… nous met face à nos obligations, à savoir le respect tout d'abord de la convention internationale des droits de l'enfant, ensuite de notre politique de mise à l'abri des mineurs appliquée par les services de l'aide sociale à l'enfance, enfin de la justice des mineurs, elle aussi fondée sur un principe de protection. Cependant, nous devons aussi protéger nos concitoyens des violences qui peuvent être commises par ces jeunes. C'est donc une question difficile qui est posée à notre État de droit, et qui demande à la fois réflexion et action.
Il est vrai qu'un des principaux problèmes rencontrés dans la prise en charge des mineurs non accompagnés, notamment délinquants, est la difficulté de faire identifier de manière certaine les vrais mineurs par les professionnels de l'aide à l'enfance, comme par les services de police et de justice.
Compte tenu de la politique de la France en matière de protection des mineurs, des jeunes majeurs tentent de se faire passer pour des mineurs afin de profiter de ces dispositifs avantageux. C'est pour cela qu'en 2018, lors de l'adoption de la loi asile et immigration, nous avons créé le fichier AEM.
La procédure d'évaluation de la minorité et de l'isolement fait l'objet de nombreuses discussions et de débats. Pour résumer, ses modalités reposent sur un faisceau d'indices : sur une évaluation sociale ; sur les informations que le président du conseil départemental peut demander au préfet ; en dernier recours, sur la réalisation d'examens médicaux prévus à l'article 388 du code civil, à savoir des examens radiologiques osseux, dont la fiabilité est régulièrement remise en cause en raison d'une marge d'erreur importante, de plus ou moins dix-huit mois.
Il existe d'autres possibilités pour déterminer l'identité d'une personne et plusieurs pistes pour améliorer l'efficacité de l'évaluation de la minorité. J'en citerai quelques-unes : un enrichissement du fichier AEM et sa consultation systématique, un renforcement de la prise d'empreintes, une meilleure coopération avec les pays de provenance. Mais il y a un principe sur lequel nous ne reviendrons pas, également décrit à l'article 388 du code civil : la présomption de minorité. En effet, cet article précise qu'en cas de doute sur son âge, le jeune est présumé mineur, et ce en application d'un principe fondamental de notre droit, qui veut que la puissance publique prouve la contradiction ou la culpabilité dans un cadre judiciaire.
Le texte présenté par Mme la rapporteure portant sur la fraude à l'identité dans le cas des mineurs non accompagnés s'intéresse hélas quasi exclusivement à l'inversion de la présomption de minorité. La proposition de loi indique à plusieurs reprises les conditions dans lesquelles l'individu serait présumé majeur. Ainsi, l'alinéa 2 de l'article 1er affirme que le refus par l'intéressé d'un examen osseux entraînerait une présomption de majorité, ce qui me paraît inacceptable. L'alinéa 5 insiste à son tour sur l'information à donner à l'intéressé concernant la présomption de majorité. On relève en outre une contradiction dans le texte, puisque l'alinéa 4 mentionne, lui, le consentement de l'intéressé, bien que celui-ci soit contraint par l'ensemble de la proposition de loi.
Ces dispositifs que l'on peut juger coercitifs me semblent contraires tant à notre devoir de protection de l'enfance qu'au minimum de respect de la vie privée accordé à tout individu, surtout s'il est possiblement mineur.
La proposition de supprimer le troisième alinéa de l'article 388 du code civil pose le problème d'un changement de philosophie sur le fond, ainsi que celui de la fiabilité des tests. Cet alinéa doit absolument être préservé, car il dispose que les résultats des examens osseux doivent préciser la marge d'erreur – celle-ci est importante pour les individus dont l'âge est proche de 18 ans – et, surtout, qu'ils ne peuvent à eux seuls permettre de déterminer si l'intéressé est mineur ou majeur.
La proposition de loi est silencieuse sur la prise en charge des jeunes en amont et pendant la durée de l'évaluation de la minorité ou de la majorité. Or cette évaluation peut prendre plusieurs jours, voire quelques semaines, pendant lesquels les intéressés sont à la rue.
Enfin, les conditions de recours aux tests osseux sont déjà suffisamment décrites à l'alinéa 2 de l'article 388 du code civil, où il est précisé que ces examens sont demandés en l'absence de documents d'identité valables. À cet égard, l'alinéa 3 de l'article 1er de la proposition de loi ne me semble pas apporter de précision utile.
En résumé, la proposition de loi rend obligatoire l'examen osseux, dont elle fait l'outil principal de la détermination de l'âge de l'intéressé, sans tenir compte de la marge d'erreur et de l'enquête sociale, et bafoue le principe du consentement et du respect de la vie privée, comme cela a été relevé en 2019 par le Conseil constitutionnel à l'occasion d'une QPC. En conséquence, le groupe LaREM ne la votera pas.