M. Stéphane Peu alerte M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les conséquences de la suppression du Conseil national d'évaluation quantitative et qualitative du système scolaire (Cnesco) prévue par l'article 9 du projet de loi « École de la confiance » examiné en première lecture. Cette instance indépendante constitue un outil pertinent d'analyse et d'évaluation des politiques éducatives, mettant en réseau différents acteurs de la communauté éducative et en lien avec le monde de la recherche. Sa disparition priverait l'éducation nationale de données scientifiques et d'enquêtes essentielles à l'évaluation des politiques pédagogiques et des pratiques éducatives dans différents domaines : psychologie, pédagogie, sociologie et inégalités scolaires et territoriales. Sa disparition programmée est incompréhensible, compte tenu des moyens très modestes qu'elle mobilise et de son utilité reconnue. En effet, ainsi que l'a récemment souligné le rapport parlementaire transpartisan Juanico-Tamarelle, cette instance est appréciée de la communauté éducative aussi bien que des parents d'élèves, notamment en ce qu'elle offre un espace d'échange d'informations et d'expériences précieux, un point de contact participatif au service de la réussite éducative. La qualité de son travail est aussi largement reconnue dans la communauté scientifique. Enfin, grâce aux évaluations réalisées par des scientifiques indépendants du ministère de l'éducation nationale, le Cnesco informe la société civile en toute impartialité des résultats du système éducatif et des effets réels des réformes décidées. Supprimer le Cnesco conduit à réduire notablement le processus de reddition des comptes du personnel politique dans le domaine de l'éducation à un moment où davantage de transparence dans l'action publique est demandée par les citoyens pour garantir une démocratie de qualité. Il lui rappelle que dans la plupart des domaines, l'évaluation ne saurait être assurée par les donneurs d'ordre, au risque qu'elle soit soumise à des objectifs court-termistes et de seule confirmation a posteriori d'orientations politiques. Au contraire, les fonctions de gestion et d'évaluation devant être séparées, il est indispensable de faire « confiance », pour reprendre l'intitulé du projet de loi pour l'école, dans l'autonomie et l'indépendance de structures d'évaluation comme le Cnesco. Or cette indépendance n'est pas garantie par le nouveau comité d'évaluation de l'école que le projet de loi se propose de substituer au Cnesco, puisqu’au contraire, la loi le situerait au « cœur du ministère par l'avis que rendra le ministre sur son programme de travail et par la présence des chefs des principaux services producteurs internes d'évaluations ». C'est pourquoi, il lui demande instamment de rendre un avis négatif sur le projet d'absorption et de disparition du Cnesco.
En décembre 2017, la Cour des comptes a dressé un constat sévère du paysage de l'évaluation dans l'enseignement scolaire, relevant notamment l'absence de coordination des différents acteurs internes de l'évaluation. Ce constat ressort également du rapport sur l'organisation de la fonction d'évaluation du système éducatif du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, de septembre 2018. Face à ce constat, le Gouvernement entend, par l'article 9 du projet de loi n° 1481 pour une école de la confiance, mettre en place un nouveau Conseil d'évaluation de l'école, qui intégrera en partie les attributions actuelles du CNESCO, mais se verra également confier deux nouveaux chantiers capitaux : - la mise en cohérence de toutes les évaluations de l'enseignement scolaire (hors évaluation des personnels, de nature statutaire) ; - la mise en place de l'évaluation des établissements, comme le souhaite le Président de la République. Le CNESCO, même élargi, n'est pas conçu pour prendre en charge ces deux nouveaux chantiers. Il est envisagé que certains des travaux de cette instance se poursuivent dans un cadre plus académique, par la création d'une chaire universitaire, afin notamment de poursuivre le travail d'évaluation fondé sur des méthodes novatrices (évaluations participatives…) entamé par le CNESCO. Sur la question de l'indépendance du futur Conseil d'évaluation de l'école, la présence des représentants du ministre de l'éducation nationale au sein du Conseil, services producteurs internes d'évaluation, paraît incontournable pour garantir leur implication comme l'a d'ailleurs préconisé la Cour des comptes. Il convient cependant d'observer que le Conseil d'État a salué la composition du Conseil d'évaluation de l'école comme permettant d'allier expertise - avec la présence de personnalités qualifiées -, indépendance - avec la présence de quatre parlementaires - et responsabilisation des producteurs d'évaluations. De surcroît, les consultations institutionnelles, notamment lors de l'examen du texte au Conseil supérieur de l'éducation, puis au cours de la discussion en commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, ont permis des modifications du projet de loi offrant davantage de gages d'indépendance : le nombre de parlementaires a ainsi été augmenté passant de deux à quatre et le nombre de personnalités qualifiées de quatre à six. Enfin, à l'issue de la discussion en commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, la disposition prévoyant l'avis du ministre sur le programme de travail annuel du Conseil a été supprimée. De la sorte, et en l'état actuel du texte, la future instance dispose donc de la maîtrise totale de son programme de travail, dans la mesure où, à la différence notable du CNESCO, elle ne peut être saisie par aucune autorité politique. Ce nouveau Conseil d'évaluation de l'École a pour ambition, grâce au périmètre très large des évaluations qu'il coordonnera et pilotera et à son rôle en matière de déploiement des nouvelles évaluations d'établissements, de devenir un instrument efficace et reconnu d'évaluation de l'efficacité du système scolaire français.
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