M. Stéphane Mazars attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation des personnels civils et militaires ayant participé aux programmes d'essais nucléaires français sur les sites du Sahara et de Polynésie française, et par ricochet sur la situation de leurs ayants-droit, victimes indirectes. Entre 1960 et 1996, la France a réalisé plus de 200 essais nucléaires atmosphériques et souterrains dans le Sahara algérien et la Polynésie française. Lors des opérations, ces expérimentations ont exposé à des rayonnements radioactifs pas moins de 150 000 citoyens. Nombre d'entre eux ont déclaré des pathologies graves, telles que le cancer ou des maladies cardiovasculaires. Le décret en Conseil d'État du 30 avril 2012, modifiant celui du 11 juin 2010, reconnaît actuellement 21 pathologies radio-induites ouvrant droit à une indemnisation. Certaines maladies, comme le cancer de la peau, ne sont toujours pas reconnues comme radio-induites. Au regard du régime américain d'indemnisation, on peut légitimement s'interroger sur le régime français. En effet, la loi américaine du 25 avril 1988, toujours en vigueur, consacre un régime d'indemnisation beaucoup plus étendu. Il s'applique à toutes les personnes ayant contracté un cancer, ou une maladie grave, en raison de leur exposition aux essais nucléaires atmosphériques, ou en raison d'une exposition à un haut niveau de radon lors de leur travail dans les mines d'uranium. Dès lors, l'indemnisation est automatiquement prononcée lorsque les deux critères suivants sont réunis : la présence sur un site de tir lors d'une période donnée et la souffrance d'une maladie radio-induite. Au-delà de la reconnaissance d'une indemnisation automatique, la seule introduction de nouvelles maladies reconnues comme radio-induite, permettrait une meilleure indemnisation des victimes et une juste reconnaissance de la Nation pour le préjudice subi. Les descendants des vétérans sollicitent par ailleurs la mise en place d'un suivi médical destiné à recenser les anomalies génétiques éventuellement décelées chez les générations suivantes. Il est en effet établi que l'entourage familial du vétéran peut souffrir d'anomalies génétiques et de maladies cancérogènes ou cardio-vasculaires reconnues comme radio-induites. En conséquence, la piste d'un éventuel lien de cause à effet entre l'exposition des personnels aux essais nucléaires et la déclaration de certaines affections chez leurs proches devrait être étudiée. Il l'interroge donc sur ses intentions concernant, d'une part, un élargissement de la liste des maladies reconnues comme radio-induites en France et, d'autre part, la mise en place d'une surveillance médicale renforcée au profit des ayants-droit de vétérans. Enfin, il lui demande de bien vouloir lui indiquer la position du Gouvernement quant à la possibilité d'indemniser les préjudices propres subis par les ayants-droit, victimes indirectes, et bien réelles, des essais nucléaires français entre 1960 et 1996.
L'article 1er de la loi 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français prévoit que : « Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice (…) ». La liste des maladies radio-induites, fixée par le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014, est actuellement en cours de modification. En effet, il est prévu, avant la fin du premier semestre 2019, l'ajout à cette liste du cancer de la vésicule biliaire, ainsi que du cancer des voies biliaires. S'agissant ensuite de la mise en place d'une surveillance renforcée au profit des ayants-droits des vétérans exposés à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français, la commission prévue par l'article 113 de la loi du 28 février 2017 recommande, dans son rapport rendu le 15 novembre 2018, le renforcement du registre des cancers et la mise en place par le ministère de la santé de Polynésie française d'une surveillance des anomalies congénitales dans la population polynésienne. La Commission estime aussi qu'une étude sur le risque transgénérationnel diligenté par la Polynésie française pourrait être utile sous réserve notamment qu'elle soit parfaitement indépendante scientifiquement, éthiquement et méthodologiquement rigoureuse. Enfin, l'article 2 de la loi de 2010 précitée prévoit que : « La personne souffrant d'une pathologie radio-induite doit avoir résidé ou séjourné : 1° Soit entre le 13 février 1960 et le 31 décembre 1967 au Centre saharien des expérimentations militaires, ou entre le 7 novembre 1961 et le 31 décembre 1967 au Centre d'expérimentations militaires des oasis ou dans les zones périphériques à ces centres ; 2° Soit entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998 en Polynésie française ». Les descendants des victimes d'essais nucléaires français atteints d'une maladie radio-induite ne peuvent donc pas être indemnisés par le Comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires (CIVEN). Il leur est toutefois possible de demander la réalisation d'une expertise judiciaire afin d'apporter la preuve d'un lien de causalité entre l'exposition du parent à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et leur maladie.
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