Intervention de Pascal Brindeau

Séance en hémicycle du jeudi 25 mars 2021 à 15h00
Lutte contre les individus violents lors de manifestations — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Brindeau, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

En prenant la parole devant vous, j'ai en tête, comme beaucoup de nos concitoyens, des images sidérantes de violences contre les forces de l'ordre, de violences contre les vitrines des commerçants, de cassage de mobilier urbain en marge de manifestations. Celles-ci font pourtant l'histoire sociale de notre pays, puisque de tout temps, c'est par les manifestations et les luttes sociales que la République a pu acquérir certains droits. C'est bien l'objet de la proposition de loi que j'ai l'honneur de présenter que de garantir en toute circonstance ce principe constitutionnel, cette liberté fondamentale, individuelle et collective, de pouvoir manifester ses opinions politiques et ses revendications sociales, mais dans le cadre de sécurité et de tranquillité que nous devons à chacun de nos concitoyens.

Je pense aux parlementaires, élus de Paris ou des grandes villes, concernés directement lors des grandes manifestations – celle du 1er mai 2018 par exemple – ou à l'occasion de celles des gilets jaunes qui, de samedi en samedi, sont malheureusement devenues le théâtre d'exactions d'individus et de groupes d'individus qui n'ont rien à voir avec la liberté de manifester. Eux-mêmes, d'ailleurs, ne poursuivent absolument pas l'idée de promouvoir un autre message que la remise en cause des symboles de l'État, de la République et, tout simplement, de ce qui fait notre vie sociale.

Les dispositions que nous proposons ne sont pas nouvelles. En effet, après ces terribles exactions, une proposition de loi sénatoriale a été adoptée, devenue la loi du 10 avril 2019 ; elle vise à renforcer l'arsenal juridique à disposition des forces de l'ordre, afin de lutter plus efficacement contre ces individus et ces groupes d'individus violents. Encore une fois, leur seul objectif est de casser et de casser encore : de casser du mobilier, de casser du flic, de casser les symboles de la République et de notre pays.

Les dispositions adoptées comprenaient des contrôles judiciaires renforcés, un délit de dissimulation et une disposition visant à interdire administrativement à un individu de participer à une manifestation lorsqu'il s'est rendu coupable d'agissements, d'actes de violence ou de dégradations dans le cadre de manifestations. Or l'article 3 de la proposition de loi sénatoriale, qui comportait cette mesure, a fait l'objet d'une censure du Conseil constitutionnel.

Les attendus du Conseil constitutionnel ont été rendus sur la base d'un certain nombre de griefs, et non sur le principe ; le Conseil a tenu à rappeler que le législateur avait introduit cette disposition dans l'intention de garantir une disposition constitutionnelle fondamentale, la garantie de l'ordre et de la sécurité publique. Cependant, par certaines de ses dispositions, le texte méconnaissait notamment des principes liés à la proportionnalité des atteintes faites à la liberté de manifester collectivement ou individuellement une opinion politique.

Les députés du groupe UDI-I ont donc effectué un travail important d'auditions et de réécriture de ces dispositions, afin de respecter en tous points les préconisations de la décision du Conseil constitutionnel. Nous avons repris un à un ses griefs. Par exemple, le lien n'était pas établi entre le comportement de l'individu et l'atteinte réelle aux personnes ou aux biens ; l'interdiction administrative ne doit pouvoir être prononcée que si des agissements violents sont avérés ; évidemment, il faut borner dans le temps l'interdiction de manifester, et préciser l'appréciation des faits qui peuvent être reprochés à un individu.

Ainsi, l'article 1er de la présente proposition de loi vise à introduire les dispositions suivantes : une interdiction administrative bornée dans le temps, avec une limitation des causes qui permettent aux préfets de la prononcer à l'encontre d'un individu ; la possibilité de compléter cette interdiction par l'obligation de venir pointer devant un commissariat de police ou une gendarmerie, pendant la manifestation à laquelle l'individu a l'interdiction de participer.

Dans une même journée, plusieurs rassemblements peuvent avoir lieu en France sur le même thème, qu'ils soient ou non déclarés. On a malheureusement pu le constater avec le phénomène des gilets jaunes. Aussi proposerai-je certains amendements au texte initial, qui tendent à borner strictement les interdictions et l'organisation du pointage, et garantissent le droit indispensable d'opposer un recours à la décision administrative d'interdiction, dans un délai raisonnable de quarante-huit heures. Avec ces dispositions, nous aboutissons à un ensemble équilibré.

Certes, nous avons parfaitement conscience que ce texte ne résout pas tout. Les black blocs usent d'une stratégie de dissimulation afin de pouvoir, à un moment donné, se fondre dans un rassemblement pacifique, puis se regrouper, commettre des exactions, des violences contre les policiers, des dégradations de mobilier urbain ou des cassages de vitrine, avant de se disloquer très rapidement, sans que ni les services d'ordre des organisations syndicales qui organisent les manifestations, ni évidemment les forces de l'ordre chargées de garantir le maintien de l'ordre, donc la sécurité des manifestants, n'aient le temps d'intervenir et de les appréhender.

Les images qui les montrent sont devenues insupportables à nos concitoyens, lesquels ne comprennent pas pourquoi, samedi après samedi, manifestation du 1er mai après manifestation du 1er mai, on laisse des individus se livrer à de semblables exactions, sans les appréhender, puis les condamner pour les faits qui leur sont reprochés.

La proposition de loi vise donc à renforcer l'arsenal administratif à la disposition des autorités, en particulier des forces de l'ordre, pour que notre liberté de manifester, cette liberté fondamentale d'exprimer ses opinions politiques dans la rue, en toute tranquillité et en toute sécurité, soit garantie par la loi, dans le respect de la Constitution.

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