Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Séance en hémicycle du jeudi 25 mars 2021 à 15h00
Lutte contre la fraude à l'identité et mineurs non accompagnés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo, Agir ens :

Des jeunes traînant dans les rues de Paris, des attroupements d'adolescents ou de jeunes adultes dés? uvrés dans nos grandes villes, des jeunes logés à plusieurs dans une chambre d'hôtel, ces images nous choquent tous. Mais, au-delà de l'émotion légitime, la question des mineurs non accompagnés est extrêmement complexe et se trouve à la croisée de plusieurs politiques publiques différentes. En ma qualité d'ancienne conseillère départementale et de coprésidente du groupe d'études sur les mineurs non accompagnés aux côtés d'Elsa Faucillon, j'ai pu mesurer pleinement cette complexité, grâce aux nombreuses auditions que nous avons menées.

À cet enjeu, il faut apporter des réponses, en travaillant de manière polycéphale et complémentaire. Immigration, protection de l'enfance, prévention de la délinquance, scolarisation et formation, traitement différencié entre droit pénal des mineurs et droit pénal des majeurs, répartition des compétences entre départements et État, droit d'asile : tant de domaines s'entremêlent avec, ne l'oublions jamais, toujours des souffrances humaines.

D'après l'Institut Montaigne, en 2020, 40 000 personnes étrangères se présentant comme mineures ont sollicité le statut de MNA. Sur ces 40 000 personnes, la moitié environ devrait être éligible à l'ASE. Pour les départements, le coût de cette aide dont ils ont la charge s'élève en moyenne à 50 000 euros par mineur et par an. Cette question financière est bien sûr source de tensions.

Le 8 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a ainsi rappelé à l'ordre le conseil départemental des Bouches-du-Rhône, à qui il a été demandé de mettre à jour sa liste des jeunes se présentant comme MNA et de les mettre à l'abri. Ce faisant, le tribunal a rappelé le principe selon lequel lorsqu'un jeune se présente comme mineur il doit être pris en charge par les services de protection de l'enfance et obtenir un hébergement d'urgence jusqu'à ce que son âge soit déterminé. À l'issue de l'évaluation, s'il est considéré mineur, il reste pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. En revanche, s'il est jugé majeur, la prise en charge s'arrête et le jeune est inscrit dans un parcours de droit commun.

À cet égard, on ne peut qu'adhérer à l'objectif du texte, qui est de ne pas galvauder un principe de protection. Il est en effet difficile d'admettre que certaines personnes, d'ailleurs souvent organisées en filières, utilisent le statut très protecteur que la France accorde légitimement aux mineurs pour se jouer du droit des étrangers, du droit d'asile et du droit pénal. Il convient donc de distinguer les vrais mineurs non accompagnés des fraudeurs. Les premiers relèvent d'une bien légitime prise en charge éducative et sanitaire ; les seconds doivent être traités différemment.

La proposition de loi tend à créer une présomption de majorité pour les personnes refusant de se soumettre à des examens médicaux, y compris des tests osseux, visant à vérifier leur minorité.

Dans sa présente rédaction, l'article 388 du code civil dispose que « les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé ».

Par ailleurs, l'ensemble des avis et recommandations s'accordent sur le fait que lorsqu'ils sont pratiqués autour de l'âge de 18 ans les tests osseux présentent une marge d'erreur de dix-huit à vingt-quatre mois. C'est l'une des raisons pour lesquelles le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 21 mars 2019, rendue en réponse à une QPC – question prioritaire de constitutionnalité – , a jugé les alinéas 2 et 3 de l'article 388 du code civil conformes à la Constitution, mais a affirmé que « la majorité d'une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux ».

Les Sages de la rue de Montpensier s'étant montrés très clairs, cette proposition de loi me semble vouée à être déclarée inconstitutionnelle. Le groupe Agir ensemble ne la votera donc pas.

Au-delà de cette position, notre groupe est réservé sur le principe même du test systématique de majorité.

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