Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Denis Masséglia
Question N° 17369 au Secrétariat d'état aux personnes handicapées


Question soumise le 26 février 2019

M. Denis Masséglia appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui prévoit une réforme de l'OETH applicable au 1er janvier 2020. Jusque-là, les donneurs d'ouvrage pouvaient s'acquitter de leur obligation d'emploi à hauteur de 50 % maximum en confiant notamment des prestations de services et de la sous-traitance au secteur du travail protégé et adapté (établissement et service d'aide par le travail ESAT-entreprise adaptée EA). La loi du 5 septembre 2018 abroge cette possibilité pour favoriser l'emploi direct en entreprise. Pour satisfaire à son obligation d'emploi, l'employeur n'aura que deux options : soit il respecte le taux d'emploi des travailleurs handicapés, soit il verse une contribution à l'AGEFIPH. Toutefois, dispose le texte, l'effort consenti par l'employeur pour le maintien dans l'emploi ainsi que ses dépenses liées aux contrats qu'il passerait avec les ESAT et les EA seront pris en compte dans le calcul du montant de sa contribution annuelle (lorsqu'il ne respecte pas son OETH). Les modalités de ces déductions seront fixées ultérieurement par décret. Il semble que la réforme de l'OETH appelle les remarques suivantes : premièrement, elle ne reconnaît pas le rôle des structures spécialisées (en l'occurrence les ESAT et les EA) dans la mise en œuvre d'un droit au travail et à la citoyenneté sociale. Deuxièmement, elle suppose qu'en supprimant la possibilité d'une exonération partielle de l'OETH lorsque l'employeur confie des prestations aux ESAT et aux EA, l'entreprise recrutera « tout naturellement », avec des contrats directs, les travailleurs handicapés ; les ESAT et les EA seraient donc les responsables directs de la non inclusion en milieu dit ordinaire. La réforme de l'OETH montre une méconnaissance des difficultés des personnes accueillies dans les ESAT pour qui, dans une très grande majorité, le milieu ordinaire de travail ne saurait être accessible quels que soient les aménagements effectués. Il s'agit en effet de personnes handicapées mentales ou psychiques. Troisièmement, elle méconnaît les dispositifs européens qui font, dans les pays comparables à la France, une place importante au travail protégé dans les politiques d'emploi (en Allemagne, aux Pays-Bas, ...). Il faut ajouter que, lorsque les structures spécialisées n'existent pas, la très grande majorité des personnes handicapées mentales et psychiques n'ont pas d'activité professionnelle (voir étude OCDE). Or 93 % des travailleurs d'ESAT sont des handicapés mentaux et psychiques. Quatrièmement, la réforme en cours mettra en difficulté un certain nombre d'ESAT pour lesquels l'ancien dispositif apportait une compensation de leurs difficultés (prévue dans la loi de 2005) par rapport à la concurrence d'entreprises ordinaires dans plusieurs secteurs ; elle mettra en danger l'emploi des personnes handicapées. Il est donc urgent de renoncer à une approche réductrice et stérile de l'inclusion qui ne peut que priver les personnes handicapées des droits fondamentaux (formation, emploi, ...). Des associations professionnelles proposent que la rédaction en cours du décret, censé prendre en compte les efforts des employeurs en direction des personnes handicapées et, notamment, leur coopération économique avec les ESAT et les EA, réintègre les 50 % d'exonération maximale lorsque les entreprises passent des accords importants avec le milieu protégé et adapté. Mais les discussions actuelles ne vont pas dans le bon sens car elles ne réintègrent que très partiellement les dispositions antérieures sans lesquelles les ESAT vont se trouver en grande difficulté. Elles rappellent enfin que le droit au travail n'existera réellement que si les personnes handicapées disposent d'un ensemble de modalités d'emploi diversifiées, fluides et complémentaires. C'est le rôle des ESAT et EA d'y contribuer. Il souhaite donc connaître ses intentions sur ces questions.

Réponse émise le 16 avril 2019

La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » réforme l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés conformément à l'engagement souscrit en comité interministériel du handicap du 20 septembre 2017 afin de lutter contre le chômage de masse des personnes handicapés, soit le double de celui des personnes valides, et permettre aux personnes handicapées d'accéder à un emploi et travailler comme les autres. Trente ans après la loi de 1987 qui a créé l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés à hauteur de 6% des effectifs salariés, cette réforme était indispensable pour donner sa pleine effectivité à cette obligation, alors que le taux d'emploi direct dans le secteur privé n'est de 3,5 %, et ne progresse que de 0,1% par an. Si cette réforme vise à augmenter le taux d'emploi des travailleurs handicapés en entreprise, elle n'a pas pour objectif d'opposer emploi direct et emploi indirect car les achats de biens et services auprès des entreprises adaptées, des établissements spécialisés d'aide par le travail et des travailleurs indépendants handicapés (contrats de sous-traitance) restent valorisés. La loi du 5 septembre 2018 change seulement les modalités de prise en compte de ces achats. Les modalités actuelles, très complexes, d'acquittement des contrats de sous-traitance sont remplacées par une nouvelle valorisation. Les contrats de sous-traitance seront toujours pris en compte mais sous forme de déduction à la contribution des entreprises. Dans le cadre de la concertation avec les partenaires sociaux et les représentants des associations, l'Etat s'est engagé à ce que ce nouveau mode de valorisation s'inscrive dans un principe de neutralité afin de garantir un effet incitatif de la sous-traitance pour les entreprises. Plusieurs réunions de travail ont eu lieu ces derniers mois entre les services de l'Etat, les représentants des secteurs adaptés et protégés et les partenaires sociaux pour définir ces modalités de calcul. Elles sont inscrites dans un projet de décret qui fait actuellement l'objet de consultation officielle, avec un objectif de neutralité financière par rapport à aujourd'hui. Les activités des ESAT, EA et TIH ne seront donc pas impactées par ce nouveau mode de calcul. Le Gouvernement soutient pleinement le rôle joué par les entreprises adaptées et les établissements et service d'aide par le travail (ESAT) dans l'insertion des travailleurs handicapés, comme en atteste l'engagement national conclu le 12 juillet dernier avec l'Union nationale des entreprises adaptées (UNEA), APF France handicap et l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales, et de leurs amis (UNAPEI). Les signataires se sont engagés à créer 40 000 emplois supplémentaires en entreprises adaptées pour les personnes en situation de handicap d'ici 2022, l'Etat s'engageant à accompagner cet objectif par un effort budgétaire. Les différentes aides publiques seront portées à 500 millions d'euros par an d'ici 2022. Parallèlement, le Gouvernement a prévu différentes mesures pour accompagner les entreprises dans cette réforme de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés. Tout d'abord, la loi valorise toutes les formes d'emploi des travailleurs handicapés (stages, période de mise en situation professionnelle, intérim). Ces formes d'emploi pourront être comptabilisées dans le taux d'emploi direct des entreprises. Par ailleurs, le Gouvernement a lancé en juillet 2018 une concertation visant à rénover et mettre en cohérence l'offre de services aux entreprises au bénéfice de l'emploi des travailleurs en situation de handicap.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.