M. Jean François Mbaye appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la reprise par le Japon de la pêche à la baleine à des fins commerciales. Le 30 juin 2019, le Japon quittait la Commission baleinière internationale (CBI) mettant ainsi fin à une adhésion de près de 70 ans. Le 1er juillet 2019, des baleiniers japonais déchargeaient deux spécimens de rorquals sur les côtes de l'île de Hokkaido. Trois jours plus tard, le 4 juillet 2019, leur viande se retrouvait sur les étals des marchés. En moins d'une semaine, le Japon s'affranchissait ainsi par la manière forte du moratoire de 1986 ayant suspendu la pêche à la baleine à des fins commerciales, et dont il n'avait finalement pu avoir raison malgré des tentatives réitérées au sein de la CBI. D'aucuns ont salué la décision des autorités nippones de quitter la CBI. En effet, dorénavant simple observateur au sein de la Commission, le pays du soleil levant ne pourra plus user des manœuvres d'obstruction qu'il employait jusqu'à présent afin d'entraver les mesures prises en faveur de la protection des cétacés. Néanmoins, et au-delà de la disparition de sa contribution au fonctionnement de la CBI, le retrait du Japon lui permet désormais de reprendre librement des activités de pêche dont les retombées économiques incertaines ne diminuent en rien le préjudice qu'elles causeront inéluctablement à la préservation des baleines. En effet, et dans la mesure où le Japon respecte son engagement de restreindre la traque des cétacés à sa zone économique exclusive (ZEE), de nombreux professionnels, dont le président de la Fédération japonaise de la pêche à la baleine, expriment des craintes quant à la qualité des produits qui seront issus des spécimens capturés. De même, et en dépit des 134 prises effectuées en 2018 à des fins scientifiques, l'on estime que la proportion de baleine dans la consommation totale de viande de l'archipel nippon est aujourd'hui inférieure à 0,1 %. Il ressort de cette situation que le rapport entre les bénéfices attendus et les risques en présence apparait comme largement défavorable. De plus, si le Japon n'est plus membre de la CBI, il demeure néanmoins partie à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) de 1973, qui prohibe le commerce international de ces dernières. Or, parmi les espèces de cétacés que le Japon entend soumettre à la réouverture de la pêche à des fins commerciales, trois d'entre elles figurent dans l'annexe I de la CITES. Si cette Convention ne trouve pas à s'appliquer aux ZEE, le Japon, en autorisant la pêche de ces espèces dont il sait qu'elles sont menacées d'extinction, se retrouve en contradiction avec ses engagements internationaux. Dès lors, il souhaite l'interroger sur la manière dont les instances diplomatiques françaises entendent intervenir auprès des autorités nippones afin de les détourner d'une décision manifestement déraisonnable au regard de la gravité du déclin que connaît aujourd'hui la biodiversité mondiale. Le cas échéant, il souhaiterait également connaître les intentions du Quai s'agissant d'une éventuelle dénonciation des agissements japonais devant la communauté internationale.
La décision du Japon de se retirer de la Commission baleinière internationale (CBI) a pris effet le 1er juillet 2019. La France a déploré publiquement cette décision dès son annonce le 26 décembre dernier. Désormais le Japon n'est plus tenu d'observer le moratoire sur la chasse commerciale à la baleine dans ses eaux territoriales. Sa décision l'oblige néanmoins à renoncer à la chasse scientifique qu'il pratiquait jusqu'à présent dans les eaux internationales, notamment en Antarctique. Trois espèces, déjà exploitées dans le programme de chasse scientifique, devraient être touchées : le petit rorqual, le rorqual tropical et le rorqual boréal. Globalement, les populations de ces espèces présentes dans les eaux japonaises se trouvent dans un état de conservation moins défavorable que celles de l'Antarctique. En outre, le nombre d'individus capturés devrait être moins élevé que le nombre d'individus chassés dans le cadre de la chasse scientifique. Pour 2019, les quotas (52 pour les petits rorquals, 25 pour les rorquals boréaux et 150 pour les rorquals tropicaux) ont été fixés en utilisant l'algorithme de calcul du comité scientifique de la Commission baleinière internationale (CBI), qui est également utilisé par la Norvège. Les quotas établis grâce à ce modèle mathématique sont unanimement reconnus comme favorisant fortement la conservation. En quittant la CBI, le Japon s'est libéré de ses obligations de déclaration de ses captures et de transparence au titre de la Convention baleinière. Cependant, cette situation peut paradoxalement encourager ce pays à adopter des pratiques de chasse plus responsables, car il ne peut désormais plus chasser que dans sa zone économique exclusive (ZEE). La Japon pâtirait ainsi directement d'une surexploitation, sans pouvoir déporter son activité sur des populations plus éloignées. L'abandon de la chasse en Antarctique et son déplacement vers la ZEE permet au Japon d'envisager une chasse locale commercialement équilibrée avec des quotas limités, et de faire l'économie des coûts logistiques considérables que représente l'organisation d'une campagne en Antarctique. Par ailleurs, le retrait du Japon de la CBI ne sera pas neutre sur le plan budgétaire pour l'institution et ouvre une période de mutation. Cette situation nouvelle impose à cette organisation de repenser sa finalité en tant que structure internationale de gestion de la chasse baleinière qui pourrait évoluer vers une organisation de conservation de tous les cétacés et de l'évaluation scientifique de l'état de conservation de ces espèces. La chasse ne constitue, en effet, qu'une des pressions anthropiques qui s'exercent sur les cétacés. La France estime donc nécessaire d'étendre le champ des compétences de la CBI à la résolution des autres interactions avec des activités humaines, qui sont autant d'enjeux de conservation au moins aussi importants que la chasse (les captures accidentelles sont le premier facteur de décès non naturel des cétacés, et les dernières estimations laissent penser que l'impact des collisions sur les baleines serait au moins équivalent à celui de l'ensemble de la chasse dans le monde). La situation actuelle constitue donc une opportunité pour les Etats membres de la CBI de mettre davantage en accord les missions de l'organisation avec les priorités actuelles de conservation : pollutions, collisions, captures accidentelles, dérangements, réchauffement climatique, etc. La France reste particulièrement attachée à la poursuite d'un dialogue ouvert avec le Japon en matière de gestion durable et la conservation des ressources baleinières.
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