Mme Anne Blanc attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès de la ministre des armées, sur la question de la réhabilitation des « fusillés pour l'exemple » de la Première Guerre mondiale. Il y a un siècle, le monde fut durement frappé et ébranlé par cette guerre tragique qui fit, malheureusement, plusieurs millions de victimes civiles et militaires. En France, 2 400 poilus ont été condamnés à mort et environ 600 furent fusillés pour l'exemple, autant d'exécutions justifiées à l'époque par des refus d'obéissances, des abandons de poste devant l'ennemi, ou encore des mutilations volontaires pour ne citer que ces quelques exemples au titre de procès sommaires et expéditifs. Le gouvernement britannique a, en 2006, par voie législative, fait le choix de réhabiliter les 306 soldats britanniques « fusillés pour l'exemple » de la Première Guerre mondiale. Si le Gouvernement considère que l'histoire de ce fusillés doit être envisagée selon un travail mémoriel et pédagogique de fond qui vise à l'apaisement et à la valorisation de cette mémoire, celui-ci n'est pas incompatible avec la question d'une réhabilitation collective de ces hommes qui grandirait la Nation. Aujourd'hui, et plus encore après les célébrations du centenaire de cette Première Guerre, nombreuses sont les associations qui réclament une juste reconnaissance de ces soldats et de leur mémoire. C'est pourquoi elle lui demande quelles dispositions serait prêt à prendre le Gouvernement pour rétablir l'honneur de ces fusillés et envisager une réhabilitation collective officielle.
Le cas des « fusillés pour l'exemple » a très tôt suscité un questionnement, et plusieurs lois prévoyant l'amnistie de certaines condamnations sont intervenues entre 1921 et 1932. Dans ce contexte, l'annulation du jugement d'origine a souvent été prononcée et la réhabilitation ordonnée. D'autres situations ont connu un aboutissement beaucoup plus tardif. Depuis 1998, les plus hautes autorités de l'État ont opté pour une politique d'apaisement s'agissant de ce sujet très sensible. Ainsi, le 11 novembre 1998, Monsieur Lionel Jospin, alors Premier ministre, avait émis le souhait que les « fusillés pour l'exemple » réintègrent pleinement la mémoire collective nationale. Dix ans plus tard, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, soulignait que « beaucoup de ceux qui furent exécutés alors ne s'étaient pas déshonorés, n'avaient pas été des lâches mais que simplement ils étaient allés jusqu'à l'extrême limite de leurs forces ». Plus récemment, dans le cadre commémoratif exceptionnel lié au centenaire de la Première Guerre mondiale, un comité d'experts, présidé par l'historien Antoine Prost, a élaboré un rapport sur la problématique de la place accordée aux « fusillés pour l'exemple » dans la mémoire collective. Ce document, finalisé en octobre 2013, a permis de dresser un état des lieux du sujet en engageant une réflexion sur les traitements possibles de cette question par la Nation. Constatant que la réintégration des fusillés dans la mémoire nationale ne peut plus passer par le témoignage, direct ou indirect, le rapport de cette commission suggérait plusieurs mesures susceptibles d'offrir une forme de réhabilitation morale et civique, telles la numérisation des dossiers de conseils de guerre, la réalisation d'un monument ou la construction d'une salle d'exposition. Toutefois, il n'a pas été envisagé de réhabilitation totale et collective à supposer qu'elle soit possible juridiquement, position toujours en vigueur. Dans le prolongement des préconisations de ce rapport, un important travail de dépouillement des fonds d'archives des conseils de guerre, puis de numérisation des minutes de jugement et des dossiers de procédure concernant les soldats fusillés entre 1914 et 1918 a été effectué. Depuis le 11 novembre 2014, ces documents historiques peuvent être consultés sur le site internet « Mémoire des hommes » du ministère des armées www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr où ils font l'objet d'une présentation organisée en quatre parties : le fonctionnement de la justice militaire, les archives des conseils de guerre, le corpus des fusillés, ainsi qu'une bibliographie. De plus, dans son parcours consacré à la Grande Guerre, le musée de l'Armée a installé une borne permettant de consulter des documents d'archives et aménagé une salle sur le thème des fusillés. L'histoire des « fusillés pour l'exemple » doit être envisagée selon un travail mémoriel et pédagogique de fond, qui vise à l'apaisement et à la valorisation de cette mémoire. Il ne s'agit plus en effet aujourd'hui de juger ou de rejuger, mais de se souvenir et de comprendre.
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