M. Xavier Batut attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur la lutte contre le commerce illicite du tabac. En effet, malgré le doublement des amendes, passant de 2 500 euros à 5 000 euros, la contrebande de cigarettes sur internet est en augmentation. Aussi, en 2017, ce ne sont pas moins de 88 millions de paquets vendus par ce biais selon une étude KPMG, et 100 millions en 2018. Ce trafic entraîne des multiples pertes économiques pour les buralistes, l'État français et l'Union européenne. En tout, la perte financière est estimée à 12 milliards d'euros à l'échelle nationale et européenne. Cette perte est estimée à 100 millions d'euros pour le marché du tabac à chicha. De ce fait, il souhaiterait connaître ses intentions pour lutter contre la contrebande sur internet.
Le développement massif du e-commerce s'est accompagné d'une hausse, en parallèle, des fraudes douanières sur les petits envois par fret express et fret postal. Ce phénomène concerne particulièrement la vente de cigarettes et de tabac à narguilé, et se trouve facilité par la multiplicité des sites internet, le plus souvent situés hors de l'Union Européenne, et par le développement de groupes de discussions fermés sur les réseaux sociaux. Il est par nature délicat d'évaluer l'ampleur du phénomène de contrebande de cigarettes sur internet. L'étude du cabinet KPMG, commandée et financée par les fabricants de tabac, soulève des questions quant à sa méthode et à son caractère indépendant. Une étude officielle commandée par la douane et la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) à l'observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) estime que la part des achats illégaux est aujourd'hui inférieure à 10% (soit 3% pour les achats sur internet et 6% pour les achats auprès d'un revendeur non autorisé). Une nouvelle étude sera lancée en 2019. La lutte contre la contrebande de produits de tabac est, sur internet comme d'une manière générale, l'une des grandes priorités fixées à la douane par le ministre de l'action et des comptes publics. Cette lutte se mène à tous les niveaux : évolution de l'arsenal juridique, contrôle physique des colis, recherche de la fraude sur Internet en amont. 1/Arsenal juridique : - Depuis le 1er janvier 2015, la vente à distance du tabac à destination de la France est interdite, et s'applique aux ventes sur internet quel que soit le lieu d'établissement du vendeur (pays tiers ou État membre de l'Union européenne). - Les sanctions fiscales en matière de vente de tabac ont été renforcées par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude. Le montant des amendes applicables en cas de fabrication, de détention, de vente ou de transport illicites de tabac, a ainsi été doublé, ce qui porte le montant maximal à 5 000 euros au lieu de 2 500 euros. Lorsque les faits sont commis en bande organisée, le montant maximal de l'amende est compris entre 50 000 euros et 250 000 euros. - Ces amendes s'ajoutent aux pénalités, qui sont comprises entre une et cinq fois le montant des droits fraudés, et la peine de prison encourue peut être portée à un an. Lorsque les faits sont commis en bande organisée, les pénalités sont comprises entre cinquante et cent fois le montant des droits fraudés. - Enfin, les fournisseurs d'accès à internet et les hébergeurs ont l'obligation d'informer le public de l'illégalité de l'achat de tabac sur internet, sous peine de sanctions pénales. 2/Contrôle des colis : La douane contrôle les colis au moment de leur importation dans les centres de fret express et les centres de traitement des colis postaux. Compte tenu des volumes considérables et de l'éclatement des envois, des techniques d'analyse de risque et de ciblage sont mis en œuvre pour chaque secteur de fraude. Celles-ci sont continuellement perfectionnées grâce au datamining, qui permet l'exploitation des données issues des applications de dédouanement, mais aussi des renseignements collectés. Les agents des douanes peuvent à cette occasion effectuer des « livraisons surveillées » de certains envois, afin d'identifier les destinataires réels des marchandises et la structuration des filières. 3/Recherche de la fraude et enquêtes en amont : Les deux services nationaux d'enquête de la douane – la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) pour les enquêtes administratives et le Service national de douane judiciaire (SNDJ) pour les enquêtes judiciaires – sont mobilisés sur la question de la contrebande de tabac. Dès 2009, une unité dédiée à la lutte contre la fraude sur internet, Cyberdouane, a été mise en place au sein de la DNRED. Ce service est composé de 13 analystes qui traquent en priorité les vendeurs de tabac (cigarettes et tabac à narguilé) sur les sites de vente en ligne, sur les plateformes de e-commerce et sur les réseaux sociaux qui représentent aujourd'hui une part importante des ventes illégales, mais aussi sur le « dark web ». Les moyens humains et matériels de Cyberdouane ont été étoffés au cours des dernières années. Ses outils informatiques permettent par exemple d'identifier automatiquement les propositions de vente de tabac sur les réseaux sociaux ou les sites de e-commerce et d'en avertir les agents, ou encore de tracer certaines cryptomonnaies. Cyberdouane dispose, dans le cadre de ses missions, de différents instruments juridiques prévus par le code des douanes : - Le droit de communication permet de solliciter les acteurs d'internet pour obtenir les informations qu'ils détiennent sur leurs clients ; - Les « coup d'achat » permettent aux agents de la douane, avec l'autorisation du procureur de la République, d'acquérir du tabac sur internet sans être pénalement responsables de leurs actes. Cette procédure spécifique d'enquête s'inscrit directement dans la lutte contre la cybercriminalité et implique le recours à des techniques particulières et à des moyens de paiement adaptés ; - Enfin, la loi du 4 juin 2016 relative au renforcement de la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, rend possible, avec l'accord du procureur de la République, la recherche et la constatation d'infractions par les cyberdouaniers agissant sous pseudonyme. Cette possibilité qui permet la prise de contact et l'infiltration au sein de groupes de discussions privés (sur les réseaux sociaux notamment) est particulièrement précieuse, compte tenu de la nécessité de lever l'anonymat des infracteurs. Les moyens juridiques et techniques de Cyberdouane lui permettent de concentrer ses efforts sur les enquêtes visant à démanteler les filières d'approvisionnement. En 2018, les dossiers transmis par Cyberdouane aux services opérationnels ont par exemple permis la saisie de 1,2 tonne de tabac à chicha à Marseille et de près d'une tonne à Nantes.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.