M. Philippe Berta attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, sur les difficultés soulevées par le système actuel de valorisation pour le passage charnière des découvertes scientifiques du stade de la recherche à celui de l'innovation. La multiplicité des structures de valorisation, rattachées à divers organismes publics, et la complexité administrative des procédures engendrent des délais et une opacité qui mettent en difficulté la bonne collaboration entre équipes publiques et start-up autour de projets innovants. En effet, pour ajouter à cette complexité, les innovations surviennent le plus souvent dans des établissements aux tutelles multiples dont les organes de valorisation auront par la suite tous leurs revendications. De plus, il est à noter que l'application des découvertes nécessite de nombreuses compétences hors du champ de spécialité du chercheur concerné, telles que la levée de fonds, les modalités juridiques de dépôt de brevet ou encore la négociation. Si les structures de valorisation exercent bien un contrôle de ces activités, leur rôle d'accompagnement, voire de substitution au chercheur dans ces démarches gagnerait à être accru. On aurait pu espérer que les SATT mises en place en région aient pu se substituer aux services valorisation des diverses structures. Il n'en est rien et le fonctionnement de ces SATT, au modèle économique complexe, forme l'objet de nombreux questionnements. En conséquence, il souhaite connaître les intentions du Gouvernement quant au système de valorisation, afin d'exploiter au mieux les découvertes issues des laboratoires français, dans une logique de coopération entre secteurs public et privé.
L'organisation du monde français de la recherche avec son système d'unités mixtes et sa dualité entre les universités et les organismes nationaux, spécificités françaises, assure l'excellence scientifique et technologique mais induit également des complexités dans la gestion et la valorisation des résultats de la recherche. Le Gouvernement s'attache à y répondre depuis plusieurs années au travers de différentes actions. Le principe du mandataire unique de gestion et de valorisation des résultats de la recherche publique a été posé par le décret n° 2009-645 du 9 juin 2009 et réaffirmé et amplifié par un décret n° 2014-1518 du 16 décembre 2014. Ainsi, les établissements publics copropriétaires d'un brevet doivent mandater l'un d'entre eux pour assurer la gestion et la valorisation dudit brevet. Ce mandataire unique est doté de pouvoirs étendus, notamment celui de déposer seul les brevets et de signer seul les contrats afférents à leur exploitation. Il n'a ainsi plus l'obligation de demander leur autorisation aux autres copropriétaires publics, ce qui doit réduire les délais de négociation et fluidifier les relations avec les entreprises, facilitant ainsi les coopérations. Le ministère établi, avec les organismes de recherche, un bilan de la mise en œuvre de ce décret, site par site. Par ailleurs, et comme annoncé par le Premier ministre lors de ses discours du 3 mai dans le Cher et le 21 juin à Metz, le ministère a engagé une réforme du dispositif actuel du mandataire unique, dans une logique de pilotage par les délais. Ainsi, sa désignation sera accélérée (3 mois maximum) et ses pouvoirs seront renforcés pour permettre aux entreprises de disposer immédiatement d'un interlocuteur unique à même de négocier seul les licences d'exploitation. La première étape de cette réforme a été mise en œuvre au travers d'une proposition d'amendement à l'article L. 533-1 du code de la recherche portée par le projet de loi PACTE. Dans le même esprit de simplification et d'accélération, le ministère travaille à l'élaboration d'accords-types au bénéfice des start-ups et des entreprises, notamment de taille moyenne, pour permettre aux parties prenantes d'accélérer leurs discussions. L'institution des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) dans le cadre du programme d'investissement d'avenir (PIA) est également un facteur de réduction du nombre de parties prenantes à la négociation d'une licence. En effet, la SATT, filiale commune des établissements d'un même site, doit être en capacité de parler pour l'ensemble de ces établissements lors des négociations d'une licence, permettant d'accélérer le transfert. Les services de valorisation des établissements se concentrent ainsi aujourd'hui sur l'activité de négociation et de gestion de contrats. Pour accroitre encore la valorisation des résultats de la recherche publique vers le monde socio-économique, le ministère a également décidé de promouvoir la création d'entreprises issues des laboratoires. Or, les procédures qu'un chercheur doit aujourd'hui suivre pour créer son entreprise sont trop complexes et longues. C'est pourquoi le ministère a décidé de réformer la loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l'innovation pour simplifier ces procédures et permettre au chercheur de poursuivre sa recherche dans son laboratoire tout en s'investissant dans un projet de création d'entreprise. Il est proposé de revoir le code de la recherche dans le cadre du projet de loi PACTE pour les chercheurs souhaitant créer ou participer à la vie d'une entreprise tout en sécurisant et facilitant leur parcours et leur implication. Par ailleurs, l'offre d'accompagnement de ces chercheurs entrepreneurs doit être améliorée, car si les SATT ont permis une montée en compétence des professionnels de la valorisation de la recherche publique, des efforts restent à réaliser, plus particulièrement sur le volet « création d'entreprises ». Le ministère en a fait une priorité renouvelée, lui qui fut le premier en 1999 à créer des incubateurs d'entreprises innovantes et à lancer un concours de création d'entreprises technologiques. Ainsi, un appel à projets est envisagé dans le cadre du PIA 3 pour rapprocher les SATT, les incubateurs et les accélérateurs dans l'optique d'offrir aux créateurs d'entreprises des parcours complets d'accompagnement allant de la sensibilisation jusqu'à l'accompagnement aux premières levées de fonds. Le ministère travaille également à la mise en place, avec les acteurs, de programmes de coaching et de mentoring, qui est l'un des rôles essentiels des incubateurs publics. Le ministère a fait de l'innovation l'une de ses priorités. C'est pour cela que le ministère a également fait du renforcement de la recherche partenariale l'un de ses axes forts de travail. Le dispositif CIFRE, les Instituts Carnot ont ainsi été renforcés budgétairement et des réflexions sont en cours sur les moyens de simplifier plus fortement encore les relations entre établissements publics et entreprises.
1 commentaire :
Le 16/03/2018 à 23:59, JFB (Innovation/Transfert de Technologies) a dit :
La question de la valorisation est une question cruciale pour la compétitivité de nos entreprises et au delà, pour la visibilité de la France à l’échelle internationale.
Malgré de réels efforts entrepris depuis la loi sur l'innovation de 1999 et une professionnalisation des acteurs de la valorisation, une multitude de structure d'innovation sont apparues depuis, issues notamment du PIA (Equipex, Idex, Labex, ...), ayant leur propre politique de valorisation. Elles forment aujourd’hui un millefeuille des plus complexes pour les entreprises, TPE/PME notamment. A cela s'ajoute la multitude d'interlocuteurs publics pour un même projet, conséquence de nombre de laboratoires désormais UMRisés (multi-tutelles), et ce, malgré des dispositifs favorisant le mandataire unique.
On aurait pu penser en effet que la mise en place des SATT simplifieraient les démarches au niveau régional mais leur modèle économique et le principe d'exclusivité soulèvent à mon sens de nombreuses interrogations.
D'autres critères, peut-être même plus importants, doivent aussi être pris en compte :
- une "faible" culture du transfert de technologies chez les chercheurs. La question récurrente du statut de l'enseignant-chercheur se pose alors, tout comme l'impérative nécessité de développer un sentiment d'appartenance des étudiants à leur établissement (remise officielle des diplômes, "fraternité" des anciens élèves, ....) . Ce sont les chercheurs de demain qui auront à cœur de valoriser leur établissement.
- l'indicateur "brevet" comme critère d'innovation/évaluations des établissements d’enseignements supérieurs : Est-ce vraiment aujourd’hui un indicateur pertinent ? Au delà de ça, le principe même de redevance sur brevet, avec son lot de "cash d'entrée, minimums garanties, redevances annuelles, ...), est-il le plus adéquat ? Issu du modèle de licensing des start-up de Biotech des années 80, ce principe n'est plus généralisable et s’avère le plus souvent inadapté au contexte économique. Mais nous le maintenons par habitude.
L'évolution de dispositifs de valorisation, notamment dans les pays d'Asie pourraient être une base de réflexion, sans pour autant faire du copier/coller mais en l’adaptant à notre environnement et à nos spécificités.
A votre disposition pour en discuter et travailler sur le sujet.
Cordialement
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