière subsidiaire lorsqu'un doute persiste au cours de l'évaluation d'une personne se présentant comme MNA, c'est-à-dire lorsque les autres informations recueillies ne suffisent pas à certifier sa minorité. D'autres garanties protègent le mineur faisant l'objet d'un test osseux : les résultats doivent indiquer la marge d'erreur et ne peuvent suffire à déterminer la minorité ; de plus, le doute bénéficie à l'intéressé. Mon texte reprend ces garanties car, en aucun cas, un mineur ne doit être considéré comme majeur.
J'ai conscience des limites de la fiabilité des examens radiologiques. Il existe à cet égard un consensus scientifique, selon lequel la marge d'erreur pour ces tests osseux varie de douze à vingt-quatre mois. C'est à la fois peu et beaucoup, car cela signifie que toutes les personnes de plus de 20 ans pourraient être identifiées comme majeures.
Pour ma part, je ne vois pas de difficulté à ce que certains très jeunes majeurs intègrent un parcours en protection de l'enfance, à condition qu'ils en respectent les obligations en matière d'éducation et de surveillance. Si les intéressés ont plus de 20 ans, en revanche, l'écart d'âge au sein des établissements devient trop important, ce qui pose des difficultés vis-à-vis des mineurs et des travailleurs sociaux.
Je proposerai une nouvelle rédaction d'ensemble de l'article 1er, afin de rétablir la nécessité de préciser la marge d'erreur, tout en fixant celle-ci à vingt-quatre mois maximum, et de rappeler que le test osseux ne peut permettre à lui seul de déterminer la majorité. Cet examen est réalisé actuellement à titre complémentaire, et c'est bien ainsi que nous l'entendons.
Par ailleurs, le référentiel utilisé est ancien – il date de 1940 – et établi à partir d'une population américaine, ce qui explique également cette marge d'erreur. Je proposerai qu'il soit actualisé.
Je connais les critiques adressées à ce dispositif en raison de sa potentielle inconstitutionnalité. La présomption de majorité n'est pas incompatible avec la Constitution, mais ce principe est aujourd'hui contraire à la loi. Or il nous appartient de modifier la loi.
Il semble en effet que la position du Conseil constitutionnel sur le sujet soit moins radicale que certains l'affirment. Dans sa décision du 21 mars 2019, rendue à l'occasion de l'examen d'une question prioritaire de constitutionnalité – QPC – , le Conseil constitutionnel a admis le principe des tests osseux, sous réserve des garanties prévues par le législateur, que je viens de présenter. La proposition de loi les préserve et en précise un certain nombre, notamment concernant l'information du mineur et la qualité de l'examen effectué.
Le Conseil a en outre indiqué que le refus de procéder à l'examen ne saurait entraîner une présomption de majorité. Toutefois, il faut se référer au commentaire de la décision pour mesurer la portée de cette affirmation : le Conseil a constaté que telle n'était pas l'intention du législateur en 2016 et précisé que ce rappel « [visait] à répondre à l'argumentation développée par certains intervenants selon laquelle il existerait des pratiques en sens contraire ». En effet, un magistrat ayant des doutes sur l'âge d'un mineur en raison de son apparence physique et faisant face au refus de celui-ci de procéder au test pourrait être tenté de le déclarer majeur. Certains d'entre eux, y compris des juges des enfants, le font par manque d'éléments fiables, mais cette pratique est contraire à la loi.
En tant que législateur, nous pouvons inverser cette présomption dès lors que les protections persistent, notamment le fait que la décision doit se fonder sur des éléments complémentaires, lesquels peuvent renverser une présomption qui n'est en aucun cas irréfragable.
J'ai conscience que cette solution ne répondra pas à toutes nos difficultés. J'ai auditionné de nombreuses personnes et j'ai entendu les remarques de mes collègues en commission, notamment les pistes évoquées par Jean-François Eliaou et Antoine Savignat à la suite de leur rapport d'information sur les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés. J'ai pu constater qu'au-delà de la question de l'âge, qui est primordiale, celle de l'identité est elle aussi centrale.
Dès lors, il me semble utile d'encourager le recours au fichier d'appui à l'évaluation de la minorité, le fichier AEM, qui recense les informations relatives aux MNA, y compris l'évaluation de leur âge, afin d'éviter qu'un même mineur ne déclare plusieurs identités dans différents départements ou à l'occasion de diverses interpellations. J'ai en conséquence déposé un amendement visant à rendre obligatoire la transmission au fichier AEM des évaluations effectuées par un département.
Je souligne en outre qu'il est urgent d'accélérer la coopération internationale sur ce sujet. L'initiative prise par M. le garde des sceaux avec le Maroc va dans ce sens. Il faut désormais que les magistrats fassent usage des accords de coopération dont nous disposons. De nombreux pays, d'origine ou de passage, détiennent des informations utiles pour identifier les mineurs et mieux comprendre leur parcours. Nous devons encourager nos magistrats à les interroger.
Les amendements que j'ai déposés tendent à améliorer encore une proposition de loi dont la finalité est bien de protéger les mineurs non accompagnés, …
… car l'intérêt supérieur de l'enfant nous impose de ne pas les exposer à des majeurs et de faire bon usage des moyens et des protections qui leur sont destinés. J'espère que nous aurons un débat constructif à ce sujet, sur lequel nous sommes très attendus.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
La proposition de loi que Mme Agnès Thill et le groupe UDI et indépendants ont souhaité inscrire à l'ordre du jour porte sur la question des mineurs non accompagnés, sujet important et sensible qui concerne des enfants et qui ne peut donc souffrir de caricature. À titre liminaire, je considère essentiel de rappeler, comme chaque fois que c'est nécessaire, ce qui relève de l'évidence : derrière l'acronyme MNA, il y a avant tout des personnes, des enfants ; derrière les chiffres et les procédures administratives, il y a des personnes, des enfants. Peu importe qu'ils soient étrangers ou non : ils doivent être protégés.
Pour être tout à fait sincère, je regrette que le texte soumis à votre examen aujourd'hui s'éloigne peut-être un peu – nous en discuterons – de l'équilibre qui me semble devoir primer, en toutes circonstances, entre, d'un côté, la nécessité de traiter sans faux-semblants, sans éluder les difficultés, les enjeux liés à l'arrivée sur le territoire français de mineurs non accompagnés et, de l'autre, la responsabilité qui nous incombe de n'avoir pour seule boussole que l'intérêt supérieur de l'enfant.
Rappelons tout d'abord quelques données objectives. Alors qu'il y avait 13 000 mineurs non accompagnés sur le territoire français en 2016, on en dénombrait 31 000 au 31 décembre 2019. L'augmentation a été particulièrement importante sur deux années précises : entre fin 2016 et fin 2018, le nombre de MNA a crû de près de 115 %.
Depuis lors, la situation a changé : alors que plus de 17 000 personnes étaient reconnues MNA en 2018, ce chiffre a chuté, en 2020, à moins de 9 000. Ce mouvement a commencé dès 2019, avec une diminution du flux de 1,5 %. Cette baisse du nombre de minorités reconnues est sans doute liée à la généralisation du fichier AEM, mais aussi, de manière très claire, à la crise sanitaire, qui a conduit, en 2020, à une forte diminution des flux migratoires internationaux, donc des arrivées sur le territoire français.
J'ajoute que 95 % des mineurs en question sont des garçons et que la plupart sont âgés de 15 ou 16 ans. Ils viennent principalement de Guinée, du Mali, de Côte d'Ivoire, et plus récemment du Maghreb. Pour venir en France, ils ont traversé des épreuves particulièrement pénibles, qui ne cessent pas nécessairement à leur arrivée sur notre territoire.
Bien évidemment, les pouvoirs publics accompagnent ces jeunes et ont pour principale préoccupation d'assurer leur accueil, leur mise à l'abri, leur protection. À chacune de ces étapes, l'État travaille de concert avec les départements, autorités compétentes en matière d'aide sociale à l'enfance, dont dépendent les mineurs non accompagnés. Ce travail commun se traduit par une contribution financière forfaitaire de l'État à la phase de mise à l'abri et d'évaluation des personnes se présentant comme mineurs non accompagnés. Son montant a été fixé au début de l'année 2019 en concertation avec l'Assemblée des départements de France. Elle se double, depuis 2018, d'une participation exceptionnelle aux dépenses de prise en charge par l'aide sociale à l'enfance.
Les sommes allouées permettent notamment la réalisation de bilans de santé physique et psychique. L'idée est bien de faire bénéficier ces enfants d'une première évaluation de leurs besoins en santé car, trop souvent, leur parcours a laissé des traces visibles, et, plus souvent encore, des traces invisibles. J'ai souhaité que le renforcement de ce bilan de santé – en particulier pour ce qui concerne l'évaluation psychologique – fasse partie des axes de travail de la mission quadripartite que nous avons lancée, avec les ministres de l'intérieur, de la justice et de la santé, au mois d'octobre dernier. Il s'agit d'un enjeu majeur, car les difficultés ou les réussites futures de ces enfants en découlent largement ; le parcours qu'ils empruntent à leur arrivée est crucial, et leur état de santé le détermine en partie.
L'engagement de l'État aux côtés des départements s'est également manifesté dans la révision du dispositif de répartition géographique des mineurs non accompagnés. Je pense à la fameuse clé de répartition : dès ma nomination, je m'étais engagé, notamment auprès de Stéphane Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, à ce qu'elle prenne mieux en compte les critères démographiques et la situation spécifique de certains territoires.
Des mesures ont en outre été prises pour encourager l'utilisation du fichier AEM, qui a contribué à fluidifier et à fiabiliser la procédure d'évaluation des personnes se présentant comme mineurs non accompagnés. Je me permets d'insister sur ce point important, car les départements chargés de l'accueil et de la protection des mineurs non accompagnés font face à des demandes de reconnaissance qui, pour certaines, relèvent manifestement d'un détournement. Ces pratiques mobilisent des ressources au détriment des mineurs isolés dont la prise en charge doit être rapide et efficace.
Lorsqu'un département a conclu que le demandeur est majeur, il arrive que la demande soit à nouveau déposée dans un autre département. La mise en place du fichier AEM, qui se fait pour l'instant sur la base du volontariat, a permis de réduire, parfois de façon importante, ces demandes manifestement excessives. La présente proposition de loi vise à aller plus loin sur ce sujet, mais prenons garde de ne pas apporter de mauvaises réponses à des questions réelles. L'examen des amendements nous permettra d'y revenir.
Permettez-moi de préciser que le fichier AEM est protecteur pour les enfants dont la minorité a été reconnue. Il évite que l'on exige d'eux qu'ils en apportent la preuve une seconde fois dans le cas où ils seraient réorientés vers un autre département – de telles situations se produisent parfois.
L'État a réalisé un important travail pour préciser les modalités d'évaluation des personnes se présentant comme mineurs non accompagnés. Un guide à destination des départements a été rédigé et publié en décembre 2019, afin de faire converger les modalités de l'évaluation sur tout le territoire, au nom de l'égalité de traitement que nous devons à ces enfants.
Le Gouvernement accorde une attention toute particulière à l'aide à l'orientation des mineurs non accompagnés. Je cite fréquemment la circulaire du ministre de l'intérieur du 21 septembre 2020 par laquelle le Gouvernement a souhaité proposer aux mineurs non accompagnés placés à l'aide sociale à l'enfance et engagés dans un parcours professionnalisant d'anticiper l'examen de leur droit au séjour à la majorité. L'objectif est de leur permettre d'effectuer sans attendre les démarches liées aux actes d'état civil, notamment grâce à un entretien d'accès à l'autonomie, l'année de leurs 17 ans.
Cette démarche constitue une avancée majeure qui permet de sécuriser un grand nombre de parcours. La question de l'autonomie et de l'intégration ne doit pas être posée à « 18 ans moins le quart » : elle doit être anticipée à la fois par les services départementaux et par les services préfectoraux. Cette approche permet de reconnaître l'implication d'un grand nombre de ces enfants en matière d'apprentissage de la langue et en matière d'insertion sociale et professionnelle.
Il y a encore du travail à faire pour garantir aux enfants concernés des conditions d'existence dignes sur notre territoire. C'est l'honneur de notre société de poursuivre dans cette voie. On peut admettre que le compte n'y est pas encore sur certains points. Je pense notamment à la situation de certains mineurs placés par les départements dans des hôtels, dans des conditions souvent déplorables, avec un déficit de suivi éducatif et d'accompagnement. J'ai eu récemment l'occasion de le dire, je souhaite que l'hébergement de mineurs à l'hôtel soit interdit.
Mme Maud Petit applaudit.
J'y travaille avec certains d'entre vous et avec les départements, qui s'inscrivent eux aussi dans cette dynamique.
Les difficultés en la matière restent criantes dans certains territoires, même si elles ont eu tendance à s'atténuer au cours de l'année 2020. J'avais commandé un rapport sur le sujet à l'inspection générale des affaires sociales. Celle-ci a évalué qu'il restait aujourd'hui encore 7 500 à 10 000 enfants dans des hôtels, dont 95 % de mineurs non accompagnés. J'espère que le calendrier législatif vous fournira très prochainement l'occasion d'acter cette interdiction.
L'actualité relayée par les médias nous a montré il y a peu, notamment à Besançon, la richesse de certains parcours de mineurs non accompagnés. Cette richesse se transmet à ceux qui veulent bien la voir et la recevoir, à ceux qui dépassent les polémiques et savent que les difficultés peuvent être surmontées. Rappeler toutes les facettes de ce sujet, ce n'est pas faire preuve d'angélisme ; c'est, bien au contraire, voir la réalité dans toute sa complexité et toute sa diversité.
Nous aurons l'occasion d'évoquer l'évaluation de la minorité, les tests radiologiques et le recueil d'empreintes digitales. Ayons le débat, mais en gardant à l'esprit ce qu'il comporte de positif et de constructif pour l'avenir.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Bien évidemment !
Je commencerai par rappeler quelques chiffres, dont certains ont été évoqués par M. le secrétaire d'État : en 2019, le nombre d'enfants reconnus comme mineurs non accompagnés s'établissait à près de 31 000, alors qu'ils n'étaient que 1 700 en 2003 et 4 000 en 2010. Les MNA représentent, pour les départements, un coût de près de 2 milliards d'euros en 2019 ; ils constituent près de 20 % des mineurs pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Or la part des individus se présentant comme MNA mais qui sont en réalité de jeunes majeurs oscille entre 60 % et 90 %, selon que l'on s'intéresse à ceux qui souhaitent bénéficier des dispositifs de l'aide sociale à l'enfance ou à ceux qui revendiquent les protections de la justice pénale des mineurs. Ces chiffres très parlants justifient entièrement la proposition de loi de notre collègue Agnès Thill, qui porte sur un sujet très important.
Ces chiffres nous éclairent sur plusieurs points. Tout d'abord, le coût global que représentent l'accueil et la prise en charge des MNA pose de très sérieuses difficultés aux collectivités, notamment aux départements, qui se retrouvent le plus souvent démunis. Ensuite, la part des individus tentant de frauder sur leur âge constitue un problème d'autant plus aigu qu'il fait peser sur les départements et sur l'aide sociale à l'enfance une charge qui ne devrait pas être la leur. Enfin, il résulte indéniablement de l'ampleur de cette fraude une diminution des moyens alloués aux vrais mineurs – vous l'avez évoquée, monsieur le secrétaire d'État – , et c'est bien là le fond du sujet.
Au c? ur de ces constats réside souvent la grande difficulté, pour les acteurs concernés, de déterminer la minorité ou la majorité des jeunes, d'autant plus lorsque ceux-ci refusent l'examen médical auquel on souhaiterait les soumettre. La présente proposition de loi, dont le fil conducteur est d'instaurer une présomption de majorité en cas de refus de se soumettre à un tel examen, permettrait sans aucun doute de remédier en partie à cet état de fait, en diminuant le nombre de majeurs dans le circuit de la prise en charge et en libérant des places et du temps pour les professionnels, au bénéfice des vrais mineurs non accompagnés. Elle permettrait, de plus, de lutter efficacement contre les réseaux criminels et les filières de passeurs ou de traite des enfants, …
… puisque ceux-ci instrumentalisent des jeunes majeurs isolés en leur recommandant de se prévaloir de leur minorité.
Par ailleurs, la fraude à l'identité est une clé d'entrée pour d'autres types de fraude, comme l'immigration clandestine, la fraude aux prestations sociales ou le travail dissimulé. La présente proposition de loi permet ainsi une réflexion plus large sur de multiples enjeux. Elle se justifie également par l'insuffisance démontrée des dispositifs existants : l'évolution des chiffres concernant les MNA est exponentielle, et les départements ne cessent de nous alerter sur le phénomène de la fraude.
Le faisceau d'indices utilisé actuellement pèche par manque de certitude. Avec certains pays, la collaboration internationale relative à l'identification des MNA est totalement inexistante. Le fichier AEM, en place depuis le mois de janvier 2019, peine à faire ses preuves dans certains départements. S'agissant de l'intervention de l'État, un référé de la Cour des comptes de 2020 indique que subsistent « des carences majeures en termes de suivi statistique, de réduction des inégalités territoriales et d'évaluation des dispositifs mis en ? uvre localement ». Plus largement, la problématique des MNA montre une nouvelle fois que les départements ne bénéficient pas d'un soutien suffisant de l'État pour exercer leurs compétences de solidarité.
La proposition de loi a fait l'objet de critiques, et nous avons entendu les remarques formulées en commission des lois. Mes chers collègues, vous appelez de vos v? ux un texte qui prenne en compte la problématique des MNA de manière plus globale. Nous ne nions pas que le texte que nous proposons ne résout pas tout. Mais je constate un phénomène qui devient récurrent : chaque fois que nous proposons quelque chose, on nous explique qu'il y aura bientôt une grande loi sur le même thème. Or, à un an de la fin de la législature, permettez-nous d'en douter ! Peut-être vaudrait-il mieux commencer à progresser avec le présent texte, ce qui permettrait de poser des jalons et, peut-être, d'apporter des solutions.
En outre, le risque d'inconstitutionnalité est perpétuellement brandi. Mais, s'il est invoqué pour chaque texte déposé, à quoi servons-nous ? Supprimez le Parlement ! Demandez directement au Conseil constitutionnel ! Sortons de ce travers qui devient permanent, car notre rôle de parlemetaires est de proposer des textes, des avancées, pour faire évoluer la société.
De plus, le dispositif proposé par la rapporteure conserve toutes les garanties nécessaires : décision judiciaire ; consentement de l'intéressé, qui doit recevoir une information dans une langue qu'il comprend ; rappel du fait que le doute bénéficie à l'intéressé. En outre, cette présomption n'est pas irréfragable et le juge reste souverain pour apprécier la minorité.
En sus du maintien de ces garanties, il est proposé un dispositif plus protecteur, puisque les modalités de l'examen médical seraient encadrées : celui-ci devrait être réalisé exclusivement dans une unité médico-judiciaire et sur la base d'un protocole unique. Les pratiques seraient donc unifiées et clarifiées. La réécriture de l'article 388 du code civil que nous proposons est donc complète et équilibrée.
Enfin, il serait explicitement inscrit dans la loi que, si la minorité est finalement avérée, le mineur doit faire l'objet d'une protection renforcée, dans une structure adaptée, qui en est responsable, qui le protège, l'encadre, l'éduque et le surveille.
Mme la rapporteure acquiesce.
Notre groupe est très attaché à l'intérêt supérieur de l'enfant et à la protection des plus fragiles d'entre eux. C'est en éliminant les aides indues et en évitant les détournements que nous pourrons recentrer notre soutien vers les mineurs. Sur ce sujet, comme sur celui de la fraude sociale – un sujet majeur pour notre groupe, dont l'un des membres a été, l'an dernier, rapporteur de la commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales – , trois attitudes peuvent être adoptées, face aux constats que fait Agnès Thill.
La première option consiste à rejeter en bloc la proposition, comme certains l'ont fait en commission et ne manqueront pas de le faire dans quelques instants, estimant qu'elle stigmatise les étrangers. Ils préfèrent ne rien faire, mettre la poussière sous le tapis, laisser prospérer les doutes et les dysfonctionnements, laisser se détériorer la confiance de nos concitoyens et le mésusage de l'argent public.
La deuxième option est d'utiliser cette situation, souvent liée à la détresse, et d'en faire un fonds de commerce politique, d'appuyer sur les problèmes sans chercher les solutions.
La troisième option, celle que nous défendons, est de regarder la réalité en face, de traiter la fraude à la racine et de s'assurer que les destinataires des politiques de solidarité sont bien ceux que nous souhaitons.
Nous sommes d'accord avec vous, monsieur le secrétaire d'État : l'intérêt des mineurs doit primer. Mais la meilleure manière de le préserver est de nous assurer que ceux qui sont pris en charge sont vraiment des mineurs, car les finances des départements ne sont pas extensibles. C'est la seule manière de faire en sorte que les mineurs non accompagnés, qui méritent notre soutien, bénéficient de toute l'attention nécessaire. Tel est le but – il n'y en a pas d'autre – de la présente proposition de loi : recentrer le soutien aux mineurs non accompagnés sur ceux qui le sont effectivement. Notre rapporteure n'a d'autre volonté que de préserver ceux qui ont besoin de notre protection, sans d'autres conditions.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
La proposition de loi que vous présentez, chers collègues du groupe UDI-I, vise à réécrire l'article 388 du code civil, pour instaurer une présomption de majorité pour les jeunes étrangers isolés qui refuseraient de se soumettre à un test osseux visant à déterminer leur âge. Vous savez que cette disposition est inconstitutionnelle – vous l'avez dit vous-même – , mais vous persistez. Ce texte se fonde sur l'instrumentalisation politique d'outils médicaux datant d'un autre siècle. Une telle méthode est inefficace et indigne. Le groupe Libertés et territoires s'y oppose fermement.
Juridiquement, votre texte ne tient pas la route. Dans une décision de 2019 consécutive à une QPC, le Conseil constitutionnel a rappelé que le recours aux tests osseux n'était possible qu'avec plusieurs garanties, afin d'être conforme au principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. Or vous proposez de supprimer ces garanties.
Le Conseil constitutionnel a en particulier rappelé que la majorité d'une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux. Dans la mesure où la proposition de loi instaure une présomption de majorité pour les personnes refusant de se soumettre au test, son inconstitutionnalité fait peu de doutes. Par ailleurs, plusieurs instances internationales, notamment la Cour européenne des droits de l'homme et le comité des droits de l'enfant des Nations unies, ont affirmé le principe d'une présomption de minorité.
Vous souhaitez en outre rendre obligatoires des pratiques médicales détournées de leur but initial. En instaurant une présomption de majorité pour les enfants qui refusent de se soumettre aux tests osseux, vous créeriez une obligation de fait de s'y soumettre, puisqu'en cas de refus, les enfants isolés ne pourraient pas bénéficier de la prise en charge par l'aide sociale à l'enfance, alors qu'elle est vitale pour eux.
Les tests que vous souhaitez imposer consistent en une radio du poignet ou de la main, qui est ensuite comparée à des planches d'images, l'atlas de Greulich et Pyle, constitué auprès de 1 000 jeunes Américains de classe aisée dans les années 1930 et 1940 aux États-Unis. Cet atlas ne correspond plus du tout aux morphologies de notre époque. Une vaste étude, menée en 2017 au centre hospitalier régional universitaire de Marseille, a mis en évidence que ces tests sont fiables de six mois à un an près entre 0 et 10 ans, et d'un à deux ans près au-delà de 10 ans. Entre 16 ans et 18 ans, la variabilité atteint fréquemment deux ans. Or 88 % des mineurs isolés pris en charge appartiennent précisément à cette tranche d'âge. Une autre étude a montré que ce test n'est pas fiable, en particulier, pour les jeunes mineurs isolés étrangers, victimes d'une croissance souvent ralentie par des facteurs économiques, sociaux et nutritionnels dégradés.
Un tel manque de fiabilité a des conséquences dramatiques sur la vie de certains enfants. À plusieurs reprises, des mineurs ont été chassés de l'aide sociale à l'enfance, car considérés à tort comme majeurs. Le comité d'éthique du centre hospitalier universitaire de Brest a rapporté, en 2018, le cas de jeunes migrants jugés majeurs et remis à la rue sur le seul fondement d'un examen osseux, malgré une évaluation positive de leur minorité par les services de l'aide sociale à l'enfance. En 2014, des médias ont relayé le cas similaire d'une jeune fille de 16 ans, mise à la rue à la suite d'un test osseux erroné qui lui donnait 18 ans.
Enfin, quel affront de présenter une telle proposition de loi ! L'argument avancé pour la justifier est qu'une partie importante des jeunes ayant le statut de mineurs non accompagnés et bénéficiant à ce titre de l'aide sociale à l'enfance sont en réalité des majeurs qui se font passer pour mineurs. À aucun moment, vous ne vous demandez pourquoi certains majeurs cherchent à se faire passer pour mineurs pour bénéficier de ce statut. En fait, ils risquent de vivre dans la rue s'ils ne bénéficient pas de cet accompagnement. Est-ce réellement ce que vous voulez ? Ou s'agit-il plutôt de vous réapproprier le discours de l'extrême droite ? Dites-le clairement, s'il vous plaît.
Les réponses à apporter consistent en des politiques de gestion des flux migratoires et d'accueil des migrants respectueuses de la dignité humaine, du droit national et du droit international. Vous proposez tout le contraire avec ce texte, raison pour laquelle nous nous y opposerons.
Mme Michèle Victory applaudit.
L'article 20 de la convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France en 1990, stipule : « Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l'État. » En France, la loi dispose : « La protection de l'enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d'assurer leur prise en charge. »
Ainsi que le rappelle UNICEF France, le comité français du Fonds des Nations unies pour l'enfance, les mineurs non accompagnés sont des enfants. En vertu de l'article 375 du code civil, les protéger est non pas une option, mais une obligation, car ces mineurs sont des enfants ou des jeunes en danger.
Nombre d'entre eux ont transité par les routes de la Méditerranée au cours d'un périple souvent très risqué, où les mauvais traitements, la traite et l'exploitation des êtres humains sont monnaie courante. Ainsi, les trois quarts des mineurs interrogés dans le cadre d'une étude menée par l'UNICEF et l'initiative REACH déclaraient avoir subi violences, harcèlements et agressions de la part d'adultes, pendant leur périple vers l'Europe. À ces maux s'ajoute un état de santé souvent déplorable, du fait des conditions de vie dans le pays d'origine ou de sa dégradation au cours du parcours migratoire.
Malgré la vulnérabilité extrême de ces publics, associations et institutions, allant d'UNICEF France à la Cour des comptes, constatent que l'effectivité des droits des mineurs non accompagnés n'est pas garantie en France. Dans son référé du 8 octobre 2020, la Cour des comptes a relevé, entre autres, des « carences observées dans la connaissance statistique des effectifs concernés », le non-respect de l'obligation de mise à l'abri dans de nombreux départements – les préfets ne jouant pas leur rôle de rappel à la loi – et une « inégalité flagrante de traitement de ces jeunes à toutes les étapes ». L'évaluation de la minorité est, toujours selon la Cour, très hétérogène selon les départements : certains d'entre eux procèdent à des pré-évaluations valant refus de reconnaissance de la minorité ; le recours à la pluridisciplinarité et à la collégialité, pourtant requis par la loi, est extrêmement rare ; souvent, le délai réglementaire de cinq jours n'est pas respecté, l'évaluation prenant parfois plusieurs mois.
Il y a donc beaucoup à faire pour nous mettre en conformité non seulement avec nos engagements internationaux, nos valeurs et nos principes fondamentaux, mais aussi avec nos propres lois. Or, avec le présent texte, vous nous proposez de faire tout le contraire de ce qu'il faudrait. La proposition de loi vise en effet à exclure le plus grand nombre possible de ces jeunes de la protection sociale et judiciaire de l'enfance.
Son article 1er tend à introduire une présomption de majorité en cas de refus de se soumettre aux examens médicaux – essentiellement aux tests osseux – , auxquels il serait recouru automatiquement dans le cas où les documents d'identité du mineur ou de la mineure seraient falsifiés ou ne pourraient être valablement certifiés conformes. Il s'agit d'une remise en cause pure et simple du principe de la présomption de minorité consacré tant par les textes internationaux que par notre propre jurisprudence.
Un tel renversement serait contraire aux engagements que nous avons pris dans la convention internationale des droits de l'enfant ; à l'article 10, paragraphe 3, de la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains ; à l'article 13, paragraphe 2, de la directive 201136UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes ; à l'article 25, pargraphe 5, de la directive 201332UE relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale.
La présomption de minorité est par ailleurs consacrée par l'architecture résultant d'une décision de principe du Conseil d'État de juillet 2015 et de dispositions introduites en 2016 dans le code civil et le code de l'action sociale et des familles. Rappelons également que le Conseil constitutionnel a jugé que la majorité d'une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux. De leur côté, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, la Défenseure des droits, le Comité consultatif national d'éthique, le Haut Conseil de la santé publique, l'Académie nationale de médecine, le comité des droits de l'enfant des Nations unies et le Conseil de l'Europe – sans parler de nombreuses organisations de défense des droits humains et des migrants – condamnent le recours aux tests osseux, au motif qu'ils manquent de fiabilité.
Seule l'amélioration du dispositif de protection de l'enfance de droit commun dans son ensemble, son adaptation à la situation des mineurs non accompagnés et la garantie de sa conformité au respect de leurs droits fondamentaux permettront de réduire le nombre, d'une part, des enfants en errance et sans protection, d'autre part, de ceux qui entrent en conflit avec la loi. C'est ce qu'a expliqué, le 10 mars, un des chargés de plaidoyer d'UNICEF France. Avec votre texte, vous ne faites rien de cela. Voilà pourquoi nous ne le voterons pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Cet après-midi, le groupe UDI-I nous propose deux textes et deux ambiances. Le premier l'honore, car il témoigne de son souci pour les enfants malades scolarisés. Le second est indigne à nos yeux : indigne en raison des dispositions proposées ; indigne car il instaure et accompagne un climat de méfiance envers l'ensemble des mineurs non accompagnés ; indigne car il ajoute une humiliation supplémentaire à ces enfants qui ont vécu des drames ; indigne, enfin, car il valide les propos orduriers d'un petit polémiste de grande écoute.
Mme Danièle Obono applaudit.
Il suffit de parler à ces enfants pour comprendre leur douleur et la difficulté d'avoir quitté si jeunes une famille, des amis et un pays, par nécessité. Vous lirez dans leurs yeux – uniquement dans leurs yeux, car eux-mêmes ont souvent bien du mal à les évoquer oralement – les violences subies pendant ce qu'ils appellent le « voyage ».
Nous assistons à la généralisation d'un discours sécuritaire particulièrement inquiétant, qui fait de ces enfants un grand danger pour la stabilité de notre pays. Ils sont peut-être 10 000, 20 000 ou 30 000, mais de quoi parle-t-on ? Pendant que vos mesures leur font porter la responsabilité de tous les désordres internationaux et nationaux, les trafiquants, eux, sont laissés bien tranquilles. Quand les mineurs non accompagnés sont l'objet de trafic, nous devons les protéger et non leur en faire porter la responsabilité.
Votre proposition de loi sous-entend que ces enfants n'ont pas leur place ici, en France. Or, dans les faits, nous le voyons chaque jour, ces enfants sont plus qu'acceptés, ils sont soutenus et défendus par des habitants, des acteurs associatifs et des patrons qui croisent leur route. La grève de la faim du boulanger Stéphane Ravacley pour la régularisation de Laye Fodé Traoréiné a mis en lumière cette réelle solidarité. Au Puy-en-Velay, à Besançon, à Fleurey-sur-Ouche, partout fleurissent des collectifs de soutien à des mineurs non accompagnés ou à des personnes en contrat jeune majeur sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français.
Votre texte vise à généraliser les tests osseux en présumant majeur tout individu qui refuse de faire l'objet d'un tel test, lequel vise à déterminer son âge lorsqu'il existe un doute sur sa minorité – preuve que des mineurs seront soumis à ces tests. Dans les faits, et à notre grand désarroi, la présomption de majorité est déjà appliquée dans certains départements. Les avocats, qui font régulièrement face à des expertises documentaires de la police aux frontières défavorables aux mineurs – elles sont monnaie courante – , demandent ce type de test pour prouver la minorité de l'enfant.
L'ensemble des associations demande que ces tests soient à tout le moins pratiqués par des pédiatres, qui disposent d'une compétence pour les effectuer. Actuellement, dans nombre de départements, ils sont confiés à des médecins légistes. C'est pourquoi nous nous opposons également à l'obligation prévue par votre loi de réaliser les tests osseux exclusivement au sein d'une unité médico-judiciaire. Fort heureusement, votre proposition d'entériner dans la loi la présomption de majorité en cas de refus du test osseux serait censurée par le Conseil constitutionnel.
Nous rappelons en outre notre ferme opposition à la méthode de l'expertise osseuse afin de déterminer l'âge des mineurs non accompagnés, notamment parce que cette pratique est très contestée par la communauté scientifique. Il n'existe en effet aucun procédé médical permettant d'affirmer avec certitude l'âge d'un individu. La plupart du temps, sur les enfants de 16 à 22 ans, l'avis est le même : 19 ans, plus ou moins. Or le juge se fonde sur cet avis. En mettant fin à la présomption de minorité, vous souhaitez en fait que ceux qui seront évalués en cas de soupçon de fraude documentaire ne soient pas protégés. La Commission nationale consultative des droits de l'homme et le Défenseur des droits se sont opposés à l'utilisation de ces examens médicaux, jugés à la fois inadaptés et inefficaces. Ils ne sont pas les seuls.
Un mineur non accompagné est avant tout un mineur en danger, un enfant en détresse, d'autant plus qu'il est isolé dans un pays dont il n'a pas la nationalité et qui lui est étranger. Pour cadrer le débat qui va suivre et puisque nous allons parler d'enfants, nous tenons à rappeler que « l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale », principe énoncé dans la convention internationale des droits de l'enfant, que la France a signée et ratifiée – je le répète puisqu'il le faut.
Dans votre niche, je l'ai dit, votre groupe a proposé un texte visant à améliorer l'accompagnement des enfants malades dans le cadre de leur scolarisation. Pourquoi vouloir, par celui-ci, faire subir à d'autres enfants des examens médicaux inutiles ? Est-ce seulement parce qu'ils sont étrangers ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LT et FI. – Mmes Delphine Bagarry, Albane Gaillot et Sandrine Mörch applaudissent également.
La question des mineurs non accompagnés, dont je rappelle que seule une minorité est délinquante, et des enjeux de prise en charge et de sécurité qui y sont liés revient régulièrement dans nos débats depuis le début du mandat. Elle est également un sujet de préoccupation pour nos concitoyens, surtout dans les agglomérations.
La prise en charge de ces enfants, car il ne faut pas oublier que ce sont des enfants, …
… nous met face à nos obligations, à savoir le respect tout d'abord de la convention internationale des droits de l'enfant, ensuite de notre politique de mise à l'abri des mineurs appliquée par les services de l'aide sociale à l'enfance, enfin de la justice des mineurs, elle aussi fondée sur un principe de protection. Cependant, nous devons aussi protéger nos concitoyens des violences qui peuvent être commises par ces jeunes. C'est donc une question difficile qui est posée à notre État de droit, et qui demande à la fois réflexion et action.
Il est vrai qu'un des principaux problèmes rencontrés dans la prise en charge des mineurs non accompagnés, notamment délinquants, est la difficulté de faire identifier de manière certaine les vrais mineurs par les professionnels de l'aide à l'enfance, comme par les services de police et de justice.
Compte tenu de la politique de la France en matière de protection des mineurs, des jeunes majeurs tentent de se faire passer pour des mineurs afin de profiter de ces dispositifs avantageux. C'est pour cela qu'en 2018, lors de l'adoption de la loi asile et immigration, nous avons créé le fichier AEM.
La procédure d'évaluation de la minorité et de l'isolement fait l'objet de nombreuses discussions et de débats. Pour résumer, ses modalités reposent sur un faisceau d'indices : sur une évaluation sociale ; sur les informations que le président du conseil départemental peut demander au préfet ; en dernier recours, sur la réalisation d'examens médicaux prévus à l'article 388 du code civil, à savoir des examens radiologiques osseux, dont la fiabilité est régulièrement remise en cause en raison d'une marge d'erreur importante, de plus ou moins dix-huit mois.
Il existe d'autres possibilités pour déterminer l'identité d'une personne et plusieurs pistes pour améliorer l'efficacité de l'évaluation de la minorité. J'en citerai quelques-unes : un enrichissement du fichier AEM et sa consultation systématique, un renforcement de la prise d'empreintes, une meilleure coopération avec les pays de provenance. Mais il y a un principe sur lequel nous ne reviendrons pas, également décrit à l'article 388 du code civil : la présomption de minorité. En effet, cet article précise qu'en cas de doute sur son âge, le jeune est présumé mineur, et ce en application d'un principe fondamental de notre droit, qui veut que la puissance publique prouve la contradiction ou la culpabilité dans un cadre judiciaire.
Le texte présenté par Mme la rapporteure portant sur la fraude à l'identité dans le cas des mineurs non accompagnés s'intéresse hélas quasi exclusivement à l'inversion de la présomption de minorité. La proposition de loi indique à plusieurs reprises les conditions dans lesquelles l'individu serait présumé majeur. Ainsi, l'alinéa 2 de l'article 1er affirme que le refus par l'intéressé d'un examen osseux entraînerait une présomption de majorité, ce qui me paraît inacceptable. L'alinéa 5 insiste à son tour sur l'information à donner à l'intéressé concernant la présomption de majorité. On relève en outre une contradiction dans le texte, puisque l'alinéa 4 mentionne, lui, le consentement de l'intéressé, bien que celui-ci soit contraint par l'ensemble de la proposition de loi.
Ces dispositifs que l'on peut juger coercitifs me semblent contraires tant à notre devoir de protection de l'enfance qu'au minimum de respect de la vie privée accordé à tout individu, surtout s'il est possiblement mineur.
La proposition de supprimer le troisième alinéa de l'article 388 du code civil pose le problème d'un changement de philosophie sur le fond, ainsi que celui de la fiabilité des tests. Cet alinéa doit absolument être préservé, car il dispose que les résultats des examens osseux doivent préciser la marge d'erreur – celle-ci est importante pour les individus dont l'âge est proche de 18 ans – et, surtout, qu'ils ne peuvent à eux seuls permettre de déterminer si l'intéressé est mineur ou majeur.
La proposition de loi est silencieuse sur la prise en charge des jeunes en amont et pendant la durée de l'évaluation de la minorité ou de la majorité. Or cette évaluation peut prendre plusieurs jours, voire quelques semaines, pendant lesquels les intéressés sont à la rue.
Enfin, les conditions de recours aux tests osseux sont déjà suffisamment décrites à l'alinéa 2 de l'article 388 du code civil, où il est précisé que ces examens sont demandés en l'absence de documents d'identité valables. À cet égard, l'alinéa 3 de l'article 1er de la proposition de loi ne me semble pas apporter de précision utile.
En résumé, la proposition de loi rend obligatoire l'examen osseux, dont elle fait l'outil principal de la détermination de l'âge de l'intéressé, sans tenir compte de la marge d'erreur et de l'enquête sociale, et bafoue le principe du consentement et du respect de la vie privée, comme cela a été relevé en 2019 par le Conseil constitutionnel à l'occasion d'une QPC. En conséquence, le groupe LaREM ne la votera pas.
La France, comme l'Europe, fait face à une pression migratoire d'une ampleur exceptionnelle et sans équivalent depuis la seconde guerre mondiale.
Les mineurs non accompagnés ne sont pas systématiquement des jeunes arrivant de pays en guerre et relevant du droit d'asile ; il y a aussi une importante immigration économique en provenance du Maghreb et d'Afrique de l'Ouest, appuyée par des trafiquants d'être humains.
Le droit des MNA se révèle aussi complexe que débattu. La détermination de leur identité, et donc de leur âge, est une question compliquée à laquelle notre système juridique n'offre que trop peu de réponses efficaces. Les départements, qui gèrent et supportent seuls le coût de la prise en charge de ces mineurs – ou supposés tels – sans protection familiale, ne cessent d'appeler l'attention sur les drames et sur les difficultés administratives et financières que suscitent cette administration.
Les MNA représentent entre 15 % et 20 % des mineurs pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance. Le coût est considérable et inéquitablement réparti. Les départements qui prennent en charge des mineurs étrangers jusqu'à leur majorité et, souvent, au-delà sont démunis face à des arrivées massives et plus importantes que prévu. Le phénomène de saturation des structures d'accueil s'accentue.
La vérification de la minorité est sujette à controverse. Les exemples de fraude à la détermination de la minorité deviennent légion, et l'on ne compte plus les cas où des hommes, paraissant avoir bien plus de 18 ans, sont considérés comme des MNA. Ceux-ci savent qu'ils ont parfaitement le droit de refuser un examen médical et peuvent ainsi dissimuler leur majorité, la sanction encourue n'étant pas dissuasive et l'examen étant trop rarement ordonné par les juridictions.
Les auteurs de la proposition de loi ont une intention louable : responsabiliser ceux qui fraudent le dispositif d'accompagnement des mineurs non accompagnés, en posant une présomption de majorité dès lors que l'intéressé refuse de se soumettre au test de détermination de l'âge. Ils entendent mettre un terme au phénomène massif de fraude pour permettre une meilleure allocation des ressources publiques, objectif unanimement partagé.
Il n'en demeure pas moins que la solution proposée, à savoir l'inversion de la charge de la preuve de la minorité, soulève des problèmes. Dans le cadre de la mission d'information que Jean-François Eliaou et moi avons menée, nous nous sommes posé cette question, tant il semblait s'agir là d'un moyen efficace pour mettre un terme à cette situation.
Or, à force d'échanges avec les professionnels, il nous est apparu que cette solution ne pouvait pas être la bonne. En premier lieu, parce qu'elle comporte le risque de mettre à la rue des mineurs dans l'incapacité de démontrer leur minorité, ce qui serait contraire tant aux conventions internationales qu'à la Constitution. En second lieu, parce que cette mise à la rue, faute de prise en charge, ne pourrait que provoquer un surcroît de délinquance. Enfin, parce qu'elle conduirait à un renforcement des réseaux, qui, en plus de jouer le rôle de passeurs, ne manqueraient pas de devenir fournisseurs de papiers et d'identités.
Pour endiguer le phénomène, nous devons l'aborder à la source. La coopération avec les pays d'origine est une priorité : la France doit user de tous les moyens pour les contraindre à se mettre autour de la table et à en discuter. Nous devons également faire la chasse aux réseaux, véritable fléau qui alimente le phénomène et contre lequel nous ne luttons pas, ou trop peu, faute de moyens. Il faut aussi nous doter d'un système juridique permettant l'identification à tout prix. Pour parvenir à donner un âge et une identité à ces jeunes, la prise d'empreintes reste un élément essentiel, pour peu qu'elle soit couplée avec la coopération internationale.
Ces mesures ne relèvent pas toutes de la loi, mais dépendent d'une véritable volonté de l'exécutif de mettre un terme à ce phénomène, source de craintes, de critiques, mais également de troubles dans les villes et départements les plus touchés. Plus de diplomatie, des moyens pour la police, des fichiers généralisés et encadrés, ce seraient là de grands pas, qui ne sont pas du domaine de la loi. En revanche, c'est bien une importante réforme législative qui pourrait rendre l'identification par prise d'empreintes obligatoire bien plus stricte et dissuasive qu'elle ne l'est actuellement.
S'il a le mérite de susciter un nécessaire débat, ce texte ne propose pas la réponse la plus adaptée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La question des mineurs non accompagnés soulève d'importants débats, notamment sur les modalités de détermination de la majorité ou de la minorité. Ainsi, l'évaluation de leur âge repose généralement sur un faisceau d'indices prévu par le législateur ou par décret, qui ne fait pas toujours l'objet d'un consensus. En dernier recours, un examen osseux peut être entrepris, mais celui-ci est assez décrié en raison de sa marge d'erreur, qui est de plus ou moins dix-huit mois, ce qui est relativement important eu égard aux enjeux de protection de l'enfance.
Compte tenu de cette réelle difficulté à identifier les mineurs de façon certaine, nous le savons, des fraudes existent. Celles-ci ne doivent pas porter atteinte aux vrais mineurs, qui doivent pouvoir bénéficier de la protection au titre de l'aide sociale à l'enfance.
Au 31 décembre 2019, selon les chiffres de l'Assemblée des départements de France, les services de l'aide sociale à l'enfance prenaient en charge près de 40 000 mineurs non accompagnés. Durant l'année 2020, ils ont dû faire face à un flot important de mineurs non accompagnés. Cette situation suscite des crispations, en particulier dans les départements qui supportent le coût de la prise en charge, qui s'établit en moyenne à 50 000 euros par mineur et par an. En 2019, le coût total pour la collectivité s'élevait à 2 milliards d'euros, contre 50 millions en 2012. En 2021, ce chiffre pourrait atteindre 3 milliards. Ainsi, nous sommes confrontés à une hausse considérable du coût de la prise en charge des MNA, qui s'est réalisée en dix ans à peine.
Néanmoins, il n'est pas envisageable pour le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés de rogner sur les grands principes de protection de l'enfance, en changeant de philosophie pour basculer vers une présomption de majorité. Le dispositif que vous proposez, madame la rapporteure, découle de la volonté d'assurer aux vrais mineurs une prise en charge globale et de qualité, position que nous comprenons et soutenons. Mais nous sommes opposés à la création d'un régime d'exception qui serait défavorable à l'intérêt supérieur de l'enfant et qui comporte un réel risque d'inconstitutionnalité.
En effet, l'inversion de la présomption de minorité semble contraire à la Constitution. Dans sa décision du 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel a jugé que fait partie des garanties attachées à la protection de l'enfance l'impossibilité de déduire la majorité d'une personne de son seul refus de se soumettre à un examen osseux. Par conséquent, la présomption de majorité du fait du refus de l'examen médical reviendrait à inverser la présomption actuelle, ce qui serait contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant, lequel impose que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge.
En outre, plusieurs instances internationales ont consacré le principe d'une présomption de minorité, notamment la Cour européenne des droits de l'homme et le comité des droits de l'enfant des Nations unies, dans ses constatations du 31 mai 2019 concernant l'Espagne. Ainsi que l'a souligné ma collègue Élodie Jacquier-Laforge en commission, pour cette seule raison, prise séparément, le groupe Dem est défavorable à cette proposition de loi.
Mes chers collègues, nous pouvons envisager d'autres pistes, plus respectueuses des droits de l'enfant. Jean-François Eliaou et Antoine Savignat, corapporteurs de la mission d'information sur les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés, ont formulé plusieurs recommandations dans leur rapport. Ils proposent notamment la généralisation du fichier AEM, un recours accentué aux relevés d'empreintes digitales pour les individus se prétendant mineurs non accompagnés et un renforcement de la coopération internationale. L'actualité récente fournit d'ailleurs une belle illustration de cette coopération : le 7 décembre dernier, le ministre de la justice, Éric Dupond-Moretti, et son homologue marocain, Mohamed Ben Abdelkader, ont signé une entente judiciaire relative au retour des mineurs non accompagnés dans leur pays d'origine.
Vous l'aurez compris, madame la rapporteure, mes chers collègues, le groupe Dem ne votera pas la proposition de loi, car la lutte contre la fraude à l'identité dans le cas des mineurs non accompagnés peut et doit s'appuyer sur des moyens respectueux de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et SOC ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Selon son exposé des motifs, la proposition de loi est censée être justifiée par l'ampleur de la pression migratoire, jugée exceptionnelle et sans équivalent depuis la seconde guerre mondiale – certains orateurs ont repris cet argument.
Si c'était là une vérité, ce que nous contestons avec force, que proposent donc les auteurs de cette proposition de loi pour y faire face ?
Si telle était la réalité, on aurait pu imaginer, par exemple, qu'ils préconisent de renforcer les moyens juridiques, matériels et humains pour lutter contre les filières criminelles de passeurs. Sans même rêver qu'ils cherchassent à renforcer le droit d'asile, on était en droit d'espérer des mesures visant à protéger les mineurs des réseaux clandestins qui abusent de leur évidente vulnérabilité. Mais on était loin d'imaginer que la seule solution proposée serait de lutter contre la fraude à l'identité dans le cas des mineurs non accompagnés.
Ainsi, il serait urgent de faire le tri entre les vrais mineurs et les jeunes qui prétendent avoir moins de 18 ans pour bénéficier de la protection de l'ASE. En dehors du fait que l'État français s'honorerait en protégeant mieux tous les jeunes isolés sur son territoire, il est à noter que, dans la proposition de loi, la détermination de l'âge des intéressés repose intégralement sur les tests osseux et les examens dentaires. À cette fin, le texte vise à instaurer une présomption de majorité pour les jeunes refusant de se prêter à un test osseux. En contrepartie – on ose à peine utiliser ce mot – , en cas de doute sur la minorité, celui-ci profiterait au jeune. Encore heureux, serait-on tenté d'ajouter. Enfin, le texte prévoit que, s'il voit sa minorité reconnue, le jeune devra être pris en charge dans une structure dédiée. À tout prendre, on ne voterait que pour cette dernière disposition.
Parce que l'évaluation de l'âge à partir des données radiologiques et dentaires est extrêmement aléatoire, le destin de ces jeunes et leur protection juridique et sociale ne peuvent entièrement en dépendre. Instaurer une présomption de majorité pour ceux qui refuseraient de se prêter à de tels examens médicaux est aussi inique qu'inepte. Certains parmi ces jeunes ont subi des violences et des maltraitances qui ont pu les traumatiser durablement. Il faut être capable d'un minimum d'empathie pour le comprendre. Oui, un jeune peut refuser de subir de tels examens. Non, il n'est pas forcément majeur pour autant. Oui, un jeune peut redouter qu'un examen médical le condamne à retourner dans un pays qu'il a fui. Or on ne fuit pas sans une bonne raison – qui dans cet hémicycle affirmerait le contraire ?
Je reprends les termes de l'avis rendu le 26 juin 2014 par la Commission nationale consultative des droits de l'homme : « Le climat de suspicion entretenu à l'encontre des MIE – mineurs isolés étrangers – est [… ] fondé sur des considérations purement fantasmatiques. » On retrouve de telles considérations dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, lequel évoque l'attaque terroriste qui a visé le journal Charlie Hebdo le 25 septembre 2020.
S'agissant des tests osseux pratiqués de manière systématique dans certains départements, on peut lire dans le même avis : « La CNCDH ne peut que le déplorer, dès lors que les jurisprudences administrative et judiciaire relèvent le peu de fiabilité de cette expertise. À ce propos, il doit être rappelé que, dès 2005, le Comité national consultatif d'éthique a mis en garde contre son utilisation. En 2009, le comité des droits de l'enfant des Nations unies a, dans ses observations concernant l'examen périodique de la France en matière de droits de l'enfant, noté "avec préoccupation que, malgré l'avis négatif du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, l'État [… ] continue de recourir à l'examen osseux pour déterminer l'âge des enfants". L'Académie nationale de médecine, le Haut conseil de la santé publique et la communauté médicale ont plus précisément relevé que le test osseux comporte des possibilités d'erreur en ne permettant pas de poser une distinction nette entre 16 et 18 ans. Constat d'autant plus problématique que la plupart des MIE présents sur le territoire français sont âgés de 16 ans ou plus. »
Ces tests, donc, ne sont pas fiables, mais les auteurs de la proposition de loi voudraient que le destin des jeunes non accompagnés en dépende. Tout est dit. Cette vision du monde, qui désigne des boucs émissaires de la misère du monde, n'est pas la nôtre. Cette vision du monde, qui ne propose à des femmes et à des hommes brisés rien d'autre que des réponses de comptables, n'est pas la nôtre. Elle met en question avec une certaine inconséquence et avec brutalité nos valeurs de solidarité et d'humanisme, et n'ouvre aucune piste vers la prise en charge de ces situations dramatiques que nous connaissons dans nos départements, dans nos circonscriptions. Ces jeunes garçons et ces jeunes filles qui vous racontent comment ils ou elles ont traversé un continent entier, au péril de leur vie, emportant avec eux, parfois à bout de forces, de jeunes frères et s? urs, n'ont-ils et n'ont-elles rien de mieux à attendre de la représentation nationale que des regards inquisiteurs, prêts à les juger et à les condamner ?
La politique d'asile et d'immigration de notre pays n'a pas, à l'évidence, la clarté et l'ambition qu'elle mérite. Elle ne sortirait pas grandie ou mieux éclairée si nous adoptions le texte soumis aujourd'hui à notre examen. Pour les départements, c'est une charge financière lourde, mais c'est surtout une charge humaine et émotionnelle plus importante encore. L'accueil et le soin sont une responsabilité que certains élus départementaux sont d'ailleurs fiers d'assumer. C'est le cas chez moi, en Ardèche, et ce malgré les nombreuses difficultés que vous avez évoquées, monsieur le secrétaire d'État.
Nous devons travailler ensemble sur ce sujet difficile, sans caricature, sans préjugés et sans excès. Avec l'État, nous devons trouver les moyens d'une politique plus juste et plus européenne. Vous l'avez compris, le groupe Socialistes et apparentés votera avec force contre cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR. – M. Pacôme Rupin applaudit également.
Des jeunes traînant dans les rues de Paris, des attroupements d'adolescents ou de jeunes adultes dés? uvrés dans nos grandes villes, des jeunes logés à plusieurs dans une chambre d'hôtel, ces images nous choquent tous. Mais, au-delà de l'émotion légitime, la question des mineurs non accompagnés est extrêmement complexe et se trouve à la croisée de plusieurs politiques publiques différentes. En ma qualité d'ancienne conseillère départementale et de coprésidente du groupe d'études sur les mineurs non accompagnés aux côtés d'Elsa Faucillon, j'ai pu mesurer pleinement cette complexité, grâce aux nombreuses auditions que nous avons menées.
À cet enjeu, il faut apporter des réponses, en travaillant de manière polycéphale et complémentaire. Immigration, protection de l'enfance, prévention de la délinquance, scolarisation et formation, traitement différencié entre droit pénal des mineurs et droit pénal des majeurs, répartition des compétences entre départements et État, droit d'asile : tant de domaines s'entremêlent avec, ne l'oublions jamais, toujours des souffrances humaines.
D'après l'Institut Montaigne, en 2020, 40 000 personnes étrangères se présentant comme mineures ont sollicité le statut de MNA. Sur ces 40 000 personnes, la moitié environ devrait être éligible à l'ASE. Pour les départements, le coût de cette aide dont ils ont la charge s'élève en moyenne à 50 000 euros par mineur et par an. Cette question financière est bien sûr source de tensions.
Le 8 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a ainsi rappelé à l'ordre le conseil départemental des Bouches-du-Rhône, à qui il a été demandé de mettre à jour sa liste des jeunes se présentant comme MNA et de les mettre à l'abri. Ce faisant, le tribunal a rappelé le principe selon lequel lorsqu'un jeune se présente comme mineur il doit être pris en charge par les services de protection de l'enfance et obtenir un hébergement d'urgence jusqu'à ce que son âge soit déterminé. À l'issue de l'évaluation, s'il est considéré mineur, il reste pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. En revanche, s'il est jugé majeur, la prise en charge s'arrête et le jeune est inscrit dans un parcours de droit commun.
À cet égard, on ne peut qu'adhérer à l'objectif du texte, qui est de ne pas galvauder un principe de protection. Il est en effet difficile d'admettre que certaines personnes, d'ailleurs souvent organisées en filières, utilisent le statut très protecteur que la France accorde légitimement aux mineurs pour se jouer du droit des étrangers, du droit d'asile et du droit pénal. Il convient donc de distinguer les vrais mineurs non accompagnés des fraudeurs. Les premiers relèvent d'une bien légitime prise en charge éducative et sanitaire ; les seconds doivent être traités différemment.
La proposition de loi tend à créer une présomption de majorité pour les personnes refusant de se soumettre à des examens médicaux, y compris des tests osseux, visant à vérifier leur minorité.
Dans sa présente rédaction, l'article 388 du code civil dispose que « les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé ».
Par ailleurs, l'ensemble des avis et recommandations s'accordent sur le fait que lorsqu'ils sont pratiqués autour de l'âge de 18 ans les tests osseux présentent une marge d'erreur de dix-huit à vingt-quatre mois. C'est l'une des raisons pour lesquelles le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 21 mars 2019, rendue en réponse à une QPC – question prioritaire de constitutionnalité – , a jugé les alinéas 2 et 3 de l'article 388 du code civil conformes à la Constitution, mais a affirmé que « la majorité d'une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux ».
Les Sages de la rue de Montpensier s'étant montrés très clairs, cette proposition de loi me semble vouée à être déclarée inconstitutionnelle. Le groupe Agir ensemble ne la votera donc pas.
Au-delà de cette position, notre groupe est réservé sur le principe même du test systématique de majorité.
Si nous partageons la volonté d'exercer un contrôle strict et efficace, nous mettons en garde contre une politique du soupçon systématique. La Convention internationale des droits de l'enfant précise en effet que chaque enfant a le droit d'être protégé s'il se déclare mineur. Il appartiendra donc aux institutions, conformément au régime de la charge de la preuve en vigueur en France, de démontrer le contraire. Mais comment le faire par une simple présomption ? Cela nous semble incompatible avec les règles et principes fondamentaux du fonctionnement judiciaire de notre pays.
Les solutions pour accueillir au mieux ces mineurs sont multiples et doivent être améliorées. Les départements sont en première ligne et ont déjà formulé des recommandations. Par surcroît, un travail de coopération européenne serait le bienvenu. Celui-ci a déjà commencé, et gageons que les jeunes mineurs profiteraient de progrès en la matière.
Il est donc urgent d'agir. Nous en sommes tous conscients, tout comme nous savons que cette question doit être traitée dans sa globalité. Le rapport d'information sur les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés, de nos collègues Eliaou et Savignat, ainsi que les propositions à venir du groupe d'études sur les mineurs non accompagnés doivent nous inciter à élaborer un texte commun et global.
À l'instar de ma collègue Delphine Bagarry, qui travaille depuis de nombreuses années sur la question des mineurs non accompagnés et qui a représenté les députés de l'ancien groupe Écologie démocratie solidarité en commission des lois, je ne puis que m'indigner de la nature de votre proposition de loi, madame la rapporteure.
À en croire votre propos liminaire, la finalité de votre texte serait de protéger les mineurs non accompagnés. Or je m'interroge : où se trouve donc la protection des mineurs dans votre texte ? Certainement pas dans la disposition visant à instaurer une présomption de majorité ! Certainement pas non plus dans la quasi-systématisation du recours à des examens osseux, aux fins de déterminer l'âge des jeunes immigrés.
Bien au contraire, sous couvert de protéger ces mineurs, vous colportez une vision péjorative des migrants, que vous présentez comme profiteurs et super-informés, et vous cherchez à opérer un véritable basculement dans notre philosophie de l'accueil humanitaire. Vous refusez de voir dans ces enfants des mineurs à protéger, préférant y voir des étrangers à rejeter.
Ces jeunes personnes mineures qui arrivent en France sont, rappelons-le, les rescapés d'un voyage terriblement violent, que des politiques de dissuasion des migrations à tout prix rendent de plus en plus dangereux. Car la violence fait partie du voyage ! À celle qui les a poussés à tout abandonner dans leur pays, s'ajoute celle, parfois extrêmes, rencontrée sur les routes de l'exil.
En instaurant une présomption de majorité pour les enfants qui refuseraient de se soumettre à ces tests osseux et en créant, de fait, une obligation de les pratiquer, non seulement vous les traitez comme de dangereux délinquants, mais, par surcroît, vous les privez de toute protection sociale. Ce que produirait votre proposition de loi, madame la rapporteure, serait irréparable, inexorable. Ne pas protéger un enfant du pire, c'est porter atteinte à sa sociabilité, c'est le livrer aux réseaux.
Votre proposition de loi, c'est un coup porté à chaque enfant et à notre cohésion sociale. Vous attaquez ce qui nous définit comme nation. Un enfant livré à la rue, c'est le risque d'une enfance délinquante.
Et je ne parle pas des tests osseux eux-mêmes ! Dois-je le rappeler, ces tests ont été dénoncés par le Défenseur des droits, le Conseil national de l'Ordre des médecins, le Haut Conseil de la santé publique, le Comité des droits de l'enfant des Nations unies, le Syndicat de la magistrature, la Ligue des droits de l'homme, Médecins du monde, et j'en passe.
À cela s'ajoute le grand risque d'inconstitutionnalité de votre proposition de loi. En effet, dans sa décision du 21 mars 2019, rendue en réponse à une QPC, le Conseil constitutionnel a établi plusieurs garde-fous s'agissant de l'utilisation de ces tests : …
… seule l'autorité judiciaire peut décider d'y recourir et doit s'assurer du caractère subsidiaire de l'examen ; la majorité d'une personne ne peut être déduite de son seul refus de se soumettre à un tel test ; compte tenu de la marge d'erreur de ces examens, le doute doit toujours profiter à la qualité de mineur de l'intéressé. Rappelons-le une énième fois si cela est nécessaire : les tests osseux ne sont pas fiables ! La marge d'erreur, de plus ou moins dix-huit mois, est intolérable. En vous attaquant à plusieurs des garanties fixées par le Conseil constitutionnel, vous méconnaissez donc l'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Madame la rapporteure, si vous aviez à c? ur de protéger les enfants immigrés, vous auriez pu vous inspirer librement du travail de ma collègue Delphine Bagarry, que je tiens à nouveau à saluer et qui a déposé une proposition de loi sur ce sujet. Elle y prône une approche réaliste, responsable et humaniste et y envisage les politiques publiques d'aide à l'enfance comme des outils de protection et de cohésion, et non de contrôle.
Vous auriez pu vous en inspirer pour harmoniser les pratiques d'évaluation et doter les départements de règles communes, applicables par tous, de sorte qu'à leur arrivée en France les mineurs non accompagnés soient mis à l'abri et bénéficient de la prise en charge que leur statut de mineur devrait leur assurer. Vous auriez pu, mais vous avez renoncé à protéger ces enfants. Il est donc évident que je ne voterai pas la proposition de loi.
Mme Elsa Faucillon, M. Pacôme Rupin et Mme Sylvie Tolmont applaudissent.
Je vous remercie pour l'intérêt que vous avez porté à ce texte et souhaite revenir sur certains points que vous avez évoqués.
À vous entendre, on pourrait croire que la proposition de loi porte atteinte aux mineurs, mais pas du tout ! Ce texte, mes chers collègues, vise à porter atteinte à la fraude ! Dans la vie, on ne fraude pas, on ne triche pas, on ne ment pas.
De la même manière, M. le secrétaire d'État a dit qu'il s'agissait d'un texte sur les MNA. Non plus ! C'est bien un texte sur la fraude !
M. Pacôme Rupin proteste.
Laisser cette fraude perdurer revient à autoriser les faux mineurs. En effet, 60 % des jeunes personnes immigrées se déclarent mineures à leur arrivée, alors qu'elles ne le sont pas.
Non !
C'est cette lutte que je souhaite mener, afin de protéger les vrais mineurs, les enfants qui, eux, ont droit à tout ce que recouvre la protection de l'enfance. Eux ont le droit d'être surveillés, protégés, encadrés, éduqués, formés.
Je rappelle, comme vous l'avez d'ailleurs souvent fait, la somme allouée à chaque mineur : 50 000 euros par individu et par an. Au fond, il s'agit d'une somme perdue puisqu'elle va à des mineurs qui n'en sont pas et non aux vrais mineurs. Grâce à elle, ces derniers pourraient s'intégrer et nous pourrions faire beaucoup pour eux. C'est donc eux que le texte tend à protéger.
L'un d'entre vous a dit que la proposition de loi visait à mettre les faux mineurs à la rue, tout en m'invitant à me demander pourquoi ces personnes fraudent.
Mes chers collègues, on est tombés sur la tête ! Je ne me demanderai pas pourquoi les gens fraudent ! Demande-t-on aux coureurs cyclistes pourquoi ils se dopent ?
Exclamations sur divers bancs.
Dans la vie, on ne fraude pas ; c'est le minimum.
On m'a également dit que ce texte était d'extrême droite.
Mais il suffit de se situer à la droite de Benoît Hamon pour être d'extrême droite ! C'est assez facile !
Chers collègues, je vous prie de laisser Mme la rapporteure s'exprimer.
… c'est celui d'une institutrice, d'une directrice d'école, d'une mère. On ne triche pas, on ne ment pas : c'est ainsi que l'on doit élever et éduquer nos enfants.
M. Bruno Duvergé proteste.
On ne ment pas, on ne fraude pas !
À ceux qui me demandent si je me suis interrogée sur les motifs de la fraude, vous demandez-vous pourquoi certaines personnes fraudent le fisc et partent dans je ne sais quel pays ?
Mais là, sur ce sujet des mineurs non accompagnés, il faudrait se poser la question. Eh bien non, je ne me demande pas pourquoi ces personnes fraudent !
On ne fraude pas, c'est comme ça ! On ne doit pas le faire. C'est interdit de frauder, c'est interdit de tricher, c'est interdit de mentir. Pourquoi ? Parce que cela cause des torts aux autres, à ceux qui sont honnêtes, aux mineurs qui, eux, sont réellement petits.
Je vous ai constamment entendu parler d'« enfants », certainement pour nous émouvoir.
Mme Albane Gaillot proteste.
Mais nul ne confond les enfants avec les mineurs ou les jeunes adultes. Toute ma vie, j'ai travaillé avec les enfants. Avec ce texte, nous parlons bien d'adolescents et de jeunes adultes, dont 95 % – vous le dites vous-mêmes – sont des hommes, âgés de 16 ans à beaucoup plus.
Mme Albane Gaillot proteste à nouveau.
Contrairement à ce que j'ai entendu, la proposition de loi ne tend pas à rejeter des enfants. Nul ne le souhaite. Je le répète, il s'agit de jeunes hommes – je dis bien « hommes » – qui, pour 60 % d'entre eux, ne sont plus des mineurs.
Leur prise en charge coûte 2 milliards d'euros par an aux départements, contre 1 milliard d'euros il y a peu de temps. Nos départements nous ont alertés. C'est un véritable problème de faire se côtoyer de vrais mineurs avec de faux mineurs – appelons-les ainsi. Il y a un problème financier, mais aussi un problème d'intendance. On ne met pas dans un même endroit un homme de 25 ans avec des plus jeunes, surtout s'il s'agit de filles : cela pose beaucoup de problèmes.
Je préférerais qu'on amende et qu'on travaille ce texte. J'entends le fait que les tests osseux ne sont pas fiables. J'ai d'ailleurs déposé un amendement visant à prévoir une marge d'erreur de vingt-quatre mois. Mais puisque vos arguments semblent se concentrer sur ces examens, abandonnons-les complètement !
Mais que faire ? J'avais rédigé un amendement sur la question des empreintes digitales, qui a été déclaré irrecevable. Ce qui favorise l'extrême droite, c'est précisément que n'importe quel individu, vous ou moi, qui souhaite refaire une pièce d'identité se verra prendre ses empreintes digitales sans qu'on lui demande son consentement, alors que le faire pour ces jeunes hommes immigrés est impossible. Ce paradoxe fait monter l'extrême droite, car les gens ne comprennent pas pourquoi on ne peut pas faire de test pour s'assurer de la majorité des personnes, pourquoi on ne peut pas prendre leurs empreintes digitales, pourquoi on les laisse frauder.
Mes chers collègues, c'est un texte contre la fraude, certainement pas contre les enfants. Au contraire, il vise à les protéger et à essayer de trouver un moyen d'aider nos départements et la France à faire face à ce problème. Puissions-nous travailler ensemble sur cette situation. Ne rien faire serait l'accepter.
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
Je vous avoue que la vision angélique qui a été développée par certains d'entre nous me sidère.
Je me permettrai de vous rappeler quelques éléments. Cela a été dit lors de la discussion générale, il est estimé que près de 60 % des mineurs non accompagnés sont en réalité majeurs et bénéficient indûment de notre système de protection. J'appelle également votre attention sur les filières et les passeurs, qui organisent l'arrivée de vrais-faux mineurs non accompagnés. Et je rappellerai aussi – cela vient d'être dit – que la prise en charge d'un mineur non accompagné coûte environ 50 000 euros par an au contribuable français par l'intermédiaire des conseils départementaux.
L'objectif de cette proposition de loi n'est pas de priver les mineurs étrangers de la protection à laquelle ils ont légitimement droit mais plutôt de tenter de mettre fin à un système frauduleux, qui tend à se généraliser. Pour mémoire, en 2018, une filière fournissant de faux documents d'identité à des migrants, leur permettant de se faire passer pour des mineurs et, ainsi, de bénéficier d'aides a été démantelée par la police aux frontières dans l'Hérault.
C'est vrai, et on l'a dit en commission, les tests osseux ne sont pas fiables à 100 % et ne représentent pas la solution miracle ; mais alors, que proposez-vous ?
Je vous rappelle que, dans son rapport d'activité 2019, la mission mineurs non accompagnés rattachée à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, dressait le constat suivant : « L'ensemble des acteurs de la prise en charge constatent, ces dernières années, une augmentation importante de mineurs non accompagnés relevant du cadre pénal. » Cette situation est également relevée dans le rapport d'activité 2018 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté : « Certains lieux de détention ont connu une augmentation de près de 50 % du nombre de MNA détenus. »
Si les faux mineurs étaient détectés, on pourrait prendre en charge les vrais mineurs non accompagnés, qui, eux, en ont réellement besoin, dans de bonnes conditions. En 2018, on recensait 7 600 interpellations de mineurs isolés dans l'agglomération parisienne ; en 2019, ces chiffres étaient en hausse de 20 % et, pour les huit premiers mois de 2020, on dénombrait déjà l'interpellation de 6 309 mineurs étrangers, soit 300 de plus qu'en 2019 sur la même période. C'est à ce phénomène qu'il faut s'attaquer ; empêcher les faux mineurs de bénéficier de notre protection y participe.
La question des mineurs non accompagnés et de la fraude nous concerne tous. Elle existe dans tous les départements, où les agents de l'aide sociale à l'enfance doivent la gérer, non sans une certaine peur parfois, lorsqu'ils doivent faire face non à des mineurs non accompagnés mais à des majeurs, susceptibles d'actes de violence ou d'intimidation à leur encontre. Nous sommes loin, ici, de l'intérêt supérieur de l'enfant…
Cette question mérite beaucoup mieux que le débat un peu manichéen dans lequel essaient de nous enfermer nombre de ceux qui se sont exprimés – y compris le secrétaire d'État, ce que je regrette. Il y aurait d'un côté – le bon, celui de l'humanité, de la protection, de la justice– ,
Mmes Albane Gaillot, Sylvie Tolmont et Elsa Faucillon approuvent chaque terme de l'énumération
… et de l'autre, nous, que vous voulez enfermer dans la catégorie de ceux qui rejettent l'immigration…
… et la protection due aux enfants. Mais nous sommes tous du côté de la patrie des droits de l'homme !
… comme nous regardent les présidents de département et les directions de l'aide sociale à l'enfance, qui connaissent la réalité de ces questions sur le terrain.
Je ne dis pas que les mesures proposées sont forcément les meilleures ni même qu'elles sont les bonnes mais, quoi qu'il en soit, on ne peut laisser la situation en l'état car elle risque de devenir explosive pour tout le monde.
Nous proposons la suppression de cet article, tout simplement dangereux. Ni naïf, ni défiant, le législateur, quand il écrit la loi, doit regarder les faits tels qu'ils sont. Or des enfants à la rue, ce sont des enfants en danger, et il est possible de penser des politiques volontaristes et appropriées pour les en sortir.
Oui, certaines personnes présentes illégalement sur notre territoire peuvent tenter de se faire passer pour des mineurs, afin d'obtenir un toit ; oui, des mineurs à la rue sont des jeunes livrés aux réseaux, privés de sociabilité et potentiellement délinquants. Mais, non, ce n'est pas par cette proposition, qui augmentera structurellement le nombre d'enfants à la rue, que l'on résoudra ces deux difficultés ; au contraire, on ne fera que les nourrir.
Je regrette l'esprit dans lequel a été rédigé cet article, marqué par le rejet de l'immigration et qui propose des solutions inspirées par l'extrême droite, contraires à l'État de droit et ignorant le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Je le regrette parce que l'article 388 du code civil ne permet déjà pas d'assurer la primauté de cet intérêt supérieur de l'enfant, malgré l'ensemble des garanties inscrites dans la loi, parce qu'il se heurte au pouvoir discrétionnaire d'appréciation des présidents de conseil départemental, qui entraînent parfois les mineurs dans des procédures longues, la seule solution pour une prise en charge rapide étant alors l'examen radiologique.
Dans certaines juridictions le recours à ces examens est désormais quasi systématique, le département arguant du coût important de la prise en charge des mineurs. Cette systématisation revient à inverser la logique qui devrait prévaloir, en instaurant une présomption de majorité, alors que c'est la présomption de minorité qui est la règle.
La protection de l'enfance et la prévention de la délinquance méritent une réflexion plus poussée sur le sort des enfants livrés à la rue.
Nous ne sommes pas angéliques, contrairement à ce que croient la rapporteure et les membres du groupe UDI-I signataires de cette proposition de loi. Celle-ci procède tout simplement d'une autre vision de la société, de nos principes, de nos devoirs, de l'honneur de notre pays et des enfants. Car c'est d'eux que l'on parle, des mineurs non accompagnés qui donnent son titre à votre texte. Et ces enfants sont d'abord des enfants en danger, des enfants vulnérables.
Cela étant, nous assumons parfaitement d'avoir une position divergente de la vôtre sur les jeunes adultes. Eux aussi sont vulnérables et précaires, et devraient, à l'issue d'un parcours migratoire extrêmement violent, pouvoir également bénéficier de l'accueil et de la protection de notre pays mais, en dépit des conventions internationales, ils ne le peuvent pas, à cause des choix faits par les pouvoirs publics en matière de politique migratoire, qui visent à rendre difficiles l'accueil et la protection des adultes, comme des jeunes majeurs ou des adultes.
Et je crois que, à la différence de ce que vous pouvez dire ou penser, les Français et les Françaises, les citoyens et les citoyennes, sont en grande majorité dans le même état d'esprit. Ils estiment, comme nous, qu'il faut donner plus de moyens aux services de l'État qui ont pour fonction première d'assurer cette protection et cet accueil dans des conditions dignes. En effet, il y aurait là matière à légiférer, mais dans le sens inverse de ce que vous faites. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Mme Michèle Peyron applaudit.
Les discours qui instrumentalisent la situation suscitent d'autant plus la peur chez nos concitoyens qu'ils sont alimentés par beaucoup de responsables politiques, mais aussi par un polémiste dont je tairai le nom…
… et qui a été condamné !
… et dont les propos sont condamnés parce que, au-delà de nourrir un climat de suspicion, ce sont des propos haineux et racistes.
Malgré ce climat, toutes celles et ceux qui côtoient ces jeunes, qui les accompagnent, parfois dans des parcours de professionnalisation, savent à quel point ces jeunes ont besoin d'être protégés et combien ils apportent à notre pays.
Or votre proposition de loi ne lutte pas contre la fraude : elle s'attaque à celles et ceux qui en sont victimes.
Mme Michèle Peyron applaudit.
Pourtant, en 1945, a vu le jour un texte incroyable, autour duquel se sont unis nos prédécesseurs en politique, au-delà des bancs sur lesquels ils siégeaient : l'ordonnance de 1945 préconisait la protection des victimes et des plus vulnérables, y compris lorsqu'ils étaient délinquants.
Il faut protéger l'enfance délinquante, parce qu'un enfant n'est pas encore un adulte responsable. Vous faites, vous, peser la faute sur les victimes et les plus vulnérables. Alors, ne venez pas nous raconter que vous luttez contre la fraude : non, vous rejetez des enfants, parce qu'ils sont étrangers !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et SOC.
Je regrette évidemment ces amendements de suppression. Leur adoption nous priverait d'un débat utile et riche, même si nous avons des désaccords.
Vous avez également proposé des amendements de rédaction globale de l'article, qu'il serait plus intéressant de discuter, et je ne comprends pas pourquoi, au lieu de supprimer l'article, vous ne défendez vos amendements visant à interdire les tests osseux : cela serait cohérent et nous permettrait de connaître l'avis de la majorité sur ce point.
En ce qui concerne les arguments qui m'ont été opposés, je suis d'accord pour dire que la fiabilité des tests doit être renforcée. C'est pourquoi je souhaite rétablir la marge d'erreur à vingt-quatre mois, ce qui constitue la fourchette haute, selon les scientifiques ; je souhaite également actualiser les référentiels pour qu'ils soient adaptés aux mineurs d'aujourd'hui.
Vous évoquez l'intérêt supérieur de l'enfant : il n'est pas question d'y porter atteinte ; d'ailleurs nous avons affaire à des adolescents et à des personnes de plus de 18 ans, des jeunes hommes ayant parfois entre 20 et 25 ans. Ce sont eux que nous voulons exclure de la protection qui est due aux plus jeunes et dont ils doivent bénéficier dans sa totalité, car elle est effectivement très onéreuse.
Ce que nous voulons, c'est ne pas exposer les mineurs à des majeurs, à 95 % des hommes, qui peuvent être dangereux, en particulier pour une jeune fille de 16 ans. Mon objectif est de protéger les vrais mineurs, ce qui ne signifie pas qu'il ne faut pas accompagner les jeunes majeurs, au contraire, mais cela ne relève pas du même dispositif.
Vous soulignez également les risques d'inconstitutionnalité. J'y ai répondu dans mon propos liminaire, mais je m'explique à nouveau : le Conseil constitutionnel a autorisé les tests osseux, sous réserve de garanties que la proposition de loi maintient.
La rédaction globale que je propose reprend celles que nous avions omises, à savoir la marge d'erreur et le fait que le test ne peut définir seul la minorité. Quant à la présomption de majorité, qui est une présomption simple – donc non irréfragable – , le Conseil s'y est montré défavorable pour la seule raison qu'il ne s'agissait pas de la volonté du législateur et qu'il ne souhaitait pas que des pratiques contraires à la loi se diffusent. Ce texte est donc équilibré…
Refuser de l'amender et laisser les choses en l'état signifierait qu'on laisse aux départements la charge de gérer la fraude.
Mme Mihèle Peyron proteste.
Je rappelle enfin que ce problème n'est pas nouveau. Claude Bartolone lui-même, que l'on ne peut taxer d'être de droite ou d'extrême droite avait, dès 2011, ouvert les hostilités en déclarant qu'il n'accueillerait plus de mineurs isolés étrangers – c'est ainsi qu'on les appelait à l'époque – , la politique migratoire étant une compétence de l'État et non des départements.
Mmes Delphine Bagarry et Albane Gaillot protestent.
Le Gouvernement est favorable à la suppression de l'article 1er, qui tend à introduire une présomption de majorité en cas de refus de l'intéressé de se soumettre à un examen radiologique d'âge osseux.
En premier lieu, cette disposition présente un fort risque d'inconstitutionnalité. Si le Conseil constitutionnel a validé les examens osseux, il a indiqué que la majorité une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à cet examen…
Eh oui, il y a un texte qui s'appelle la Constitution !
Protestations sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mmes Delphine Bagarry et Albane Gaillot protestent également.
Cela s'appelle l'État de droit, pour lequel vous avez comme moi, je pense, la plus grande considération.
Le Conseil constitutionnel a indiqué que la majorité d'une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux et qu'un tel examen est subsidiaire. Il ne peut être ordonné que si la personne en cause ne dispose pas de document d'identité valable et si l'âge qu'elle allègue n'est pas vraisemblable.
En définitive, l'article 1er méconnaît les garanties nécessaires à la détermination de l'âge, rappelées par le Conseil constitutionnel. Nous sommes donc favorables à ces amendements de suppression de l'article.
Monsieur Brindeau, mesdames et messieurs les députés du groupe UDI-I, je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement fait preuve d'angélisme sur cette question. Nous l'appréhendons de façon réaliste et efficace.
MM. Pascal Brindeau et Michel Zumkeller protestent.
Pour notre part, nous ne proposons pas de dispositif inconstitutionnel et insensé d'un point de vue scientifique : puisque la marge d'erreur des tests osseux va de dix-huit mois à deux ans, en particulier durant cette période de développement du corps des enfants, la disposition serait complètement inopérante.
Je le répète : ne tombons pas dans la caricature sur ce sujet, et ne minimisons pas les difficultés auxquelles les départements sont confrontés.
Quand j'ai été nommé au Gouvernement, j'ai demandé à être désigné chef de file sur la question des mineurs non accompagnés, notamment pour ancrer celle-ci dans la protection de l'enfance. En effet, ce n'est pas un sujet migratoire : parce que ce sont des enfants, ces jeunes relèvent de la protection de l'enfance.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Appréhendons ces sujets les uns après les autres avec les acteurs concernés, à commencer par les départements, en faisant preuve de pragmatisme, …
… sans tomber dans la caricature, sans réduire la question des mineurs non accompagnés à celle de la fraude, …
… sans amalgamer la question des mineurs étrangers avec celle des mineurs délinquants,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Albane Gaillot applaudit également. – Protestations sur les bancs du groupe UDI-I
comme certains essaient de le faire en ce moment – ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problème avec les mineurs déliquants.
Évitez les amalgames et les confusions : d'un côté, des jeunes ont traversé la mer Méditerranée pour venir ici et – vous le savez très bien, pour en rencontrer dans vos territoires – souhaitent s'intégrer, apprennent le français rapidement, se lèvent le matin, suivent des parcours d'apprentissage, …
… et ces jeunes-là, les chefs d'entreprise, dans vos départements, veulent les garder parce qu'ils bossent.
D'un autre côté, on trouve des enfants…
… qui sont des victimes et doivent être appréhendés comme tels – quand bien même ils commettent des actes de délinquance – , qui sont souvent polytoxicomanes et déracinés et, vous le savez très bien, n'ont pas la volonté de s'intégrer, ne viennent pas frapper à la porte de l'aide sociale à l'enfance.
Non, ceux-là, quand la protection à l'enfance les accueille, repartent le lendemain. Toutes ces situations sont éminemment complexes, et doivent être appréhendées de façon différenciée. Ne faites pas de caricatures ni d'amalgames sur de tels sujets.
Depuis deux ans que je suis au Gouvernement, nous traitons les sujets les uns après les autres : la question de l'évaluation de la minorité – qui a fait l'objet d'un guide d'évaluation ; celle de la clé de répartition ; celle du fichier AEM. Depuis que nous l'avons créé, 85 départements environ l'ont adopté pour lutter contre le nomadisme administratif, et le nombre de jeunes qui se présentent pour se faire évaluer a diminué de 20 % à 30 %.
Madame la rapporteure, le Gouvernement agit, sans angélisme et en traitant les sujets les uns après les autres. Nous travaillons aussi à l'intégration de ces enfants. J'évoquais tout à l'heure la circulaire du 21 septembre 2020 du ministère de l'intérieur, qui permet d'anticiper la régularisation administrative des mineurs engagés dans des parcours professionnalisants.
Excusez-moi d'avoir été un peu long. Avis favorable aux amendements de suppression.
Je ne pourrai faire droit qu'à quelques demandes d'intervention ; je vous invite par ailleurs à respecter les temps de parole.
Monsieur Jean-Christophe Lagarde, nous vous écoutons.
Certains propos me paraissent surréalistes. Mme Faucillon a parlé de discours haineux, or je ne crois pas en avoir entendu de la part de membres du groupe UDI et indépendants. Monsieur le secrétaire d'État, vous parlez d'amalgame, mais voulez-vous vraiment faire croire que les centristes de l'UDI-I sont des extrémistes ? C'est pourtant le sens de vos réponses depuis tout à l'heure. Cela n'a aucun sens et je vais le démontrer.
Certains ont parlé de principes, d'honneur de la République, de manque d'humanité. Quelqu'un a même parlé d'IVG – quel rapport ?
Quelle absurdité ! Est-ce le principe, l'honneur, l'humanité de la République d'accepter que ses lois soient détournées…
… sans les corriger ? Est-ce cela votre vision des principes, de l'honneur de la République ?
Certains parlent des enfants, mais cette proposition de loi ne concerne que des majeurs qui souhaitent se faire passer pour des enfants et détournent la loi. Est-ce faire preuve d'inhumanité que de vouloir l'empêcher ? Vous vous apprêtez pourtant à rejeter le dispositif pour ce motif.
Monsieur le secrétaire d'État, contrairement à ce que vous dites, personne ici n'a parlé de délinquance. Nous disons seulement que, à nier le détournement de la loi, à refuser que les modérés abordent ces problèmes difficiles, mais réels, vous faites le lit des extrêmes.
Si nous ne pouvons pas aborder ces questions à cause de votre refus, d'autres les aborderont à votre place. Votre rejet est donc regrettable.
… concernant les mineurs non accompagnés, à qui ils font porter le chapeau pour de nombreux maux. C'est classique mais choquant, parce que cela touche nos jeunes.
Qui les a vraiment côtoyés ? Qui les suit dans leur parcours semé d'embûches vers l'insertion professionnelle ? Qui est témoin de leur courage et de leur ténacité ? Les professeurs, qui repèrent leurs capacités et leur niaque. Beaucoup de ces jeunes ne baissent jamais les bras.
Ils savent d'où ils viennent et sont prêts à se battre coûte que coûte pour un avenir meilleur. En classe, ils exercent un effet d'entraînement sur les autres élèves – nos propres enfants, madame Thill. Ce sont les professeurs qui le disent.
Pendant que vous stigmatisez les jeunes mineurs étrangers, les patrons français, en mal d'apprentis sérieux, se les arrachent. Cela, ce n'est pas du manichéisme, c'est l'économie française. Récemment le boulanger Stéphane Ravacley, à Besançon, a obtenu la régularisation de son apprenti, après avoir mené une grève de la faim. Arrivé à 16 ans en France pour fuir la violence en Guinée, ce jeune mineur isolé pris en charge par l'aide sociale à l'enfance s'est levé tous les jours à quatre heures du matin pour apprendre le métier de boulanger en tant qu'apprenti.
Écoutez la suite, s'il vous plaît. Stéphane Ravacley pourrait vous citer des centaines de témoignages de patrons d'entreprise qui cherchent des jeunes à employer. En France, dans le seul domaine de la boulangerie, 9 000 emplois restent non pourvus.
Avec votre dispositif d'évaluation de la minorité, ce jeune, qui arrivait à l'âge de la majorité, aurait pu être renvoyé en Guinée, …
… parce que les tests osseux ne sont pas fiables, et ne peuvent permettre, à eux seuls, de déterminer l'âge d'un jeune. Ce n'est pas moi qui dis cela, mais l'Ordre des médecins.
Votre démarche, en rendant quasiment systématique le recours au test osseux, contredirait la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Je vous invite à lire le rapport de la mission bipartite de réflexion sur les mineurs, confiée à des corps d'inspection et à l'Assemblée des départements de France, qui reconnaît le manque de fiabilité de chacune des méthodes d'examen médical de l'âge physiologique d'une personne. Même ce document recommande de « ne recourir que de manière exceptionnelle…
… aux examens radiologiques osseux », et « uniquement à l'issue de l'évaluation sociale et de l'expertise documentaire ».
Ces jeunes, dans leur grande majorité, ne sont pas un danger mais une vraie chance pour notre république.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme Michèle Victory applaudit également.
Sur le fond, comme je l'ai indiqué à la tribune dans la discussion générale, nous ne soutenons pas ce texte. Sur la forme, pour des questions de démocratie, il me semble qu'il ne faut pas voter ces amendements de suppression de l'article 1er.
La discussion doit avoir lieu, même si vous estimez que c'est déjà le cas. C'est pour moi une question de principe. Ne défaisons pas d'emblée, d'un seul vote, tout le travail mené par notre collègue, et laissons-la l'expliquer. Nous nous abstiendrons donc sur ces amendements.
L'évaluation de la minorité est cruciale. Je ne le nie pas, de même que l'ensemble de mes collègues, je pense. Le problème est que dans cette proposition de loi, nous utilisons un mauvais outil pour la permettre.
Oui !
Laissez-moi m'exprimer, comme je vous ai laissés le faire. Le cas le plus fréquent est celui de jeunes qui affirment avoir 17 ans mais dont on se demande s'ils n'ont pas 18 ans ou 18 ans et demi. Dans ces cas, nous ne pouvons pas, méthodologiquement, scientifiquement, éthiquement, utiliser un test qui n'est précis qu'à dix-huit ou vingt-quatre mois près. C'est tout !
L'article 388 du code civil, s'il n'est pas suffisant, est équilibré. Vous ne pouvez établir une présomption de majorité pour ceux qui refusent un test qui n'est pas fiable ! Cela étant, je conviens que la détermination de l'âge est une question cruciale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La tension qui règne ce soir montre bien que le sujet est explosif. Vous émettez un mauvais signal, monsieur le secrétaire d'État, en appelant à voter ces amendements de suppression de l'article. Il faudrait au contraire enrichir le débat, et vous enverriez un signal fort en acceptant que celui-ci ait lieu.
M. Eliaou et moi-même, après avoir mené plus de cinquante auditions, avons constaté que tous les professionnels, quels qu'ils soient, se plaignent de ne pas disposer des outils nécessaires pour travailler correctement ; …
… ils disent être en détresse. Un haut fonctionnaire de police, chargé d'un service de protection des mineurs, était au bord des larmes à la fin de son audition, expliquant qu'il ne savait plus comment faire, car il était privé d'outils pour apporter une réponse juste.
Comme je l'ai déjà dit dans la discussion générale, je ne prétends pas que la solution proposée ici est la bonne, mais ayons ce débat. Monsieur le secrétaire d'État, vous pouvez envoyer des signaux forts. Vous parliez du fichier AEM, que seuls quatre-vingt-cinq départements utilisent. Il vous suffirait d'un décret pour que demain ceux-ci partagent tous ces fichiers. Donnez-nous un signe d'intérêt pour ce sujet, plutôt que de refuser le débat. Nous ne demandons rien d'autre !
Je serai très bref.
Monsieur Lagarde, effectivement, j'étais un peu étonné que le groupe UDI et indépendants défende ce texte. Je ne peux pas vous laisser dire – ni à vous, monsieur Savignat – que nous nions la réalité.
Nous n'avons pas dit que la question de l'évaluation de l'âge – évidemment cruciale, comme l'a indiqué M. Eliaou – ne posait pas de difficultés. Elle en pose, car la matière est complexe, comme vous le savez, si vous avez assisté à l'entretien d'évaluation d'un jeune qui vient d'arriver par des travailleurs sociaux ou des associations.
Nous avons donc pris certaines dispositions. Nos services, notamment la direction générale de la cohésion sociale, ont élaboré un guide pour que l'ensemble des acteurs, dans chaque département, disposent de la même base, des mêmes outils, du même référentiel quand ils procèdent aux évaluations, afin de garantir une certaine équité territoriale – nous le devons aussi à ces enfants.
Par ailleurs, comme je l'évoquais dans la discussion générale, une mission quadripartite a été créée par le ministre de l'intérieur, le garde des sceaux, le ministre des solidarités et de la santé et moi-même. Nous avons demandé aux inspections de réfléchir et de formuler des propositions sur l'évaluation.
Mais, une fois encore, ce que vous nous proposez dans ce texte n'est pas opérant.
Oui, il faut proposer autre chose ; c'est notamment pour cela que nous avons demandé aux inspections de réfléchir sur cette question, qui n'est pas simple.
Monsieur Savignat, je n'ai plus le texte parfaitement en tête, mais le versement par l'État d'aides financières aux départements pour l'évaluation de la minorité a été conditionné à leur utilisation du fichier AEM, notamment dans un but de bonne gestion de l'argent public. En effet, comme vous le savez, la dotation de l'État aux collectivités dépend du nombre de personnes évaluées. Si des individus sont évalués dans plusieurs départements, l'État paie davantage. Le dispositif a été renforcé.
Le Gouvernement agit et les inspections ont été saisies car nous cherchons à déployer des dispositifs efficaces – je suis sûr que vous partagez cette préoccupation. Or ce que vous proposez n'est pas opérant.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.
Certains départements, dont Paris et la Seine-Saint-Denis, sont réticents à utiliser et à alimenter le fichier AEM. Or celui-ci contient des informations utiles pour éviter qu'un même mineur soit évalué à plusieurs reprises par des départements différents. L'objet de l'amendement est de rendre systématique la transmission des informations contenues dans le fichier AEM aux départements et celle des évaluations effectuées par les départements vers le fichier AEM.
Il s'agit d'ailleurs de la mise en ? uvre de la recommandation no 2 du récent rapport d'information sur les problématiques de sécurité associées à la présence de mineurs non accompagnés, remis à la commission des lois le 10 mars dernier.
L'amendement renforce l'utilisation du fichier AEM. Le décret du 30 janvier 2019, qui l'encadre, prévoit que les départements peuvent y avoir accès et que les résultats des évaluations peuvent y figurer. L'amendement vise à systématiser la transmission des informations aux départements lorsqu'un mineur non accompagné leur est confié afin qu'ils sachent s'il a déjà été évalué.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 17 .
L'objectif de cet amendement identique est de soutenir la mesure que Mme la rapporteure vient de présenter, afin de remédier à la réticence de certains départements à utiliser et à alimenter le fichier AEM. C'est d'autant plus pertinent que ce fichier contient des informations très utiles pour éviter qu'un même mineur ne soit évalué à plusieurs reprises par des départements différents. Il est donc bienvenu, ainsi que le propose cet amendement, de rendre systématiques la transmission des informations contenues dans le fichier AEM aux départements et celle des évaluations effectuées par les départements vers le fichier AEM.
Il serait fort opportun de généraliser ce fichier à l'ensemble du territoire national. Certains départements refusent encore d'y recourir pour des raisons politiques liées au rejet du fichage des mineurs, mais il ne s'agit pas toujours de mineurs. Quand l'expérimentation est généralisée, les aspects positifs de ce fichier sont évidents : dans l'Hérault, huit individus sur dix se présentant à la préfecture comme mineurs pour s'inscrire au fichier AEM sont en réalité majeurs : ils disparaissent alors des radars et ne sont plus pris en charge par les services de protection des mineurs des départements, tout simplement parce qu'ils n'y ont pas droit.
L'avis est défavorable sur ces deux amendements identiques car ils sont en grande partie satisfaits. Le cadre réglementaire de l'évaluation de la minorité et de l'isolement des personnes se présentant comme des mineurs non accompagnés prévoit l'échange d'informations entre le préfet et le président du conseil départemental dans le cadre du recours au traitement automatisé d'aide à l'évaluation de la minorité.
L'article R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles dispose en effet que le préfet sollicité doit communiquer « au président du conseil départemental les informations permettant d'aider à la détermination de l'identité et de la situation de la personne » et, inversement, le président du conseil départemental qui a sollicité le concours du préfet doit notifier à ce dernier « la date à laquelle l'évaluation a pris fin, en précisant s'il estime que la personne est majeure ou mineure », et, s'il en a connaissance, « la date de la mesure d'assistance éducative éventuellement prononcée ».
Par ailleurs, il n'apparaît pas opportun de modifier par le présent amendement le cadre de l'évaluation des informations préoccupantes et des situations de danger.
Il vise à permettre au juge de réévaluer un mineur lorsqu'un doute persiste. Il serait autorisé à interroger le fichier AEM, alors que le décret de 2019 n'ouvre cette possibilité qu'au procureur de la République. Le juge serait également encouragé à interroger d'autres pays en s'appuyant sur les données contenues dans le fichier.
En effet, s'il disposait des empreintes et des photographies, il pourrait interroger les pays d'origine supposés et ceux de transit. Certains pays comme l'Espagne acceptent de transmettre des informations sur des majeurs s'étant présentés comme mineurs non accompagnés sur son territoire.
L'avis est défavorable. Le Conseil constitutionnel a jugé, au moment de la création du fichier AEM, que celui-ci n'avait ni pour objet ni pour effet de modifier les règles relatives à la détermination de l'âge d'un individu et les protections attachées à la qualité de mineur. Par ailleurs, la majorité d'un individu ne saurait être déduite ni de son refus opposé au recueil de ses empreintes, ni de la seule constatation par une autorité chargée d'évaluer son âge qu'il est déjà enregistré dans le fichier en cause ou dans un autre fichier alimenté par les données de celui-ci.
L'autorité judiciaire, en l'occurrence le procureur de la République, ne figure pas dans la liste des consultants du fichier, mais elle est destinataire des données de celui-ci.
L'amendement no 12 n'est pas adopté.
La modification de l'article 388 du code civil que propose l'amendement permettrait au juge, en alternative au test osseux, d'interroger le fichier AEM ou les autorités du pays d'origine ou d'un pays de passage sur la situation d'une personne dont il doit évaluer la minorité.
Il me semble important de renforcer et d'inciter à la coopération internationale judiciaire sur ce sujet. L'intérêt de l'inscription de cette disposition à l'article 388 du code civil est d'offrir au juge de nouveaux instruments d'évaluation de la minorité au civil mais aussi au pénal.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 18 .
Il vise à compléter l'article 388 du code civil. Mme la rapporteure vient de l'expliquer, son adoption permettrait à l'autorité judiciaire de consulter également le fichier prévu à l'article L. 142-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin de procéder aux vérifications nécessaires pour s'assurer que l'intéressé n'a pas déjà déclaré une date de naissance ou été évalué dans un autre pays. Mme la rapporteure l'a précisé, la coopération internationale en matière judiciaire est primordiale, que ce soit au civil ou au pénal. Ce point me permet de revenir sur un aspect de la discussion que nous avons eue tout à l'heure : vous disiez, monsieur le secrétaire d'État, que le Gouvernement ne faisait pas preuve d'angélisme et qu'il n'y avait pas particulièrement de problèmes de délinquance avec les mineurs non accompagnés.
Ce n'est pas ce que j'ai dit !
Laissez-moi vous citer le procureur de Paris, auditionné en janvier 2020 par la commission des lois du Sénat dans le cadre de la révision de l'ordonnance de 1945 relative à la justice des mineurs ; il expliquait que la capitale faisait face « [… ] à la présence d'un nombre très important, en hausse considérable, de mineurs non accompagnés, à l'origine d'une délinquance acquisitive, de voie publique, particulièrement importante ». Lors de cette audition, il s'est également alarmé : « Face à ces mineurs, qui sont souvent des multirécidivistes, l'intervention policière et judiciaire se heurte à une forme d'impuissance. [… ] Ces mineurs jouissent d'un sentiment d'impunité extrêmement fort. » Parmi ces jeunes, environ 60 % ne sont pas réellement mineurs et profitent allègrement du système. Leur minorité, réelle ou supposée, signifie en pratique qu'il n'est pas possible de les renvoyer en prison tant qu'ils ne commettent pas de violences envers les personnes. À Paris, certains d'entre eux sont déferés au parquet plusieurs fois par semaine. Il est peut-être temps de prendre les choses en main et de résoudre le problème.
Avis défavorable. Je n'ai jamais dit qu'il n'y avait pas de problème de délinquance avec certains mineurs.
L'amendement no 15 est retiré.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 14 .
Il vise à reprendre l'article 5 de la proposition de loi visant à améliorer la prise en charge des MNA, promue par Éric Ciotti. L'objectif est de créer un fichier national biométrique des personnes déclarées majeures à l'issue de leur évaluation par un département, pour empêcher qu'une personne reconnue majeure par un département ne sollicite les différentes aides dont elle pourrait bénéficier, si elle était mineure, dans un autre département.
L'amendement vise également à renforcer la pertinence de la rédaction initiale de l'ancien article L. 611-6-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, abrogé par l'ordonnance du 16 décembre 2020 et remplacé par l'article L. 142-3 du même code.
Je suis favorable à l'amendement no 14 , sous réserve de l'adoption de ces trois sous-amendements.
Le sous-amendement no 25 vise à élargir le champ du fichier à toutes les personnes qui se sont déclarées MNA, quel que soit le résultat de leur évaluation. Il me semble utile de préciser l'ensemble des éléments qui doivent y être inscrits ; deux précisions seraient utiles.
Le sous-amendement no 26 a pour objectif de rendre la prise d'empreintes et de photographies obligatoire, car c'est bien souvent le seul moyen d'identifier ces jeunes.
Le sous-amendement no 27 vise à préciser qu'il faut se référer à l'évaluation prévue à l'article L. 226-3, qui est celle dédiée aux MNA.
Je suis attachée à ce que nous ayons une réponse précise du Gouvernement et de la majorité à ce sujet, car cette rédaction clarifierait l'utilisation du fichier AEM et renforcerait l'obligation de relever les empreintes, ce qui est obligatoire pour chacun d'entre nous. Ces deux recommandations ont été défendues par M. Eliaou dans son rapport ; je ne comprendrais donc pas qu'il ne vote pas en faveur de l'amendement no 14 .
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et sur les trois sous-amendements ?
Avis défavorable sur l'amendement comme sur les sous-amendements. Concernant l'amendement no 14 , je rappelle que les finalités du traitement AEM consistent à garantir la protection de l'enfance et à lutter contre l'entrée et le séjour irrégulier des étrangers en France ; ces deux versants coexistent. L'objectif est d'éviter la réitération, par des personnes majeures, de demandes de protection qui ont déjà donné lieu à un refus et de faciliter ainsi l'action des autorités chargées de la protection des mineurs – objectif que nous partageons tous. À cette fin sont notamment collectées les empreintes digitales et la photographie des ressortissants étrangers qui se prétendent mineurs et privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.
Dans sa décision no 2019-797 en réponse à une QPC du 26 juillet 2019, le Conseil constitutionnel a jugé que « [… ] les données recueillies [dans le fichier AEM] sont celles nécessaires à l'identification de la personne et à la vérification de ce qu'elle n'a pas déjà fait l'objet d'une évaluation de son âge ». C'est tout l'objet de la création de ce fichier. Autrement dit, ces données sont suffisantes au regard des finalités du traitement. La collecte et l'enregistrement d'autres données, comme le résultat d'examens radiologiques ou le recours à un dispositif de reconnaissance faciale, seraient jugés disproportionnés par rapport aux objectifs poursuivis et encourraient ainsi la censure du juge constitutionnel.
Juste un mot, au risque de me répéter – mais je crois toujours à la méthode Coué, peut-être naïvement. Vous avez parfaitement raison, monsieur le secrétaire d'État, le fichier AEM a pour objectif d'éviter la réitération des demandes formulées dans un département et qui pourraient l'être dans un autre en cas d'échec. Mais ce serait vrai si le fichier AEM était rendu obligatoire dans tous les départements. En réalité, il suffit d'avoir fait l'objet d'un rejet dans le Val-d'Oise et de passer en Seine-Saint-Denis, où il n'y a pas de fichier AEM, pour que la demande soit réitérée. J'insiste sur l'exactitude de vos propos, mais sous réserve que le fichier, pour être efficace, soit généralisé sur l'ensemble du territoire.
Une précision, monsieur le secrétaire d'État : vous parlez de reconnaissance faciale, qui serait jugée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel, mais j'ai précisément retiré l'amendement no 15 , qui évoquait un tel dispositif, parce que j'ai bien compris qu'il pourrait ne pas passer le filtre du Conseil constitutionnel. Ne me répondez pas sur un amendement que j'ai moi-même retiré.
S'agissant des empreintes digitales et de la photographie, nous avons déjà parlé plusieurs fois dans l'hémicycle de la nécessaire lutte contre la fraude sociale ; c'est certes un autre sujet, mais il peut présenter des connexions. Chaque fois que l'on en a parlé, on a dit que disposer de cartes Vitale biométriques, munies de photographies et d'empreintes digitales, permettrait de lutter efficacement contre la fraude sociale. Si ces dispositions sont susceptibles de s'appliquer aux Français, je ne vois pas bien comment leur application à des mineurs étrangers pourrait être jugée inconstitutionnelle. Je ne comprends pas l'argument de l'inconstitutionnalité.
L'amendement no 14 n'est pas adopté.
L'article 2 n'est pas adopté.
L'ensemble des articles et des amendements portant article additionnel ayant été rejetés, il n'y a pas lieu d'appeler les amendements au titre, et la proposition de loi est rejetée.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures neuf, est reprise à dix-neuf heures douze.
La parole est à M. Pascal Brindeau, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
En prenant la parole devant vous, j'ai en tête, comme beaucoup de nos concitoyens, des images sidérantes de violences contre les forces de l'ordre, de violences contre les vitrines des commerçants, de cassage de mobilier urbain en marge de manifestations. Celles-ci font pourtant l'histoire sociale de notre pays, puisque de tout temps, c'est par les manifestations et les luttes sociales que la République a pu acquérir certains droits. C'est bien l'objet de la proposition de loi que j'ai l'honneur de présenter que de garantir en toute circonstance ce principe constitutionnel, cette liberté fondamentale, individuelle et collective, de pouvoir manifester ses opinions politiques et ses revendications sociales, mais dans le cadre de sécurité et de tranquillité que nous devons à chacun de nos concitoyens.
Je pense aux parlementaires, élus de Paris ou des grandes villes, concernés directement lors des grandes manifestations – celle du 1er mai 2018 par exemple – ou à l'occasion de celles des gilets jaunes qui, de samedi en samedi, sont malheureusement devenues le théâtre d'exactions d'individus et de groupes d'individus qui n'ont rien à voir avec la liberté de manifester. Eux-mêmes, d'ailleurs, ne poursuivent absolument pas l'idée de promouvoir un autre message que la remise en cause des symboles de l'État, de la République et, tout simplement, de ce qui fait notre vie sociale.
Les dispositions que nous proposons ne sont pas nouvelles. En effet, après ces terribles exactions, une proposition de loi sénatoriale a été adoptée, devenue la loi du 10 avril 2019 ; elle vise à renforcer l'arsenal juridique à disposition des forces de l'ordre, afin de lutter plus efficacement contre ces individus et ces groupes d'individus violents. Encore une fois, leur seul objectif est de casser et de casser encore : de casser du mobilier, de casser du flic, de casser les symboles de la République et de notre pays.
Les dispositions adoptées comprenaient des contrôles judiciaires renforcés, un délit de dissimulation et une disposition visant à interdire administrativement à un individu de participer à une manifestation lorsqu'il s'est rendu coupable d'agissements, d'actes de violence ou de dégradations dans le cadre de manifestations. Or l'article 3 de la proposition de loi sénatoriale, qui comportait cette mesure, a fait l'objet d'une censure du Conseil constitutionnel.
Les attendus du Conseil constitutionnel ont été rendus sur la base d'un certain nombre de griefs, et non sur le principe ; le Conseil a tenu à rappeler que le législateur avait introduit cette disposition dans l'intention de garantir une disposition constitutionnelle fondamentale, la garantie de l'ordre et de la sécurité publique. Cependant, par certaines de ses dispositions, le texte méconnaissait notamment des principes liés à la proportionnalité des atteintes faites à la liberté de manifester collectivement ou individuellement une opinion politique.
Les députés du groupe UDI-I ont donc effectué un travail important d'auditions et de réécriture de ces dispositions, afin de respecter en tous points les préconisations de la décision du Conseil constitutionnel. Nous avons repris un à un ses griefs. Par exemple, le lien n'était pas établi entre le comportement de l'individu et l'atteinte réelle aux personnes ou aux biens ; l'interdiction administrative ne doit pouvoir être prononcée que si des agissements violents sont avérés ; évidemment, il faut borner dans le temps l'interdiction de manifester, et préciser l'appréciation des faits qui peuvent être reprochés à un individu.
Ainsi, l'article 1er de la présente proposition de loi vise à introduire les dispositions suivantes : une interdiction administrative bornée dans le temps, avec une limitation des causes qui permettent aux préfets de la prononcer à l'encontre d'un individu ; la possibilité de compléter cette interdiction par l'obligation de venir pointer devant un commissariat de police ou une gendarmerie, pendant la manifestation à laquelle l'individu a l'interdiction de participer.
Dans une même journée, plusieurs rassemblements peuvent avoir lieu en France sur le même thème, qu'ils soient ou non déclarés. On a malheureusement pu le constater avec le phénomène des gilets jaunes. Aussi proposerai-je certains amendements au texte initial, qui tendent à borner strictement les interdictions et l'organisation du pointage, et garantissent le droit indispensable d'opposer un recours à la décision administrative d'interdiction, dans un délai raisonnable de quarante-huit heures. Avec ces dispositions, nous aboutissons à un ensemble équilibré.
Certes, nous avons parfaitement conscience que ce texte ne résout pas tout. Les black blocs usent d'une stratégie de dissimulation afin de pouvoir, à un moment donné, se fondre dans un rassemblement pacifique, puis se regrouper, commettre des exactions, des violences contre les policiers, des dégradations de mobilier urbain ou des cassages de vitrine, avant de se disloquer très rapidement, sans que ni les services d'ordre des organisations syndicales qui organisent les manifestations, ni évidemment les forces de l'ordre chargées de garantir le maintien de l'ordre, donc la sécurité des manifestants, n'aient le temps d'intervenir et de les appréhender.
Les images qui les montrent sont devenues insupportables à nos concitoyens, lesquels ne comprennent pas pourquoi, samedi après samedi, manifestation du 1er mai après manifestation du 1er mai, on laisse des individus se livrer à de semblables exactions, sans les appréhender, puis les condamner pour les faits qui leur sont reprochés.
La proposition de loi vise donc à renforcer l'arsenal administratif à la disposition des autorités, en particulier des forces de l'ordre, pour que notre liberté de manifester, cette liberté fondamentale d'exprimer ses opinions politiques dans la rue, en toute tranquillité et en toute sécurité, soit garantie par la loi, dans le respect de la Constitution.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
La liberté de s'exprimer, donc de manifester, est l'une des plus importantes libertés garanties par la République française. Elle prouve la faculté de chaque citoyenne et de chaque citoyen de faire entendre son combat, sa colère, sa solidarité, son adhésion ou parfois sa joie. Alors que nous commémorons les 150 ans de la Commune de Paris, je mesure combien nous devons respecter ces libertés que nous aïeules et nos aïeux ont arrachées, parfois au prix de leur vie.
La manifestation fait partie de la vie démocratique ; beaucoup d'entre nous ici ont battu le pavé et peuvent en témoigner, car c'est aussi parfois le lieu de la fraternité, où l'on se serre les coudes en avançant avec l'élan des revendications. Tant d'acquis sociaux ont été obtenus à la suite de manifestations, comme M. le rapporteur l'a parfaitement rappelé ! Du groupe de trente personnes aux manifestations syndicales du 1er mai, elles font partie intégrante de l'histoire de France, et sont d'ailleurs parfois le moyen d'imposer démocratiquement une forme de rapport de force.
Je le dis ici solennellement : notre tradition républicaine protège particulièrement la manifestation, qu'elle soit festive ou revendicative. Pour cette raison, notre pays possède l'un des cadres juridiques du droit à manifester les plus libéraux au monde. Une manifestation doit seulement être déclarée ; l'autorité administrative ne peut l'interdire que lorsque « les circonstances font craindre des troubles graves à l'ordre public », selon le code de sécurité intérieure.
Il revient à l'État, garant de l'intérêt général et de l'égalité de tous devant la loi, d'assurer le respect des bornes, qu'il appartient au seul législateur de fixer. En matière de manifestations, tout l'enjeu pour nous est de protéger la liberté de manifester contre ceux qui ne viennent que pour perturber, détériorer, blesser ou détruire – je sais que tel est bien aussi votre objectif, monsieur Brindeau.
L'entrisme ultra-violent est en forte expansion depuis plusieurs années, il constitue une insulte à l'esprit fondamentalement républicain qui préside à toute manifestation organisée dans les règles. Ces phénomènes, dus à une minorité d'individus violents, viennent même de plus en plus éclipser les revendications défendues dans les manifestations : les manifestants eux-mêmes en deviennent les premières victimes, comme les commerçants du voisinage, qui subissent de plein fouet la violence et les dégradations, quand les services d'ordre ou les services d'organisation des manifestations se trouvent débordés.
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur, et moi-même défendons un nouveau schéma de maintien de l'ordre. Couplé à un pilotage renforcé sur le terrain, il crée les conditions d'une meilleure communication avec les manifestants, renforce la mobilité des forces et prévoit davantage d'interventions préventives, pour isoler et écarter des cortèges les éléments violents. Ce schéma a été tout récemment salué par la Défenseure des droits, et validé par le Conseil d'État, après un recours contentieux, en octobre 2020. De même, dans sa toute récente décision QPC du 12 mars dernier, le Conseil constitutionnel a rejeté les recours engagés contre la prétendue absence de garanties techniques de maintien de l'ordre. Nous savons donc que le régime actuel est conforme à la Constitution.
Malheureusement, et je le déplore sincèrement, je ne suis pas certaine de pouvoir en dire autant, au nom du ministère de l'intérieur, de la proposition de loi. En effet, son article unique introduit des dispositions permettant, par arrêté du préfet, d'interdire à des individus de prendre part à des manifestations lorsqu'ils constituent une menace d'une gravité particulière pour l'ordre public, ou ont commis des actes particulièrement violents à l'occasion d'une manifestation sur la voie publique, dans les douze mois précédents.
Ces dispositions, comme vous l'avez parfaitement expliqué, s'inspirent de la loi du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, et plus particulièrement de son article 3. En effet, le Conseil constitutionnel avait censuré, dans sa portée et dans sa teneur, la création d'un tel pouvoir aux mains de l'autorité administrative, dénonçant une mesure qu'il jugeait non proportionnée.
Vous avez voulu reprendre feu l'article 3 censuré en corrigeant les griefs du Conseil constitutionnel, mais les dispositions proposées ne nous semblent pas épuiser les aspects contentieux, dont certains n'ont pas été examinés par les Sages. En outre, l'équilibre proposé entre la préservation de l'ordre public et la liberté de manifester reste, à notre humble avis, incertain ; nous considérerions plus prudent de développer d'autres techniques d'encadrement des manifestations, l'interdiction administrative ne constituant qu'un outil parmi beaucoup d'autres.
Concernant un sujet aussi important et parfois aussi grave, nous ne souhaitons pas exposer le législateur à une deuxième censure du Conseil constitutionnel, laquelle pourrait d'ailleurs fragiliser l'édifice des interdictions administratives dans d'autres domaines.
Outre le risque d'inconstitutionnalité d'une telle mesure, la question de son efficacité mérite d'être posée. L'utilité de la disposition envisagée en 2019 tenait à la possibilité de notifier l'interdiction en cours de manifestation, mais ce dispositif a été censuré par le Conseil constitutionnel. Or le black bloc, puisque c'est de lui que nous parlons, est souvent un rassemblement spontané, jamais annoncé, dépourvu de hiérarchie, et dont le seul objectif est la violence. Il se place en dehors de tout ce que nous connaissons, en particulier de la tradition française républicaine de la manifestation.
Je veux être claire : nous condamnons très fermement ces pratiques violentes, qui privent les citoyens de leur libre accès à la rue et qui gâchent et spolient les manifestations. Le mode opératoire de ces individus les rend particulièrement difficiles à identifier en amont. En conséquence, une telle interdiction administrative nous paraît avoir une portée très faible, car sa constitutionnalité dépendrait d'une notification suffisamment en amont de la manifestation, c'est-à-dire quarante-huit heures à l'avance. Les black blocs sont dangereux et violents ; à cet égard, je salue le travail de terrain quotidien des services de renseignement et du ministère de l'intérieur.
D'ailleurs, le ministre de l'intérieur et moi réfléchissons à des mesures de nature à sécuriser encore davantage les manifestations. Elles pourraient être présentées au Parlement dans le cadre d'une future LOPPSI – loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
Alors que ce débat s'engage, j'en appelle donc à votre esprit de responsabilité républicaine, lequel caractérise cette assemblée. Combattre les black blocs : oui ; assurer la liberté de manifester : oui aussi – le tout dans le respect des lois et de la Constitution, avec pour seul souci en permenance à l'esprit : l'efficacité.
Mmes Michèle Peyron et Maud Petit applaudissent.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
Il s'agit d'une journée particulièrement importante pour le groupe UDI et indépendants : une fois par an seulement, hélas, nous sommes autorisés à défendre nos proposition de loi. Nous sommes satisfaits d'avoir pu aujourd'hui présenter certaines d'entre elles.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire à maintes reprises, dans cet hémicycle et ailleurs, nous regrettons que les journées d'initiative parlementaire soient si peu nombreuses. On a vu ce matin, notamment grâce à trois votes unanimes, qu'elle peuvent être utiles à tout le pays. Sur ce point, comme sur bien d'autres d'ailleurs, nous aurions tout intérêt à nous inspirer davantage de la sagesse sénatoriale et de son mode de fonctionnement. Les textes d'initiative parlementaire, qu'ils viennent de l'opposition ou de la majorité, doivent être considérés à égalité avec ceux du Gouvernement. Ils ne sont pas tous bons à être acceptés, ni rejetés ; nous avons vu par le passé qu'une oreille attentive du gouvernement évite souvent des embûches.
Quoi qu'il en soit, le groupe UDI et indépendants a souhaité inscrire à l'ordre du jour la proposition de loi de notre collègue Pascal Brindeau visant à lutter contre les individus violents lors de manifestations. Ce texte reprend certaines mesures de la loi dite anticasseurs, adoptée en 2019, afin de les rendre plus en adéquation avec notre Constitution ; il est particulièrement attendu par nos policiers et nos gendarmes, mais surtout par nos concitoyens.
En effet, depuis plusieurs années maintenant, des individus ont pris l'habitude de s'introduire dans les manifestations afin de détruire, brûler, piller et s'en prendre violemment à nos forces de l'ordre.
Désormais, pratiquement à chaque manifestation d'envergure, nos concitoyens assistent, outrés et même, disons-le clairement, la rage au ventre, aux mêmes scènes de guérillas urbaines avec leur lot de poubelles et de carcasses de voitures incendiées, d'abribus détruits, de commerces tagués, voire pillés et dévastés, de chaussées dépavées, de mobiliers urbains qu'ils ont payés pulvérisés. À cela s'ajoutent des scènes insupportables, que nous connaissons tous, d'individus aux visages dissimulés, vêtus de noir, cherchant à s'en prendre à nos forces de l'ordre et à les lyncher.
Je pense, en particulier, à cet affrontement délirant de la place de la Bastille, lors de la manifestation contre la proposition de loi relative à la sécurité globale, quand, devant les caméras, un policier jeté au sol encaisse, pendant plus d'une demi-minute, une pluie de coups de pied de la part de bandes d'individus ne désirant que le chaos. Sans l'intervention de ses collègues, il est certain que le calvaire de ce policier se serait certainement terminé en drame.
Je pense encore à cette scène insupportable qui s'est déroulée lors de la manifestation des personnels soignants, quand des gendarmes mobiles contraints de reculer face à des individus violemment amassés ont été roués de coups de pied après avoir été volontairement déséquilibrés.
Enfin, je pense à cet ex-boxeur professionnel, lors de l'acte VIII des gilets jaunes, qui n'a pas hésité à asséner des coups de poing à un gendarme comme si ce garant de l'ordre public était le sac de frappe de sa salle de sport.
Si les débordements lors de manifestations ont toujours existé, il n'en demeure pas moins que nous sommes confrontés, depuis plusieurs années, à l'émergence d'un phénomène nouveau, d'une ampleur et d'un niveau de violence inacceptables. Ce phénomène, qui n'épargne aucun territoire, même les plus ruraux, doit être combattu par l'État avec force et détermination pour garantir à la fois l'ordre public et son autorité.
Car il est insupportable que nos forces de l'ordre soient constamment prises pour cible. Il est également inadmissible que le message et les revendications de manifestants venus pacifiquement manifester pour ce à quoi ils aspirent soient constamment confisqués ou relégués au second plan par les agissements d'individus haineux ne portant aucune revendication si ce n'est le chaos et l'anarchie. N'oublions pas, d'ailleurs, que les manifestants et les services d'ordre sont aussi la cible de la violence de ces individus lors des manifestations.
Mes chers collègues, combien de nos concitoyens ne se rendent-ils plus sur la voie publique pour exprimer leurs opinions, conformément au droit fondamental que leur garantit la Constitution, par peur des conditions dans lesquelles se déroulent les manifestations ? La vérité est que la violence de ces individus remet précisément en cause la liberté de manifester de nos concitoyens.
Enfin, il est inadmissible qu'à chaque passage de cortège, nos commerçants soient contraints de vivre dans la peur : peur de l'état dans lequel ils retrouveront leur vitrine, peur du pillage, peur d'être démunis en raison d'un outil de travail dévasté, voire peur pour eux-mêmes lorsqu'ils cherchent à protéger ce qu'ils ont mis toute une vie à construire. Tout comme vous, nos concitoyens me témoignent régulièrement leur colère et leur incompréhension face à cet État, sévère parfois à leur égard, mais qui n'arrive pas à porter un coup définitif à ces violences et qui laisse les casseurs recommencer à chaque manifestation.
Ce sentiment d'impunité et la nécessité d'agir, le Gouvernement les avait bien compris lorsqu'il a repris, en 2019, la proposition de loi du Sénat visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestation, dite proposition de loi anticasseurs. Si les mesures adoptées alors par la majorité allaient dans le bon sens et donnaient de nouveaux outils pour lutter plus efficacement contre les individus violents, le Gouvernement n'a malheureusement pas souhaité retravailler l'article censuré par le Conseil constitutionnel, qui donnait à l'autorité administrative le pouvoir d'interdire de manifestation toute personne présentant une menace.
Je me souviens pourtant de Christophe Castaner, alors ministre de l'intérieur, défendant dans cet hémicycle, avec justesse, ces interdictions administratives et précisant, à juste titre, qu'il ne s'agissait pas d'autre chose que de garantir le droit de manifester aujourd'hui menacé, bafoué de façon systématique. Il ajoutait que si les décisions judiciaires étaient fondamentales, leur légitime lenteur ne permettait pas d'expliquer aux habitants de Bordeaux, de Montpellier ou de Bourges pourquoi des individus étaient autorisés à revenir manifester après leurs agissements violents et malgré leur identification et les plaintes déposées contre eux.
Concernant enfin les interrogations quant à la constitutionnalité de cette mesure, là encore, l'ancien ministre de l'intérieur en a été le meilleur défenseur. Le droit français permet déjà aux préfets – nous le voyons en ce moment – d'interdire une manifestation dans certains cas précis et donc d'interdire à des personnes qui souhaitent manifester de le faire. Dès lors, l'interdiction individuelle de manifester lorsque le comportement d'une personne est violent est constitutionnelle. Nous y avons déjà recouru dans le cadre de la législation anti-hooligans pour viser des personnes qui venaient systématiquement perturber les spectacles de sport et qui étaient interdites d'y assister et assignées au commissariat pendant leur déroulement.
Parce qu'il partageait la totalité des analyses et des arguments développés à l'époque, notre rapporteur, Pascal Brindeau, et les députés du groupe UDI et indépendants ont décidé de retravailler l'article censuré par le Conseil constitutionnel en prenant en compte l'ensemble de ses observations afin de tendre vers un meilleur équilibre entre la protection de la liberté fondamentale de manifester et la nécessité de répondre aux nouveaux phénomènes qui surviennent trop régulièrement lors de manifestations et que nos concitoyens ne supportent plus. Nous sommes convaincus que ces mesures qui, je le répète, permettront aux manifestants pacifiques d'exercer sereinement leurs libertés individuelles, combleront un trou important dans la raquette.
Comme l'explique Gérald Darmanin dans le schéma national du maintien de l'ordre, « il n'est plus acceptable que des casseurs puissent agir librement et venir voler aux manifestants le droit de s'exprimer sur la voie publique ». La proposition de loi que nous vous présentons vise à garantir ce droit tout en protégeant les forces de l'ordre et les biens des personnes, que cherchent à détruire les manifestants violents.
Évidemment, les mesures adoptées en 2019 existent déjà et vont dans le bon sens. Je pense notamment à la simplification des modalités de déclaration des manifestations, au régime ad hoc des contrôles de police judiciaire et au délit de dissimulation du visage. Évidemment, il conviendra de donner de nouveaux moyens, notamment opérationnels, à nos forces de l'ordre tout en renforçant les échanges européens entre les services de police, ce phénomène n'étant pas seulement limité à la France. Mais la lutte contre les casseurs et les black blocs, pour être efficace, ne peut souffrir d'aucun trou dans la raquette.
Mes chers collègues, vous aviez déjà accepté l'idée de ces interdictions administratives en 2019. Le Gouvernement lui-même les avait acceptées. Cette proposition de loi reprend des mesures de bon sens, mais en tenant compte cette fois-ci des observations du Conseil constitutionnel. C'est le jeu légitime de la démocratie : nous faisons la loi et le Conseil constitutionnel décide si nous sommes ou non dans les clous. Grâce au travail de Pascal Brindeau et de plusieurs de nos collègues, nous avons tenté de rentrer dans les clous de la loi pour résoudre un problème qui ne cesse de grandir dans notre pays et qui rend fous de rage les Français qui travaillent tous les jours pour construire alors que d'autres se permettent de détruire en toute impunité, de détruire le fruit de leur travail, les biens publics et les biens privés.
Ce n'est pas ici, dans cet hémicycle, que nous devons juger de la constitutionnalité d'une loi : les neuf personnes à qui revient ce rôle se trouvent rue de Montpensier. Les 577 députés que nous sommes – sans oublier les sénateurs – avons à nous prononcer sur les mesures qui nous semblent nécessaires et respectueuses de la Constitution. Je le dis pour que notre débat ne soit pas encombré par la question de la constitutionnalité, qui a déjà posé problème, et pour qu'un travail sérieux s'engage sur cette proposition de loi, afin que s'exprime la volonté de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire la volonté populaire, la volonté des citoyens français. Ensuite, le Conseil constitutionnel tranchera. Comme le disait tout à l'heure Michel Zumkeller, ne brûlons pas les étapes. Chacun sa mission et la vôtre, chers collègues, est de vous emparer de cette proposition de loi et, je l'espère, de la soutenir, loin des considérations partisanes.
Finalement, madame la ministre déléguée, le groupe UDI et indépendants reprend aujourd'hui un texte voulu par le Gouvernement, censuré par le Conseil constitutionnel et amélioré afin de n'être plus censuré. Nous espérons qu'il recueillera le soutien des différents groupes de notre assemblée et en particulier de ceux de la majorité.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite de la discussion de la proposition de la loi visant à lutter contre les individus violents lors de manifestations.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures quarante.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra