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Philippe Latombe
Question N° 23212 au Ministère de l'économie


Question soumise le 1er octobre 2019

M. Philippe Latombe attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la situation de la production de pneumatiques pour poids lourds. Dans sa circonscription, le site Michelin de La Roche-sur-Yon, qui est implanté depuis plus de 40 ans et emploie environ 610 salariés, rencontre de grandes difficultés, en raison d'une baisse importante des commandes. Les marchés européens de pneumatiques subissent la montée en puissance du segment d'entrée de gamme, notamment en provenance de Chine. Concernant les pneumatiques pour poids lourds, la capacité de production installée en Chine représente désormais plus de la moitié de la capacité mondiale de production installée, elle-même supérieure de près d'un tiers à la taille du marché. De ce fait, le seul moyen pour les manufacturiers chinois de couvrir leurs coûts fixes est d'exporter, quitte à le faire à perte, dans un contexte de mise en place généralisée de barrières douanières ou techniques, où seul le marché de l'Union européenne leur reste accessible. Depuis mai 2018, la Commission européenne a instauré des mesures anti-dumping à l'adresse des importations chinoises de pneumatiques pour poids lourds. Si celles-ci ont permis d'endiguer momentanément l'arrivée massive de produits d'entrée de gamme asiatiques, elles font l'objet de stratégies de contournement : les fabricants chinois annoncent en effet la construction d'usines dans des pays non concernés par les mesures anti-dumping. À cette évolution des marchés du pneumatique s'ajoutent, en Europe de l'Ouest, les handicaps compétitifs structurels : les coûts de production sont en moyenne 30 % plus élevés, en raison principalement d'un coût du travail 3,7 fois plus élevé à l'ouest qu'à l'est. Ce handicap de compétitivité explique la désindustrialisation accélérée de l'Europe de l'ouest en matière de production de pneumatiques, au profit de l'est. Michelin a fait le choix de garder des sites à l'ouest, mais le phénomène de migration à l'est des autres acteurs, voire d'implantations directes de certains acteurs asiatiques à l'est, confère à ces derniers un avantage compétitif indéniable. Pourtant, les arguments en faveur du pneumatique français haut de gamme sont indéniables face à son concurrent asiatique low cost à usage unique. Il est en effet conçu pour être rechapable, jusqu'à 2 fois, soit une durée de vie de 600 000 km. Un pneumatique d'entrée de gamme importé fera en moyenne 120 000 km, soit 5 fois moins. Un pneu de poids lourd rechapé permet, grâce à la récupération de matière et à une durée de vie supérieure, d'économiser 70 % de matière et d'éviter 50 kg de déchets, puisque seule sa bande de roulement est changée. Le rechapage est donc un modèle d'économie circulaire. Dans ce contexte difficile, qui met notamment en danger l'existence de sites de production et des emplois, il est urgent d'intervenir. Il lui demande comment, dans un esprit de co-construction, et notamment à la faveur du projet de loi sur l'économie circulaire, il serait possible d'agir de concert afin de préserver une production nationale vertueuse, car à la fois économique pour le consommateur et protectrice de l'environnement, et ainsi de sauvegarder l'emploi sur les sites de production.

Réponse émise le 3 mars 2020

Le marché du pneumatique poids lourds est soumis à la fois à une forte concurrence, notamment chinoise qui représente aujourd'hui 30% de parts de marché en Europe, et à une évolution de la demande qui se déplace de produits premium vers des produits d'entrée de gamme. Entre 2010 et 2018 la part de marché des pneumatiques premium poids lourds en Europe est passée de 59% à 49%. Dans ce contexte, Michelin a annoncé, le 10 octobre dernier, la fermeture de son site de La Roche-sur-Yon et la suppression sur le site de Cholet de 74 postes relatifs à une activité directement liée à la production de La Roche-sur-Yon. Le groupe a engagé avec les salariés, la négociation d'un plan de sauvegarde de l'emploi. L'État est particulièrement attentif à la manière dont est élaboré ce plan, à la qualité de la concertation avec les organisations représentatives du personnel et à l'effectivité des offres de reclassement interne et externe au groupe Michelin. L'État s'assurera aussi que le groupe Michelin respecte ses obligations en matière de recherche de repreneur, de revitalisation du territoire et d'avenir du site de La Roche-sur-Yon. Les services de l'État, au niveau central et localement sous l'autorité du préfet de Vendée, suivent la situation au plus près et des points d'avancement sont effectués régulièrement avec la direction de Michelin. Face à une suspicion de concurrence déloyale, l'État via la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) mènera très prochainement une campagne ambitieuse de contrôle de l'adéquation entre l'étiquetage et les performances réelles des pneumatiques vendus sur le marché français. Le Gouvernement est favorable au développement du rechapage qui est une technologie environnementalement vertueuse et économiquement pertinente. Le projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, en cours d'examen par le Parlement, vise notamment à développer la réutilisation des produits ; à ce titre le rechapage des pneumatiques s'inscrit pleinement dans cet objectif. Un amendement au texte initial a d'ailleurs été introduit en première lecture par les sénateurs pour faciliter l'accès des pneus rechapés et rechapables aux marchés publics. Le Gouvernement sera attentif à soutenir cet objectif.

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